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mercredi 27 août 2025

La défense d’apparence de droit ne s’applique pas à l’accusation de fraude

R. c. Côté-Guay, 2025 QCCQ 1895 

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[103]     L’apparence de droit sera une défense lorsque le Code criminel le prévoit explicitement ou encore lorsque la connaissance d’illégalité (ou la compréhension subjective du droit) constitue l’un des éléments constitutifs de l’infraction.

[104]     Par exemple, ce sera le cas pour le crime d’évasion fiscale, où le ministère public doit établir que l’accusé savait qu’en droit, il devait des impôts à l’État[46]. Ce sera également le cas lorsque le Code précise qu’une infraction doit être commise « sans apparence de droit », de sorte qu’une personne peut se tromper sur son « droit » en question.

[105]     Or, le courant jurisprudentiel majoritaire enseigne que contrairement à l’infraction de vol, l’apparence de droit ne peut constituer une défense à l’infraction de fraude.

[106]     Dans l’arrêt de principe R. v. Kingsbury, la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a statué qu’une erreur de bonne foi quant à savoir si, en droit, l’accusé pouvait prendre des biens d’un autre n’était pas pertinente à la mens rea de fraude, pas plus que la croyance sincère que le comportement prohibé n’était pas malhonnête ou mal en soi. Il suffit que l’accusé veuille ou puisse prévoir les faits et les circonstances qui constituent la privation. Une erreur de bonne foi quant à un droit légal ne nie pas l’intention frauduleuse[47].

[107]     Dans cette affaire, l’accusé avait prêté 24 000 $ à la victime pour l’aider à acheter une roulotte, dans le contexte d’une autre transaction commerciale plus large. Or, l’entente entre les parties s’est effondrée et l’accusé a réclamé le remboursement du prêt. Il a même intenté une poursuite civile à cette fin.

[108]     Quelques mois plus tard, la victime a amené la roulotte à un garage pour certaines réparations. L’accusé a profité de l’occasion, se rendant directement au garage et en reprenant possession de la roulotte, estimant que le véhicule lui était dû, à la lumière du non‑paiement. Il croyait sincèrement – mais erronément – qu’il avait le droit de reprendre le véhicule ainsi. Il a d’ailleurs été acquitté du chef de vol pour ce motif.

[109]     Rejetant l’appel de sa condamnation pour fraude, la Cour d’appel a précisé que la défense d’apparence de droit ne s’appliquait qu’au chef de vol, mais pas au chef de fraude :

I have concluded that the appellant’s argument must fail. I do not agree that an honest mistake about whether in law an accused is entitled to take property or put another’s economic interests at risk is relevant to the mens rea of fraud, any more than an honest belief that the prohibited conduct is not dishonest or is not wrong is relevant to mens rea. In my opinion, it is sufficient that an accused intend or foresee the facts or circumstances that constitute deprivation. To give effect to the appellant’s argument that an honest mistake about legal entitlement negates fraudulent intent would be to treat a mistake of law as a defence contrary to s. 19 of the Code, that a mistake of law is not a defence. To explain my conclusion it is useful to turn to the definition of fraud and the Supreme Court of Canada’s seminal discussion of the offence in Théroux and its companion case, Zlatic[48].

[…]

The majority [in Théroux] excluded alternative models of the mens rea of fraud which required, in addition to the subjective knowledge requirements, that the accused had a subjective appreciation of his or her dishonesty[49].

[…]

Théroux and its companion case, Zlatic, clarified that the test for mens rea of fraud should reflect traditional mens rea principles; the focus should be on the accused’s subjective knowledge of the prohibited act and the prohibited consequences that together compose the actus reus of the offence. But the majority also made it clear that a number of matters are not relevant to the mens rea. An honest belief that one’s conduct is not dishonest is irrelevant. An honest belief that one’s conduct is not wrong or a hope or expectation that no deprivation will occur is equally irrelevant.

If it is sufficient to establish mens rea that an accused know the facts that objectively constitute a prohibited act such as deceit, and the accused’s subjective belief that the act is not deceitful is irrelevant, I fail to understand how an accused’s honest but mistaken belief that he is entitled to property can be relevant to the mens rea respecting deprivation. To allow an honest mistake about legal entitlement that if true would mean that there was no deprivation of something the victim was entitled to would not be consistent with the majority’s analysis in Théroux, that the requisite mens rea be connected to the prohibited act element of the offence of fraud[50].

[…]

I disagree. In my view, the appellant’s mistake arose from a mistake about his legal entitlement to seize the trailer, not from any mistake about the facts underlying that entitlement. He knew he had loaned money, had not discussed who would go on title to the trailer, but believed he would be on title. He knew that the trailer was not in his possession. While he believed that the trailer was substantially his, he knew it was not 100% his. He believed that he had a legal right to seize the trailer, which the trial judge found was an honest but mistaken belief. This honest but mistaken belief was a mistake about the law, not the underlying facts.

 

Finally, the statutory definition of the offences of theft and fraud suggest that while a finding of fact that amounts to a colour of right is relevant to theft, such a finding cannot be automatically transposed to fraud. It will be recalled that theft includes as an element the taking of property “fraudulently and without colour of right”. There is no reference in the definition of fraud to deprivation “without colour of right”. Lack of colour of right is not embraced within the definition of fraud and therefore its relevance is not contemplated by the definition of the offence of fraud. It is not apparent that colour of right is relevant to crimes that do not incorporate the concept in the statutory definition: see R. v. Jones1991 CanLII 31 (CSC)[1991] 3 S.C.R. 110. In my view, the appellant’s argument invites the Court to read in a lack of colour of right into the definition of fraud in a manner not contemplated by its express definition.

 

The approach I have taken is consistent with the conclusion of the Supreme Court of Canada in R. v. Lemire1964 CanLII 52 (SCC)[1965] S.C.R. 174, that it is an error to hold that there is no fraudulent intent because an accused honestly believes that his conduct will be validated later[51].

[gras ajouté]

[110]     Deux ans plus tard, cette même Cour a réitéré ces principes dans l’arrêt R. v. Leuenberger, une affaire où l’accusée reconnaissait avoir falsifié des chèques, tout en invoquant que des sommes lui étaient légitimement dues pour des services dispensés à la compagnie plaignante[52].

[111]     De même, dans l’arrêt R. c. Bouchard, la Cour d’appel du Québec a énoncé que la défense d’apparence de droit sur une méprise relative au droit privé n’est pas recevable en matière de fraude, justement parce qu’il n’est pas nécessaire de prouver que l’accusé saisit subjectivement la malhonnêteté de ses actes[53].

[112]     Pour sa part, dans l’arrêt R. v. Must, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que la croyance personnelle de l’accusé selon laquelle il avait droit à des dommages‑intérêts pour violation de contrat ne réfutait pas la mens rea de l’infraction de fraude, pourvu que l’accusé sût qu’il commettait un acte qui pouvait présenter un risque de privation[54].

[113]     D’aucuns pourraient prétendre que cette distinction est injuste.

[114]     L’infraction alléguée en l’espèce ressemble indubitablement à un vol. Essentiellement, le ministère public prétend que l’accusé a pris le véhicule illégalement. Or, si monsieur Côté‑Guay avait été accusé de vol, on aurait prétendu qu’il a pris ou détourné le véhicule « frauduleusement et sans apparence de droit » (art. 322(1) C.cr.). La défense d’apparence de droit lui aurait été disponible. Pourtant, puisqu’il est plutôt accusé de fraude en frustrant le plaignant du véhicule par moyen dolosif (art. 380(1) C.cr.), cette même défense ne s’applique pas.

[115]     La distinction peut donc laisser perplexe. Néanmoins, le soussigné est lié par la décision de la Cour d’appel du Québec, qui adopte d’ailleurs la même position que les autres tribunaux d’appel du pays. Je note également que la situation en l’espèce correspond en tout point avec le cas dans Kingsbury, dans lequel la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique n’a décelé aucune injustice dans l’application inégale de la défense entre les deux infractions.

[116]     Par ailleurs, cette question n’est pas déterminante en l’espèce. En fin de compte, la question de la disponibilité (ou non) de cette défense à l’accusation de fraude est théorique. Tel qu’il sera exposé ci‑dessous, le Tribunal conclut que l’apparence de droit ne trouve pas application dans le présent dossier, même sur le chef de recel ou sur un chef hypothétique de vol.

La croyance sincère en un droit légal dans la chose et non seulement un droit moral peut être un moyen de défense recevable quant à l'infraction de vol

R. c. Cuffaro, 1995 CanLII 5487 (QC CA)

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Quant à l'infraction de vol, nous concluons que la détermination de droit du juge de première instance est erronée puisque le bien litigieux n'a pas été détourné "frauduleusement" et "sans apparence de droit" avec une intention déterminée.  L'acte que l'on impute à l'appelant a été commis avec "apparence de droit" puisqu'il croyait honnêtement avoir un droit de propriété dans le bien au moment de la prise de possession.  Il ne s'agissait pas, simplement, d'une croyance morale par l'appelant qui, dans le passé, avait récupéré des biens de la même manière mais il s'agissait plutôt d'une croyance légale d'en être le propriétaire tant en vertu du contrat de vente à tempérament (pièce D-3) que de l'autorisation de prise de possession émanant du syndic (D-4).  L'appelant avait la croyance sincère que le contrat de vente à tempérament joint au document d'autorisation du syndic lui conféraient le droit d'agir comme il l'a fait.

 

Dans l'affaire Les Investissements Contempra Ltée c. Sa Majesté la Reine(1991) 1991 CanLII 3199 (QC CA)R.J.Q. 2519, monsieur le juge Proulx s'exprime ainsi:

 

Page 2522:... la notion de l'apparence de droit ne s'appuie pas sur la prémisse que le droit, dont on veut se prévaloir, a été démontré mais plutôt sur la croyance honnête en un droit, fut-elle mal fondée en droit...

 

 

                  ...

 

Page 2523:La notion d'apparence de droit se présente sous deux volets, soit (1) la croyance honnête en un état de faits qui, s'il eût existé, aurait en droit justifié ou excusé l'acte reproché et (2) une croyance honnête mais erronée en un droit légal (et non moral).

 

                              ...                    

 

Page 2524:Il s'agira d'une croyance en un droit sincère et honnête, et peu importe donc que ce droit soit fondé ou non, il suffira que le droit invoqué ait une vraisemblance, une apparence, soit un «honest claim».

 

Nous croyons que l'appelant a démontré sa croyance sincère en un droit légal dans la chose et non seulement un droit moral.  Ainsi, le geste posé l'a été avec "apparence de droit" et la responsabilité criminelle de l'appelant ne peut être engagée.

Une erreur quant à l’application du droit civil peut donner ouverture à la défense d’apparence de droit

R. v. Hudson, 2014 BCCA 87

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[24]        As succinctly stated by Madam Justice Levine in R. v. Manuel2008 BCCA 143 at para. 10, 231 C.C.C. (3d) 468, leave to appeal ref’d [2008] 2 S.C.R. x, the defence of colour of right is based on “an honest belief in a state of facts or civil law which, if it existed, would negate the mens rea for the offence”.  In R. v. Dorosh2003 SKCA 134, 183 C.C.C. (3d) 224, Chief Justice Bayda described this defence in the following terms:

[18]      A colour of right can have its basis in either a mistake of civil law (a colour of right provides an exception to s. 19 of the Code; see:  The Law of Theft and Related Offences [by Winifred H. Holland (Toronto: Carswell, 1998)] p. 153) or in a mistake in a state of facts.  The mistake in each case must give rise to either an honest belief in a proprietary or possessory right to the thing which is the subject matter of the alleged theft or an honest belief in the state of facts which if it actually existed would at law justify or excuse the act done.

La défense d’apparence de droit

R. c. Simpson, 2015 CSC 40

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[31]                          La défense d’apparence de droit est le plus souvent invoquée quant à l’infraction de vol décrite à l’art. 322 du Code qui interdit de prendre un objet ou de le détourner « frauduleusement et sans apparence de droit ». Dans R. c. DeMarco (1973), 1973 CanLII 1542 (ON CA), 13 C.C.C. (2d) 369 (C.A. Ont.), p. 372, le juge Martin a décrit comme suit le terme « apparence de droit » qui figure dans cette disposition :

                        [traduction] Même s’il peut viser autre chose, le terme « apparence de droit », réfère habituellement à une situation où un droit de propriété ou de possession est revendiqué quant à l’objet du vol présumé. On ne peut prétendre de celui qui affirme en toute honnêteté une chose qu’il croit être une revendication légitime qu’il agit sans « apparence de droit », même si cela peut n’être fondé ni en droit ni en fait [. . .] Le terme « apparence de droit » sert aussi à désigner une croyance honnête quant à un état de fait qui, s’il avait effectivement existé, aurait en droit justifié ou excusé le geste posé [. . .] Lorsqu’il est utilisé dans ce dernier sens, le terme n’est que l’application de la doctrine de l’erreur de fait. [Références omises.]

La défense d’apparence de droit semble également s’appliquer à d’autres infractions relatives à des biens immobiliers, dont celle d’introduction par effraction : R. c. Adgey1973 CanLII 37 (CSC), [1975] 2 R.C.S. 426, p. 432-433; R. c. Charters2007 NBCA 66, 319 R.N.‑B. (2e) 179, par. 12.

[32]                          Pour qu’il puisse déclencher l’application de la défense d’apparence de droit, un accusé a le fardeau de démontrer la « vraisemblance » de ce moyen de défense invoqué — c.‑à‑d. de démontrer qu’il existe certains éléments de preuve susceptibles de soulever un doute raisonnable quant à l’apparence de droit dans l’esprit d’un juge des faits qui a reçu des directives appropriées et qui agit raisonnablement : R. c. Cinous2002 CSC 29, [2002] 2 R.C.S. 3, par. 49‑53 et 83. Une fois cet obstacle franchi, il revient au ministère public de réfuter le moyen de défense hors de tout doute raisonnable. Si on applique ces principes à la présente espèce, les intimés avaient donc le fardeau de présenter des éléments de preuve qui pouvaient soulever un doute raisonnable dans l’esprit de la juge des faits quant à leur prétention selon laquelle ils avaient une apparence de droit d’occuper l’espace commercial.

Les éléments essentiels de l’infraction de vol & de possession de biens criminellement obtenus

R. c. Ross, 2019 QCCA 614

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[16]        Les éléments essentiels de l’infraction de vol comprennent : (1) l’action de prendre ou de détourner frauduleusement; (2) la connaissance de l’absence d’apparence de droit; et (3) l’intention spécifique de priver temporairement ou de manière permanente le propriétaire du bien[11].

[17]        Les éléments essentiels de l’infraction de possession de biens criminellement obtenus sont : (1) la possession du bien d’origine criminelle; et (2) la connaissance de son origine illicite[12].

mardi 26 août 2025

Les éléments essentiels de l’infraction de tentative de meurtre

R. c. F.M., 2024 QCCQ 621

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[130]     L’infraction de tentative de meurtre est définie à l’article 239 du Code criminel (C.cr.) en ces termes : « Quiconque, par quelque moyen, tente de commettre un meurtre est coupable d’un acte criminel […] ».

[131]     Cette infraction comporte deux éléments essentiels :

a)   L’intention de tuer quelqu’un;

b)   Un comportement qui équivaut à une tentative de meurtre, c’est-à-dire une conduite qui constitue une tentative de causer intentionnellement la mort de quelqu’un.

[132]     Depuis l’arrêt Ancio[15] de la Cour suprême du Canada, la mens rea de la tentative de meurtre est définie comme étant l’intention spécifique de tuer (art. 229a)i) C.cr.).

[133]     Une tentative de meurtre est un meurtre raté, en ce sens que l’accusé n’obtient pas le résultat convoité, c’est-à-dire la mort de sa victime. L’accusé, coupable d’une tentative de meurtre, est frustré dans son but de causer la mort intentionnellement de quelqu’un[16]. Des gestes qui dépassent le stade de la simple préparation en vue de commettre un meurtre doivent être posés avec cette intention spécifique.

[134]     La Cour d’appel de la Colombie-Britannique mentionne dans l’arrêt R. v. Goldberg[17], que les gestes posés pour une tentative de meurtre devraient dépasser le stade de la simple préparation; mais on n’a pas à attendre par exemple une tentative de tirer quand la personne accusée a entre les mains une arme à feu pour être accusée de tentative de meurtre.

[135]     La Cour ajoute que, quand l’accusé pointe une arme chargée en direction de personnes en leur disant qu’elles vont mourir, l’accusé a dépassé le stade de la simple préparation.

[136]     Tel que le mentionne la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Habib c. La Reine[18] :

[67] […] La tentative criminelle se distingue des seuls actes préparatoires. Ainsi, pour qu’il s’agisse d’une tentative, un commencement d’exécution doit être établi. Cette distinction entre la tentative criminelle et les actes préparatoires est hautement contextuelle, comme le note le juge Le Dain dans R. c. Deutsch[19] :

[…] On a souvent fait remarquer qu’aucun critère général satisfaisant n’a été ou ne peut être formulé pour tracer la ligne de démarcation entre la préparation et la tentative et que l’application de cette distinction aux faits d’une affaire en particulier devait être une question de jugement fondé sur le bon sens […]

À mon avis, la distinction entre la préparation et la tentative est essentiellement qualitative et met en jeu le lien entre la nature et la qualité de l'acte en question et la nature de l'infraction complète, bien qu'il faille nécessairement examiner, en faisant cette distinction qualitative, la proximité relative de l'acte en question avec ce qui aurait constitué une infraction complète, sous l'angle du temps, du lieu et des actes sous le contrôle de l'accusé qui restent à être accomplis. Je conclus que cette opinion est compatible avec ce qui a été dit au sujet de l'actus reus de la tentative en cette Cour et dans d'autres décisions canadiennes qui doivent être considérées comme faisant autorité sur la question.

[137]     Dans la décision R. c. Sweeney[20], le juge Normand Bonin de la Cour du Québec mentionne ce qui suit en regard de la tentative de commettre un crime :

[25]     Le crime de tentative en droit criminel canadien est distinct et autonome du crime convoité[21]. Le législateur ne cherche pas à punir l’intention criminelle. Il veut punir le geste posé dans l’exécution du crime, même à son début, de façon à prévenir les maux engendrés par le crime dès leur initiation.

[26]     Une tentative est composée des actes préparatoires à un crime, d’un commencement d’exécution et de l’intention spécifique[22] de commettre le crime. Il comporte donc l’actus reus et la mens rea qui doivent être démontrés hors de tout doute raisonnable. Ainsi, une intention illicite jumelée à de simples actes préparatoires qui n’atteignent pas le seuil du commencement d’exécution ne seront pas passibles d’une accusation de tentative de commettre un crime.[23]

[27]     Une déclaration de culpabilité à l’égard d’un crime de tentative implique que soit évaluée, à la lumière de toutes les circonstances, la détermination de l’accusé à accomplir son dessein.[24] À ce chapitre, la nature de l’infraction convoitée et les méthodes couramment employées pour la commettre peuvent aussi être considérées.[25]

[28]     La Cour suprême rappelle que la ligne de démarcation entre les actes de préparation et la tentative est ténue. Il n’y a aucun critère général qui permette de faire les distinctions précises dans chaque cas. Il s’agit d’une question de circonstances et de jugement fondé sur le bon sens.[26] […]

[29]     Bien que l’imminence de la commission d’un crime puisse contribuer à la qualification d’un crime de tentative et à l’évaluation de la persévérance de l’accusé dans son dessein, elle n’est pas absolument requise pour conclure à une tentative. Il n’est pas nécessaire non plus que les gestes ultimes visant la réalisation du crime soient posés, il suffit qu’il y ait bel et bien un commencement d’exécution.[27]

[30]     Le commencement d’exécution ne constitue pas nécessairement, en soi, un geste illégal, il s’inscrit dans une trame d’événements de nature à démontrer la persistance de l’accusé dans son dessein criminel. Il suffit que les gestes posés démontrent hors de tout doute raisonnable la détermination et l’intention illicite arrêtée de l’accusé d’accomplir le crime.[28] Néanmoins, pour constituer une tentative, il doit cependant y avoir un rapport étroit entre les actes préparatoires et le crime projeté de telle façon que les gestes posés constituent vraiment une étape dans la perpétration du crime lui-même et « des mesures suffisantes en droit pour le perpétrer ».[29]

[31]     Sous réserve que la volte-face d’un accusé soit un des éléments parmi d’autres qui permette de douter de l’intention véritable de l’accusé, une fois franchi le cap du commencement d’exécution du projet illicite, le désistement en soi ne constituera généralement pas une défense.[30] En effet, le législateur veut réprimer la criminalité constituée par la tentative et les risques pour les citoyens du fait des actes de tentative de commettre un crime.

[138]     Tel que le mentionne la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans l’arrêt R. v. Goldberg[31]l’actus reus n’a pas besoin d’être le « dernier acte » ni un acte « non équivoque ». Par ailleurs, une fois que la tentative est établie, « il importe peu que le crime n’ait pas été accompli en raison d’une interruption, d’une impossibilité ou d’un changement d’avis ».

Quand un accusé pointe une arme chargée en direction de personnes en leur disant qu’elles vont mourir, il a dépassé le stade de la simple préparation en matière de tentative de meurtre

R. v. Goldberg, 2014 BCCA 313

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[40]        As Gaul J. observed in the case at bar, the Court in Ancio endorsed the principle that the actus reus of attempted murder consists of “some step towards the commission of the offence attempted going beyond mere acts of preparation.” This formulation and its predecessors in the jurisprudence have been the subject of much learned comment, and indeed criticism. Learned authors have proposed a number of tests, or approaches, to the question of what constitutes the actus reus of an attempt – the “equivocality” theory; the notion of remoteness or proximity; the “last act”, “first act”, and “indispensable element” approaches; the “probable desistance” test; whether “substantial steps” were taken; whether the act created some danger to the public; and others. (See, e.g., M. Manning & P. Sankoff, eds., Manning, Mewett & Sankoff - Criminal Law (4th ed., 2009) at 292-299; Kent Roach, Criminal Law (4th ed., 2009) at 122-5; Don Stuart, Canadian Criminal Law: A Treatise (6th ed., 2011) at 694-711; Hamish Stewart, “When Does Fraud Vitiate Consent? A Comment on R. v. Williams” (2004) 49 Crim. L.Q. 144 at 159-64; Randal Marlin, “Attempts and the Criminal Law: Three Problems” (1976) 8 Ott. L. Rev. 518; Nola Garton, “The Actus Reus in Criminal Attempts” (1974) 2 Queens L.J. 183; E. Meehan and J.H. Currie, The Law of Criminal Attempt (2nd ed., 2000) at 105-93; Peter MacKinnon, “Making Sense of Attempts” (1982) 7 Queen’s L.J. 253; Allan Manson, “Recodifying Attempts, Parties and Abandoned Intentions” (1989) 14 Queen’s L.J. 85. On the nature of attempts generally, see also J.H. Beale, “Criminal Attempts” (1903) 16 Harv. L. Rev. 491 and F.B. Sayer, “Criminal Attempts” (1928) 41 Harv. L. Rev. 822 at 843-858.)

[41]        In Canada, however, the Supreme Court has been content to apply the “acts beyond mere preparation” criterion and to leave the question of where to draw the line to the common sense of trial judges. As stated by Le Dain J. for the Court in Deutsch v. The Queen 1986 CanLII 21 (SCC), [1986] 2 S.C.R. 2:

It has been frequently observed that no satisfactory general criterion has been, or can be, formulated for drawing the line between preparation and attempt, and that the application of this distinction to the facts of a particular case must be left to common sense judgment. See, for example, Kelley v. Hart (1934), 1934 CanLII 358 (AB CA), 61 C.C.C. 364, per McGillivray J.A. at p. 370; R. v. Brown1947 CanLII 381 (ON CA), [1947] O.W.N. 419, per Laidlaw J.A. at p. 421; R. v. Cline (1956), 1956 CanLII 150 (ON CA), 115 C.C.C. 18, per Laidlaw J.A. at p. 26; and Haughton v. Smith[1975] A.C. 476per Lord Reid at p. 499. Despite academic appeals for greater clarity and certainty in this area of the law I find myself in essential agreement with this conclusion.

In my opinion the distinction between preparation and attempt is essentially a qualitative one, involving the relationship between the nature and quality of the act in question and the nature of the complete offence, although consideration must necessarily be given, in making that qualitative distinction, to the relative proximity of the act in question to what would have been the completed offence, in terms of time, location and acts under the control of the accused remaining to be accomplished. I find that view to be compatible with what has been said about the actus reus of attempt in this Court and in other Canadian decisions that should be treated as authoritative on this question. [At 22-3; emphasis added.]

Professor Roach (supra, at 124) suggests that “[i]n a practical sense”, mens rea and actus reus do not exist in this context in watertight compartments – i.e., that where the evidence of intent is not strong, the actus reus must be more ‘proximate’ to the act attempted, whereas a more ‘remote’ actus reus may be accepted where there is extremely strong proof of mens rea.

[48]        The parallels between the case at bar and Boudreau are obvious. Here, as in Boudreau, the accused pointed a gun at his victims and told Mr. Walsh to “back up”. According to the testimony accepted by the trial judge, he also said they were going to die that night. Of course, one does not know what would have happened had he not been ‘jumped’ by Mr. Walsh, but the law is clear that attempted murder does not necessarily require an attempt to shoot: see Boudreau at para. 30, citing Cline. It is also trite law that the actus reus need not be the ‘last act’ in the attempt (see, e.g., R. v. James (1971) 1970 CanLII 1073 (ON CA), 2 C.C.C. (2d) 141 (Ont. C.A.) at para. 5; R. v. Burns [1994] 1 S.C.R. 665 at para. 47), nor an ‘unequivocal’ act (see R. v. Sorrell (1978) 1978 CanLII 2388 (ON CA), 41 C.C.C. (2d) 9 (Ont. C.A.) at 23; Cline at 487.) As well, this court has held that once an attempt is established, “it makes no difference whether non-commission was due to interruption, frustration or change of mind”: see R. v. Roberts [1981] B.C.J. No. 1185, citing Regina v. Kosh 1964 CanLII 361 (SK CA), [1965] 1 C.C.C. 230 (Sask. C.A.) at 235.


Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...