Canadian Dredge & Dock Co. c. La Reine, 1985 CanLII 32 (C.S.C.)
En l'espèce, l'application de la théorie de l'identification permet de conclure à la responsabilité criminelle des appelantes. Cette théorie repose sur l'identité de l'âme dirigeante et de la compagnie en question; en effet, l'employé qui a commis l'infraction est l'incarnation de la compagnie qui est son employeur. Par conséquent, même dans le cas d'infractions qui exigent la mens rea, si la cour conclut que l'administrateur ou le cadre est un organe vital de la compagnie et qu'il en est en réalité l'âme dirigeante dans l'exercice de ses attributions, de sorte que ses actes et ses intentions deviennent ceux de la compagnie elle‑même, celle‑ci peut être déclarée responsable en droit criminel. L'imputation à la compagnie de l'acte illégal de son représentant principal crée une responsabilité directe plutôt qu'une responsabilité du fait d'autrui. La doctrine de l'identité réunit le conseil d'administration, le directeur général, le directeur, le gérant et toute autre personne à qui est déléguée l'autorité directrice de la compagnie et la conduite de l'une quelconque des entités ainsi réunies est alors attribuée à la compagnie. Une compagnie peut, de cette façon, avoir plus d'une âme dirigeante.
Pour que la théorie puisse s'appliquer, il faut que l'âme dirigeante agisse dans le cadre de ses pouvoirs, c'est‑à‑dire que ses actes doivent relever du secteur d'activités de la compagnie qui lui est attribué. Le secteur peut être fonctionnel, géographique ou peut englober toutes les activités de la compagnie. L'utilisation de l'expression "cadre de l'emploi" soulève des difficultés terminologiques.
On ne peut opposer à l'application de la doctrine de l'identification qu'un acte criminel d'un employé de la compagnie ne peut relever du cadre de son autorité à moins qu'on ne lui ait expréssement ordonné de commettre l'acte en question. Pareille condition rendrait la règle quasiment inutile. La responsabilité peut exister avec ou sans délégation formelle, connaissance du conseil d'administration ou interdiction expresse.
Une compagnie comprend en réalité les éléments suivants: l'entité juridique, la personne actionnaire et l'employé. Du fait de la théorie de l'identification, la sanction criminelle les frappera directement ou indirectement tous les trois, ce qui est très différent de la situation du propriétaire naturel pour qui seulement deux de ces éléments existent. L'imposition de la responsabilité criminelle est acceptable au sein d'une communauté où la réalité impose que les compagnies soient tenues de répondre d'actes criminels dans certaines circonstances.
Chacune des compagnies en cause avait une âme dirigeante et ce n'est pas parce que celle‑ci a pu agir frauduleusement envers la compagnie qui était son employeur, pour son propre avantage ou contrairement aux instructions qu'elle a reçues, que ladite société échappe à toute responsabilité criminelle dans les circonstances.
Le fait qu'il y a eu des instructions générales ou précises interdisant la conduite en question n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de fixer la portée de la théorie de l'identification. Puisque la compagnie et son âme dirigeante sont devenues une seule entité, l'interdiction que la société a pu adresser à d'autres personnes n'a, en droit, aucun effet sur la détermination de la responsabilité criminelle soit de son âme dirigeante soit de la compagnie elle‑même en raison des actes de son âme dirigeante.
Les limites de l'applicabilité de la doctrine de la délégation sont cependant atteintes et dépassées lorsque l'âme dirigeante cesse complètement d'agir, en fait ou pour l'essentiel, dans l'intérêt de la compagnie. La théorie de l'identification ne s'applique plus lorsqu'une âme dirigeante commet intentionnellement une fraude au détriment de la compagnie et que ses actes illégaux constituent une partie importante des fonctions normales de son poste. En pareil cas, si tous les efforts du directeur visent à détruire l'entreprise de la compagnie, il est alors irréaliste de conclure qu'il agit en sa qualité d'âme dirigeante de la compagnie en question. Le raisonnement est le même pour le concept de l'avantage. Toutefois, un avantage diffère d'une fraude parce qu'il peut être partiel. Le cas où l'âme dirigeante vise à priver la compagnie d'un avantage relié à l'exploitation de son entreprise commerciale est en réalité bien différent de celui où l'âme dirigeante obtient un avantage par suite d'opérations isolées ou dans l'exercice de ses fonctions secondaires.
Lorsque l'acte criminel est complètement frauduleux envers la compagnie employeur, que cet acte était censé profiter exclusivement au directeur employé qui l'a commis et que tel a été le résultat, l'employé, âme dirigeante, dès la conception et l'exécution de son plan criminel, cesse d'être l'âme dirigeante de la compagnie. Par conséquent, ses actes ne peuvent être imputés à la compagnie en vertu de la doctrine de l'identification. Ainsi la doctrine de l'identification ne joue que lorsque le ministère public établit que l'acte de l'âme dirigeante a) entrait dans le domaine d'attribution de ses fonctions; b) n'était pas complètement frauduleux envers la compagnie; et c) avait en partie pour but ou pour conséquence de procurer un avantage à la compagnie.
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dimanche 26 juillet 2009
Le principe d'inclusion de la preuve par le «n'eût été»
R. c. Auclair, 2004 CanLII 24201 (QC C.A.)
[52] C'est un truisme d'affirmer que le droit prétorien n'a pas créé une règle d'exclusion automatique de la preuve obtenue par suite d'une violation de la Charte. Depuis l'arrêt R. c. Collins, précité, il est acquis que le par. 24(2) introduit un processus de pondération en fonction de trois facteurs (1) l'équité du procès, (2) la gravité de la violation et (3) l'incidence de l'utilisation de la preuve sur la considération d'un jouit l'administration de la justice.
[53] Dans l'examen du premier facteur, la jurisprudence avait d'abord proposé que dans le cas d'une preuve autoincriminante sous forme de déclaration, obtenue en violation de la Charte, cela tendait généralement à rendre le procès inéquitable et par conséquent justifiait l'exclusion. Graduellement, cette interprétation a été modifiée: le procès ne serait pas inéquitable s'il est démontré que les aveux auraient été fournis même si les policiers avaient respecté leurs obligations de renseignement, d'où le principe du «n'eût été»: mais qui en a le fardeau?
[54] C'est au ministère public qu'incombe ce fardeau: R. c. Stillman, précité, p. 667, et auparavant R. c. Harper, 1994 CanLII 68 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 343, p. 354, 355. Ce fardeau ne doit pas être confondu avec celui de l'inculpé qui, dans le cadre d'une demande d'exclusion selon le par. 24(2), doit convaincre le tribunal que l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
[55] L'arrêt Harper, précité, illustre avec clarté le principe du «n'eût été». On a estimé que l'omission de la police de renseigner adéquatement le détenu sur son droit à l'avocat n'a pas influencé la conduite de l'appelant, en raison d'un désir presque irrésistible de passer aux aveux et de la preuve qu'après chacune des mises en garde il avait clairement indiqué qu'il avait compris.
[56] Également dans R. v. Hieronymi, 1995 CanLII 1109 (ON C.A.), [1995] 25 O.R. (3d) 363 (C.A. Ont.), le même principe fut appliqué pour justifier l'inclusion d'aveux. Hieronymi est arrêté pour avoir commis un vol simple et les policiers l'informent de ses droits. Après avoir admis son crime et dans le but de négocier sa mise en liberté, il discute avec les policiers de sa toxicomanie, ce qui le mène à avouer des crimes pour lesquels il n'est pas soupçonné et sans que les policiers l'avisent de ses droits à chaque admission. La Cour d'appel se rangea de l'avis du premier juge qu'il s'agissait d'une violation plutôt «technique» de l'al. 10 b) de la Charte et que dans les circonstances il était évident qu'il aurait confessé ses crimes de toute façon:
These factors lead me to believe that Mr. Hieronymi was fully aware of his right to remain silent and also the extent of his jeopardy. I have gone into detail regarding the circumstances surrounding the statement and the conduct of Mr. Hieronymi because in my opinion on the particular facts of this case, I am satisfied beyond any doubt that Mr. Hieronymi would have confessed to the additional offences even if he had been re-advised of his rights to counsel.
[57] L'application de ce principe du «n'eût été» exige beaucoup de nuances.
[58] Il me paraît essentiel, pour éviter de diluer l'importance du respect de ces garanties fondamentales, de rappeler les avertissements formulés par la Cour suprême du Canada à propos du danger de conjecturer sur la question de savoir si des aveux auraient été faits même en l'absence d'une violation du droit à l'avocat et du droit au silence: R. c. Elshaw, 1991 CanLII 28 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 24; R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173 et R. c. Harper, précité, p. 353. Notamment, dans R. c. Elshaw, sous la plume du juge Iacobbucci, on a affirmé qu'on ne peut pas spéculer sur ce qu'un inculpé aurait fait ou dit si ses droits avaient été respectés: justifier ainsi l'inclusion minerait complètement l'importance des droits enchâssés dans la Charte.
[59] Ces avertissements peuvent être conciliés avec le principe du «n'eût été» même dans le cas d'aveux; le «n'eût été» a été appliqué dans des cas où le sujet a compris ses droits mais des accrocs d'ordre informationnel sont survenus. À titre d'exemple, dans l'affaire Elshaw, on ne pouvait se prêter à cet exercice quand les policiers obtiennent une admission avant même de mettre la personne en garde. Par contre, dans Harper, les policiers procèdent à l'arrestation en informant Harper de son droit à l'avocat et de son droit au silence; toutefois, la Cour suprême conclut qu'il y a violation du fait que les policiers n'ont pas en plus informé l'individu de l'existence d'un service d'avocats de garde. La Cour s'est refusée de se prêter à cet exercice du principe du «n'eût été» sur cette seule base: elle s'est plutôt fondée sur la preuve que l'individu éprouvait un désir presque irrésistible de passer aux aveux pour ne pas écarter la preuve.
[52] C'est un truisme d'affirmer que le droit prétorien n'a pas créé une règle d'exclusion automatique de la preuve obtenue par suite d'une violation de la Charte. Depuis l'arrêt R. c. Collins, précité, il est acquis que le par. 24(2) introduit un processus de pondération en fonction de trois facteurs (1) l'équité du procès, (2) la gravité de la violation et (3) l'incidence de l'utilisation de la preuve sur la considération d'un jouit l'administration de la justice.
[53] Dans l'examen du premier facteur, la jurisprudence avait d'abord proposé que dans le cas d'une preuve autoincriminante sous forme de déclaration, obtenue en violation de la Charte, cela tendait généralement à rendre le procès inéquitable et par conséquent justifiait l'exclusion. Graduellement, cette interprétation a été modifiée: le procès ne serait pas inéquitable s'il est démontré que les aveux auraient été fournis même si les policiers avaient respecté leurs obligations de renseignement, d'où le principe du «n'eût été»: mais qui en a le fardeau?
[54] C'est au ministère public qu'incombe ce fardeau: R. c. Stillman, précité, p. 667, et auparavant R. c. Harper, 1994 CanLII 68 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 343, p. 354, 355. Ce fardeau ne doit pas être confondu avec celui de l'inculpé qui, dans le cadre d'une demande d'exclusion selon le par. 24(2), doit convaincre le tribunal que l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
[55] L'arrêt Harper, précité, illustre avec clarté le principe du «n'eût été». On a estimé que l'omission de la police de renseigner adéquatement le détenu sur son droit à l'avocat n'a pas influencé la conduite de l'appelant, en raison d'un désir presque irrésistible de passer aux aveux et de la preuve qu'après chacune des mises en garde il avait clairement indiqué qu'il avait compris.
[56] Également dans R. v. Hieronymi, 1995 CanLII 1109 (ON C.A.), [1995] 25 O.R. (3d) 363 (C.A. Ont.), le même principe fut appliqué pour justifier l'inclusion d'aveux. Hieronymi est arrêté pour avoir commis un vol simple et les policiers l'informent de ses droits. Après avoir admis son crime et dans le but de négocier sa mise en liberté, il discute avec les policiers de sa toxicomanie, ce qui le mène à avouer des crimes pour lesquels il n'est pas soupçonné et sans que les policiers l'avisent de ses droits à chaque admission. La Cour d'appel se rangea de l'avis du premier juge qu'il s'agissait d'une violation plutôt «technique» de l'al. 10 b) de la Charte et que dans les circonstances il était évident qu'il aurait confessé ses crimes de toute façon:
These factors lead me to believe that Mr. Hieronymi was fully aware of his right to remain silent and also the extent of his jeopardy. I have gone into detail regarding the circumstances surrounding the statement and the conduct of Mr. Hieronymi because in my opinion on the particular facts of this case, I am satisfied beyond any doubt that Mr. Hieronymi would have confessed to the additional offences even if he had been re-advised of his rights to counsel.
[57] L'application de ce principe du «n'eût été» exige beaucoup de nuances.
[58] Il me paraît essentiel, pour éviter de diluer l'importance du respect de ces garanties fondamentales, de rappeler les avertissements formulés par la Cour suprême du Canada à propos du danger de conjecturer sur la question de savoir si des aveux auraient été faits même en l'absence d'une violation du droit à l'avocat et du droit au silence: R. c. Elshaw, 1991 CanLII 28 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 24; R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173 et R. c. Harper, précité, p. 353. Notamment, dans R. c. Elshaw, sous la plume du juge Iacobbucci, on a affirmé qu'on ne peut pas spéculer sur ce qu'un inculpé aurait fait ou dit si ses droits avaient été respectés: justifier ainsi l'inclusion minerait complètement l'importance des droits enchâssés dans la Charte.
[59] Ces avertissements peuvent être conciliés avec le principe du «n'eût été» même dans le cas d'aveux; le «n'eût été» a été appliqué dans des cas où le sujet a compris ses droits mais des accrocs d'ordre informationnel sont survenus. À titre d'exemple, dans l'affaire Elshaw, on ne pouvait se prêter à cet exercice quand les policiers obtiennent une admission avant même de mettre la personne en garde. Par contre, dans Harper, les policiers procèdent à l'arrestation en informant Harper de son droit à l'avocat et de son droit au silence; toutefois, la Cour suprême conclut qu'il y a violation du fait que les policiers n'ont pas en plus informé l'individu de l'existence d'un service d'avocats de garde. La Cour s'est refusée de se prêter à cet exercice du principe du «n'eût été» sur cette seule base: elle s'est plutôt fondée sur la preuve que l'individu éprouvait un désir presque irrésistible de passer aux aveux pour ne pas écarter la preuve.
samedi 25 juillet 2009
Éléments à considérer pour aider la Cour à décider du caractère libre et volontaire des confessions
R. c. Brière, 2007 QCCQ 3143 (CanLII)
[32] La confession ou déclaration extrajudiciaire faite volontairement par l’accusé à une personne en autorité est, en principe, admissible lorsque produite par la poursuite, puisqu’il s’agit d’une exception reconnue à la règle interdisant le ouï-dire; une déclaration volontaire contre les intérêts de son auteur étant présumée fiable.
[33] La recevabilité en preuve et l’utilisation en contre-interrogatoire de la confession sont sous-jacentes au respect des droits constitutionnels de l’accusé et des règles de la Common law . Il doit être établi, suivant une preuve prépondérante, le respect du droit au silence, incluant la possibilité pour un accusé de se prévaloir des services d’un avocat, d’en être informé. La poursuite doit, par ailleurs, démontrer hors de tout doute raisonnable que la confession a été obtenue de façon libre et volontaire, sans crainte d’un préjudice et sans l’espoir d’un avantage dispensé ou promis, faite en l’absence d’un climat d’oppression ou d’une atmosphère d’intimidation pour une personne raisonnable et alors que l’accusé agissait avec conscience ou avait un état d’esprit conscient.
[34] Le Tribunal possède aussi le pouvoir limité, reconnu par la Common law, d’exclure une preuve dont l’utilisation porterait atteinte à l’équité du procès.
[35] Lorsqu’il s’agit de décider du caractère libre et volontaire des confessions, il y a lieu, pour le Tribunal, de s’assurer du respect du droit constitutionnel de l’accusé au silence, puisque leur admissibilité fait dorénavant partie intégrante de ce droit, mais, par ailleurs, il y a lieu de ne pas restreindre indûment le devoir des policiers d’enquêter et de résoudre les crimes.
[36] L’analyse de ces éléments doit être faite de façon contextuelle par un examen de l’ensemble des circonstances. Aucun critère n’est en soi déterminant, la globalité des circonstances doit être examinée. Sont notamment des éléments à considérer parmi d’autres :
- La violence, les menaces de nature à susciter la crainte d’un préjudice même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers;
- Des promesses d’avantages même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers, étant entendu qu’il faut considérer au premier plan l’importance accordée par le suspect à la contrepartie promise dans l’examen contextuel global du caractère volontaire de la confession, car en définitive c’est l’examen du caractère volontaire et non de la contrepartie qui occupe le premier plan;
- le climat de la rencontre;
- la réaction d’une personne raisonnable;
- la personnalité de l’accusé et sa capacité à résister à toute suggestivité;
- la confrontation de l’accusé par les policiers avec de faux éléments de preuve;
- l’utilisation de manipulation, de ruses odieuses (dirty tricks) ou d’artifices de nature à le tromper et à le priver de ses choix; par opposition à l’utilisation de simples stratégies (mere tricks) de façon à ce que le Tribunal se préoccupe de la crédibilité du système judiciaire et du choix effectif d’un suspect de parler ou non aux autorités;
- l’état d’esprit conscient de l’accusé;
- le fait que le suspect soit ou non détenu ou en état d’arrestation;
- la durée de la période de détention; une durée excessivement longue pouvant comporter des effets oppressifs;
- le fait de priver l’accusé des besoins de base : nourriture, vêtements, eau, sommeil, médicaments;
- les conditions de la détention;
- le nombre d’interrogatoires et leur durée respective et globale;
- le nombre de policiers en contact avec l’accusé et leur rôle respectif;
- le fait que le verbatim ait été ou non consigné le plus intégralement possible;
- le nombre de confessions écrites, le délai écoulé entre chacune d’elles, les références aux déclarations antérieures, la découverte de preuves incriminant le suspect postérieure aux déclarations antérieures, l’existence de circonstances ayant vicié l’une des premières déclarations;
- le respect des droits constitutionnels de l’accusé;
- le fait qu’il soit entré ou non en communication avec un avocat;
- la diligence de l’accusé à cet égard;
- dans le cas d’une renonciation à consulter un avocat, le caractère clair et délibéré de celle-ci;
- l’utilisation ou l’omission d’utiliser l’enregistrement par vidéo et les motifs qui la sous-tendent ;
- le contenu de la déclaration, surtout s’il est révélateur des circonstances de la prise de la déclaration.
[32] La confession ou déclaration extrajudiciaire faite volontairement par l’accusé à une personne en autorité est, en principe, admissible lorsque produite par la poursuite, puisqu’il s’agit d’une exception reconnue à la règle interdisant le ouï-dire; une déclaration volontaire contre les intérêts de son auteur étant présumée fiable.
[33] La recevabilité en preuve et l’utilisation en contre-interrogatoire de la confession sont sous-jacentes au respect des droits constitutionnels de l’accusé et des règles de la Common law . Il doit être établi, suivant une preuve prépondérante, le respect du droit au silence, incluant la possibilité pour un accusé de se prévaloir des services d’un avocat, d’en être informé. La poursuite doit, par ailleurs, démontrer hors de tout doute raisonnable que la confession a été obtenue de façon libre et volontaire, sans crainte d’un préjudice et sans l’espoir d’un avantage dispensé ou promis, faite en l’absence d’un climat d’oppression ou d’une atmosphère d’intimidation pour une personne raisonnable et alors que l’accusé agissait avec conscience ou avait un état d’esprit conscient.
[34] Le Tribunal possède aussi le pouvoir limité, reconnu par la Common law, d’exclure une preuve dont l’utilisation porterait atteinte à l’équité du procès.
[35] Lorsqu’il s’agit de décider du caractère libre et volontaire des confessions, il y a lieu, pour le Tribunal, de s’assurer du respect du droit constitutionnel de l’accusé au silence, puisque leur admissibilité fait dorénavant partie intégrante de ce droit, mais, par ailleurs, il y a lieu de ne pas restreindre indûment le devoir des policiers d’enquêter et de résoudre les crimes.
[36] L’analyse de ces éléments doit être faite de façon contextuelle par un examen de l’ensemble des circonstances. Aucun critère n’est en soi déterminant, la globalité des circonstances doit être examinée. Sont notamment des éléments à considérer parmi d’autres :
- La violence, les menaces de nature à susciter la crainte d’un préjudice même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers;
- Des promesses d’avantages même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers, étant entendu qu’il faut considérer au premier plan l’importance accordée par le suspect à la contrepartie promise dans l’examen contextuel global du caractère volontaire de la confession, car en définitive c’est l’examen du caractère volontaire et non de la contrepartie qui occupe le premier plan;
- le climat de la rencontre;
- la réaction d’une personne raisonnable;
- la personnalité de l’accusé et sa capacité à résister à toute suggestivité;
- la confrontation de l’accusé par les policiers avec de faux éléments de preuve;
- l’utilisation de manipulation, de ruses odieuses (dirty tricks) ou d’artifices de nature à le tromper et à le priver de ses choix; par opposition à l’utilisation de simples stratégies (mere tricks) de façon à ce que le Tribunal se préoccupe de la crédibilité du système judiciaire et du choix effectif d’un suspect de parler ou non aux autorités;
- l’état d’esprit conscient de l’accusé;
- le fait que le suspect soit ou non détenu ou en état d’arrestation;
- la durée de la période de détention; une durée excessivement longue pouvant comporter des effets oppressifs;
- le fait de priver l’accusé des besoins de base : nourriture, vêtements, eau, sommeil, médicaments;
- les conditions de la détention;
- le nombre d’interrogatoires et leur durée respective et globale;
- le nombre de policiers en contact avec l’accusé et leur rôle respectif;
- le fait que le verbatim ait été ou non consigné le plus intégralement possible;
- le nombre de confessions écrites, le délai écoulé entre chacune d’elles, les références aux déclarations antérieures, la découverte de preuves incriminant le suspect postérieure aux déclarations antérieures, l’existence de circonstances ayant vicié l’une des premières déclarations;
- le respect des droits constitutionnels de l’accusé;
- le fait qu’il soit entré ou non en communication avec un avocat;
- la diligence de l’accusé à cet égard;
- dans le cas d’une renonciation à consulter un avocat, le caractère clair et délibéré de celle-ci;
- l’utilisation ou l’omission d’utiliser l’enregistrement par vidéo et les motifs qui la sous-tendent ;
- le contenu de la déclaration, surtout s’il est révélateur des circonstances de la prise de la déclaration.
La durée de détention ne rend pas en soi inadmissible une déclaration extrajudiciaire d’un accusé
R. c. Brière, 2007 QCCQ 3143 (CanLII)
[44] L’importance de la durée de détention ne rend pas en soi inadmissible une déclaration extrajudiciaire d’un accusé, mais il s’agit d’un des éléments à étudier. Dans ce cas, la poursuite doit rendre compte des actes des policiers durant toute cette période.
«The prospect of lengthy interrogation carries the implicit threat that it will continue endlessly or the promise that it will cease only when a confession is made.»
[45] Dans l’affaire R. c. Koszulap, la Cour d’appel de l’Ontario précise que :
«… the length of time during which the appellant was held in police custody in this case called for the most complete investigation of all the circumstances leading up to the making of the confession.»
[46] La Cour d’appel dans l’affaire R. c. Otis signale :
« Une autre forme de persuasion abusive pourrait survenir dans un cas de détention prolongée (…) Detention until confession is an unacceptable form of persuasion. »
[44] L’importance de la durée de détention ne rend pas en soi inadmissible une déclaration extrajudiciaire d’un accusé, mais il s’agit d’un des éléments à étudier. Dans ce cas, la poursuite doit rendre compte des actes des policiers durant toute cette période.
«The prospect of lengthy interrogation carries the implicit threat that it will continue endlessly or the promise that it will cease only when a confession is made.»
[45] Dans l’affaire R. c. Koszulap, la Cour d’appel de l’Ontario précise que :
«… the length of time during which the appellant was held in police custody in this case called for the most complete investigation of all the circumstances leading up to the making of the confession.»
[46] La Cour d’appel dans l’affaire R. c. Otis signale :
« Une autre forme de persuasion abusive pourrait survenir dans un cas de détention prolongée (…) Detention until confession is an unacceptable form of persuasion. »
vendredi 24 juillet 2009
Calcul de la prescription en matière de procédure sommaire
R. c. Aucoin, 2000 CanLII 14706 (QC C.Q.)
Le 4 avril 1999, à 1h15 du matin, monsieur Pascal Aucoin est mis en état d'arrestation pour une infraction prévue à l'article 253 du Code criminel. Le 4 octobre suivant, le Ministère public dépose une dénonciation au greffe, optant pour la " procédure par déclaration sommaire de culpabilité ". (Partie XXVII du Code criminel).
L'article 786(2) du Code criminel prescrit ce qui suit:
«À moins d'une entente à l'effet contraire entre le poursuivant et le défendeur, les procédures se prescrivent par six mois à compter du fait en cause.»
L'article doit être lu en corrélation avec les dispositions de l'article 28 de la Loi d'interprétation (Chap. I-21) qui stipule:
«Si le délai est exprimé en nombre de mois précédant ou suivant un jour déterminé, les règles suivantes s'appliquent:
a) le nombre de mois se calcule, dans un sens ou dans l'autre, exclusion faite du mois où tombe le jour déterminé;
b) le jour déterminé ne compte pas;
c) le jour qui, dans le dernier mois obtenu selon l'alinéa a), porte le même quantième que le jour déterminé compte; à défaut de quantième identique, c'est le dernier jour de ce mois qui compte.»
c) le jour qui, dans le dernier mois obtenu selon l'alinéa a), porte le même quantième que le jour déterminé compte; à défaut de quantième identique, c'est le dernier jour de ce mois qui compte.»
Appliquons cette disposition en l'espèce, qui ne semble pas susceptible de plusieurs interprétations logiques.
Nous comprenons:
1) qu'en vertu de l'article 28b), le 4 avril 1999 est le jour déterminé, et il ne compte pas.
2) qu'en vertu de l'article 28c), la journée du 4 octobre 1999 compte.
En conséquence, la période pertinente est celle " à partir du et incluant " le 5 avril 1999 " jusqu'au et incluant " le 4 octobre 1999. Cette période correspond à " 6 mois ", de sorte que la prescription n'aurait été acquise que le 5 octobre 1999
Le 4 avril 1999, à 1h15 du matin, monsieur Pascal Aucoin est mis en état d'arrestation pour une infraction prévue à l'article 253 du Code criminel. Le 4 octobre suivant, le Ministère public dépose une dénonciation au greffe, optant pour la " procédure par déclaration sommaire de culpabilité ". (Partie XXVII du Code criminel).
L'article 786(2) du Code criminel prescrit ce qui suit:
«À moins d'une entente à l'effet contraire entre le poursuivant et le défendeur, les procédures se prescrivent par six mois à compter du fait en cause.»
L'article doit être lu en corrélation avec les dispositions de l'article 28 de la Loi d'interprétation (Chap. I-21) qui stipule:
«Si le délai est exprimé en nombre de mois précédant ou suivant un jour déterminé, les règles suivantes s'appliquent:
a) le nombre de mois se calcule, dans un sens ou dans l'autre, exclusion faite du mois où tombe le jour déterminé;
b) le jour déterminé ne compte pas;
c) le jour qui, dans le dernier mois obtenu selon l'alinéa a), porte le même quantième que le jour déterminé compte; à défaut de quantième identique, c'est le dernier jour de ce mois qui compte.»
c) le jour qui, dans le dernier mois obtenu selon l'alinéa a), porte le même quantième que le jour déterminé compte; à défaut de quantième identique, c'est le dernier jour de ce mois qui compte.»
Appliquons cette disposition en l'espèce, qui ne semble pas susceptible de plusieurs interprétations logiques.
Nous comprenons:
1) qu'en vertu de l'article 28b), le 4 avril 1999 est le jour déterminé, et il ne compte pas.
2) qu'en vertu de l'article 28c), la journée du 4 octobre 1999 compte.
En conséquence, la période pertinente est celle " à partir du et incluant " le 5 avril 1999 " jusqu'au et incluant " le 4 octobre 1999. Cette période correspond à " 6 mois ", de sorte que la prescription n'aurait été acquise que le 5 octobre 1999
Critères d’analyse à être appliqués lors de l’examen judiciaire du pouvoir discrétionnaire du poursuivant
R. c. Hogan, 2008 NBBR 119 (CanLII)
i. Si le ministère public établit qu’il devrait procéder par voie de procédure sommaire à l’égard de l’infraction en question, les dispositions du Code criminel relatives à une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire s’appliquent.
ii. Si le ministère public exerce l’option précitée, c’est qu’il a jugé que l’infraction est moins grave qu’un acte criminel.
iii. Le ministère public ne peut modifier sa décision arbitrairement et en arriver à un résultat différent.
iv. Des motifs raisonnables doivent sous-tendre un tel changement.
v. Une présomption forte de régularité existe à l’égard du choix du ministère public et l’infraction est réputée avoir été proprement qualifiée.
vi. Le pouvoir discrétionnaire du ministère public est susceptible de révision judiciaire seulement pour le motif de « conduite répréhensible flagrante » selon R. c. Balderstone reflex, (1983), 8 C.C.C. (3d) 532, ou pour « des motifs irréguliers ou arbitraires ».
i. Si le ministère public établit qu’il devrait procéder par voie de procédure sommaire à l’égard de l’infraction en question, les dispositions du Code criminel relatives à une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire s’appliquent.
ii. Si le ministère public exerce l’option précitée, c’est qu’il a jugé que l’infraction est moins grave qu’un acte criminel.
iii. Le ministère public ne peut modifier sa décision arbitrairement et en arriver à un résultat différent.
iv. Des motifs raisonnables doivent sous-tendre un tel changement.
v. Une présomption forte de régularité existe à l’égard du choix du ministère public et l’infraction est réputée avoir été proprement qualifiée.
vi. Le pouvoir discrétionnaire du ministère public est susceptible de révision judiciaire seulement pour le motif de « conduite répréhensible flagrante » selon R. c. Balderstone reflex, (1983), 8 C.C.C. (3d) 532, ou pour « des motifs irréguliers ou arbitraires ».
jeudi 23 juillet 2009
Principes applicables au contre-interrogatoire des témoins
R. c. Osolin, 1993 CanLII 54 (C.S.C.)
Le droit de contre‑interroger les témoins qui est maintenant protégé par l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte, est un élément fondamental du procès équitable auquel l'accusé a droit.
Malgré son importance, le droit de contre‑interroger n'a jamais été illimité. Il doit respecter le principe fondamental selon lequel tout élément de preuve doit être pertinent pour être admissible. En outre, la valeur probante de la preuve doit être soupesée en regard de son effet préjudiciable. La pertinence et la valeur probante doivent être déterminées dans le contexte du but visé par la preuve produite.
En général, un plaignant peut être contre‑interrogé dans le but de faire ressortir des éléments de preuve portant sur le consentement et sur la crédibilité lorsque la valeur probante de cette preuve l'emporte sensiblement sur le risque qu'il en découle un préjudice inéquitable. Le contre‑interrogatoire qui se fonde sur des mythes sans fondement sur le viol et sur des stéréotypes fantaisistes afin de démontrer qu'il y a eu consentement ou d'attaquer la crédibilité est abusif et ne devrait pas être autorisé. Le juge du procès doit prendre en considération toute la preuve présentée au voir‑dire afin de déterminer si le contre‑interrogatoire proposé vise une fin légitime.
Dans chaque affaire, il doit établir un équilibre délicat entre le droit de l'accusé à un procès équitable et la nécessité de protéger raisonnablement le plaignant. Si, au terme du voir‑dire, le contre‑interrogatoire est autorisé, le jury doit recevoir des directives sur la façon adéquate d'utiliser la preuve tirée du contre‑interrogatoire
La possibilité de contre-interroger les témoins constitue un élément fondamental du procès équitable auquel l'accusé a droit. Il s'agit d'un principe ancien et bien établi qui est lié de près à la présomption d'innocence.
Le contre-interrogatoire revêt un caractère encore plus important comme moyen de permettre à l'accusé de présenter une défense pleine et entière lorsque la crédibilité est le point litigieux central du procès.
On peut donc constater que le droit au contre-interrogatoire a toujours été considéré comme un élément d'importance fondamentale dans un procès criminel. Ce droit est maintenant protégé par l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte. Par conséquent, il devrait être interprété «dans le sens large et généreux que lui mérite son statut constitutionnel» (voir R. c. Potvin, 1989 CanLII 130 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 525, à la p. 544)
Le droit de contre‑interroger les témoins qui est maintenant protégé par l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte, est un élément fondamental du procès équitable auquel l'accusé a droit.
Malgré son importance, le droit de contre‑interroger n'a jamais été illimité. Il doit respecter le principe fondamental selon lequel tout élément de preuve doit être pertinent pour être admissible. En outre, la valeur probante de la preuve doit être soupesée en regard de son effet préjudiciable. La pertinence et la valeur probante doivent être déterminées dans le contexte du but visé par la preuve produite.
En général, un plaignant peut être contre‑interrogé dans le but de faire ressortir des éléments de preuve portant sur le consentement et sur la crédibilité lorsque la valeur probante de cette preuve l'emporte sensiblement sur le risque qu'il en découle un préjudice inéquitable. Le contre‑interrogatoire qui se fonde sur des mythes sans fondement sur le viol et sur des stéréotypes fantaisistes afin de démontrer qu'il y a eu consentement ou d'attaquer la crédibilité est abusif et ne devrait pas être autorisé. Le juge du procès doit prendre en considération toute la preuve présentée au voir‑dire afin de déterminer si le contre‑interrogatoire proposé vise une fin légitime.
Dans chaque affaire, il doit établir un équilibre délicat entre le droit de l'accusé à un procès équitable et la nécessité de protéger raisonnablement le plaignant. Si, au terme du voir‑dire, le contre‑interrogatoire est autorisé, le jury doit recevoir des directives sur la façon adéquate d'utiliser la preuve tirée du contre‑interrogatoire
La possibilité de contre-interroger les témoins constitue un élément fondamental du procès équitable auquel l'accusé a droit. Il s'agit d'un principe ancien et bien établi qui est lié de près à la présomption d'innocence.
Le contre-interrogatoire revêt un caractère encore plus important comme moyen de permettre à l'accusé de présenter une défense pleine et entière lorsque la crédibilité est le point litigieux central du procès.
On peut donc constater que le droit au contre-interrogatoire a toujours été considéré comme un élément d'importance fondamentale dans un procès criminel. Ce droit est maintenant protégé par l'art. 7 et l'al. 11d) de la Charte. Par conséquent, il devrait être interprété «dans le sens large et généreux que lui mérite son statut constitutionnel» (voir R. c. Potvin, 1989 CanLII 130 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 525, à la p. 544)
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