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dimanche 22 juin 2025

Les prescriptions inhérentes à la présentation d'une requête par un accusé alléguant la violation de l'un des ses droits constitutionnels

R. c. Lecompte, 2019 QCCS 5099


E-        La réponse de la poursuite à une requête sous le par. 24(2) de la Charte

[187]     Dans le cadre de la gestion de l’instance, le juge peut exiger une réponse de la poursuite à la présentation d’une demande d’exclusion de la preuve sous le paragraphe 24(2) de la Charte.

[188]     Cela ne s’avère pas mal avisé, en soi. 

[189]     Cependant, si celle-ci constitue un excellent moyen de cerner la portée du débat et la position de la poursuite, elle ne saurait fonder la décision du juge de gestion de rejeter sommairement une requête. En effet, comme on l’a vu précédemment, le droit relatif à l’irrecevabilité ne supporte pas une telle approche, car les faits contenus dans une requête doivent être tenus pour avérés[65].

F-        Les conséquences de l’omission de fournir une requête détaillée

[190]     Évidemment, lorsqu'un droit garanti par la Charte entre en jeu, le juge du procès ou de gestion de l’instance fera preuve de prudence avant de refuser une audition à l’égard d’une violation alléguée.

[191]     Comme l’explique le juge Doherty dans l’arrêt R. c. Loveman, une décision rendue le même jour et par la même formation que dans l’arrêt Kutynec, il s’agit d’un examen contextuel qui tient compte des circonstances de chaque dossier :

A trial judge must control the trial proceedings so as to ensure fairness to all concerned and preserve the integrity of the trial process. The specific situations in which the trial judge must exercise that power are infinitely variable and his or her order must be tailored to the particular circumstances. In the exercise of this inherent power, a trial judge may decline to entertain a motion where no notice, or inadequate notice, of the motion has been given to the other side. This must be so even when the motion involves an application to exclude evidence pursuant to s. 24(2) of the Charter. Clearly, where a Charter right is at stake, a trial judge will be reluctant to foreclose an inquiry into an alleged violation. There will, however, be circumstances where no less severe order will prevent unfairness and maintain the integrity of the process[66].

[Le soulignement est ajouté]

[192]     Bien que l’affaire Loveman mette en cause une situation où il n’existait pas de règles de procédure exigeant un avis de présentation, les observations additionnelles du juge Doherty paraissent néanmoins pertinentes et méritent d’être reproduites :

In deciding how to proceed when faced with the Crown's objection, the trial judge had to balance various interests. He had to bear in mind an accused's right to raise constitutional objections to the admissibility of evidence and the Crown's right to have an adequate opportunity to meet Charter arguments made on behalf of an accused. In addition, the trial judge had to be concerned with the effective use of court resources and the expeditious determination of criminal matters. This latter factor was of particular concern in this case because there had already been some considerable delay (attributable to the appellant) in bringing the matter to trial.

In balancing those interests in this case, the trial judge should have considered the absence of any statutory rule or practice direction requiring notice, the notice that was given to the Crown, the point during the trial proceedings when the appellant's counsel first indicated he intended to seek exclusion under s. 24(2) of the Charter, and the extent to which the Crown was prejudiced by the absence of any specific reference to a Charter-based argument in the notice given to the Crown. The trial judge also should have considered the specific nature of the Charter argument which counsel proposed to advance and the impact the application could have on the course of the trial.

This particular application would have had no effect on the course of the trial, save adding legal argument. This was not a case where the different onus arising in Charter applications need have had any effect on the manner in which the evidence was led. The evidence relevant to the Charter application was the same evidence which the Crown was obliged to lead in its effort to demonstrate compliance with the Criminal Code.

In my opinion, the trial judge did not properly balance the various interests. His ruling sacrificed entirely the appellant's right to advance a Charter-based argument. The other interests engaged did not require the order made by the trial judge. As Crown counsel suggested, there were other alternatives. The trial judge could have heard the entire case except the Crown's legal argument in reply to the Charter argument, and then, if necessary, (and it may well not have been necessary) allowed Crown counsel a brief adjournment to prepare his response to the legal issues flowing from the Charter argument.

This procedure would have better served the interests of the effective administration of justice by allowing the appellant to make his Charter argument while at the same time allowing the Crown to make an effective response to that argument. The procedure would have resulted in only a minimal, if any, delay in the ultimate disposition of the case and would not have significantly interfered with the orderly operation of the trial court.

The trial judge appears to have considered only the two extreme alternatives of either hearing the entire matter that day with or without the Charter application, or putting the entire matter over to some subsequent day to give the Crown an ample opportunity to prepare for the Charter application. He should have considered the other alternatives. Had he done so, I am confident that he could have accommodated the appellant's Charter application without sacrificing the competing interests.

The penalty imposed on the appellant for failing to give specific notice of his Charter argument was, in the circumstances, unwarranted, went beyond what was needed to ensure fairness to both parties and preserve the integrity of the trial process, and resulted in a miscarriage of justice within the meaning of s. 686(1)(a)(iii) of the Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46[67].

[Le soulignement et les caractères gras sont ajoutés]

[193]     À la suite des arrêts Jordan et Cody, plusieurs des facteurs identifiés par le juge Doherty conservent toute leur pertinence dans l’interprétation des pouvoirs de gestion de l’instance contenus à la partie XVIII.1 du Code criminel et l’exercice de la discrétion du juge de gestion.

[194]     Ainsi « une requête sérieuse, qui a de véritables chances de succès, ne devrait pas être rejetée sommairement pour la simple et unique raison qu’elle est présentée tardivement »[68] ou « pour le seul motif que l’accusé ne l’a pas signifiée dans le délai de 30 jours requis par l’art. 104 du Règlement de la Cour du Québec »[69].

[195]     Comme tenu de l’importance accordée par le juge de gestion au dépôt d’une déclaration sous serment par l’accusé, il convient de reproduire les articles pertinents du Règlement :

2. Il a pour objet d’assurer, dans le respect du Code de procédure civile (chapitre C-25.01), la bonne exécution de la procédure établie par ce Code et de favoriser le bon fonctionnement de chacune des chambres de la Cour du Québec et doit s’appliquer de manière à assurer une saine gestion des instances et un traitement efficace des dossiers, dans le cadre d’une bonne administration de la justice.

3. Modification de règles et exemption d’application. Dans une instance, le juge peut, compte tenu des circonstances spéciales de l’affaire dont il est saisi, modifier une règle ou exempter une partie ou une personne de son application.

 

103. Requête. Toute requête comprend un énoncé des faits invoqués à son soutien. Elle est accompagnée d’un affidavit du requérant les appuyant et d’un avis de présentation.

La requête comprend:

1°  un exposé concis de son objet;

2°  un exposé des moyens qui seront plaidés;

3°  un exposé détaillé de ses fondements factuels, propres à l’instance en question.

Si, pour statuer sur la requête, le juge a besoin d’une transcription, le requérant signifie et dépose celle-ci avec la requête.

104. Signification. Toute requête est signifiée à la partie adverse ou à son avocat lorsque prévu, ainsi qu’au juge coordonnateur ou au juge coordonnateur adjoint avec un avis de présentation d’au moins 10 jours, à moins qu’il n’en soit autrement décidé par le juge.

Dans le cas d’une requête en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), (1982, c. 11), elle doit être signifiée dans un délai d’au moins 30 jours.

La requête doit également être produite au greffe dans les meilleurs délais après sa signification[70].

[196]     Comme il le prévoit spécifiquement, le Règlement a pour objet d’assurer la bonne exécution de la procédure et de favoriser le bon fonctionnement de la Cour du Québec. Il doit s’appliquer de manière à assurer une saine gestion des instances et un traitement efficace des dossiers, dans le cadre d’une bonne administration de la justice.

[197]     Le Règlement partage ainsi les mêmes objectifs que ceux de la partie XVIII.1 du Code criminel soit la tenue d’un procès équitable et efficace.

[198]     La requête comprend : 1) un énoncé des faits invoqués à son soutien; 2) un affidavit du requérant les appuyant et 3) un avis de présentation.

[199]     Plus précisément, la requête doit comporter : 1) un exposé concis de son objet; 2) des moyens qui seront plaidés et 3) un exposé détaillé de ses fondements factuels.

[200]     On notera immédiatement que la déclaration sous serment appuie l’énoncé des faits invoqués à son soutien.

[201]     Or, le déclarant doit avoir une connaissance personnelle des faits[71].

[202]     Il ne saurait en être autrement d’une déclaration sous serment au soutien d’une requête en exclusion de la preuve sous le paragraphe 24(2) de la Charte.

L’exigence ou non de la déclaration sous serment à l'appui de la requête alléguant la violation d'un droit constitutionnel de l'accusé

R. c. Lecompte, 2019 QCCS 5099

Lien vers la décision


[224]     Abordons maintenant plus spécifiquement l’exigence de la déclaration sous serment prévue à l’article 103 du Règlement.

[225]     Traditionnellement, c’est « la demande qui repose sur des faits dont la preuve n’est pas au dossier » qui doit être « appuyée du serment de celui qui les allègue »[84].

[226]     Or, le dossier pertinent pour les fins d’un voir-dire constitutionnel et d’une demande d’exclusion de la preuve sous le par. 24(2) s’avèrera, la plupart du temps, ce que la poursuivante « allègue ou entend alléguer dans les poursuites intentées contre [l’accusé]»[85] et dont on retrouve la teneur dans la communication de la preuve[86].

[227]     L’importance accordée à la déclaration sous serment lors de la gestion de l’instance dans la présente affaire exige d’examiner l’analyse proposée par le juge Sharpe dans l’arrêt R. v. Blom[87], une affaire où l’avis de présentation de l’accusé était chétif[88] et la déclaration sous serment absente[89]. Cette décision présente certaines similitudes avec la présente affaire.

[228]     Le juge Sharpe souligne tout d’abord que l’exercice de la discrétion judiciaire en matière de gestion de l’instance s’apprécie à l’aune de la déférence[90].

[229]     L’approche formulée par le juge Sharpe au sujet des modalités procédurales des questions entourant un voir-dire constitutionnel s’applique à l’interprétation des articles 3, 103 et 104 du Règlement :

[21]      Rule 30, requiring notice of Charter applications to exclude evidence, is a procedural rule.  Its purpose is to facilitate the fair and expeditious determination of Charter issues by ensuring that neither party is taken by surprise at trial and that the both parties have adequate notice of the factual and legal basis for the Charter application.  As has been frequently observed, procedural rules are servants not masters.  They are servants to the cause of the just and expeditious resolution of disputes.  Procedural rules are important, but they are not to be rigidly applied without regard to their underlying purpose.  This is made clear by the Rules themselves.  Rule 1.04 requires that Rule 30 “be liberally construed to secure simplicity in procedure, fairness in administration and the elimination of unjustifiable expense and delay”.  Rule 2.01 provides that failure to comply with Rule 30 is a mere “irregularity” and that even where a rule has not been followed, to the extent possible, steps should be taken “to secure the just determination of the real matters in dispute”.

[22]      These provisions establish that where a procedural rule such as Rule 30 is invoked to foreclose consideration of a Charter issue, non-compliance with the rule is not necessarily fatal to the Charter application.  Rather, the trial judge is required to consider and weigh a variety of factors to determine what course of action is required by the purpose of the rule. See R. v. Loveman (1992) supraR. v. Lavallata (1999), 47 M.V.R. (3d) 326 (Ont. C.J.).

[23]      Where a party complains of inadequate notice, it is crucial for the trial judge to consider the issue of prejudice: does the failure to provide adequate notice put the opposite party at some unfair disadvantage in meeting the case that is being presented?  If there is no real prejudice, inadequate notice should not prevent consideration of the Charter application.  If the inadequate notice does put the opposing party at a disadvantage, the court must consider whether something less drastic than refusing to consider the Charter argument, but still consistent with the goal of achieving “fairness in administration and the elimination of unjustifiable expense and delay”, can be done to alleviate that prejudice.  If so, that course should be followed in preference to an order refusing to entertain the Charter application.

[24]      The appellant’s Notice of Charter application was factually skeletal and it failed to indicate that the appellant would rely upon s. 7.  However, the Notice should be considered in the light of the charges the appellant faced and the nature of the argument he sought to advance. 

[25]      This was a routine prosecution for a routine offence.  The appellant’s Charter argument was not factually complex.  It was based on the undisputed facts of the encounter between the police officer and the appellant at the scene of the accident and on the appellant’s reason for admitting to the officer that he was the driver of the vehicle.  The voir dire involved little evidence that would not be heard on the trial proper.  It was conducted during the course of the trial, and quite apart from the Charter application, a voir dire was required to determine voluntariness of the appellant’s statement to the police officer in any event.  The Charter argument rested on precisely the same facts as the voluntariness issue. 

[26]      Nor was the Charter argument novel from a legal perspective, and did not require extensive legal research.  The appellant’s argument rested squarely on the application of a recent decision of the Supreme Court of Canada that would almost certainly be very familiar to a prosecutor appearing before a court dealing with drinking and driving offences.

[27]      In view of the factual and legal issues raised by the Charter application, it is difficult to see how the appellant’s defective Notice caused any prejudice to the Crown.  There is no suggestion that the Crown would have called additional evidence on the Charter point.  Nor is there any suggestion that Crown counsel would have conducted the examination of witnesses any differently had the notice been more complete.  As already mentioned, the legal issue was routine and one Crown counsel could reasonably be expected to address without extensive preparation.  At best, the Crown might have required a brief adjournment to review the White decision.  The situation is similar to that presented in R. v. Lovemansupra at 127 where Doherty J.A. held:

[28]      In my opinion, the trial judge did not properly balance the various interests.  His ruling sacrificed entirely the appellant’s right to advance a Charter-based argument.  The other interests engaged did not require the order made by the trial judge.  As Crown counsel suggested, there were other alternatives.  The trial judge could have heard the entire case except the Crown’s legal argument in reply to the Charter argument, and then, if necessary (and it may well not have been necessary), allowed Crown counsel a brief adjournment to prepare his response to the legal issues flowing from the Charter argument.

[Le soulignement et les caractères gras sont ajoutés]

[230]     Cela dit, le juge Sharpe convient que les juges ne commettent pas nécessairement d’erreur en s’assurant du respect des règles de procédure entourant un voir-dire constitutionnel :

[28]      I am mindful of the difficult task confronting the judges of the very busy trial courts of this province.  Trial judges are expected to run their courts efficiently and they are entitled to insist upon adherence to rules designed to ensure the proper administration of justice.  I am also mindful of the discretionary latitude that should be accorded to trial judges, who are often required to balance competing factors and make difficult choices on the spot.  Appellate courts should hesitate to interfere with these decisions.  No doubt, the trial judge in the present case was only trying to apply the Rules fairly and to run an efficient court when he refused to consider the appellant’s Charter application.  However, in my respectful view, in the absence of any significant prejudice to the Crown arising from the defective notice, the trial judge erred in principle by foreclosing the appellant’s Charter application.  It follows that the summary conviction appeal judge also erred in his analysis of this issue.

[231]     Comme l’explique le juge Royer dans R. c. Cardarelli qui résume la portée de l’arrêt Blom « la règle prévoyant un préavis concernant les requêtes de Charte est une règle procédurale qui doit demeurer servante du droit et qui n’a pour but que d’améliorer le processus. Lorsque la violation de la règle est invoquée, il est crucial de considérer la question du préjudice. Il n’y a pas lieu de refuser d’entendre la requête à moins que le processus soit injuste pour la partie adverse »[91].

[232]     Dans l’arrêt R. c. Bui[92], le juge Marleau de la Cour du Québec discute de la portée de l’arrêt Blom

[233]     Il constate que le pouvoir du juge de refuser la présentation de la requête est reconnu dans cette décision, mais que celle-ci « dicte de ne pas être trop strict, la question à se demander étant plutôt celle de savoir si le non-respect du règlement cause préjudice à l’autre partie »[93].

[234]     Une conclusion différente ne s’impose pas à l’égard de l’exigence d’une déclaration sous serment posée par l’article 103 du Règlement, particulièrement lorsque la question soulevée par le voir-dire constitutionnel concerne une question à l’égard de laquelle la charge de la preuve incombe à la poursuite en raison de son accès privilégié à l’information pertinente ( peculiar knowledge of the Crown ).

[235]     Dans ces circonstances, l’avocat de l’accusé avait raison de soutenir qu’une déclaration sous serment de l’accusé ne constituait pas une exigence dans la présente affaire, et ce, en raison de plusieurs décisions de la Cour suprême.  

[236]     L’omission de l’accusé de produire une déclaration sous serment respectait l’attribution des fardeaux selon les arrêts Hunter c. Southam[94]BartleShepherd et plus récemment Alex. L’avocat de l’accusé s’en est expliqué, à plusieurs reprises et clairement au juge de gestion.

[237]     De plus, l’avocat de l’accusé ne se trompait pas lorsqu’il défendait sa position en invoquant l’arrêt R. c. Jones[95].

[238]     Bien que le cadre du débat fût légèrement différent, la Cour suprême y reconnaissait néanmoins qu’il est « plus efficace de permettre à l’accusé de s’appuyer sur la thèse de la Couronne que de l’obliger à présenter des éléments de preuve circonstanciels afin de tenter d’étayer l’inférence qu’il souhaite qu’on en tire »[96].

[239]     De plus, la Cour suprême soulignait qu’obliger « l’accusé à admettre le bien-fondé des allégations de la Couronne afin d’avoir la possibilité d’obliger l’État à respecter les obligations constitutionnelles qui lui incombent en vertu de l’art. 8 s’accorde mal avec la règle protégeant contre l’auto-incrimination »[97].

[240]     D’ailleurs, les écueils entourant l’établissement d’une exigence universelle de production de déclaration sous serment sans nuance avaient été évoqués avec prescience par le juge Finlayson dans l’arrêt Kutynec où il insiste sur la flexibilité[98].

[241]     Le juge Finlayson cite d’abord le passage suivant de l’arrêt R. c. L. (W.K.)[99] où le juge Stevenson écrit ce qui suit au sujet des requêtes sous la Charte :

Je n'interprète pas le jugement de la Cour d'appel comme statuant qu'il faut toujours avoir recours à une procédure particulière lorsque l'on traite de demandes fondées sur l'art. 24.  Les parties pourraient, par exemple, avoir la possibilité de soumettre un exposé conjoint des faits.  Procéder au procès et plaider la requête à la clôture de la preuve du ministère public, présenter des éléments de preuve par voie d'affidavit ou convenir d'un exposé des faits est une décision qui dépendra de la mesure dans laquelle les parties s'entendent et de la nature des faits qu'elles tentent d'établir.  Je suis d'accord avec la Cour d'appel pour dire que la procédure informelle utilisée dans le cadre de cette requête était inadéquate puisqu'elle n'a pas produit la preuve requise pour étayer les prétentions de l'accusé.  Je répète que ni notre Cour ni la Cour d'appel ne traitent de la détermination des circonstances dans lesquelles un accusé peut avoir gain de cause en invoquant l'art. 7  et l'al. 11d)  de la Charte.

[242]     Le juge Finlayson commente ce passage en ces termes :

I take from this statement by Stevenson J. that he shares with me a reluctance to propound a detailed judge-made rule to cover all Charter motions. It is impossible to provide a list of pre-fabricated rules for distinguishing between legitimate inquiry and illegitimate fishing expeditions. Accepting that this court cannot anticipate every eventuality, I would prefer to leave the resolution of how to proceed in a particular case to the good sense of counsel and the discretion of the trial judge[100].

[243]     Certes, les tribunaux canadiens ont acquis une expérience considérable depuis l’arrêt Kutynec en matière de gestion des voir-dires constitutionnels. De plus, l’intervention du législateur balise maintenant mieux les pouvoirs de gestion de l’instance. 

[244]     L’intensité de la gestion de l’instance varie selon les caractéristiques de chaque dossier, la nature de la question en litige et le fardeau de la preuve applicable. Au final, celle-ci doit être ferme, mais elle ne doit jamais perdre de vue l’équité et l’apparence de justice durant sa mise en œuvre[101]

[245]     Bien entendu, le fait que l’accusé puisse devoir présenter une déclaration sous serment ne soulève pas toujours nécessairement une violation de la protection contre l’auto-incrimination[102]. Cependant, ces préoccupations justifient la prudence avant d’imposer, coûte que coûte, le dépôt d’une déclaration sous serment à l’égard d’une question où le fardeau incombe à la poursuite.

[246]     Les pouvoirs de gestion de l’instance, qu’ils aient été raffermis ou confirmés par l’arrêt Cody, ne supportent pas une conclusion différente.

[247]     Ceci s’avère d’autant plus vrai en l’espèce dans la mesure où les faits entourant le refus de l’accusé d’être transporté par ambulance étaient décrits dans la requête en exclusion de la preuve. D’ailleurs, comme l’a reconnu la poursuite lors de l’audition de la présente affaire, la déclaration sous serment déposée à l’insistance du juge de gestion ajoute peu ou pas à ces faits[103].  

[248]     C’est donc à tort que le juge de gestion critiquait la conduite de l’avocat en termes sévères. On se rappellera que le juge affirmait plusieurs fois que la conduite de l’avocat s’écartait de celle attendue d’un officier de la Cour et que l’avocat avait caché des informations pertinentes.

[249]     Dans le contexte d’un voir-dire constitutionnel, l’exigence formulée par l’article 103 n’a de sens que si elle concerne une situation où la poursuite ne possède pas l’information pertinente et où elle n’a pas un fardeau à l’égard de la question en litige.

[250]     Exiger une déclaration sous serment sans égard aux circonstances de l’affaire constitue une approche qui fait non seulement triompher un formalisme injustifié, mais qui ignore la répartition des fardeaux de preuve établie par la Cour suprême.

[251]     Dans le cadre d’un voir-dire constitutionnel, l’article 103 du Règlement favorise principalement la gestion efficace et équitable de l’instance et d’un voir-dire constitutionnel en raison de l’exigence d’une requête qui comprend un exposé concis de son objet, des moyens qui seront plaidés et d’un exposé détaillé de ses fondements factuels.

[252]     Lorsque les faits entourant une demande d’exclusion de la preuve sous le par. 24(2) de la Charte ne sont pas en possession de la poursuite, mais à la connaissance personnelle de l’accusé, l’exigence de la déclaration sous serment s’avère raisonnable et justifiée.

[253]     En conclusion, le juge de gestion, compte tenu de la jurisprudence de la Cour suprême ne devait pas exiger une telle déclaration et l’article 3 du Règlement permettait d’exempter l’accusé de cette formalité sans préjudice pour la poursuite. De toute évidence, celle-ci avait reçu un avis suffisamment complet de l’accusé, car c’est sans difficulté qu’elle fournit une réponse détaillée à la requête en exclusion de la preuve.

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