Schiro c. R., 2025 QCCS 3516
[30] La juge n’a commis aucune erreur en concluant que les propos de l’appelant constituaient une menace au sens de l’alinéa 264.1(1)a) du Code criminel. Le jugement démontre qu’elle s’est correctement dirigée en droit quant aux éléments constitutifs de cette infraction.
[31] Citant les arrêts R. c. McRae[10] et R. c. McCraw[11] de la Cour suprême du Canada, ainsi que l’arrêt Patoine c. R.[12] de la Cour d’appel du Québec, la juge résume le droit applicable de la manière suivante :
[32] La question de savoir si des mots constituent une menace doit être tranchée selon une norme objective. L’élément de faute est prouvé s’il est démontré que les mots proférés visent à intimider ou être pris au sérieux et l’absence d’intention de mettre à exécution n’est pas un élément essentiel. Par ailleurs, l’expression « lésions corporelles » comprend la blessure psychologique grave ou importante.[13] (Références omises)
[32] À la lumière de la preuve retenue, la juge était bien fondée de conclure que les paroles de l’appelant, lorsque considérées - comme il se doit - dans le contexte de l’ensemble de la conversation, constituaient une menace au sens de l’alinéa 264.1(1)a) du Code criminel.
[33] Il est exact, comme le reconnaissent les parties, que le simple fait d’être en colère ou de proférer des insultes ne constitue pas en soi une menace au sens du Code criminel, pas plus que le fait d’exprimer l’intention de « détruire légalement » une personne. Toutefois, il est manifeste que la présente affaire comportait des éléments additionnels permettant à la juge de conclure à l’existence d’une menace au sens juridique du terme.
[34] En plus d’avoir exprimé sa colère, d’avoir injurié les agents de Passeport Canada et d’avoir menacé de les poursuivre, l’appelant a mentionné à plus d’une reprise qu’il est mieux pour eux que son passeport soit prêt avant 13h00, sans quoi il se rendra au bureau de Montréal; qu’ils feraient mieux d’appeler la police et les militaires; qu’ils auront besoin d’assistance physique et psychologique après ce qui va se passer; et que ce sera un « bloody hell » ou un « bloody mess ».
[35] Conformément à la jurisprudence, la juge devait analyser la conversation dans son ensemble et non en vase clos, et ce, en fonction du « sens qu’une personne raisonnable donnerait aux mots, eu égard aux circonstances dans lesquelles ils ont été proférés ou transmis »[14]. Dans le contexte de la présente affaire, la juge a eu raison de conclure que les paroles prononcées par l’appelant constituaient une menace au sens du Code criminel.
[36] En ce qui concerne l’élément de faute (mens rea), l’argument de l’appelant selon lequel la juge aurait omis de l’examiner ne saurait être retenu. La juge rappelle d’abord qu’il appartient à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable « les éléments essentiels de l’infraction dont le défendeur fait l’objet »[15].
[37] Elle aborde ensuite expressément la question de la mens rea, en affirmant que « l’élément de faute est prouvé s’il est démontré que les mots proférés visent à intimider ou être pris au sérieux (...) »[16]. Elle se réfère aux arrêts R. c. McRae, R. c. McRaw et Patoine c. R., précités, qui traitent de cette question, et souligne que l’intention de mettre à exécution la menace n’est pas un élément essentiel de l’infraction.
[38] La juge procède, comme déjà mentionné, à une appréciation détaillée des témoignages et de l’ensemble de la preuve. Elle rejette le témoignage de l’accusé - une conclusion factuelle exempte d’erreur susceptible de révision - et retient celui de l’employée du bureau des passeports, une conclusion également exempte d’erreur.
[39] La juge conclut son jugement en ces termes :
[44] Le but d’une menace au sens du Code criminel est de faire craindre une personne pour sa sécurité ou celle d’autrui. C’est exactement ce que le défendeur crée par ses propos lors de cet appel et le Tribunal estime que la preuve démontre hors de tout doute raisonnable qu’il a menacé de causer des lésions corporelles ou la mort à des employés de Passeport Canada.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[45] DÉCLARE le défendeur coupable.[17]
[40] L’examen du jugement dans son ensemble ne permet pas de retenir l’allégation selon laquelle la juge aurait omis de considérer l’élément de faute (mens rea). Au contraire, les motifs démontrent qu’elle a analysé cette question et conclu que tous les éléments essentiels ont été établis selon la norme applicable en droit criminel.
[41] Il est bien établi que les motifs d’un jugement doivent être interprétés selon une approche fonctionnelle et contextuelle[18], en se demandant s’ils répondent aux questions en litige. Or, l’analyse du jugement permet de comprendre clairement « ce que le juge a décidé et pourquoi »[19], y compris en ce qui concerne l’élément de faute, lequel est établi lorsqu’il est démontré que les mots proférés visaient à intimider ou à être pris au sérieux[20].