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lundi 4 août 2025

Le Tribunal peut prendre connaissance d’office de ses propres dossiers et de leur contenu

R. v. Tysowski, 2008 SKCA 88

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[3]   I have concluded that the Provincial Court can look at its own records and take judicial notice of their contents.  The consequence of this conclusion is that the appeal is allowed and the convictions restored.

 

[16]  In R. v. Clarke,[8] the issue was whether a Provincial Court judge could take judicial notice of an endorsement indicating that an accused had failed to appear.  Sirois J. rejected the contention that s. 133(9) of the Criminal Code provides the sole means available to the Crown to prove the record in another court.  He wrote:

12        ... It seems to me that a further method is through the official court documents and the notations that appear thereon. If pursuant to s. 23 of the Canada Evidence Actsupra, evidence of any proceeding or record may be made in any action or proceeding by an exemplification or certified copy thereof, surely it goes without saying that the original documents are equally admissible, if not more so. They indicated here that the accused did not appear and that a bench warrant had issued at that time.[9]

He held that the endorsement on the information was admissible.

 

[17]  Noble J. expanded on this reasoning in R. v. Okanee:[10]

In my opinion, the position taken by Sirois J. is the correct one and is clear support for the view that a Provincial Judge can take judicial notice of the endorsements made either by him or his clerk in another court with respect to another charge.  In addition, however, I am of the view that any Provincial Judge can take judicial notice of an original endorsement by another judge of that court on an information.  In this regard I rely on R. v. Lewis1941 CanLII 234 (BC CA), 57 B.C.R. 83, [1941] 3 W.W.R. 575, 77 C.C.C. 95, [1941] 4 D.L.R. 640 (C.A.).  In that case, McDonald J.A., speaking for the court followed the statement in Craven v. Smith (1869), L.R. 4 Exch. 146 where it was held [p. 641]:

“ ‘The Court has at all times power to look at its own records, and to take notice of their contents, although they may not be formally brought before the Court by affidavit.’ ”

In Lewis, the court took judicial notice of the fact that notice of appeal filed bore the stamp of the registrar of the court and the Court of Appeal took the view that this was sufficient proof of the filing of the notice of appeal to be relied upon by the court.  Accordingly, it is my view that the learned Provincial Judge in this instance could have taken judicial notice of the endorsement on the information charging the accused with assault causing bodily harm that he had not appeared to the charge, even if that endorsement had been placed there by some other presiding judge or the clerk of the court.  Surely we have reached the stage of development of our Provincial Court system where as a court of record, one judge can take judicial notice of an endorsement on an original information with respect to a prior proceeding even though that endorsement is made by another member of that court.[11]  [Emphasis added.]

 

[18]  Justice Noble referred to R. v. Lewis,[12] which is a case where the Court itself procured the notice of appeal from the Registrar to determine if it had been date stamped as having been received within the time prescribed.  Useful reference may also be made to R. v. Hunt.[13]  A review of the above decisions reveals that they rest on the common law authority of the courts to take judicial notice of their own records as articulated in The Queen v. Jones [14] and Craven v. Smith.[15]

 

[19]  Based on these authorities, and those to which they refer, I conclude that, as a matter of settled law, a court has the authority to examine its own records and take judicial notice of their contents.  I see no reason to distinguish between the Court of Queen’s Bench and the Provincial Court as both are courts of record.[16]

La définition à donner au terme « proférer » en matière de menace de causer la mort ou des lésions corporelles

St-Marseille c. R., 2023 QCCS 1703

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[29]        Le terme « proférer » n’est pas défini comme tel dans le Code criminel. De plus, s’il est vrai que l’art. 264.1 C.cr. a fait l’objet d’une interprétation par la Cour suprême du Canada[1] ainsi que par la Cour d’appel du Québec[2], les frontières précises couvertes par les divers modes de communication y étant prévus n’ont pas été clairement définies à ces occasions.

[30]        Cette affaire requiert de se prêter à cet exercice en ce qui a trait au terme « proférer ».

[31]        Les règles d’interprétation législative exigent que les termes d’une disposition soient lus « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’[économie] de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur[3] ».

[32]        Débutons avec le sens ordinaire et grammatical.

[33]        Le Petit Robert de la langue française, édition 2019, définit le terme « proférer » comme suit :

Articuler à voix haute. → prononcer. Il n’ose proférer un mot, une parole.
→ 1 dire. – Proférer des injures. → cracher, vomir. Proférer des menaces.

[34]        Le Dictionnaire de l’Académie française en ligne, quant à lui, définit le terme « proférer » de la manière suivante :

Énoncer à voix haute; dire avec force, avec véhémence. Proférer des injures, des menaces, une malédiction contre quelqu’un. Il n’a pas proféré un mot de toute la soirée.

[35]        Finalement, Le Grand Larousse définit « proférer » en ces termes :

Prononcer à haute et intelligible voix des paroles, en partic. qqch d’hostile : Il proférait des menaces, des injures.

[36]        Il appert que le sens ordinaire du terme « proférer » implique l’usage de la parole pour s’exprimer. Cela exclurait donc a priori les menaces communiquées exclusivement à l’aide de gestes.

[37]        Le sens commun du terme « uttering » — la traduction anglaise choisie par le législateur pour le terme « proférer » à l’art. 264.1 C.cr. — implique également l’usage de la parole.

[38]        L’Oxford Dictionary of English définit « utter » comme suit :

1   make (a sound) with one’s voice: he uttered an exasperated snort.

say (something) aloud: they are busily scribbling down every word she utters.

2   Law put (forged money) into circulation.

[39]        La définition principale de « utter » réfère à l’idée de « faire un son avec sa voix » ou de « dire (quelque chose) à haute voix ». Cela rejoint la définition du terme « proférer » en français.

[40]        Quant à la deuxième définition du terme « utter », s’il est vrai qu’elle fait référence à un geste — celui de « mettre en circulation » — la définition de « proférer » ne semble pas aussi englobante.

[41]        Or, les versions française et anglaise du Code criminel « font pareillement autorité[4] ». Il faut donc tenter de trouver un sens commun aux deux versions de l’art. 264.1 C.cr.[5].

[42]        Dans le cas présent, le Tribunal conclut que le sens commun des termes « proférer » et « uttering » dans l’art. 264.1 C.crimplique la communication par l’usage de la parole.

[43]        D’une part, les principes d’interprétation édictent que « lorsqu’une des deux versions [d’une disposition législative] possède un sens plus large que l’autre, le sens commun aux deux favorise le sens le plus restreint ou limité[6] ». Ici, le sens le plus restreint ou limité est établi par la définition du terme « proférer » ci-dessus, lequel exclut le concept de « mise en circulation » associé subsidiairement au terme « utter ».

[44]        D’autre part, le Tribunal est d’avis que cette interprétation est celle qui est la plus à propos, lorsque la disposition est lue dans son ensemble.

[45]        Comme l’a indiqué l’honorable Sophie Bourque, j.c.s., dans Michel c. R., les termes « proférer », « transmettre » et « faire recevoir » de l’art. 264.1 C.cr. « véhiculent tous l’idée d’une communication dont tant la forme que le contenu peuvent varier. Leurs multiples sens indiquent que toute forme de communication est visée par l’un ou l’autre de ces termes[7] ».

[46]        Cela ne veut pas pour autant dire que les termes en question visent tous la même forme de communication. Ils semblent plutôt jouer les rôles complémentaires suivants :

46.1   Le terme « proférer » requiert, selon le Tribunal, une communication par l’usage de la parole. On fait référence ici à la traditionnelle menace verbale;

46.2   Le terme « transmet » fournit un mode de communication qui est naturellement d’application large dans des contextes variés. En effet, selon Le Petit Robert de la langue française, édition 2019, le terme signifie : « Faire passer d'une personne à une autre » des biens, un objet matériel, des connaissances, des paroles, un écrit, des responsabilités, etc. Il serait donc assez large pour inclure les gestes menaçants qui ne sont accompagnés d’aucune parole menaçante;

46.3   Les termes « fait recevoir par une personne » visent également une variété de moyens de communication d’une menace, mais focalisent, cette fois, sur la réception plutôt que la transmission de cette dernière. Ce troisième mode de communication vient, en quelque sorte, couvrir les comportements que les termes « proférer » et « transmettre » ne couvrent pas d’emblée.

[47]        À l’inverse, si le terme « proférer » était interprété comme le suggère l’intimé, la pertinence des autres modes de communication inclus à l’art. 264.1 C.cr. serait alors difficile à déceler. Il n’y aurait, par exemple, pratiquement plus de distinction fonctionnelle entre proférer et transmettre une menace, les deux permettant de couvrir tant les paroles, que les écrits et les gestes menaçants.

[48]        Or, il est un principe bien établi que le « législateur ne parle pas pour ne rien dire[8] ». L’interprétation de l’intimé irait à l’encontre de ce principe.

[49]        Avant de clore sur ce point, il y a lieu de traiter d’un dernier argument de l’intimé qui s’oppose à l’interprétation du Tribunal. Cet argument s’appuie en grande partie sur l’arrêt R. cRudnicki[9] de la Cour d’appel.

[50]        Selon l’intimé, la Cour d’appel conclut, dans cette affaire, qu’une menace communiquée par lettre écrite pouvait justifier une condamnation pour avoir proféré des menaces. Il y voit là une preuve que le terme « proférer » à l’art. 264.1 C.cr. englobe plus que les menaces verbales.

[51]        Le Tribunal ne partage pas la lecture de l’intimé de cette décision.

[52]        De prime abord, il est important de faire une distinction entre l’utilisation informelle du terme « proférer » et son utilisation technique. Il est fréquent que l’infraction prévue à l’art. 264.1 C.cr. soit qualifiée sommairement comme étant celle d’avoir « proféré des menaces », sans nécessairement qu’il y ait intention de faire référence à un mode de communication précis.

[53]        Cette pratique n’est pas exclusive à l’infraction prévue à l’art. 264.1 C.cr. En pratique, des expressions sont développées pour faire référence à certaines infractions du Code criminel, bien que ces expressions ne captent pas toujours l’entièreté du contenu technique de leur libellé. Prenons, par exemple, l’infraction d’omission de s’arrêter à la suite d’un accident, prévue à l’art. 320.16 C.cr., qui est souventes fois appelée « délit de fuite » dans le jargon informel[10].

[54]        Dans le cas qui nous intéresse, l’usage courant de l’expression « proférer des menaces » découle sans doute du choix du législateur d’utiliser cette expression pour résumer l’ensemble de l’infraction dans les notes marginales de l’art. 264.1 C.cr.

[55]        Or, comme l’indique l’art. 14 de la Loi d’interprétation, tout élément de texte ne faisant pas partie d’un article n’y figure « qu’à titre de repère ou d’information[11] ». Ces éléments ne déterminent pas le sens des termes d’une disposition[12] et ont peu d’importance pour son interprétation[13].

[56]        Ainsi, lorsqu’il est fait mention de l’accusation d’avoir « proféré des menaces » dans une décision, il est important de faire une distinction entre l’utilisation informelle de cette expression pour faire référence à l’ensemble de l’art. 264.1 C.cr. et son utilisation technique pour faire référence à un des modes de communication d’une menace prévus à l’art. 264.1.

[57]        Dans l’arrêt Rudnicki, la majorité de la Cour d’appel indiqua que M. Rudnicki avait été déclaré « coupable d’avoir proféré des menaces de mort à plusieurs personnes inconnues jusqu’à maintenant, contrairement à l’article 264.1 du Code criminel[14] ». Dans cette affaire, le médium de communication de la menace était une lettre. Après avoir analysé son contenu, une majorité de la Cour conclut que « M. Rudnicki avait l’intention de proférer des menaces[15] ».

[58]        Nonobstant ce dispositif, la Cour d’appel n’était pas appelée à interpréter l’un ou l’autre des termes techniques que sont « proférer », « transmettre » et « faire recevoir. » Tout au plus, la Cour se demandait si le contenu d’une lettre révélait une intention de menacer et si ces menaces étaient dirigées à des victimes identifiables[16].

[59]        De l’avis du Tribunal, l’utilisation qu’a alors faite la Cour du terme « proférer » n’était pas celle faisant référence au terme technique du libellé de l’art. 264.1 C.cr. Il s’agissait plutôt de l’utilisation informelle de l’expression « proférer des menaces » faisant référence à cette infraction de façon générale. L’arrêt n’appuie pas l’interprétation de l’intimé.

[60]        La conclusion du Tribunal demeure donc la même : le terme « proférer » requiert qu’une menace soit communiquée verbalement. Les gestes sont exclus de cette définition[17].

La participation à l'infraction & la doctrine de l'agent innocent

R. c. Gagné, 2010 QCCQ 18420

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[200]      L'article 21 du Code criminel prévoit :

21(1) Participants à une infraction – Participent à une infraction :

a) quiconque la commet réellement;

b) quiconque accomplit ou omet d'accomplir quelque chose en vue d'aider quelqu'un à la commettre;

c) quiconque encourage quelqu'un à la commettre.

(2) Intention commune – quand deux ou plusieurs personnes forment ensemble le projet de poursuivre une fin illégale et de s'y entraider et que l'une d'entre elles commet une infraction en réalisant cette fin commune, chacune d'elles qui savait ou devait savoir que la réalisation de l'intention commune aurait pour conséquence probable la perpétration de l'infraction, participe à cette infraction.

[201]      Cette disposition établit selon l'alinéa a) b) ou c) des catégories différentes de participation à une infraction.

[202]      Ainsi l'auteur principal « commet réellement » l'infraction à l'égard de ses éléments constitutifs. (R. c. Mammolita et al., (1984) 1983 CanLII 3563 (ON CA), 9 CCC (3d) 85 (C.A. Ont.))

[203]      L'infraction peut avoir été commise par plus d'une personne et certains actes constitutifs de l'infraction peuvent avoir été posés par d'autres personnes.

[204]      Il n'est pas nécessaire que chaque personne ayant participé à une infraction ait agi avec une connaissance coupable du projet de l'auteur principal de l'infraction. R. c. Douillette1991 Can LII 2914 (QCCA) page 8, R. c. Berryman1990 CanLII 286 (BCCA) page 385.

[205]      L'alinéa 21 (1)a) du Code criminel, rend criminellement responsable à titre d'auteur principal et non pas de complice, l'instigateur d'une infraction qui implique la participation « d'agents innocents » notamment en raison d'absence de mens rea chez ces personnes.

[206]      Le juge Finlayson adoptait l'analyse de l'auteur Glanville Williams au sujet de la doctrine de l'agent innocent dans l'arrêt R. v. Verma1996 CanLII 606 (ON.C.A.), (1996), 112 C.C.C. (3d) 155, p. 164-165 :

The principal in the first degree need not commit the crime with his own hands; he may commit it by a mechanical device, or through an innocent agent, or in any other manner, otherwise than through a guilty agent. An innocent agent is one who is clear of responsibility because of infancy, insanity, lack of mens rea and the like. In law he is a mere machine whose movements are regulated by the offender.

R. v. Toma2000 BCCA 494 (CanLII)2000 B.C.C.A. 494 (CanLII) p. 5 et 6

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...