R. c. Beauséjour, 2004 CanLII 27812 (QC C.Q.)
[11] L'article 254(3) accorde à l'agent de la paix le pouvoir d'ordonner à une personne de fournir un échantillon d'haleine:
"Prélèvement d'échantillon d'haleine ou de sang lorsqu'il y a motif raisonnable de croire qu'une infraction a été commise - L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est en train de commettre, ou a commis au cours de trois heures précédentes, par suite d'absorption d'alcool, une infraction à l'article 253 peut lui ordonner immédiatement ou dès que possible de lui fournir immédiatement ou dès que possible les échantillons suivants :
a) soit les échantillons d'haleine qui de l'avis d'un technicien qualifié sont nécessaires à une analyse convenable pour permettre de déterminer son alcoolémie;
b) soit les échantillons de sang suivant le paragraphe (4), qui, de l'avis d'un technicien ou d'un médecin qualifié, sont nécessaires à l'analyse convenable pour permettre de déterminer son alcoolémie, dans le cas où l'agent de la paix a des motifs raisonnables de croire qu'à cause de l'état physique de cette personne, une de ces conditions se présente :
(i) celle-ci peut être incapable de fournir un échantillon d'haleine,
(ii) le prélèvement d'un échantillon d'haleine ne serait pas facilement réalisable.
Aux fins de prélever les échantillons de sang ou d'haleine, l'agent de la paix peut ordonner à cette personne de le suivre."
[12] Il n'existe aucune formulation spécifique quant à l'ordre de fournir un échantillon d'haleine, il suffit que les paroles soient suffisamment claires pour que l'accusé comprenne l'obligation d'y obtempérer :
▪ R. c. Mandeville, 31 M.V.R. 63 (Alberta Court of Queen's Bench 1985)
▪ R. c. Nicholson [1970] 8 C.C.C. (2d) 170 (Cour Suprême N.E.)
▪ R. c. Flegel [1972] 7 C.C.C. (2d) 55 (C.A. Sask.)
▪ R. c. Green [1992]1 R.C.S. 614
▪ R. c. Binette [1992] 136 A.R. 161 (Prov. Ct)
▪ R. c. Roesslein [1989] 22 M.V.R. (2d) 294, confirmé par C.A. reflex, [1990] 84 Sask R. 283
▪ R. c. Gorski [1979] 2 M.V.R. 219 (A.R. Dist. Ct.)
▪ R. c. Ackerman [1972] 6 C.C.C. (2d) 425 (C.A. Sask.)
[13] L'article 258(1)(c) prévoit la production des résultats d'analyse des échantillons d'haleine prélevés conformément à l'ordre prévu à l'article 254(3).
Article 258(1)(c): Lorsque des échantillons de l'haleine de l'accusé ont été prélevés conformément à un ordre donné en vertu du paragraphe 254(3), la preuve des résultats des analyses fait foi, en l'absence de toute preuve contraire, de l'alcoolémie de l'accusé au moment où l'infraction aurait été commise, ce taux correspondant aux résultats de ces analyses, lorsqu'ils sont identiques, ou au plus faible d'entre eux s'ils sont différents, si les conditions suivantes sont réunies :
(i) au moment où chaque échantillon a été prélevé, la personne qui le prélevait a offert de remettre à l'accusé, pour son propre usage, un spécimen de son haleine dans un contenant approuvé, et si, sur demande de l'accusé faite à ce moment-là, un tel spécimen lui a été remis,
(ii) chaque échantillon a été prélevé dès qu'il a été matériellement possible de le faire après le moment où l'infraction aurait été commise et, dans le cas du premier échantillon, pas plus de deux heures après ce moment, les autres l'ayant été à des intervalles d'au moins quinze minutes,
(iii) chaque échantillon a été reçu de l'accusé directement dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié,
(iv) une analyse de chaque échantillon a été faite à l'aide d'un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié.
[14] Cet article crée une présomption d'exactitude des résultats obtenus, présomption qui peut être réfutée par une preuve contraire.
[15] Lorsqu'il y a absence de preuve sur une demande de fournir un échantillon d'haleine, les résultats obtenus de l'ivressomètre ne seront pas admissibles par le dépôt du certificat.
▪ R. c. Coates, [1972] S.W.W.R. 487 (Yukon Territory Magistrate's Court)
▪ R. c. Reynolds, décision de l'honorable Claude Provost, C.Q. 4-10-94 no. 505-01-000935-946
▪ Lavoie c. La Reine, C.A. Québec, J.E. 2000-1756
▪ Tsiris c. La Reine, C.A. Québec, J.E. 2000-1757
[16] Mais le témoignage du technicien peut palier à cette lacune.
▪ R. c. Showell [1971] 3 O.R. 460
[17] D'autre part, le consentement de l'accusé à fournir un échantillon crée une présomption qu'il y a eu préalablement une demande.
▪ R. c. Roesslein, (précité)
[18] Dans Rilling c. La Reine 1975 CanLII 159 (C.S.C.), [1976] 2 R.C.S. 183, la Cour Suprême appelée à trancher sur l'opposition de l'accusé au dépôt du certificat d'analyse parce que la preuve du ministère public était déficiente sur l'existence, par le policier ayant donné l'ordre de fournir l'échantillon d'haleine, de motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction avait été commise, conclue par l'opinion du juge Judson :
[TRADUCTION] "J'estime que cette Cour doit faire siennes les opinions émises dans les affaires Orchard, Showell et Flegel, précitées, et conclure que l'absence de motifs raisonnables et probables de croire que la capacité de conduire du prévenu était affaiblie, bien que constituant un moyen de défense opposable à une accusation portée en vertu du par. (2) de l'art. 235 du Code pour avoir refusé de subir un alcootest, ne rend pas irrecevable le certificat de l'analyse dans le cas d'une accusation portée en vertu de l'art. 236 du Code. Le motif qui a incité un agent de la paix à faire une sommation en vertu du par. (1) de l'article 235 n'est pas un élément pertinent lorsque l'on a obtempéré à cette sommation."
[19] La venue de la Charte canadienne des droits et libertés ayant marqué notre droit, les tribunaux ont interprété cet arrêt et tenté de l'écarter. Cependant, monsieur le juge Cory, dans R. c. Bernshaw 1995 CanLII 150 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 254, au nom de la minorité discute des critères d'application dans l'arrêt Rilling aux pages 280 et 281 :
"Dans l'arrêt Rilling, notre Cour a statué que l'absence de motifs raisonnables d'ordonner l'alcootest n'était pas pertinent dans les cas où le conducteur avait, de toute façon, obtempéré à l'ordre. (…)
En l'espèce, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a statué que l'arrêt Rilling ne constitue plus le droit applicable puisqu'il a été rendu avant l'adoption de la Charte.
À mon avis, la Cour d'appel a commis une erreur en adoptant cette position. Certes, la Charte est pertinente. Il est possible qu'un accusé puisse établir, selon la prépondérance des probabilités, que le prélèvement des échantillons d'haleine contrevient aux droits que lui garantit la Charte. Par exemple, on pourrait soutenir que le policier n'avait pas, comme la disposition l'exige, de motifs raisonnables d'ordonner l'alcootest, et que, dans ces circonstances, l'utilisation des résultats obtenus serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Dans ces circonstances, la preuve obtenue au moyen de l'alcootest pourrait ne pas être utilisée. Cependant, lorsqu'un accusé obtempère à l'ordre de se soumettre à un alcootest, le ministère public n'a pas à établir qu'il avait des motifs raisonnables de donner l'ordre en question. À mon avis, il appartient plutôt à l'accusé d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu violation de la Charte et que les éléments de preuve recueillis devraient être écartés conformément au par. 24(2). Les résultats des alcootests ne devaient pas être écartés automatiquement.
Plusieurs cours d'appel provinciales ont adopté comme position que l'arrêt Rilling est toujours applicable dans les circonstances appropriées. C'est-à-dire, que lorsque des échantillons d'haleine sont obtenus sans qu'il existe de motifs raisonnables d'en ordonner le prélèvement, les éléments de preuve recueillis devraient être écartés seulement si l'accusé en fait la demande conformément au par. 24(2) de la Charte. Voir R. c. McNulty (1991), 35 M.V.R. (2d) 27 (C.A. Ont.); R. c. Linttell reflex, (1991), 64 C.C.C. (3d) 507 (C.A. Alb.); R. c. Dwernychuk 1992 CanLII 2762 (AB C.A.), (1992), 77 C.C.C. (3d) 385 (C.A. Alb.), autorisation de pourvoi refusée, [1993] 2 R.C.S. vii; R. c. Marshall 1989 CanLII 201 (NS C.A.), (1989), 91 N.S.R. (2d) 211 (C.A.); R. c. Langdon 1992 CanLII 2776 (NL C.A.), (1992), 74 C.C.C. (3d) 570 (C.A. T.-N.); R. c. Leneal 91990), 68 Man. R. (2d) 127 (C.A.). Je crois que c'est la démarche qui devrait être adoptée."
[20] De l'opinion du juge Rochette dans Lavoie c. La Reine (précité), cette opinion sur laquelle la majorité ne s'est pas prononcée doit «servir de guides», page 10.
[21] Ainsi l'on peut conclure que l'ordre de fournir un échantillon d'haleine n'a pas à être répété devant l'appareil ivressomètre, en autant qu'il a validement été fait au préalable. Le technicien qualifié, qui somme lui-même le prévenu de fournir un échantillon d'haleine, n'a pas l'obligation de connaître toutes les circonstances de l'intervention, de même que les motifs raisonnables en autant que l'agent de la paix qui les détient l'en informe ou est présent lors de la prise des échantillons.
[22] De plus, toujours dans Lavoie c. La Reine (précité), le juge Rochette précise que le ministère public n'a pas :
"…à faire la démonstration hors de tout doute raisonnable que l'ordre donné à l'appelant en vertu de l'article 254(3) du C.cr. était fondé sur des motifs raisonnables."
[23] L'accusé qui entend soulever un argument en exclusion de la preuve (24(2) de la Charte) doit le faire au moment où la preuve est offerte, à ce sujet Tsiris c. La Reine, (précité):
"CONSIDÉRANT au surplus que la requête d'un accusé pour exclure une preuve obtenue en violation de la Charte canadienne des droits et libertés (article 24(2)) doit, généralement, être présentée au moment où cette preuve est offerte, ou même avant qu'elle ne le soit, et non pas après que le ministère public ait déclaré sa preuve close (R. c. Kutynec, 70 C.C.C. (3d) 289, le J. Finlayson, pages 294-295 (C.A. Ontario); R. c. Dwernychuk, 77 C.C.C. (3d)385 (C.A. Alberta); R. c. Vukelich, 108 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Colombie-Britannique); R. c. Yorke, 77 C.C.C. (3d) 529 (C.A. Nouvelle-Écosse), confirmé par la Cour suprême le 15 octobre 1993, 84 C.C.C. (3d) 286; R. c. Timm, [1998] A.Q. no. 3168, le juge Fish, par. [89]-[91]);…"
et Lavoie c. La Reine (précité):
"Si l'appelant entendait soulever l'absence de motifs raisonnables tant au plan du Code criminel que de la Charte, il aurait dû s'objecter au dépôt des résultats d'analyse de l'alcootest et forcer le ministère public à faire la démonstration de tels motifs. Il aurait dû soulever cette prétendue lacune dans la preuve et forcer l'administration d'une preuve additionnelle, ou faire lui-même cette preuve. Il aurait dû le faire assez tôt pour que le poursuivant puisse répliquer efficacement."
[24] Au surplus, l'opinion du juge Lamer dans Knox c. La Reine 1996 CanLII 171 (C.S.C.), [1996] 3 R.C.S. 199, à l'effet que ne déconsidère pas l'administration de la justice la production en preuve d'un échantillon de sang obtenu sans conformité aux prescriptions de l'article 254(4) lorsqu'un accusé y a vraiment obtempéré, rend l'exclusion sous 24(2) quasi impossible.
[25] Appliquant ces principes à la présente affaire, devant la preuve que
a) l'accusé a reçu un ordre de fournir un échantillon d'haleine par le technicien;
b) le policier intercepteur avait les motifs raisonnables et probables d'arrêter l'accusé et de le conduire devant l'appareil ivressomètre;
c) il était présent lors de l'ordre de fournir un échantillon d'haleine et lors de la prise des échantillons;
d) l'accusé ne s'est pas objecté au dépôt des certificats d'analyse;
e) la demande d'exclusion a été faite tardivement;
f) l'administration de la justice n'est pas déconsidérée par la production de résultats, étant donné que l'accusé a consenti à la prise d'échantillons d'haleine,
la requête en exclusion de la preuve est rejetée.
[26] En terminant, l'arrêt Pavel (précité) cité par le procureur de l'accusé ne peut recevoir application. Il s'agissait dans cet arrêt d'une première demande de fournir un échantillon d'haleine par un agent de la paix qui ne fut pas réalisé suite au transport de l'accusé à l'hôpital en cours de route. Par la suite, un autre agent de la paix, totalement ignorant des motifs de l'interception et des circonstances de l'infraction a exigé un échantillon de sang; c'est pour cette raison que la Cour a conclu au non respect des conditions préalables d'introduction d'un certificat conformément à l'article 254(3)(b). Or, preuve a été faite que l'agent Montpetit était présente lors de la demande de l'agent Métayer.
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vendredi 4 septembre 2009
Défense de croyance sincère mais erronée du consentement
R. c. Bruneau, 2003 CanLII 52227 (QC C.Q.)
[39] Le procureur de la défense soulève la défense de croyance sincère mais erronée du consentement de S.D. basé sur la jurisprudence et l'article 265 (4) du Code criminel qui se lit comme suit:
"Lorsque l'accusé allègue qu'il croyait que le plaignant avait consenti aux actes sur lesquels l'accusation est fondée, le juge, s'il est convaincu qu'il y a une preuve suffisante et que cette preuve constituerait une défense si elle était acceptée par le jury, demande à ce dernier de prendre en considération, en évaluant l'ensemble de la preuve qui concerne la détermination de la sincérité de la croyance de l'accusé, la présence ou l'absence de motifs raisonnables pour celle-ci."
[40] La première question que le Tribunal doit se poser est la suivante: "ce moyen de défense est-il vraisemblable? Ce critère est bien expliqué dans le volume de monsieur le juge Boilard, Manuel de preuve pénale, paragraphe 5.217, p. 5-85.
"5.217 - La nature de cette défense et sa disponibilité furent encore une fois l'un des sujets considérés dans R. c. Davis, [1999] 3. R.C.S. 759, 139 C.C.C. (3d) 193, 29 C.R. (5th) 1, où le juge en chef Lamer, au nom d'une Cour unanime, fournissait l'utile résumé suivant:
«La défense de croyance sincère mais erronée au consentement est simplement une dénégation de la mens rea de l'agression sexuelle: R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.S. 330, au par. 44; R. c. Pappajohn, [1980] 1 R.C.S. 120, à la p. 148. L'actus reus de l'agression sexuelle est constitué par des attouchements, de nature sexuelle, sans le consentement du plaignant. La mens rea est constituée par l'intention de l'accusé de se livrer à des attouchements sur une personne et la connaissance de son absence de consentement ou l'insouciance ou l'aveuglement volontaire à cet égard: Ewanchuk, précité, aux par. 25 et 42. Dans certaines circonstances, il se peut que le plaignant ne consente pas aux attouchements sexuels, mais que l'accusé croit sincèrement mais erronément que le plaignant y a consenti. Dans de tels cas, l'actus reus de l'infraction est établi, mais la mens rea ne l'est pas.
Avant que la défense puisse être examinée, il faut qu'il y ait suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir convaincre un juge des faits raisonnable (1) que le plaignant n'a pas consenti aux attouchements sexuels, et (2) que l'accusé a néanmoins cru sincèrement mais erronément qu'il était consentant: voir R. c. Osolin, 1993 CanLII 54 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 595, à la p. 648, le juge McLachlin. En d'autres termes, compte tenu de la preuve, il doit être possible pour un juge des faits raisonnable de conclure que l'actus reus est établi, mais que la mens rea ne l'est pas. Dans ces circonstances, on dit que la défense a une certaine «vraisemblance» et le juge des faits, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un jury, doit l'examiner. Par contre, lorsque la défense n'a aucune vraisemblance, il ne faut pas en tenir compte puisqu'aucun juge des faits raisonnable ne pourrait prononcer un verdict d'acquittement sur ce fondement: voir R. c. Park, 1995 CanLII 104 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 836, au par. 11.
Pour déterminer si la défense est vraisemblable, le juge du procès doit examiner l'ensemble de la preuve: voir Osolin, précité, à la p.683, le juge Cory: Park, précité, au par. 16. Le rôle du juge dans un tel cas a été énoncé par le juge Major dans l'arrêt Ewanchuk, précité, au par. 57. Il a statué que le juge ne devrait pas «soupeser les éléments de preuve». La seule préoccupation est «la plausibilité apparente de la défense», et le juge doit «éviter le risque de transformer le critère de la vraisemblance en une évaluation substantielle du bien-fondé de la défense». Il faut faire attention de ne pas usurper le rôle du juge des faits. Chaque fois qu'il est possible qu'un juge des faits raisonnable puisse prononcer un verdict d'acquittement sur le fondement de la défense, celle-ci doit être examinée.
Il n'est pas nécessaire pour l'accusé de faire spécifiquement valoir qu'il croyait que le plaignant avait donné son consentement. En alléguant simplement, directement sous serment ou par l'intermédiaire de son avocat, que le plaignant avait donné son consentement, l'accusé allègue aussi une telle croyance: voir Park, précité, par. 17. Cependant, la simple allégation de l'accusé ne conférera pas de vraisemblance à la défense: voir R. c. Bulmer, 1987 CanLII 56 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 782, à la p. 790.
Bien qu'il s'agisse d'une preuve de la croyance au consentement, ce n'est pas une preuve suffisante d'une croyance sincère mais erronée au consentement. L'agression sexuelle n'est pas un crime qui survient généralement par accident: voir Pappajohn, à la p. 155, le juge Dickson; Osolin, aux p. 685 et 686, le juge Cory. Dans la plupart des cas, la question qui se posera sera celle du «consentement ou de l'absence de consentement», et il n'y aura qu'une alternative. Soit le plaignant a consenti, auquel cas il n'y a pas d'actus reus. Soit le plaignant n'a pas consenti et l'accusé avait une connaissance subjective de ce fait. Dans ce cas, l'actus reus est établi et la mens rea s'ensuit simplement.» (par. 80-84)
«Même si le simple fait pour l'accusé d'affirmer sa croyance que le plaignant a donné son consentement ne constituera pas une preuve suffisante pour soulever la défense, la preuve requise peut néanmoins provenir de l'accusé: Voir Park, précité, aux p. 852 et 853, le juge L'Heureux-Dubé; Osolin, aux p. 686 et 687, le juge Cory, et aux p. 649 et 650, le juge McLachlin. Elle peut également provenir du plaignant, d'autres sources ou d'une combinaison de celles-ci. Dans l'arrêt R. c. Esau, 1997 CanLII 312 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 777, le juge McLachlin, qui était dissidente quant au résultat, a correctement expliqué la nature de cette preuve au par. 63:
Non seulement il doit y avoir une preuve d'absence de consentement et de croyance au consentement, mais il doit aussi y avoir une preuve susceptible d'expliquer comment l'accusé a pu se méprendre sur l'absence de consentement du plaignant et croire sincèrement qu'il consentait. Autrement, ce moyen de défense ne peut pas être valablement soulevé. Bref, il doit y avoir une preuve d'une situation d'ambiguïté dans laquelle l'accusé aurait sincèrement pu comprendre à tort que le plaignant consentait à l'activité sexuelle en question.
Enfin la Cour a statué qu'il n'y aura aucune vraisemblance lorsque la preuve montre que l'accusé a fait preuve d'insouciance ou d'aveuglement volontaire quant à la question du consentement du plaignant. Dans de telles circonstances, l'accusé a subjectivement pris conscience de l'absence de consentement et, par conséquent, ne peut pas avoir une croyance sincère mais erronée que le plaignant a donné son consentement.» (par. 86-87)
[41] Cette défense est basée uniquement sur le témoignage de l'accusé. Aucune des employées de ce dernier ne l'a encouragé de quelque manière que ce soit à poursuivre ses gestes à caractère sexuel, au contraire elles ont manifesté leur insatisfaction et leur mécontentement. Jamais monsieur Bruneau n'a demandé à une de ses employées si elle était d'accord avec les gestes qu'il posait, il n'en a jamais discuté avec elles. Il y a, à mon avis, absence totale de preuve permettant à monsieur Bruneau d'avoir cru sincèrement que S.D. ait pu consentir aux gestes sexuels qu'il a posés sur elle. Cette défense n'est pas vraisemblable et aucun juge des faits ne pourrait en arriver à un acquittement sur cette base. Monsieur Bruneau avait un plan en tête, a profité de sa situation de patron pour le mettre à exécution sans jamais s'informer ou même penser à le faire, face à S.D. La jeune plaignante a toujours été mal à l'aise et a subi l'agression sexuelle de son patron sans jamais consentir ni même lui faire croire qu'elle pouvait consentir. Même si monsieur le juge Lamer dans la cause de Bulmer c. La Reine [1987] (1) R.C.S. affirme:
"24: J'ajouterais en passant qu'à mon avis, la question de croyance erronée au consentement devrait être soumise au jury dans tous les cas où l'accusé témoigne au procès que le plaignant a consenti. On doit interpréter le témoignage de l'accusé que le plaignant a consenti comme voulant dire qu'il croyait que le plaignant consentait. Par conséquent, si le jury croit le plaignant et conclut que celui-ci n'a pas consenti, cela ne clos pas le débat car on ne peut statuer définitivement sur l'affirmation de l'accusé sans se demander s'il croyait sincèrement, mais à tort, que le plaignant consentait."
[42] Le Tribunal ne voit aucun élément de preuve "vraisemblable" dans le témoignage de l'accusé qui puisse lui avoir laissé croire sincèrement que la plaignante aurait pu consentir aux gestes à caractère sexuel qu'il a posés sur elle. Toute la preuve est à l'effet contraire.
[43] En ce qui concerne le deuxième chef d'accusation impliquant N.A. le Tribunal doit se poser la question suivante: est-ce que le consentement apparent de la plaignante était libre et éclairé ou s'il n'avait pas été donné en raison de l'exercice de l'autorité.?
[44] L'article 265 (3) du Code criminel stipule que:
"Pour l'application du présent article, ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison:
(d) soit de l'exercice de l'autorité."
[45] Les principes que le Tribunal doit appliquer ont été analysés par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Lapointe c. Sa Majesté la Reine 500-05-001564-994 aux numéros 14 et suivants du jugement:
14 "Un consentement tacite ne peut pas être invoqué comme moyen de défense: ou la plaignante consent ou elle ne consent pas (R. c. Ewanchuk précité p. 349). Ce consentement doit être donné librement, ce qui signifie que le droit s'attache aux raisons qu'à la plaignante de décider de participer ou de consentir apparemment aux relations sexuelles: R. c. Ewanchuk précité p. 352: c'est l'état d'esprit de la plaignante qui est pris en compte pour décider de la validité du consentement.
15 Quant à savoir, comme en l'espèce, si le consentement est vicié en raison de l'exercice de l'autorité, le législateur n'a pas défini ce concept, il y a donc lieu de s'en remettre à l'interprétation qu'en propose la jurisprudence.
16 Des arrêts Norberg c. Wynrib 1992 CanLII 65 (C.S.C.), [1992] 2 R.C.S. 226, R. c. Litchfield 1993 CanLII 44 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 333, St-Laurent c. Hétu (1994) R.J.Q. (69) (C.A.), se dégagent les principes suivants: le Tribunal doit procéder à un examen attentif de la nature de la relation entre les parties, afin de déterminer (1) l'existence d'une inégalité de rapport de force et de dépendance, (2) l'exploitation de cette inégalité, et (3) l'effet causal de cet exercice de l'autorité sur le consentement de la plaignante."
[46] (1) Le Tribunal en vient à la conclusion que l'ensemble de la preuve démontre hors de tout doute raisonnable d'une inégalité concernant le rapport de force et de dépendance entre les parties.
[47] (2) Exploitation de cette inégalité.
(a) La plaignante est mère de famille monoparentale, elle vit des prestations d'aide financière de dernier recours depuis 4 ans et a besoin de son emploi.
(b) Elle considère monsieur Bruneau comme un bon patron et se confie à lui.
(c) Elle subit les fantasmes de ce dernier tout en étant mal à l'aise, elle n'aurait jamais accepté cette situation si la relation patron-employée n'avait pas existée.
(d) Les deux premières fois lorsque monsieur Bruneau lui prend la main pour qu'elle le masturbe, elle est très mal à l'aise, a des chaleurs et manifeste la peur de voir arriver l'épouse de ce dernier.
(e) Monsieur Bruneau admet que la plaignante avait des chaleurs et verbalisait la peur de voir arriver sa conjointe. Il admet aussi que la plaignante a peut-être fait cela pour se débarrasser.
(f) Les événements se sont toujours passés au commerce de l'accusé, endroit où il exerçait l'autorité.
(g) Monsieur Bruneau avait son plan établi au départ et ne s'est jamais soucié si la plaignante consentait ou pas aux gestes qu'il posait.
(h) Tout au long des événements, monsieur Bruneau n'a pensé qu'à sa satisfaction personnelle sans se soucier de l'état d'âme de la plaignante.
[39] Le procureur de la défense soulève la défense de croyance sincère mais erronée du consentement de S.D. basé sur la jurisprudence et l'article 265 (4) du Code criminel qui se lit comme suit:
"Lorsque l'accusé allègue qu'il croyait que le plaignant avait consenti aux actes sur lesquels l'accusation est fondée, le juge, s'il est convaincu qu'il y a une preuve suffisante et que cette preuve constituerait une défense si elle était acceptée par le jury, demande à ce dernier de prendre en considération, en évaluant l'ensemble de la preuve qui concerne la détermination de la sincérité de la croyance de l'accusé, la présence ou l'absence de motifs raisonnables pour celle-ci."
[40] La première question que le Tribunal doit se poser est la suivante: "ce moyen de défense est-il vraisemblable? Ce critère est bien expliqué dans le volume de monsieur le juge Boilard, Manuel de preuve pénale, paragraphe 5.217, p. 5-85.
"5.217 - La nature de cette défense et sa disponibilité furent encore une fois l'un des sujets considérés dans R. c. Davis, [1999] 3. R.C.S. 759, 139 C.C.C. (3d) 193, 29 C.R. (5th) 1, où le juge en chef Lamer, au nom d'une Cour unanime, fournissait l'utile résumé suivant:
«La défense de croyance sincère mais erronée au consentement est simplement une dénégation de la mens rea de l'agression sexuelle: R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.S. 330, au par. 44; R. c. Pappajohn, [1980] 1 R.C.S. 120, à la p. 148. L'actus reus de l'agression sexuelle est constitué par des attouchements, de nature sexuelle, sans le consentement du plaignant. La mens rea est constituée par l'intention de l'accusé de se livrer à des attouchements sur une personne et la connaissance de son absence de consentement ou l'insouciance ou l'aveuglement volontaire à cet égard: Ewanchuk, précité, aux par. 25 et 42. Dans certaines circonstances, il se peut que le plaignant ne consente pas aux attouchements sexuels, mais que l'accusé croit sincèrement mais erronément que le plaignant y a consenti. Dans de tels cas, l'actus reus de l'infraction est établi, mais la mens rea ne l'est pas.
Avant que la défense puisse être examinée, il faut qu'il y ait suffisamment d'éléments de preuve pour pouvoir convaincre un juge des faits raisonnable (1) que le plaignant n'a pas consenti aux attouchements sexuels, et (2) que l'accusé a néanmoins cru sincèrement mais erronément qu'il était consentant: voir R. c. Osolin, 1993 CanLII 54 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 595, à la p. 648, le juge McLachlin. En d'autres termes, compte tenu de la preuve, il doit être possible pour un juge des faits raisonnable de conclure que l'actus reus est établi, mais que la mens rea ne l'est pas. Dans ces circonstances, on dit que la défense a une certaine «vraisemblance» et le juge des faits, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un jury, doit l'examiner. Par contre, lorsque la défense n'a aucune vraisemblance, il ne faut pas en tenir compte puisqu'aucun juge des faits raisonnable ne pourrait prononcer un verdict d'acquittement sur ce fondement: voir R. c. Park, 1995 CanLII 104 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 836, au par. 11.
Pour déterminer si la défense est vraisemblable, le juge du procès doit examiner l'ensemble de la preuve: voir Osolin, précité, à la p.683, le juge Cory: Park, précité, au par. 16. Le rôle du juge dans un tel cas a été énoncé par le juge Major dans l'arrêt Ewanchuk, précité, au par. 57. Il a statué que le juge ne devrait pas «soupeser les éléments de preuve». La seule préoccupation est «la plausibilité apparente de la défense», et le juge doit «éviter le risque de transformer le critère de la vraisemblance en une évaluation substantielle du bien-fondé de la défense». Il faut faire attention de ne pas usurper le rôle du juge des faits. Chaque fois qu'il est possible qu'un juge des faits raisonnable puisse prononcer un verdict d'acquittement sur le fondement de la défense, celle-ci doit être examinée.
Il n'est pas nécessaire pour l'accusé de faire spécifiquement valoir qu'il croyait que le plaignant avait donné son consentement. En alléguant simplement, directement sous serment ou par l'intermédiaire de son avocat, que le plaignant avait donné son consentement, l'accusé allègue aussi une telle croyance: voir Park, précité, par. 17. Cependant, la simple allégation de l'accusé ne conférera pas de vraisemblance à la défense: voir R. c. Bulmer, 1987 CanLII 56 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 782, à la p. 790.
Bien qu'il s'agisse d'une preuve de la croyance au consentement, ce n'est pas une preuve suffisante d'une croyance sincère mais erronée au consentement. L'agression sexuelle n'est pas un crime qui survient généralement par accident: voir Pappajohn, à la p. 155, le juge Dickson; Osolin, aux p. 685 et 686, le juge Cory. Dans la plupart des cas, la question qui se posera sera celle du «consentement ou de l'absence de consentement», et il n'y aura qu'une alternative. Soit le plaignant a consenti, auquel cas il n'y a pas d'actus reus. Soit le plaignant n'a pas consenti et l'accusé avait une connaissance subjective de ce fait. Dans ce cas, l'actus reus est établi et la mens rea s'ensuit simplement.» (par. 80-84)
«Même si le simple fait pour l'accusé d'affirmer sa croyance que le plaignant a donné son consentement ne constituera pas une preuve suffisante pour soulever la défense, la preuve requise peut néanmoins provenir de l'accusé: Voir Park, précité, aux p. 852 et 853, le juge L'Heureux-Dubé; Osolin, aux p. 686 et 687, le juge Cory, et aux p. 649 et 650, le juge McLachlin. Elle peut également provenir du plaignant, d'autres sources ou d'une combinaison de celles-ci. Dans l'arrêt R. c. Esau, 1997 CanLII 312 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 777, le juge McLachlin, qui était dissidente quant au résultat, a correctement expliqué la nature de cette preuve au par. 63:
Non seulement il doit y avoir une preuve d'absence de consentement et de croyance au consentement, mais il doit aussi y avoir une preuve susceptible d'expliquer comment l'accusé a pu se méprendre sur l'absence de consentement du plaignant et croire sincèrement qu'il consentait. Autrement, ce moyen de défense ne peut pas être valablement soulevé. Bref, il doit y avoir une preuve d'une situation d'ambiguïté dans laquelle l'accusé aurait sincèrement pu comprendre à tort que le plaignant consentait à l'activité sexuelle en question.
Enfin la Cour a statué qu'il n'y aura aucune vraisemblance lorsque la preuve montre que l'accusé a fait preuve d'insouciance ou d'aveuglement volontaire quant à la question du consentement du plaignant. Dans de telles circonstances, l'accusé a subjectivement pris conscience de l'absence de consentement et, par conséquent, ne peut pas avoir une croyance sincère mais erronée que le plaignant a donné son consentement.» (par. 86-87)
[41] Cette défense est basée uniquement sur le témoignage de l'accusé. Aucune des employées de ce dernier ne l'a encouragé de quelque manière que ce soit à poursuivre ses gestes à caractère sexuel, au contraire elles ont manifesté leur insatisfaction et leur mécontentement. Jamais monsieur Bruneau n'a demandé à une de ses employées si elle était d'accord avec les gestes qu'il posait, il n'en a jamais discuté avec elles. Il y a, à mon avis, absence totale de preuve permettant à monsieur Bruneau d'avoir cru sincèrement que S.D. ait pu consentir aux gestes sexuels qu'il a posés sur elle. Cette défense n'est pas vraisemblable et aucun juge des faits ne pourrait en arriver à un acquittement sur cette base. Monsieur Bruneau avait un plan en tête, a profité de sa situation de patron pour le mettre à exécution sans jamais s'informer ou même penser à le faire, face à S.D. La jeune plaignante a toujours été mal à l'aise et a subi l'agression sexuelle de son patron sans jamais consentir ni même lui faire croire qu'elle pouvait consentir. Même si monsieur le juge Lamer dans la cause de Bulmer c. La Reine [1987] (1) R.C.S. affirme:
"24: J'ajouterais en passant qu'à mon avis, la question de croyance erronée au consentement devrait être soumise au jury dans tous les cas où l'accusé témoigne au procès que le plaignant a consenti. On doit interpréter le témoignage de l'accusé que le plaignant a consenti comme voulant dire qu'il croyait que le plaignant consentait. Par conséquent, si le jury croit le plaignant et conclut que celui-ci n'a pas consenti, cela ne clos pas le débat car on ne peut statuer définitivement sur l'affirmation de l'accusé sans se demander s'il croyait sincèrement, mais à tort, que le plaignant consentait."
[42] Le Tribunal ne voit aucun élément de preuve "vraisemblable" dans le témoignage de l'accusé qui puisse lui avoir laissé croire sincèrement que la plaignante aurait pu consentir aux gestes à caractère sexuel qu'il a posés sur elle. Toute la preuve est à l'effet contraire.
[43] En ce qui concerne le deuxième chef d'accusation impliquant N.A. le Tribunal doit se poser la question suivante: est-ce que le consentement apparent de la plaignante était libre et éclairé ou s'il n'avait pas été donné en raison de l'exercice de l'autorité.?
[44] L'article 265 (3) du Code criminel stipule que:
"Pour l'application du présent article, ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison:
(d) soit de l'exercice de l'autorité."
[45] Les principes que le Tribunal doit appliquer ont été analysés par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Lapointe c. Sa Majesté la Reine 500-05-001564-994 aux numéros 14 et suivants du jugement:
14 "Un consentement tacite ne peut pas être invoqué comme moyen de défense: ou la plaignante consent ou elle ne consent pas (R. c. Ewanchuk précité p. 349). Ce consentement doit être donné librement, ce qui signifie que le droit s'attache aux raisons qu'à la plaignante de décider de participer ou de consentir apparemment aux relations sexuelles: R. c. Ewanchuk précité p. 352: c'est l'état d'esprit de la plaignante qui est pris en compte pour décider de la validité du consentement.
15 Quant à savoir, comme en l'espèce, si le consentement est vicié en raison de l'exercice de l'autorité, le législateur n'a pas défini ce concept, il y a donc lieu de s'en remettre à l'interprétation qu'en propose la jurisprudence.
16 Des arrêts Norberg c. Wynrib 1992 CanLII 65 (C.S.C.), [1992] 2 R.C.S. 226, R. c. Litchfield 1993 CanLII 44 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 333, St-Laurent c. Hétu (1994) R.J.Q. (69) (C.A.), se dégagent les principes suivants: le Tribunal doit procéder à un examen attentif de la nature de la relation entre les parties, afin de déterminer (1) l'existence d'une inégalité de rapport de force et de dépendance, (2) l'exploitation de cette inégalité, et (3) l'effet causal de cet exercice de l'autorité sur le consentement de la plaignante."
[46] (1) Le Tribunal en vient à la conclusion que l'ensemble de la preuve démontre hors de tout doute raisonnable d'une inégalité concernant le rapport de force et de dépendance entre les parties.
[47] (2) Exploitation de cette inégalité.
(a) La plaignante est mère de famille monoparentale, elle vit des prestations d'aide financière de dernier recours depuis 4 ans et a besoin de son emploi.
(b) Elle considère monsieur Bruneau comme un bon patron et se confie à lui.
(c) Elle subit les fantasmes de ce dernier tout en étant mal à l'aise, elle n'aurait jamais accepté cette situation si la relation patron-employée n'avait pas existée.
(d) Les deux premières fois lorsque monsieur Bruneau lui prend la main pour qu'elle le masturbe, elle est très mal à l'aise, a des chaleurs et manifeste la peur de voir arriver l'épouse de ce dernier.
(e) Monsieur Bruneau admet que la plaignante avait des chaleurs et verbalisait la peur de voir arriver sa conjointe. Il admet aussi que la plaignante a peut-être fait cela pour se débarrasser.
(f) Les événements se sont toujours passés au commerce de l'accusé, endroit où il exerçait l'autorité.
(g) Monsieur Bruneau avait son plan établi au départ et ne s'est jamais soucié si la plaignante consentait ou pas aux gestes qu'il posait.
(h) Tout au long des événements, monsieur Bruneau n'a pensé qu'à sa satisfaction personnelle sans se soucier de l'état d'âme de la plaignante.
Éléments essentiels de l'agression sexuelle
R.c. Dorilas, 2005 CanLII 39723 (QC C.Q.)
[76] La Cour suprême du Canada dans la cause de la Reine c. Ewanchuk est venue établir les balises permettant d'analyser les éléments essentiels de l'agression sexuelle.
[77] Pour la Cour suprême, cette analyse implique deux phases fondamentales.
[78] Dans un premier temps, le juge des faits doit se pencher sur la commission de l'actus reus, c'est-à-dire examiner si la preuve révèle hors de tout doute raisonnable qu'il y a eu des attouchements à caractère sexuel non souhaités.
[79] Dans un deuxième temps, il doit se demander si la mens rea requise est également prouvée hors de tout doute raisonnable, c'est-à-dire si l'accusé avait l'intention de se livrer à des attouchements tout en sachant que la plaignante ne consentait pas, soit par des paroles ou des gestes de celle-ci ou soit en faisant montre d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de cette absence de consentement.
[80] La Cour spécifie que les deux premiers éléments de l'actus reus, soit les attouchements et la nature sexuelle de ceux-ci sont des éléments objectifs alors que l'absence de consentement est un élément subjectif, c'est-à-dire déterminé par l'état d'esprit subjectif dans lequel se trouve la plaignante dans son for intérieur.
[81] Bien que le témoignage de la plaignante soit la seule preuve directe de son état d'esprit, le juge doit apprécier sa crédibilité à la lumière de l'ensemble de la preuve, y compris de tout comportement ambigu de cette dernière.
[82] Il sera toujours loisible à un accusé de prétendre que des paroles ou des actes de la plaignante avant et pendant l'incident, soulèvent un doute raisonnable quant à l'affirmation de celle-ci selon laquelle, dans son esprit, elle ne voulait pas que les attouchements sexuels aient lieu.
[83] Autrement dit concernant l'actus reus, le Tribunal, dans le cas d'une preuve non contredite au niveau de l'absence de consentement, doit accepter soit l'affirmation ou la perception subjective de la plaignante à l'effet qu'elle ne consentait pas.
[84] Lorsque la preuve est contradictoire sur ce point, le juge des faits doit appliquer les règles régissant les versions contradictoires au niveau de la crédibilité.
[85] Cependant même si le comportement de la présumée victime soulève un doute raisonnable quant à l'absence de consentement, il peut arriver des situations où le juge devra s'interroger sur les facteurs qui ont pu motiver le consentement apparent et donc sur le côté volontaire de celui-ci.
[86] Lorsque l'absence de consentement a été établi hors de tout doute raisonnable, l'analyse de l'actus reus est alors terminée.
[87] C'est à ce moment-là que le juge doit déterminer si la perception des événements par l'accusé indique qu'il avait également la mens rea requise. Les deux éléments essentiels qui la constituent, sont l'intention de se livrer à des attouchements et la connaissance ou l'insouciance ou l'aveuglement volontaire à l'absence de consentement.
[88] Cette notion de consentement eu égard à la mens rea de l'accusé, reçoit ses limites à la fois de la common law et des dispositions spécifiques de l'article 273.1(2) et 273.2 du Code criminel. Le fait que l'accusé soulève la question du consentement équivaut à toute fin pratique, à une prétention de croyance sincère de consentement. Si cette croyance est jugée erronée, on doit en apprécier la sincérité. Cette recherche de sincérité implique dans un premier temps un questionnement sur la présente ou non d'éléments de preuve qui confèrent une vraisemblance à la défense. Si cette première démarche reçoit une réponse affirmative, alors le juge des faits doit déterminer si l'accusé croyait sincèrement que la plaignante avait communiqué son consentement et si cette sincérité découle d'autre chose que d'une insouciance ou d'un aveuglement volontaire. Cette sincérité ne doit pas être non plus entachée par la connaissance d'un des facteurs prévus à 273.1(2) ou 273.2 du Code criminel, entre autres l'incapacité de former un consentement valide.
[89] Dit en d'autres mots, la défense du prévenu sur la présence d'un consentement s'attaque à l'actus reus mais la croyance sincère mais erronée au consentement de la part de ce dernier s'attaque à la mens rea.
[90] À partir du moment où l'accusé, comme c'est le cas dans le présent dossier, prétend qu'il y a eu consentement de la part de la plaignante, il indique que sa défense porte sur l'actus reus.
[91] Comme le signale la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Lapointe [7], dans l'hypothèse où le juge conclut quant à l'actus reus à un consentement valide, l'infraction n'est pas commise et l'examen de la mens rea n'est pas requis
[92] Dans cette même décision, en se référant à l'arrêt Blondin, la Cour indique :
"Ce n'est pas le fait d'avoir des relations sexuelles avec une personne vulnérable qui constitue l'infraction, mais bien d'avoir des rapports sexuels avec une personne qui ne consent pas ou dont le consentement est vicié … par son incapacité de le former."
[93] C'est donc dire que dans l'hypothèse où le juge en arrive à la conclusion qu'il y a un doute raisonnable quant à l'absence de consentement de la plaignante, il doit également se demander si le consentement a été volontaire et donc valablement donné.
[94] Comme nous le soulignions, dans le présent dossier, la preuve au niveau de l'absence ou la présence d'un consentement est contradictoire.
[76] La Cour suprême du Canada dans la cause de la Reine c. Ewanchuk est venue établir les balises permettant d'analyser les éléments essentiels de l'agression sexuelle.
[77] Pour la Cour suprême, cette analyse implique deux phases fondamentales.
[78] Dans un premier temps, le juge des faits doit se pencher sur la commission de l'actus reus, c'est-à-dire examiner si la preuve révèle hors de tout doute raisonnable qu'il y a eu des attouchements à caractère sexuel non souhaités.
[79] Dans un deuxième temps, il doit se demander si la mens rea requise est également prouvée hors de tout doute raisonnable, c'est-à-dire si l'accusé avait l'intention de se livrer à des attouchements tout en sachant que la plaignante ne consentait pas, soit par des paroles ou des gestes de celle-ci ou soit en faisant montre d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de cette absence de consentement.
[80] La Cour spécifie que les deux premiers éléments de l'actus reus, soit les attouchements et la nature sexuelle de ceux-ci sont des éléments objectifs alors que l'absence de consentement est un élément subjectif, c'est-à-dire déterminé par l'état d'esprit subjectif dans lequel se trouve la plaignante dans son for intérieur.
[81] Bien que le témoignage de la plaignante soit la seule preuve directe de son état d'esprit, le juge doit apprécier sa crédibilité à la lumière de l'ensemble de la preuve, y compris de tout comportement ambigu de cette dernière.
[82] Il sera toujours loisible à un accusé de prétendre que des paroles ou des actes de la plaignante avant et pendant l'incident, soulèvent un doute raisonnable quant à l'affirmation de celle-ci selon laquelle, dans son esprit, elle ne voulait pas que les attouchements sexuels aient lieu.
[83] Autrement dit concernant l'actus reus, le Tribunal, dans le cas d'une preuve non contredite au niveau de l'absence de consentement, doit accepter soit l'affirmation ou la perception subjective de la plaignante à l'effet qu'elle ne consentait pas.
[84] Lorsque la preuve est contradictoire sur ce point, le juge des faits doit appliquer les règles régissant les versions contradictoires au niveau de la crédibilité.
[85] Cependant même si le comportement de la présumée victime soulève un doute raisonnable quant à l'absence de consentement, il peut arriver des situations où le juge devra s'interroger sur les facteurs qui ont pu motiver le consentement apparent et donc sur le côté volontaire de celui-ci.
[86] Lorsque l'absence de consentement a été établi hors de tout doute raisonnable, l'analyse de l'actus reus est alors terminée.
[87] C'est à ce moment-là que le juge doit déterminer si la perception des événements par l'accusé indique qu'il avait également la mens rea requise. Les deux éléments essentiels qui la constituent, sont l'intention de se livrer à des attouchements et la connaissance ou l'insouciance ou l'aveuglement volontaire à l'absence de consentement.
[88] Cette notion de consentement eu égard à la mens rea de l'accusé, reçoit ses limites à la fois de la common law et des dispositions spécifiques de l'article 273.1(2) et 273.2 du Code criminel. Le fait que l'accusé soulève la question du consentement équivaut à toute fin pratique, à une prétention de croyance sincère de consentement. Si cette croyance est jugée erronée, on doit en apprécier la sincérité. Cette recherche de sincérité implique dans un premier temps un questionnement sur la présente ou non d'éléments de preuve qui confèrent une vraisemblance à la défense. Si cette première démarche reçoit une réponse affirmative, alors le juge des faits doit déterminer si l'accusé croyait sincèrement que la plaignante avait communiqué son consentement et si cette sincérité découle d'autre chose que d'une insouciance ou d'un aveuglement volontaire. Cette sincérité ne doit pas être non plus entachée par la connaissance d'un des facteurs prévus à 273.1(2) ou 273.2 du Code criminel, entre autres l'incapacité de former un consentement valide.
[89] Dit en d'autres mots, la défense du prévenu sur la présence d'un consentement s'attaque à l'actus reus mais la croyance sincère mais erronée au consentement de la part de ce dernier s'attaque à la mens rea.
[90] À partir du moment où l'accusé, comme c'est le cas dans le présent dossier, prétend qu'il y a eu consentement de la part de la plaignante, il indique que sa défense porte sur l'actus reus.
[91] Comme le signale la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Lapointe [7], dans l'hypothèse où le juge conclut quant à l'actus reus à un consentement valide, l'infraction n'est pas commise et l'examen de la mens rea n'est pas requis
[92] Dans cette même décision, en se référant à l'arrêt Blondin, la Cour indique :
"Ce n'est pas le fait d'avoir des relations sexuelles avec une personne vulnérable qui constitue l'infraction, mais bien d'avoir des rapports sexuels avec une personne qui ne consent pas ou dont le consentement est vicié … par son incapacité de le former."
[93] C'est donc dire que dans l'hypothèse où le juge en arrive à la conclusion qu'il y a un doute raisonnable quant à l'absence de consentement de la plaignante, il doit également se demander si le consentement a été volontaire et donc valablement donné.
[94] Comme nous le soulignions, dans le présent dossier, la preuve au niveau de l'absence ou la présence d'un consentement est contradictoire.
Exposé sur la légitime défense
R. c. Lambert, 2005 CanLII 37217 (QC C.Q.)
[25] La légitime défense prévue au Code criminel se distingue dans son application sous deux volets particuliers, soit les articles 34 (1) et 34 (2).
[28] Lorsque la légitime défense est invoquée et que cette défense, à la lumière de la preuve, possède un fondement de vraisemblance suffisant, il n'appartient pas à l'accusé de prouver hors de tout doute raisonnable que le moyen de défense qu'il invoque s'applique mais bien de soulever un doute raisonnable à cet effet.
[29] La couronne aura toujours l'obligation de prouver, selon le fardeau de preuve traditionnelle, que la légitime défense invoquée ne s'applique pas. (Voir R. c. Cinous, 162 C.C.C., 3e série, page 129).
[30] La lecture des articles précités nous enseigne que pour l'application du premier paragraphe de l'article 34, la défense aura donc à soulever un doute raisonnable sur les quatre composantes de celui-ci, soit:
1. La personne subit une attaque illégale;
2. Sans provocation de sa part;
3. Elle emploie une force nécessaire pour repousser l'attaque;
4. Elle n'a pas l'intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves.
[31] Quant à lui, le deuxième paragraphe implique trois critères sur lesquels la défense aura à soulever un doute raisonnable, soit:
1. Une personne est illégalement attaquée;
2. Elle cause des lésions corporelles graves parce qu'elle a des motifs raisonnables de craindre que des lésions corporelles graves lui soient infligées;
3. Elle croit pour des motifs raisonnables qu'elle ne peut pas autrement se soustraire aux lésions corporelles graves.
[32] La Cour suprême dans l'arrêt la Reine c. Petel, [1994] 1 R.C.S., page 3, précise que ces trois éléments doivent d'abord être analysés à la lumière du critère de vraisemblance. Chacun de ces trois éléments constitutifs ont une composante subjective et une composante objective. L'état d'esprit de l'accusé étant l'aspect subjectif alors que l'évaluation du Tribunal en sera l'aspect objectif. Cette notion avait d'ailleurs déjà précédemment été décrite dans l'arrêt La Reine c. Reilly, [1984] 2 R.C.S., page 396.
[33] Étant donné que le paragraphe 34(2) met en cause la perception de l'accusé concernant l'attaque dont il fait l'objet ainsi que la réaction requise pour répondre à cette attaque, on peut conclure que l'accusé a agi en légitime défense même si sa perception est faussée. Cependant, cette perception doit se fonder sur des motifs raisonnables et probables en ce sens qu'il doit s'agir d'une erreur qu'une personne ordinaire prenant des précautions normales aurait pu commettre dans les mêmes circonstances.
[34] Dans R. c. Charlebois, [2000] 2 R.C.S., page 674, la Cour suprême réitère les principes applicables en matière de légitime défense plus particulièrement ceux du paragraphe 34 (2). Dans ce dossier, l'accusé Charlebois avait été trouvé coupable de meurtre au deuxième degré après avoir tiré avec une arme à feu sur un homme derrière la tête pendant qu'il dormait. Reprenant les principes de l'arrêt Petel, la Cour suprême indique que le juge du procès avait donné des directives appropriées aux jurés en disant qu'ils devaient: "Chercher à déterminer quelle était l'évaluation de la situation par l'accusé et à comparer cette évaluation à celle qu'aurait fait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances."
[25] La légitime défense prévue au Code criminel se distingue dans son application sous deux volets particuliers, soit les articles 34 (1) et 34 (2).
[28] Lorsque la légitime défense est invoquée et que cette défense, à la lumière de la preuve, possède un fondement de vraisemblance suffisant, il n'appartient pas à l'accusé de prouver hors de tout doute raisonnable que le moyen de défense qu'il invoque s'applique mais bien de soulever un doute raisonnable à cet effet.
[29] La couronne aura toujours l'obligation de prouver, selon le fardeau de preuve traditionnelle, que la légitime défense invoquée ne s'applique pas. (Voir R. c. Cinous, 162 C.C.C., 3e série, page 129).
[30] La lecture des articles précités nous enseigne que pour l'application du premier paragraphe de l'article 34, la défense aura donc à soulever un doute raisonnable sur les quatre composantes de celui-ci, soit:
1. La personne subit une attaque illégale;
2. Sans provocation de sa part;
3. Elle emploie une force nécessaire pour repousser l'attaque;
4. Elle n'a pas l'intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves.
[31] Quant à lui, le deuxième paragraphe implique trois critères sur lesquels la défense aura à soulever un doute raisonnable, soit:
1. Une personne est illégalement attaquée;
2. Elle cause des lésions corporelles graves parce qu'elle a des motifs raisonnables de craindre que des lésions corporelles graves lui soient infligées;
3. Elle croit pour des motifs raisonnables qu'elle ne peut pas autrement se soustraire aux lésions corporelles graves.
[32] La Cour suprême dans l'arrêt la Reine c. Petel, [1994] 1 R.C.S., page 3, précise que ces trois éléments doivent d'abord être analysés à la lumière du critère de vraisemblance. Chacun de ces trois éléments constitutifs ont une composante subjective et une composante objective. L'état d'esprit de l'accusé étant l'aspect subjectif alors que l'évaluation du Tribunal en sera l'aspect objectif. Cette notion avait d'ailleurs déjà précédemment été décrite dans l'arrêt La Reine c. Reilly, [1984] 2 R.C.S., page 396.
[33] Étant donné que le paragraphe 34(2) met en cause la perception de l'accusé concernant l'attaque dont il fait l'objet ainsi que la réaction requise pour répondre à cette attaque, on peut conclure que l'accusé a agi en légitime défense même si sa perception est faussée. Cependant, cette perception doit se fonder sur des motifs raisonnables et probables en ce sens qu'il doit s'agir d'une erreur qu'une personne ordinaire prenant des précautions normales aurait pu commettre dans les mêmes circonstances.
[34] Dans R. c. Charlebois, [2000] 2 R.C.S., page 674, la Cour suprême réitère les principes applicables en matière de légitime défense plus particulièrement ceux du paragraphe 34 (2). Dans ce dossier, l'accusé Charlebois avait été trouvé coupable de meurtre au deuxième degré après avoir tiré avec une arme à feu sur un homme derrière la tête pendant qu'il dormait. Reprenant les principes de l'arrêt Petel, la Cour suprême indique que le juge du procès avait donné des directives appropriées aux jurés en disant qu'ils devaient: "Chercher à déterminer quelle était l'évaluation de la situation par l'accusé et à comparer cette évaluation à celle qu'aurait fait une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances."
Exposé sur la dispense d'enregistrement en vertu de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels
Pothier-Charette c. R., 2009 QCCQ 4535 (CanLII)
[49] L'article 490.023 (1) du Code criminel accorde à une personne qui a reçu signification de l'avis prévu à l'article 490.021 du Code criminel le droit de demander d'être dispensé de son obligation de se conformer à la LERDS.
[50] C'est cette disposition que le requérant invoque et elle s'applique à son cas.
[51] L'article 490.023 (2) du Code criminel énonce les critères d'analyse de l'octroi d'une telle dispense.
[52] Il se lit ainsi :
La cour accorde la dispense si elle est convaincue que l'intéressé a établi que l'obligation aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente, pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle, l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels prévu par la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
[53] Il y a donc lieu de déterminer dans un premier temps, quelles sont les obligations auxquelles le requérant pourrait être astreint si le tribunal refusait sa demande de dispense.
[54] Dans un second temps, il y a lieu de décider si le requérant a établi de façon prépondérante que le respect de ces obligations aura sur lui et, notamment, sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente pour l'efficacité des enquêtes en matière de crimes sexuels l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
A) Les obligations prévues par l’avis signifié au requérant
[55] L'avis signifié au requérant lui commande de se présenter une première fois au bureau d'inscription visé à l'article 7.1 de la LERDS conformément au paragraphe 4 (2) de cette Loi, de se présenter au bureau d'inscription visé à l'article 7.1 de LERDS chaque fois que l'exigent les articles 4.1 ou 4.3 de cette Loi, et ce, pendant 20 ans et de fournir les renseignements exigés aux articles 5 et 6 de LERDS.
[56] En appliquant les dispositions de la Loi pertinentes à son cas, l'avis oblige donc le requérant à se présenter en personne une première fois dans les 15 jours au bureau d'inscription.
[57] Ce bureau d'inscription est un poste de police ou le Centre d'enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec à Montréal.
[58] Par la suite, il doit se présenter en personne au bureau d'inscription dans les 15 jours d'un changement de résidence principale ou secondaire, d'un changement de nom ou de prénom et dans le douzième mois qui suit la dernière comparution.
[59] Si le requérant se trouve à l'extérieur du Canada au moment où il doit comparaître la première fois, il doit comparaître au bureau d'inscription dans les 15 jours de son retour et cette comparution peut se faire par téléphone, télécopieur ou courrier électronique.
[60] Les renseignements que le requérant doit fournir sont les suivants :
▪ ses nom, prénom et nom d'emprunt;
▪ sa date de naissance et son sexe;
▪ l'adresse ou l'emplacement de ses résidence principale ou secondaire;
▪ l'adresse ou l'emplacement du lieu où ses services sont retenus à titre de salarié, d'agent contractuel ou de bénévole;
▪ l'adresse ou l'emplacement de l'établissement d'enseignement où il est inscrit;
▪ le numéro de téléphone de ses résidences principale et secondaire, des lieux où ses services sont retenus à titre de salarié, d'agent contractuel ou de bénévole, et celui de ses téléphones mobiles ou téléavertisseurs;
▪ sa taille, son poids et la description de ses marques physiques distinctives.
[61] Les renseignements qu'il pourrait être tenu de fournir à la demande du préposé sont :
▪ le moment et le lieu où il a été condamné;
▪ toute caractéristique permettant de l'identifier, comme la couleur de ses yeux et de ses cheveux.
[62] Il pourrait aussi être tenu de se soumettre à une séance de photographie.
[63] En cas d'absence au Canada de sa résidence principale ou secondaire pendant au moins 15 jours consécutifs, il devra aviser le préposé, au plus tard 15 jours après son départ, de l'adresse ou du lieu où il séjourne ou entend séjourner et des dates réelles ou prévues de son départ et de son retour.
[64] En cas de séjour à l'extérieur du Canada pendant au moins 15 jours consécutifs, il devra aviser le préposé, au plus tard 15 jours après son départ, de la date réelle ou prévue de ce départ.
[65] Dans les deux cas, il devra dans les 15 jours de son retour effectif en aviser le préposé du bureau d'inscription, sauf si en vertu de la Loi, il est tenu de se présenter au bureau d'inscription pour un autre motif.
[66] Ces avis peuvent être faits par courrier recommandé, par téléphone, télécopieur ou courrier électronique.
[67] La Cour d'appel du Québec s'est prononcée tout récemment sur l'interprétation à donner à l'article 492.023 (1) du Code criminel.
[68] À l'arrêt Morin c. La Reine, la Cour d'appel du Québec indique que pour répondre à la question de savoir si le délinquant a établi, pour bénéficier de la dispense, que l'obligation de se conformer à la Loi aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, le tribunal doit procéder à une analyse qui tient compte à la fois des effets de l'application de la Loi sur le délinquant, de l'intérêt du public à des enquêtes efficaces et du rapport ou de la proportionnalité entre les deux.
[69] L'approche préconisée est subjective.
[70] Comme l'écrit la Cour, au paragraphe 68 de l'arrêt :
La société a toujours un intérêt (à ce que des enquêtes efficaces soient tenues en matière de crimes sexuels) et le cas particulier du délinquant ne pourrait jamais l'emporter sur cet intérêt s'il était considéré uniquement dans l'abstrait ou dans l'absolu. Il faut donc tenir compte de l'impact de la situation particulière du délinquant sur l'intérêt public (à ce que des enquêtes efficaces soient tenues en matière de crimes sexuels) pour déterminer lors de l'examen de la proportionnalité si cet intérêt demeure suffisamment important pour ne pas accorder l'exception ou la dispense.
Le délinquant, doit établir que le fait qu'il obtienne une dispense aura un effet nul ou négligeable sur l'intérêt de protéger le public par le biais d'enquêtes efficaces en matière de crimes sexuels.
Ceci requiert l'analyse de multiples facteurs tels les antécédents judiciaires du requérant, la nature de l'infraction, les circonstances de sa commission, le délai écoulé depuis sa commission, les subséquents judiciaires et tous les autres facteurs ayant une pertinence sur l'impact potentiel à ce qu'il ne soit pas enregistré.
[71] La Cour d'appel mentionne comme autres facteurs pertinents, la personnalité du délinquant et les risques de récidive.
[72] Et la Cour de rappeler que malgré cette interprétation large et libérale, le fardeau du requérant demeure lourd, s'il veut bénéficier de l'exception ou de la dispense.
[49] L'article 490.023 (1) du Code criminel accorde à une personne qui a reçu signification de l'avis prévu à l'article 490.021 du Code criminel le droit de demander d'être dispensé de son obligation de se conformer à la LERDS.
[50] C'est cette disposition que le requérant invoque et elle s'applique à son cas.
[51] L'article 490.023 (2) du Code criminel énonce les critères d'analyse de l'octroi d'une telle dispense.
[52] Il se lit ainsi :
La cour accorde la dispense si elle est convaincue que l'intéressé a établi que l'obligation aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente, pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle, l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels prévu par la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
[53] Il y a donc lieu de déterminer dans un premier temps, quelles sont les obligations auxquelles le requérant pourrait être astreint si le tribunal refusait sa demande de dispense.
[54] Dans un second temps, il y a lieu de décider si le requérant a établi de façon prépondérante que le respect de ces obligations aura sur lui et, notamment, sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente pour l'efficacité des enquêtes en matière de crimes sexuels l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
A) Les obligations prévues par l’avis signifié au requérant
[55] L'avis signifié au requérant lui commande de se présenter une première fois au bureau d'inscription visé à l'article 7.1 de la LERDS conformément au paragraphe 4 (2) de cette Loi, de se présenter au bureau d'inscription visé à l'article 7.1 de LERDS chaque fois que l'exigent les articles 4.1 ou 4.3 de cette Loi, et ce, pendant 20 ans et de fournir les renseignements exigés aux articles 5 et 6 de LERDS.
[56] En appliquant les dispositions de la Loi pertinentes à son cas, l'avis oblige donc le requérant à se présenter en personne une première fois dans les 15 jours au bureau d'inscription.
[57] Ce bureau d'inscription est un poste de police ou le Centre d'enregistrement des délinquants sexuels de la Sûreté du Québec à Montréal.
[58] Par la suite, il doit se présenter en personne au bureau d'inscription dans les 15 jours d'un changement de résidence principale ou secondaire, d'un changement de nom ou de prénom et dans le douzième mois qui suit la dernière comparution.
[59] Si le requérant se trouve à l'extérieur du Canada au moment où il doit comparaître la première fois, il doit comparaître au bureau d'inscription dans les 15 jours de son retour et cette comparution peut se faire par téléphone, télécopieur ou courrier électronique.
[60] Les renseignements que le requérant doit fournir sont les suivants :
▪ ses nom, prénom et nom d'emprunt;
▪ sa date de naissance et son sexe;
▪ l'adresse ou l'emplacement de ses résidence principale ou secondaire;
▪ l'adresse ou l'emplacement du lieu où ses services sont retenus à titre de salarié, d'agent contractuel ou de bénévole;
▪ l'adresse ou l'emplacement de l'établissement d'enseignement où il est inscrit;
▪ le numéro de téléphone de ses résidences principale et secondaire, des lieux où ses services sont retenus à titre de salarié, d'agent contractuel ou de bénévole, et celui de ses téléphones mobiles ou téléavertisseurs;
▪ sa taille, son poids et la description de ses marques physiques distinctives.
[61] Les renseignements qu'il pourrait être tenu de fournir à la demande du préposé sont :
▪ le moment et le lieu où il a été condamné;
▪ toute caractéristique permettant de l'identifier, comme la couleur de ses yeux et de ses cheveux.
[62] Il pourrait aussi être tenu de se soumettre à une séance de photographie.
[63] En cas d'absence au Canada de sa résidence principale ou secondaire pendant au moins 15 jours consécutifs, il devra aviser le préposé, au plus tard 15 jours après son départ, de l'adresse ou du lieu où il séjourne ou entend séjourner et des dates réelles ou prévues de son départ et de son retour.
[64] En cas de séjour à l'extérieur du Canada pendant au moins 15 jours consécutifs, il devra aviser le préposé, au plus tard 15 jours après son départ, de la date réelle ou prévue de ce départ.
[65] Dans les deux cas, il devra dans les 15 jours de son retour effectif en aviser le préposé du bureau d'inscription, sauf si en vertu de la Loi, il est tenu de se présenter au bureau d'inscription pour un autre motif.
[66] Ces avis peuvent être faits par courrier recommandé, par téléphone, télécopieur ou courrier électronique.
[67] La Cour d'appel du Québec s'est prononcée tout récemment sur l'interprétation à donner à l'article 492.023 (1) du Code criminel.
[68] À l'arrêt Morin c. La Reine, la Cour d'appel du Québec indique que pour répondre à la question de savoir si le délinquant a établi, pour bénéficier de la dispense, que l'obligation de se conformer à la Loi aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente pour la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, le tribunal doit procéder à une analyse qui tient compte à la fois des effets de l'application de la Loi sur le délinquant, de l'intérêt du public à des enquêtes efficaces et du rapport ou de la proportionnalité entre les deux.
[69] L'approche préconisée est subjective.
[70] Comme l'écrit la Cour, au paragraphe 68 de l'arrêt :
La société a toujours un intérêt (à ce que des enquêtes efficaces soient tenues en matière de crimes sexuels) et le cas particulier du délinquant ne pourrait jamais l'emporter sur cet intérêt s'il était considéré uniquement dans l'abstrait ou dans l'absolu. Il faut donc tenir compte de l'impact de la situation particulière du délinquant sur l'intérêt public (à ce que des enquêtes efficaces soient tenues en matière de crimes sexuels) pour déterminer lors de l'examen de la proportionnalité si cet intérêt demeure suffisamment important pour ne pas accorder l'exception ou la dispense.
Le délinquant, doit établir que le fait qu'il obtienne une dispense aura un effet nul ou négligeable sur l'intérêt de protéger le public par le biais d'enquêtes efficaces en matière de crimes sexuels.
Ceci requiert l'analyse de multiples facteurs tels les antécédents judiciaires du requérant, la nature de l'infraction, les circonstances de sa commission, le délai écoulé depuis sa commission, les subséquents judiciaires et tous les autres facteurs ayant une pertinence sur l'impact potentiel à ce qu'il ne soit pas enregistré.
[71] La Cour d'appel mentionne comme autres facteurs pertinents, la personnalité du délinquant et les risques de récidive.
[72] Et la Cour de rappeler que malgré cette interprétation large et libérale, le fardeau du requérant demeure lourd, s'il veut bénéficier de l'exception ou de la dispense.
La requête pour remise en liberté lors de l'appel
R. c. Émond, 2000 CanLII 2765 (QC C.A.)
L'appelant, sur qui repose ce fardeau de preuve, prétend qu'il a rencontré les trois (3) critères de l'article 679(3) C.cr. Le ministère Public soutient qu'il y a absence de démonstration du sérieux du pourvoi et que l'intérêt public, compte tenu de la gravité du crime (meurtre au 2ième degré), justifie que l'appelant demeure incarcéré jusqu'à l'audition du pourvoi, ce qui ne saurait tarder.
LES CRITÈRES DE L'ARTICLE 679 (3) C.cr.
- L'appel n'est pas futile
Les moyens d'appel sont débattables et les faiblesses du jugement, s'il en existe, ne sont pas évidentes. Il faudra que le dossier soit analysé plus en profondeur. Je ne peux toutefois qualifier l'appel de futile quoi qu'il me semble, à ce stade, que la tâche de l'appelant sera difficile.
- L'appelant se livrera en conformité avec les termes de l'ordonnance
Après sa mise en accusation, l'appelant, remis en liberté, s'est toujours présenté devant le tribunal aux dates fixées. De plus, rien ne laisse croire qu'il fera défaut s'il est remis en liberté. La deuxième condition est donc rencontrée.
- L'intérêt public
Lors d'une demande de remise en liberté, en attendant l'audition de son appel, l'appelant doit démontrer, entre autres que sa détention n'est pas nécessaire dans l'intérêt public.
Il y a lieu de rappeler qu'à ce stade, l'appelant ne bénéficie plus de la présomption d'innocence. Néanmoins, les tribunaux, lorsque les motifs d'appel sont débattables et qu'il y a à toutes fins utiles aucun danger pour la sécurité du public, n'ont pas hésité, malgré la gravité du crime, à remettre des prévenus en liberté en attendant l'audition de leur pourvoi. La mise en liberté de l'appelant ne sera d'ailleurs que temporaire si son appel est rejeté
Mon collègue, le juge Jacques Delisle, dans l'affaire Marco Garneau c. La Reine a, à la fois, énuméré et analysé les éléments dont l'absence rendait non nécessaire la détention d'un appelant dans l'intérêt public :
♦ la frivolité de l'appel;
♦ la violence;
♦ le danger pour la sécurité du public;
♦ le risque de récidive;
♦ la célérité de l'audition en appel.
L'appelant, sur qui repose ce fardeau de preuve, prétend qu'il a rencontré les trois (3) critères de l'article 679(3) C.cr. Le ministère Public soutient qu'il y a absence de démonstration du sérieux du pourvoi et que l'intérêt public, compte tenu de la gravité du crime (meurtre au 2ième degré), justifie que l'appelant demeure incarcéré jusqu'à l'audition du pourvoi, ce qui ne saurait tarder.
LES CRITÈRES DE L'ARTICLE 679 (3) C.cr.
- L'appel n'est pas futile
Les moyens d'appel sont débattables et les faiblesses du jugement, s'il en existe, ne sont pas évidentes. Il faudra que le dossier soit analysé plus en profondeur. Je ne peux toutefois qualifier l'appel de futile quoi qu'il me semble, à ce stade, que la tâche de l'appelant sera difficile.
- L'appelant se livrera en conformité avec les termes de l'ordonnance
Après sa mise en accusation, l'appelant, remis en liberté, s'est toujours présenté devant le tribunal aux dates fixées. De plus, rien ne laisse croire qu'il fera défaut s'il est remis en liberté. La deuxième condition est donc rencontrée.
- L'intérêt public
Lors d'une demande de remise en liberté, en attendant l'audition de son appel, l'appelant doit démontrer, entre autres que sa détention n'est pas nécessaire dans l'intérêt public.
Il y a lieu de rappeler qu'à ce stade, l'appelant ne bénéficie plus de la présomption d'innocence. Néanmoins, les tribunaux, lorsque les motifs d'appel sont débattables et qu'il y a à toutes fins utiles aucun danger pour la sécurité du public, n'ont pas hésité, malgré la gravité du crime, à remettre des prévenus en liberté en attendant l'audition de leur pourvoi. La mise en liberté de l'appelant ne sera d'ailleurs que temporaire si son appel est rejeté
Mon collègue, le juge Jacques Delisle, dans l'affaire Marco Garneau c. La Reine a, à la fois, énuméré et analysé les éléments dont l'absence rendait non nécessaire la détention d'un appelant dans l'intérêt public :
♦ la frivolité de l'appel;
♦ la violence;
♦ le danger pour la sécurité du public;
♦ le risque de récidive;
♦ la célérité de l'audition en appel.
Les principes de base applicables en la matière d'engagement de ne pas troubler l'ordre public
Tardif c. Girard, 2009 QCCQ 4637 (CanLII)
[13] Le premier alinéa de l'article 810 du Code criminel se lit comme suit:
"810. (1) La personne qui craint, pour des motifs raisonnables, qu’une autre personne ne lui cause ou cause à son époux ou conjoint de fait ou à son enfant des lésions personnelles ou n’endommage sa propriété peut déposer une dénonciation devant un juge de paix. Une autre personne peut la déposer pour elle. "
[14] La jurisprudence est nombreuse sur la notion d'engagements visés par cet article. En 2002, l'Honorable Juge Lortie de la Cour du Québec, dans le dossier Bernard Duchesne, écrit ce qui suit quant aux principes devant gouverner le Tribunal dans l'émission de cette ordonnance.
"[76] Le juge Ducros, dans Stewart c. La Reine, et le juge Dionne, dans De Montigny c. Brault, ont exposé les principes de base applicables en la matière:
a) Lors des procédures prises en vertu de l'article 810 du Code criminel, il n'y a ni accusation, ni accusé, ni victime.
b) L'objectif de l'article 810 est de créer un droit préventif afin qu'il n'y ait pas de contravention au Code criminel et que la paix soit respectée.
c) On ne reproche pas au défendeur d'avoir commis une infraction.
d) Il s'agit de déterminer si les craintes de la personne sont raisonnablement fondées.
e) Il faut demander à la personne si elle craint encore au moment de l'audition. Si oui, elle doit justifier raisonnablement ses craintes.
f) La personne peut référer aux faits qui ont occasionné la plainte et à tout ce qu'elle sait relativement au défendeur et qui peut être pertinent.
g) Le degré de preuve requis est celui de la prépondérance.
h) Le concept de «lésions personnelles» est plus large que celui de «lésions corporelles». Les lésions peuvent être d'ordre psychologique.
i) Les lésions psychologiques doivent présenter un caractère sérieux qui s'éloigne de la simple nuisance ou des désagréments ou vexations que peut causer une personne.
j) Bien que les lésions aient un caractère subjectif, la crainte doit reposer sur des éléments objectifs.
k) Il faut des possibilités réalistes, qu'à défaut d'obtenir un engagement, le défendeur va causer dans le futur des lésions personnelles.
l) La décision est prononcée en fonction de la personne qui craint et non pas du défendeur.
m) Le critère de l'observateur neutre et objectif peut servir de guide au Tribunal."
[15] Il est donc important de noter, de prime à bord, que la notion de lésion personnelle mentionnée à l'article 810 n'est pas l'équivalent de lésion corporelle mentionnée ailleurs dans le Code criminel. Cette distinction est importante puisque, de l'avis du Tribunal, il est clair que le législateur comptait par-là étendre la définition de ce qui peut justifier l'octroi d'une ordonnance visée par l'article 810 par rapport à ce qui peut constituer un crime comportant des lésions corporelles au point de vue du Code criminel.
[16] Il n'en demeure pas moins que les lésions personnelles, tout comme le risque d'endommager la propriété d'une partie doivent révéler un certain danger. Monsieur le Juge Morand le décrit ainsi dans la décision Guay c. Picard 200-01-05648-003 du 13 décembre 2000:
"La preuve considérée dans son ensemble, doit révéler de manière prépondérante une crainte raisonnable d'un danger imminent ou réel que le défendeur commette l'infraction que l'on chercher à prévenir ou que l'on redoute".
[17] Il est clair que preuve n'a pas à être faite qu'à ce jour, le défendeur a commis une infraction visée par le Code criminel. Tel n'est pas le sens ni le but de l'article 810. Si une infraction criminelle avait été commise, la façon appropriée de traiter la situation serait de porter une accusation, reprochant la commission de cette infraction.
[18] Toutefois, si cette façon d'aborder l'article 810 est applicable à la preuve des faits qui alimentent la crainte, la conduite que l'on craint, elle, dans tous les cas que l'on a porté à l'attention du Tribunal, est visée par le Code criminel et en constitue une infraction. Ainsi, "l'infraction que l'on cherche à prévenir ou que l'on redoute", pour reprendre les termes de l'Honorable Juge Morand, en est une qui est définie au Code criminel.
[19] En effet, qu'il s'agisse de voies de faits, de harcèlement criminel, d'intimidation, de menaces de meurtre ou autre, à chaque fois qu'une ordonnance est requise ou émise, il semble s'agir d'une conduite appréhendée qui puisse présenter le caractère de gravité et de sérieux prévu par la définition d'une infraction décrite au Code criminel.
[13] Le premier alinéa de l'article 810 du Code criminel se lit comme suit:
"810. (1) La personne qui craint, pour des motifs raisonnables, qu’une autre personne ne lui cause ou cause à son époux ou conjoint de fait ou à son enfant des lésions personnelles ou n’endommage sa propriété peut déposer une dénonciation devant un juge de paix. Une autre personne peut la déposer pour elle. "
[14] La jurisprudence est nombreuse sur la notion d'engagements visés par cet article. En 2002, l'Honorable Juge Lortie de la Cour du Québec, dans le dossier Bernard Duchesne, écrit ce qui suit quant aux principes devant gouverner le Tribunal dans l'émission de cette ordonnance.
"[76] Le juge Ducros, dans Stewart c. La Reine, et le juge Dionne, dans De Montigny c. Brault, ont exposé les principes de base applicables en la matière:
a) Lors des procédures prises en vertu de l'article 810 du Code criminel, il n'y a ni accusation, ni accusé, ni victime.
b) L'objectif de l'article 810 est de créer un droit préventif afin qu'il n'y ait pas de contravention au Code criminel et que la paix soit respectée.
c) On ne reproche pas au défendeur d'avoir commis une infraction.
d) Il s'agit de déterminer si les craintes de la personne sont raisonnablement fondées.
e) Il faut demander à la personne si elle craint encore au moment de l'audition. Si oui, elle doit justifier raisonnablement ses craintes.
f) La personne peut référer aux faits qui ont occasionné la plainte et à tout ce qu'elle sait relativement au défendeur et qui peut être pertinent.
g) Le degré de preuve requis est celui de la prépondérance.
h) Le concept de «lésions personnelles» est plus large que celui de «lésions corporelles». Les lésions peuvent être d'ordre psychologique.
i) Les lésions psychologiques doivent présenter un caractère sérieux qui s'éloigne de la simple nuisance ou des désagréments ou vexations que peut causer une personne.
j) Bien que les lésions aient un caractère subjectif, la crainte doit reposer sur des éléments objectifs.
k) Il faut des possibilités réalistes, qu'à défaut d'obtenir un engagement, le défendeur va causer dans le futur des lésions personnelles.
l) La décision est prononcée en fonction de la personne qui craint et non pas du défendeur.
m) Le critère de l'observateur neutre et objectif peut servir de guide au Tribunal."
[15] Il est donc important de noter, de prime à bord, que la notion de lésion personnelle mentionnée à l'article 810 n'est pas l'équivalent de lésion corporelle mentionnée ailleurs dans le Code criminel. Cette distinction est importante puisque, de l'avis du Tribunal, il est clair que le législateur comptait par-là étendre la définition de ce qui peut justifier l'octroi d'une ordonnance visée par l'article 810 par rapport à ce qui peut constituer un crime comportant des lésions corporelles au point de vue du Code criminel.
[16] Il n'en demeure pas moins que les lésions personnelles, tout comme le risque d'endommager la propriété d'une partie doivent révéler un certain danger. Monsieur le Juge Morand le décrit ainsi dans la décision Guay c. Picard 200-01-05648-003 du 13 décembre 2000:
"La preuve considérée dans son ensemble, doit révéler de manière prépondérante une crainte raisonnable d'un danger imminent ou réel que le défendeur commette l'infraction que l'on chercher à prévenir ou que l'on redoute".
[17] Il est clair que preuve n'a pas à être faite qu'à ce jour, le défendeur a commis une infraction visée par le Code criminel. Tel n'est pas le sens ni le but de l'article 810. Si une infraction criminelle avait été commise, la façon appropriée de traiter la situation serait de porter une accusation, reprochant la commission de cette infraction.
[18] Toutefois, si cette façon d'aborder l'article 810 est applicable à la preuve des faits qui alimentent la crainte, la conduite que l'on craint, elle, dans tous les cas que l'on a porté à l'attention du Tribunal, est visée par le Code criminel et en constitue une infraction. Ainsi, "l'infraction que l'on cherche à prévenir ou que l'on redoute", pour reprendre les termes de l'Honorable Juge Morand, en est une qui est définie au Code criminel.
[19] En effet, qu'il s'agisse de voies de faits, de harcèlement criminel, d'intimidation, de menaces de meurtre ou autre, à chaque fois qu'une ordonnance est requise ou émise, il semble s'agir d'une conduite appréhendée qui puisse présenter le caractère de gravité et de sérieux prévu par la définition d'une infraction décrite au Code criminel.
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