R. c. Côté, 2008 QCCS 3749 (CanLII)
[146] La poursuite estime que le pouvoir reconnu dans l'arrêt Godoy justifiait l'entrée des policiers sur le terrain et dans la résidence de Mme Côté afin de valider l'appel 911 et de vérifier ce qui s'était passé.
[147] Un élément préoccupant de l'intervention policière est celui de l'heure à laquelle on y procède. Bien entendu, si les pouvoirs reconnus dans Godoy s'appliquent, cette question est sans objet car la nature de l'intervention autorisée par l'arrêt Godoy est telle que ces pouvoirs s'appliquent quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit.
[148] Il est évident que les policiers procédaient à une enquête criminelle et qu'ils ne peuvent prétendre qu'ils répondaient un appel 911 placé à 20 h 51. La source de ce pouvoir était épuisée depuis belle lurette. Dans ces circonstances, l'omission de révéler à Mme Côté toute l'information en leur possession à l'égard de la nature de la blessure de M. Hogue est éloquente.
[149] Dans Godoy, le juge Lamer énonce l'autorisation «donnée aux agents de police de se trouver dans une propriété privée pour répondre à un appel au 911» en ces termes:
Par conséquent, j’estime que l’importance du devoir qu’ont les agents de police de protéger la vie justifie qu’ils entrent par la force dans une maison afin de s’assurer de la santé et de la sécurité de la personne qui a composé le 911. L’intérêt que présente pour le public le maintien d’un système d’intervention d’urgence efficace est évident et est suffisamment important pour que puisse être commise une atteinte au droit à la vie privée de l’occupant. Cependant, j’insiste sur le fait que l’atteinte doit se limiter à la protection de la vie et de la sécurité. Les agents de police ont le pouvoir d’enquêter sur les appels au 911 et notamment d’en trouver l’auteur pour déterminer les raisons de l’appel et apporter l’aide nécessaire. L’autorisation donnée aux agents de police de se trouver dans une propriété privée pour répondre à un appel au 911 s’arrête là. Ils ne sont pas autorisés en plus à fouiller les lieux ni à s’immiscer autrement dans la vie privée ou la propriété de l’occupant. Dans l’arrêt Dedman, précité, à la p. 35, le juge Le Dain a déclaré que l’atteinte à la liberté doit être nécessaire à l’accomplissement du devoir de la police et elle doit être raisonnable. Dans le cas d’une demande d’aide indéterminée, l’atteinte raisonnable consisterait à trouver la personne qui a signalé le 911 dans la maison. Si cela peut se faire sans entrer dans la maison par la force, c’est évidemment de cette façon qu’il faut procéder. Chaque affaire est un cas d’espèce et doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances qui entourent l’événement. (Je m’abstiens en particulier de statuer sur la question de savoir si l’entrée effectuée en vue de répondre à un appel au 911 a une incidence sur l’applicabilité de la théorie des «objets bien en vue» car la question ne se pose pas compte tenu des faits de la présente affaire.)
[150] Le juge Lamer formule ses conclusions sur le cas d'espèce de cette manière:
En l’espèce, l’entrée par la force chez l’appelant était justifiée compte tenu de l’ensemble des circonstances. Les agents de police intervenaient à la suite d’une demande d’aide indéterminée. Ils n’avaient aucun indice sur la nature du problème signalé au 911. Ils ne savaient pas si l’appel avait été motivé par la commission d’un acte criminel ou non. Ils avaient le devoir en common law (codifié par le par. 42(3) de la Loi) d’agir en vue de protéger la vie et la sécurité. Par conséquent, leur devoir leur imposait de répondre à l’appel au 911. Une fois rendus à l’appartement de l’appelant, les agents de police avaient le devoir de vérifier les raisons de l’appel. S’ils avaient accepté la simple affirmation de l’appelant qu’il n’y avait «pas de problème», ils auraient manqué à leur devoir. Les agents de police étaient autorisés, en raison des pouvoirs qui leur sont conférés en common law pour s’acquitter de ce devoir, à entrer dans l’appartement pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un cas d’urgence. Le fait que l’appelant ait tenté de fermer la porte au nez des agents de police renforce également la légitimité de leur réaction, qui a été d’entrer par la force. Comme je l’ai déjà dit, le droit au respect de la vie privée de la personne qui ouvre doit s’incliner devant l’intérêt de quiconque se trouve à l’intérieur. La menace pesant sur la vie ou l’intégrité physique intéresse plus directement la dignité, l’intégrité et l’autonomie qui sont les valeurs sous-tendant le droit à la vie privée que le droit d’être à l’abri de l’intrusion minimale de l’État que constitue l’entrée des agents de police dans l’appartement pour enquêter sur un cas d’urgence potentiel. Une fois à l’intérieur de l’appartement, les agents de police ont entendu la conjointe de l’appelant pleurer. Ils avaient le devoir de fouiller l’appartement pour la trouver. À mon avis, le juge Finlayson de la Cour d’appel a eu raison de conclure que les agents de police avaient exercé leurs pouvoirs de façon justifiée.
[151] Bien entendu, comme le souligne le juge Lamer, «[c]haque affaire est un cas d’espèce et doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances qui entourent l’événement» et à la lumière des principes suivants:
1) Les policiers ont le pouvoir:
a. D'enquêter sur un appel 911;
b. D'en trouver l'auteur;
c. De déterminer les raisons de l'appel et;
d. D'apporter l'aide nécessaire.
2) L'atteinte doit se limiter à la protection de la vie et de la sécurité;
3) L'autorisation ne s'étend pas à la fouille des lieux ni à s'immiscer autrement dans la vie privée ou la propriété de l'occupant.
[152] En l'espèce, l'auteur de l'appel était connu, la raison de son appel aussi et on avait apporté l'aide nécessaire à M. Hogue. Les limites posées par le juge Lamer sont si claires et si limpides qu'il est difficile d'imaginer quelque confusion que ce soit.
[153] Certes, on ne doit pas imposer «à la police l'obligation d'interpréter instantanément les décisions judiciaires». On ne peut «pas s'attendre que les policiers connaissent dans ses menus détails le droit en matière de mandats de perquisition, [mais] ils devraient néanmoins être au courant des exigences que les tribunaux ont jugées essentielles».
[154] Il y a peu à interpréter dans les paramètres énoncés par le juge Lamer dans l'arrêt Godoy. De toute façon, la preuve présentée n'établit pas que c'est une incertitude quant à l'étendue des pouvoirs qui est à la source de quelque méprise policière.
[155] Le plus désolant, c'est là, la seule conclusion raisonnable selon la preuve présentée, c'est que les limites contenues dans l'arrêt Godoy n'étaient tout simplement pas connues. Les policiers semblent avoir conclu qu'un appel au 911 était la source d'un pouvoir illimité qui n'est pas encadré par quelques limites que ce soient, l'urgence étant perçue comme la source d'un pouvoir d'intervention sans limites.
[156] Or, le pouvoir reconnu dans l'arrêt Godoy était épuisé et ne pouvait justifier l'intervention policière [à l’adresse A].
[157] Même si on tient pour acquis que les paramètres énoncés dans Godoy ont été respectés lors de l'intervention policière, on doit se rappeler les limites posées par le juge Lamer à l'intervention policière suite à un appel 911:
L’autorisation donnée aux agents de police de se trouver dans une propriété privée pour répondre à un appel au 911 s’arrête là. Ils ne sont pas autorisés en plus à fouiller les lieux ni à s’immiscer autrement dans la vie privée ou la propriété de l’occupant.
[158] Il faut conclure que les fouilles sur le terrain [de l’adresse A] et celle de la maison n'étaient pas autorisées par le pouvoir reconnu dans l'arrêt Godoy.
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lundi 7 septembre 2009
Est-ce qu'il y a eu une fouille ou une perquisition?
R. c. Côté, 2008 QCCS 3749 (CanLII)
[144] Dans l'arrêt Tessling, le juge Binnie s'exprime ainsi:
Il s’ensuit que le droit à la protection contre les enquêtes de l’État est assujetti à des restrictions constitutionnellement acceptables. Premièrement, « tout type d’enquête gouvernementale ne constituera pas forcément, sur le plan constitutionnel, une “fouille ou perquisition”. Au contraire, ce n’est que lorsque les enquêtes de l’État empiètent sur un droit raisonnable des particuliers à la vie privée que l’action gouvernementale en cause constitue une “fouille ou perquisition” au sens de l’art. 8 » : Evans, précité, par. 11. Ce n’est que « [s]i l’activité de la police a pour effet de déjouer une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée [qu’]elle constitue alors une fouille » : R. c. Wise, 1992 CanLII 125 (C.S.C.), [1992] 1 R.C.S. 527, p. 533. Deuxièmement, comme le laisse entendre le texte de l’art. 8, même les enquêtes qui constituent des « fouilles ou perquisitions » sont acceptables si elles sont « raisonnables ». Une fouille ou perquisition ne contrevient pas à l’art. 8 si elle est autorisée par une règle de droit raisonnable et exécutée d’une manière raisonnable : R. c. Caslake, 1998 CanLII 838 (C.S.C.), [1998] 1 R.C.S. 51; R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265[51].
[145] Dans la mesure où les policiers voulaient valider l'appel 911 et voir ce qui s'était passé, le Tribunal considère que l'entrée [à l’adresse A], la visite de la maison et du solarium, l'examen extérieur de la maison, du gazebo et les fouilles périphériques doivent être considérés comme une fouille et une perquisition au sens de l'article 8 de la Charte.
[144] Dans l'arrêt Tessling, le juge Binnie s'exprime ainsi:
Il s’ensuit que le droit à la protection contre les enquêtes de l’État est assujetti à des restrictions constitutionnellement acceptables. Premièrement, « tout type d’enquête gouvernementale ne constituera pas forcément, sur le plan constitutionnel, une “fouille ou perquisition”. Au contraire, ce n’est que lorsque les enquêtes de l’État empiètent sur un droit raisonnable des particuliers à la vie privée que l’action gouvernementale en cause constitue une “fouille ou perquisition” au sens de l’art. 8 » : Evans, précité, par. 11. Ce n’est que « [s]i l’activité de la police a pour effet de déjouer une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée [qu’]elle constitue alors une fouille » : R. c. Wise, 1992 CanLII 125 (C.S.C.), [1992] 1 R.C.S. 527, p. 533. Deuxièmement, comme le laisse entendre le texte de l’art. 8, même les enquêtes qui constituent des « fouilles ou perquisitions » sont acceptables si elles sont « raisonnables ». Une fouille ou perquisition ne contrevient pas à l’art. 8 si elle est autorisée par une règle de droit raisonnable et exécutée d’une manière raisonnable : R. c. Caslake, 1998 CanLII 838 (C.S.C.), [1998] 1 R.C.S. 51; R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265[51].
[145] Dans la mesure où les policiers voulaient valider l'appel 911 et voir ce qui s'était passé, le Tribunal considère que l'entrée [à l’adresse A], la visite de la maison et du solarium, l'examen extérieur de la maison, du gazebo et les fouilles périphériques doivent être considérés comme une fouille et une perquisition au sens de l'article 8 de la Charte.
L'absence d'un mandat de perquisition
R. c. Côté, 2008 QCCS 3749 (CanLII)
[127] La preuve présentée par la poursuite est troublante. L'intervention policière nocturne a eu lieu sans autorisation judiciaire. Elle est donc présumée abusive au sens de l'article 8 de la Charte.
[128] Aucun policier ne semble s'être préoccupé du caractère nocturne de l'intervention, de l'absence d'un mandat de perquisition ou des limites inhérentes que comportent les pouvoirs d'intervention sans mandat reconnus par les tribunaux. Pas plus que les exigences rigoureuses relatives à l'obtention d'un consentement à une fouille ou une perquisition.
[129] Ces questions se posent quant à l'entrée sur le terrain [de l’adresse A], l'autorisation d'entrer dans la maison, la fouille de la maison, la fouille périphérique du terrain, la fouille du gazebo.
[130] Ce n'est qu'à 5 h 25, plus de cinq heures après l'intervention initiale que la préparation de demandes pour des mandats de perquisition a été effectuée.
[131] Compte tenu de l'absence d'un mandat de perquisition autorisant l'entrée des policiers sur le terrain [de l’adresse A] et surtout du fait que personne ne semble s'être souciée de cette question avant plus de cinq heures après l'intervention initiale, il est nécessaire de rappeler certains autres principes de base dans le domaine des fouilles et des perquisitions.
[132] En 1984, la Cour suprême décide dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc. que l'article 8 de la Charte protège les attentes raisonnables en matière de vie privée.
[133] Le juge Dickson y affirme dans cet arrêt de principe «qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi».
[134] Cette appréciation doit être effectuée avant l'intrusion dans la vie privée par le biais d'une autorisation judiciaire préalable. Le juge Dickson en décrit la nature:
L'exigence d'une autorisation préalable, qui prend habituellement la forme d'un mandat valide, a toujours été la condition préalable d'une fouille, d'une perquisition et d'une saisie valides sous le régime de la common law et de la plupart des lois. Une telle exigence impose à l'état l'obligation de démontrer la supériorité de son droit par rapport à celui du particulier. Comme telle, elle est conforme à l'esprit apparent de la Charte qui est de préférer, lorsque cela est possible, le droit des particuliers de ne pas subir l'ingérence de l'état au droit de ce dernier de poursuivre ses fins par une telle ingérence.
Je reconnais qu'il n'est peut-être pas raisonnable dans tous les cas d'insister sur l'autorisation préalable aux fins de valider des atteintes du gouvernement aux expectatives des particuliers en matière de vie privée. Néanmoins, je suis d'avis de conclure qu'une telle autorisation, lorsqu'elle peut être obtenue, est une condition préalable de la validité d'une fouille, d'une perquisition et d'une saisie.
Ici encore, l'arrêt Katz, précité, est pertinent. Dans l'arrêt United States v. Rabinowitz, 339 U.S. 56 (1950), la Cour suprême des États-Unis avait jugé qu'une perquisition sans mandat n'était pas ipso facto abusive. Mais dix-sept ans plus tard, le juge Stewart a conclu dans l'arrêt Katz qu'une perquisition sans mandat était à première vue "abusive" en vertu du Quatrième amendement. Les termes de ce Quatrième amendement diffèrent de ceux de l'art. 8 et on ne peut transposer les décisions américaines dans le contexte canadien qu'avec énormément de prudence. Avec égards, néanmoins, je suis d'avis d'adopter en l'espèce la formulation du juge Stewart qui s'applique pareillement au concept du "caractère abusif" que l'on trouve à l'art. 8, et j'estime que la partie qui veut justifier une perquisition sans mandat doit réfuter cette présomption du caractère abusif.
[135] Le juge Lamer précise le cadre d'analyse de l'art. 8 dans l'arrêt R. c. Caslake:
Pour ne pas être abusive, la fouille ou perquisition doit être autorisée par la loi. La raison de cette exigence est claire: tant en vertu de la Charte que de la common law, les mandataires de l’État ne peuvent se rendre chez quelqu’un ou y saisir un bien que si la loi le permet précisément. Autrement dit, ils sont assujettis aux mêmes règles en matière d’intrusion et de vol que n’importe quelle autre personne. Une fouille ou perquisition peut ne pas satisfaire à cette exigence de trois manières. Premièrement, le mandataire de l’État qui effectue la fouille ou perquisition doit être en mesure d’indiquer une loi ou règle de common law particulière qui autorise la fouille ou perquisition. S’il ne peut le faire, on ne saurait dire que cette fouille ou perquisition est autorisée par la loi. Deuxièmement, la fouille ou perquisition doit être effectuée conformément aux exigences procédurales et substantielles que la loi prescrit. Par exemple, l’art. 487 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, autorise les fouilles ou perquisitions, mais seulement conformément à un mandat délivré par un juge de paix sur la foi d’une dénonciation sous serment énonçant des motifs raisonnables et probables. Le défaut de satisfaire à l’une de ces exigences fera en sorte que la fouille ou perquisition ne sera pas autorisée par la loi. Troisièmement, dans la même veine, l’étendue de la fouille ou perquisition est limitée au secteur et aux objets à l’égard desquels elle est autorisée par la loi. Dans la mesure où une fouille ou perquisition excède ces limites, elle n’est pas autorisée par la loi.
[136] Dans l'arrêt Tessling, le juge Binnie souligne que la maison d'un citoyen est le lieu où les attentes du citoyen en matière de vie privée sont les plus grandes:
La notion initiale de la vie privée qui a trait aux lieux ([traduction] « la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse » : Semayne’s Case, [1558-1774] All E.R. Rep. 62 (1604), p. 63) a évolué pour faire place à une hiérarchie plus nuancée visant d’abord la vie privée dans la résidence, le lieu où nos activités les plus intimes et privées sont le plus susceptibles de se dérouler (Evans, précité, par. 42; R. c. Silveira, 1995 CanLII 89 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 297, par. 140, le juge Cory : « —i—l n’existe aucun endroit au monde où une personne possède une attente plus grande en matière de vie privée que dans sa “maison d’habitation” »; R. c. Feeney, 1997 CanLII 342 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 13, par. 43), puis, dans une moindre mesure, dans le périmètre entourant la résidence (R. c. Kokesch, 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3; R. c. Grant, 1993 CanLII 68 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 223, p. 237 et 241; R. c. Wiley, 1993 CanLII 69 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 263, p. 273), dans les locaux commerciaux (Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), 1990 CanLII 135 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 425, p. 517-519; R. c. McKinlay Transport Ltd., 1990 CanLII 137 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 627, p. 641 et suiv.), dans les véhicules privés (Wise, précité, p. 533; R. c. Mellenthin, 1992 CanLII 50 (C.S.C.), [1992] 3 R.C.S. 615), dans les écoles (R. c. M. (M.R.), 1998 CanLII 770 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 32), et même, au bas de l’échelle, dans les prisons (Weatherall c. Canada (Procureur général), 1993 CanLII 112 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 872, p. 877). Cette hiérarchie des lieux n’est pas contraire au principe sous-jacent selon lequel l’art. 8 protège « les personnes et non les lieux », mais elle emploie la notion de lieu comme instrument d’évaluation du caractère raisonnable de l’attente en matière de vie privée.
[137] Il est clairement établi depuis l’arrêt Colet c. La Reine que les policiers ne peuvent pénétrer sur une propriété privée sans autorisation judiciaire. Dans l'arrêt R. c. Kokesch[44] où la Cour suprême a décidé qu'une fouille périphérique, autour du périmètre d'une maison d'habitation exige une autorisation judiciaire, le juge en chef Dickson, dissident, s’exprime ainsi :
L'intimée a également allégué que la «perquisition périphérique» avait été effectuée légitimement en vertu des pouvoirs que la common law reconnaît à la police et n'était pas une intrusion illicite sur une propriété privée. À mon avis, cet argument est sans fondement. Notre Cour a toujours dit que les droits que la common law reconnaît au détenteur d'un bien de ne pas subir d'intrusion policière ne peuvent être restreints que par des pouvoirs conférés par des dispositions législatives claires. Dans l'arrêt Colet c. La Reine, 1981 CanLII 11 (C.S.C.), [1981] 1 R.C.S. 2, notre Cour a examiné la validité d'un mandat qui autorisait la police à «saisir» des armes à feu. Le juge Ritchie, au nom de la Cour, a conclu que le pouvoir de saisir doit recevoir une interprétation stricte pour empêcher la police d'entrer dans une propriété privée et d'y effectuer une perquisition générale, aux pp. 9 et 10:
On présume que tous les articles du Code criminel sont adoptés «dans l'intérêt public» et, à mon avis, il serait très dangereux de conclure que les droits privés d'une personne à la jouissance exclusive de sa propriété doivent être assujettis au droit des policiers d'y entrer de force chaque fois qu'ils prétendent agir en vue d'appliquer un article du Code criminel, même s'ils ne sont pas munis d'une autorisation expresse qui justifie leurs actes.
. . .
Comme je l'ai mentionné, j'estime qu'une disposition de la loi qui autorise les policiers à pénétrer sur la propriété d'autrui sans invitation ni permission constitue un empiétement sur les droits que la common law reconnaît au propriétaire. En cas d'ambiguïté, cette disposition doit recevoir une interprétation stricte qui favorise les droits que la common law reconnaît au propriétaire.
[138] Après avoir référé aux propos du juge Ritchie dans Eccles c. Bourque, le juge Dickson formule sa conclusion ainsi :
Étant donné ces affirmations claires, il n'y a, à mon avis, aucun fondement à l'argument que la common law reconnaissait à la police le pouvoir d'entrer sur la propriété privée de l'appelant pour y effectuer une perquisition.
Pour ces motifs, je suis d'avis de conclure que la perquisition périphérique sans mandat de la maison d'habitation de l'appelant a été effectuée sans autorisation légitime de la loi ou de la common law. En l'absence d'autorisation légitime, la perquisition périphérique doit être déclarée abusive: R. c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, à la p. 1147, le juge Lamer. Vu cette conclusion, il ne m'est pas nécessaire, à proprement parler, d'examiner les deuxième et les troisième critères du caractère raisonnable établis dans l'arrêt Collins, précité. Cependant, il me semble bien, indépendamment de la question de l'autorisation légitime, que la police ne possède pas un droit illimité du point de vue constitutionnel d'entrer sur une propriété privée. À mon avis, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a commis une erreur dans sa conclusion que la perquisition, bien qu'effectuée sans autorisation légitime, était néanmoins raisonnable. Par conséquent, je suis d'avis de conclure que les droits que l'art. 8 de la Charte reconnaît à l'appelant ont été violés par la perquisition périphérique sans mandat de sa maison d'habitation.
[139] En pénétrant sur le terrain de la résidence où habitait Mme Côté sans autorisation légitime (par la loi ou la common law), même si c'était pour avoir accès à la porte de la maison pour communiquer avec l'occupant, les policiers ont posé une série de gestes qui exige un examen de la constitutionnalité de cette intervention. La suite malheureuse fut une série de violations constitutionnelles qui se sont succédées pendant plusieurs heures sans que personne n'ait eu la lucidité d'y remédier.
[140] En raison de l'absence d'une autorisation judiciaire, la poursuite doit donc réfuter le caractère abusif de l'«intrusion illicite sur une propriété privée», en établissant que la fouille ou la perquisition était autorisée par la loi ou qu’ils avaient une invitation ou une permission selon les termes de l’arrêt Colet.
[141] Dans ses représentations écrites et orales, la poursuite estime que la présence initiale des policiers ne saurait être qualifiée de fouille ou de perquisition.
[142] Selon la poursuite, les policiers se sont rendus [à l’adresse A] suite à l'appel 911, dans le but de valider l'appel et voir ce qui s'est passé. Ils sont entrés avec la permission de Mme Côté. La poursuite soutient que les policiers interviennent alors en vertu du pouvoir qui a été reconnu par la Cour suprême dans R. c. Godoy en matière d'appel 911 ou en vertu de l'urgence de la situation qui se présentait aux policiers.
[143] De plus, la poursuite estime que la Cour suprême a reconnu dans l'arrêt R. c. Evans que les policiers peuvent se «rendre à la porte d'une résidence dans la mesure où le but est autorisé», en l'occurrence, l'appel 911.
[127] La preuve présentée par la poursuite est troublante. L'intervention policière nocturne a eu lieu sans autorisation judiciaire. Elle est donc présumée abusive au sens de l'article 8 de la Charte.
[128] Aucun policier ne semble s'être préoccupé du caractère nocturne de l'intervention, de l'absence d'un mandat de perquisition ou des limites inhérentes que comportent les pouvoirs d'intervention sans mandat reconnus par les tribunaux. Pas plus que les exigences rigoureuses relatives à l'obtention d'un consentement à une fouille ou une perquisition.
[129] Ces questions se posent quant à l'entrée sur le terrain [de l’adresse A], l'autorisation d'entrer dans la maison, la fouille de la maison, la fouille périphérique du terrain, la fouille du gazebo.
[130] Ce n'est qu'à 5 h 25, plus de cinq heures après l'intervention initiale que la préparation de demandes pour des mandats de perquisition a été effectuée.
[131] Compte tenu de l'absence d'un mandat de perquisition autorisant l'entrée des policiers sur le terrain [de l’adresse A] et surtout du fait que personne ne semble s'être souciée de cette question avant plus de cinq heures après l'intervention initiale, il est nécessaire de rappeler certains autres principes de base dans le domaine des fouilles et des perquisitions.
[132] En 1984, la Cour suprême décide dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc. que l'article 8 de la Charte protège les attentes raisonnables en matière de vie privée.
[133] Le juge Dickson y affirme dans cet arrêt de principe «qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi».
[134] Cette appréciation doit être effectuée avant l'intrusion dans la vie privée par le biais d'une autorisation judiciaire préalable. Le juge Dickson en décrit la nature:
L'exigence d'une autorisation préalable, qui prend habituellement la forme d'un mandat valide, a toujours été la condition préalable d'une fouille, d'une perquisition et d'une saisie valides sous le régime de la common law et de la plupart des lois. Une telle exigence impose à l'état l'obligation de démontrer la supériorité de son droit par rapport à celui du particulier. Comme telle, elle est conforme à l'esprit apparent de la Charte qui est de préférer, lorsque cela est possible, le droit des particuliers de ne pas subir l'ingérence de l'état au droit de ce dernier de poursuivre ses fins par une telle ingérence.
Je reconnais qu'il n'est peut-être pas raisonnable dans tous les cas d'insister sur l'autorisation préalable aux fins de valider des atteintes du gouvernement aux expectatives des particuliers en matière de vie privée. Néanmoins, je suis d'avis de conclure qu'une telle autorisation, lorsqu'elle peut être obtenue, est une condition préalable de la validité d'une fouille, d'une perquisition et d'une saisie.
Ici encore, l'arrêt Katz, précité, est pertinent. Dans l'arrêt United States v. Rabinowitz, 339 U.S. 56 (1950), la Cour suprême des États-Unis avait jugé qu'une perquisition sans mandat n'était pas ipso facto abusive. Mais dix-sept ans plus tard, le juge Stewart a conclu dans l'arrêt Katz qu'une perquisition sans mandat était à première vue "abusive" en vertu du Quatrième amendement. Les termes de ce Quatrième amendement diffèrent de ceux de l'art. 8 et on ne peut transposer les décisions américaines dans le contexte canadien qu'avec énormément de prudence. Avec égards, néanmoins, je suis d'avis d'adopter en l'espèce la formulation du juge Stewart qui s'applique pareillement au concept du "caractère abusif" que l'on trouve à l'art. 8, et j'estime que la partie qui veut justifier une perquisition sans mandat doit réfuter cette présomption du caractère abusif.
[135] Le juge Lamer précise le cadre d'analyse de l'art. 8 dans l'arrêt R. c. Caslake:
Pour ne pas être abusive, la fouille ou perquisition doit être autorisée par la loi. La raison de cette exigence est claire: tant en vertu de la Charte que de la common law, les mandataires de l’État ne peuvent se rendre chez quelqu’un ou y saisir un bien que si la loi le permet précisément. Autrement dit, ils sont assujettis aux mêmes règles en matière d’intrusion et de vol que n’importe quelle autre personne. Une fouille ou perquisition peut ne pas satisfaire à cette exigence de trois manières. Premièrement, le mandataire de l’État qui effectue la fouille ou perquisition doit être en mesure d’indiquer une loi ou règle de common law particulière qui autorise la fouille ou perquisition. S’il ne peut le faire, on ne saurait dire que cette fouille ou perquisition est autorisée par la loi. Deuxièmement, la fouille ou perquisition doit être effectuée conformément aux exigences procédurales et substantielles que la loi prescrit. Par exemple, l’art. 487 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, autorise les fouilles ou perquisitions, mais seulement conformément à un mandat délivré par un juge de paix sur la foi d’une dénonciation sous serment énonçant des motifs raisonnables et probables. Le défaut de satisfaire à l’une de ces exigences fera en sorte que la fouille ou perquisition ne sera pas autorisée par la loi. Troisièmement, dans la même veine, l’étendue de la fouille ou perquisition est limitée au secteur et aux objets à l’égard desquels elle est autorisée par la loi. Dans la mesure où une fouille ou perquisition excède ces limites, elle n’est pas autorisée par la loi.
[136] Dans l'arrêt Tessling, le juge Binnie souligne que la maison d'un citoyen est le lieu où les attentes du citoyen en matière de vie privée sont les plus grandes:
La notion initiale de la vie privée qui a trait aux lieux ([traduction] « la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse » : Semayne’s Case, [1558-1774] All E.R. Rep. 62 (1604), p. 63) a évolué pour faire place à une hiérarchie plus nuancée visant d’abord la vie privée dans la résidence, le lieu où nos activités les plus intimes et privées sont le plus susceptibles de se dérouler (Evans, précité, par. 42; R. c. Silveira, 1995 CanLII 89 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 297, par. 140, le juge Cory : « —i—l n’existe aucun endroit au monde où une personne possède une attente plus grande en matière de vie privée que dans sa “maison d’habitation” »; R. c. Feeney, 1997 CanLII 342 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 13, par. 43), puis, dans une moindre mesure, dans le périmètre entourant la résidence (R. c. Kokesch, 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3; R. c. Grant, 1993 CanLII 68 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 223, p. 237 et 241; R. c. Wiley, 1993 CanLII 69 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 263, p. 273), dans les locaux commerciaux (Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), 1990 CanLII 135 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 425, p. 517-519; R. c. McKinlay Transport Ltd., 1990 CanLII 137 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 627, p. 641 et suiv.), dans les véhicules privés (Wise, précité, p. 533; R. c. Mellenthin, 1992 CanLII 50 (C.S.C.), [1992] 3 R.C.S. 615), dans les écoles (R. c. M. (M.R.), 1998 CanLII 770 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 393, par. 32), et même, au bas de l’échelle, dans les prisons (Weatherall c. Canada (Procureur général), 1993 CanLII 112 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 872, p. 877). Cette hiérarchie des lieux n’est pas contraire au principe sous-jacent selon lequel l’art. 8 protège « les personnes et non les lieux », mais elle emploie la notion de lieu comme instrument d’évaluation du caractère raisonnable de l’attente en matière de vie privée.
[137] Il est clairement établi depuis l’arrêt Colet c. La Reine que les policiers ne peuvent pénétrer sur une propriété privée sans autorisation judiciaire. Dans l'arrêt R. c. Kokesch[44] où la Cour suprême a décidé qu'une fouille périphérique, autour du périmètre d'une maison d'habitation exige une autorisation judiciaire, le juge en chef Dickson, dissident, s’exprime ainsi :
L'intimée a également allégué que la «perquisition périphérique» avait été effectuée légitimement en vertu des pouvoirs que la common law reconnaît à la police et n'était pas une intrusion illicite sur une propriété privée. À mon avis, cet argument est sans fondement. Notre Cour a toujours dit que les droits que la common law reconnaît au détenteur d'un bien de ne pas subir d'intrusion policière ne peuvent être restreints que par des pouvoirs conférés par des dispositions législatives claires. Dans l'arrêt Colet c. La Reine, 1981 CanLII 11 (C.S.C.), [1981] 1 R.C.S. 2, notre Cour a examiné la validité d'un mandat qui autorisait la police à «saisir» des armes à feu. Le juge Ritchie, au nom de la Cour, a conclu que le pouvoir de saisir doit recevoir une interprétation stricte pour empêcher la police d'entrer dans une propriété privée et d'y effectuer une perquisition générale, aux pp. 9 et 10:
On présume que tous les articles du Code criminel sont adoptés «dans l'intérêt public» et, à mon avis, il serait très dangereux de conclure que les droits privés d'une personne à la jouissance exclusive de sa propriété doivent être assujettis au droit des policiers d'y entrer de force chaque fois qu'ils prétendent agir en vue d'appliquer un article du Code criminel, même s'ils ne sont pas munis d'une autorisation expresse qui justifie leurs actes.
. . .
Comme je l'ai mentionné, j'estime qu'une disposition de la loi qui autorise les policiers à pénétrer sur la propriété d'autrui sans invitation ni permission constitue un empiétement sur les droits que la common law reconnaît au propriétaire. En cas d'ambiguïté, cette disposition doit recevoir une interprétation stricte qui favorise les droits que la common law reconnaît au propriétaire.
[138] Après avoir référé aux propos du juge Ritchie dans Eccles c. Bourque, le juge Dickson formule sa conclusion ainsi :
Étant donné ces affirmations claires, il n'y a, à mon avis, aucun fondement à l'argument que la common law reconnaissait à la police le pouvoir d'entrer sur la propriété privée de l'appelant pour y effectuer une perquisition.
Pour ces motifs, je suis d'avis de conclure que la perquisition périphérique sans mandat de la maison d'habitation de l'appelant a été effectuée sans autorisation légitime de la loi ou de la common law. En l'absence d'autorisation légitime, la perquisition périphérique doit être déclarée abusive: R. c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, à la p. 1147, le juge Lamer. Vu cette conclusion, il ne m'est pas nécessaire, à proprement parler, d'examiner les deuxième et les troisième critères du caractère raisonnable établis dans l'arrêt Collins, précité. Cependant, il me semble bien, indépendamment de la question de l'autorisation légitime, que la police ne possède pas un droit illimité du point de vue constitutionnel d'entrer sur une propriété privée. À mon avis, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a commis une erreur dans sa conclusion que la perquisition, bien qu'effectuée sans autorisation légitime, était néanmoins raisonnable. Par conséquent, je suis d'avis de conclure que les droits que l'art. 8 de la Charte reconnaît à l'appelant ont été violés par la perquisition périphérique sans mandat de sa maison d'habitation.
[139] En pénétrant sur le terrain de la résidence où habitait Mme Côté sans autorisation légitime (par la loi ou la common law), même si c'était pour avoir accès à la porte de la maison pour communiquer avec l'occupant, les policiers ont posé une série de gestes qui exige un examen de la constitutionnalité de cette intervention. La suite malheureuse fut une série de violations constitutionnelles qui se sont succédées pendant plusieurs heures sans que personne n'ait eu la lucidité d'y remédier.
[140] En raison de l'absence d'une autorisation judiciaire, la poursuite doit donc réfuter le caractère abusif de l'«intrusion illicite sur une propriété privée», en établissant que la fouille ou la perquisition était autorisée par la loi ou qu’ils avaient une invitation ou une permission selon les termes de l’arrêt Colet.
[141] Dans ses représentations écrites et orales, la poursuite estime que la présence initiale des policiers ne saurait être qualifiée de fouille ou de perquisition.
[142] Selon la poursuite, les policiers se sont rendus [à l’adresse A] suite à l'appel 911, dans le but de valider l'appel et voir ce qui s'est passé. Ils sont entrés avec la permission de Mme Côté. La poursuite soutient que les policiers interviennent alors en vertu du pouvoir qui a été reconnu par la Cour suprême dans R. c. Godoy en matière d'appel 911 ou en vertu de l'urgence de la situation qui se présentait aux policiers.
[143] De plus, la poursuite estime que la Cour suprême a reconnu dans l'arrêt R. c. Evans que les policiers peuvent se «rendre à la porte d'une résidence dans la mesure où le but est autorisé», en l'occurrence, l'appel 911.
La fouille d'un véhicule automobile
R. c. Lafleur, 2005 CanLII 29347 (QC C.Q.)
[77] La Cour Suprême dans Cloutier c. Langlois 1990 CanLII 122 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 158, à l'unanimité, par la voix de l'honorable L'Heureux-Dubé, a conclu à la légalité de la fouille accessoire à l'arrestation, si elle-même légale (au même effet R. c. Stillman 1997 CanLII 384 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 607).
[78] Justifiant ce pouvoir, la Cour a cependant énoncé trois (3) limites importantes à l'exercice de ce pouvoir (cf. p. 186).
«1. Ce pouvoir n'impose pas de devoir. Les policiers jouissent d'une discrétion dans l'exercice de la fouille. Dans les cas où ils sont satisfaits que l'application de la loi peut s'effectuer d'une façon efficace et sécuritaire sans l'intervention d'une fouille, les policiers peuvent juger opportun de ne pas procéder à la fouille. Ils doivent être en mesure d'apprécier les circonstances de chaque cas afin de déterminer si la fouille répond aux objectifs sous-jacents.
2. La fouille doit viser un objectif valable dans la poursuite des fins de la justice criminelle, telle la découverte d'un objet pouvant menacer la sécurité des policiers, du prévenu ou du public, faciliter l'évasion ou constituer une preuve contre le prévenu. Le but de la fouille ne doit pas être étranger aux fins d'une saine administration de la justice, ce qui serait le cas, par exemple, si la fouille avait pour but d'intimider le prévenu, de le ridiculiser ou d'exercer une contrainte pour lui soutirer des aveux.
3. La fouille ne doit pas être effectuée de façon abusive et, en particulier, l'usage de contrainte physique ou psychologique ne doit pas être hors de proportion avec les objectifs poursuivis et les autres circonstances de l'espèce.
Une fouille qui ne répondrait pas à ces objectifs pourrait être tenue pour abusive et non justifiée en vertu de la common law.»
[79] Le respect de ces trois (3) conditions, associé à une arrestation légale, autorisera par la loi la fouille aux fins de l'article 8 de la Charte.
[80] Dans R. c. Caslake 1998 CanLII 838 (C.S.C.), [1998] 1 R.C.S. 51, la Cour Suprême a confirmé ces principes et examiné l'étendue de cette fouille accessoire à l'arrestation pour conclure qu'elle peut s'étendre aux automobiles, qui, par ailleurs, ne suscitent aucune attente accrue en matière de vie privée (par. 15).
[81] D'autre part, le délai entre la fouille et l'arrestation ne doit pas être limité dans l'évaluation du caractère accessoire de la fouille, chaque affaire devant être examinée à son mérite.
[82] Appliquant ces principes à la présente affaire et suivant notre conclusion antérieure à l'effet que l'arrestation était légale, nous considérons cette fouille sans mandat comme accessoire à l'arrestation répondant en tous points aux critères énoncés par la Cour Suprême, particulièrement dans R. c. Caslake précité et Chahdi c. La Reine, J.E. 98-627, C.A. Québec, 19 février 1998.
[83] L'analyse du délai n'est pas nécessaire, vu sa courte durée.
[84] L'existence de motifs raisonnables et probables de croire à la commission d'un acte criminel impliquant un véhicule automobile emportait d'emblée sa saisie sans mandat et par surcroît sa fouille.
[77] La Cour Suprême dans Cloutier c. Langlois 1990 CanLII 122 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 158, à l'unanimité, par la voix de l'honorable L'Heureux-Dubé, a conclu à la légalité de la fouille accessoire à l'arrestation, si elle-même légale (au même effet R. c. Stillman 1997 CanLII 384 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 607).
[78] Justifiant ce pouvoir, la Cour a cependant énoncé trois (3) limites importantes à l'exercice de ce pouvoir (cf. p. 186).
«1. Ce pouvoir n'impose pas de devoir. Les policiers jouissent d'une discrétion dans l'exercice de la fouille. Dans les cas où ils sont satisfaits que l'application de la loi peut s'effectuer d'une façon efficace et sécuritaire sans l'intervention d'une fouille, les policiers peuvent juger opportun de ne pas procéder à la fouille. Ils doivent être en mesure d'apprécier les circonstances de chaque cas afin de déterminer si la fouille répond aux objectifs sous-jacents.
2. La fouille doit viser un objectif valable dans la poursuite des fins de la justice criminelle, telle la découverte d'un objet pouvant menacer la sécurité des policiers, du prévenu ou du public, faciliter l'évasion ou constituer une preuve contre le prévenu. Le but de la fouille ne doit pas être étranger aux fins d'une saine administration de la justice, ce qui serait le cas, par exemple, si la fouille avait pour but d'intimider le prévenu, de le ridiculiser ou d'exercer une contrainte pour lui soutirer des aveux.
3. La fouille ne doit pas être effectuée de façon abusive et, en particulier, l'usage de contrainte physique ou psychologique ne doit pas être hors de proportion avec les objectifs poursuivis et les autres circonstances de l'espèce.
Une fouille qui ne répondrait pas à ces objectifs pourrait être tenue pour abusive et non justifiée en vertu de la common law.»
[79] Le respect de ces trois (3) conditions, associé à une arrestation légale, autorisera par la loi la fouille aux fins de l'article 8 de la Charte.
[80] Dans R. c. Caslake 1998 CanLII 838 (C.S.C.), [1998] 1 R.C.S. 51, la Cour Suprême a confirmé ces principes et examiné l'étendue de cette fouille accessoire à l'arrestation pour conclure qu'elle peut s'étendre aux automobiles, qui, par ailleurs, ne suscitent aucune attente accrue en matière de vie privée (par. 15).
[81] D'autre part, le délai entre la fouille et l'arrestation ne doit pas être limité dans l'évaluation du caractère accessoire de la fouille, chaque affaire devant être examinée à son mérite.
[82] Appliquant ces principes à la présente affaire et suivant notre conclusion antérieure à l'effet que l'arrestation était légale, nous considérons cette fouille sans mandat comme accessoire à l'arrestation répondant en tous points aux critères énoncés par la Cour Suprême, particulièrement dans R. c. Caslake précité et Chahdi c. La Reine, J.E. 98-627, C.A. Québec, 19 février 1998.
[83] L'analyse du délai n'est pas nécessaire, vu sa courte durée.
[84] L'existence de motifs raisonnables et probables de croire à la commission d'un acte criminel impliquant un véhicule automobile emportait d'emblée sa saisie sans mandat et par surcroît sa fouille.
Arrestations sans mandat dans une maison d'habitation
R. c. Lafleur, 2005 CanLII 29347 (QC C.Q.)
[50] Dans l'arrêt R. c. Feeney 1997 CanLII 342 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 13, la Cour Suprême avait à examiner, entre autres, la validité d'une arrestation sans mandat effectuée dans un domicile, alors que les policiers étaient entrés de force sans détenir les motifs tant objectifs que subjectifs dans la commission par l'accusé d'un acte criminel.
[51] Règle générale, la Cour condamne les arrestations sans mandat dans une maison d'habitation en l'absence d'une annonce régulière, exception faite d'une situation de prise en chasse, auquel cas, il doit y avoir présence de motifs raisonnables et probables de croire à la commission de l'infraction par l'accusé avant l'entrée dans la résidence (cf. R. c. Macooh 1993 CanLII 107 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 802)
[52] Dans cet arrêt, la cour n'a pas jugé nécessaire d'examiner la notion de situation d'urgence et a réservé cette analyse pour le futur.
[53] L'arrêt Feeney ne peut recevoir application dans la présente affaire, étant donné que l'agent Comtois n'est pas entré de force dans la résidence de l'accusé et qu'il ne cherchait pas à l'arrêter, ni même à l'enquêter au moment où il pénètre dans la résidence.
[54] Investi des pouvoirs et des devoirs que lui confère la common law et que lui impose la loi (Loi sur la police, L.R.Q. Chap. P-13.1), l'agent de police doit assurer la sécurité des personnes.
Article 48 : Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 et 69, les infractions aux lois ou aux règlements pris par les autorités municipales, et d'en rechercher les auteurs.
Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et les libertés, respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu'ils desservent.
[55] C'est ainsi que dans R. c. Godoy 1999 CanLII 709 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 311, ce devoir de protéger la vie a justifié l'entrée par la force dans une maison afin de s'assurer de la santé et de la sécurité d'une personne ayant composé le 911 (par. 22) même si aucune parole n'avait été prononcée lors de l'appel.
[56] L'urgence de la situation permettait de passer outre à l'autorisation légale ou l'absence de consentement de l'occupant, sans toutefois autoriser une fouille des lieux.
[57] Signalons que l'agent Comtois n'est pas entré de force dans la résidence, que son intention était d'assister l'ambulancière Lacombe à la prise des signes vitaux du conducteur impliqué dans un accident mortel et qu'en aucun temps, l'épouse de ce conducteur ne lui a fait obstruction, ni même manifesté son désaccord à cette présence.
[58] Au contraire, elle a participé à convaincre son mari à se laisser examiner et ultérieurement à collaborer avec l'agent lors de l'identification nécessaire et obligatoire compte tenu de l'accident.
[59] C'est donc sans hésitation que nous concluons que l'agent Comtois n'a pas pénétré illégalement à l'intérieur de la résidence de l'accusé. Eut-il pris le temps de sonner ou cogner à la porte, quant à nous le résultat aurait été le même, puisqu'il a été à l'intérieur accueilli par l'épouse de l'accusé et toléré par l'accusé lui-même jusqu'à ce qu'il réalise l'ampleur de la tragédie dont il était l'un des acteurs.
[60] La venue du policier à la recherche d'une victime potentielle d'un accident de la route réfugiée à l'intérieur d'un domicile dont il ne pouvait savoir être le sien ne constitue en aucun temps une violation de domicile.
[61] Une fois à l'intérieur, rapidement l'agent a observé des symptômes d'ébriété :
- haleine d'alcool;
- langage pâteux;
- confusion;
- incohérence;
- perte d'équilibre, vacillement;
- recherche lente de documents.
[62] Son analyse subjective de la situation avec les explications qu'il a fournies pour retarder l'arrestation de l'accusé ont fait en sorte que sa présence sur les lieux a été prolongée jusqu'à l'arrivée, par l'agent Giguère, de l'appareil de détection approuvé. On sait que le résultat «fail» obtenu après six (6) demandes et tentatives a contribué à transformer les soupçons de l'agent Comtois en motifs raisonnables et probables de croire à la conduite en état d'ébriété.
[63] Pendant cette période, il a reçu de l'accusé l'ordre de quitter les lieux.
[64] Selon la théorie de la défense, il est devenu un intrus, et si son entrée était jugée légale, son insistance à demeurer, elle, a porté atteinte à la vie privée de l'accusé. En d'autres termes, l'agent Comtois aurait dû, une fois les symptômes premiers observés, quitter les lieux afin d'obtenir un mandat d'arrestation ou en obtenir un par voie de télé-mandat.
[65] À notre avis, dans les minutes où l'agent Comtois est entré en contact avec le conducteur, les premiers symptômes observés atteignaient la norme objective et subjective nécessaire à l'élaboration de motifs raisonnables et probables de croire à la commission d'un acte criminel et justifiait l'arrestation sans mandat (cf. R. c. Storrey 1990 CanLII 125 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 241).
[66] La norme subjective appliquée par le policier était excessivement élevée et son désir de «blinder» son dossier n'a pas transformé sa présence, par ailleurs légale, sur les lieux en violation de domicile (cf. Feeney, précité par. 34).
[67] D'autre part, la détention pour enquête effectuée par l'agent Comtois, alors qu'il aurait pu procéder immédiatement à l'arrestation du suspect, n'entache pas plus la légalité de l'arrestation. En effet, les arrêts Feeney et Storrey (précités) reconnaissent ce pouvoir d'arrêter avant la fin de l'enquête, s'il existe au départ des motifs subjectifs et objectifs d'y procéder.
[68] Le Code criminel en son article 495(1) a prévu le pouvoir d'arrestation sans mandat par un agent de la paix et la jurisprudence a reconnu la possibilité que cette arrestation soit exécutée à l'intérieur du domicile «château fort», reconnaissons-le, du citoyen suspecté.
[69] Il s'agit d'une atteinte raisonnable à la vie privée justifiée par l'obligation des agents de la paix à rechercher, trouver et arrêter les auteurs de crimes sérieux qui pourraient rechercher la fuite et le refuge dans leur résidence.
[70] Toute autre conclusion conduirait à la situation aberrante où le fugitif, conscient de son acte fautif, pourrait trouver refuge chez lui et détruire la preuve, et par exemple, obtenir du délai pour empêcher la poursuite d'obtenir des échantillons valides d'haleine ou de sang.
[71] Comme mentionné précédemment, l'agent Comtois, au moment où il a procédé à l'entrée dans le domicile de l'accusé, de bonne foi, ne l'a pas fait par la force et non pas dans le but de procéder à une arrestation. Nous sommes très loin des circonstances des arrêts R. c. Kokesch 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3 et R. c. Genest 1989 CanLII 109 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 59.
[72] Il avait le pouvoir de procéder à l'arrestation sans mandat de l'accusé et un mandat de perquisition, un mandat d'arrestation ou l'obtention d'un télé-mandat était inutile, voire nuisible à l'efficacité de l'enquête et à la récolte urgente de la preuve.
[73] Ayant acquis les motifs raisonnables et probables de croire à la commission d'un acte criminel, il avait le pouvoir et le devoir de préserver la preuve. À l'inverse, il ne pouvait détenir l'accusé afin de préserver la preuve, s'il n'avait pas acquis les motifs raisonnables et probables au préalable.
[74] De plus, signalons que le Code de la sécurité routière en son article 168 et le Code criminel en son article 252 obligeait l'accusé à demeurer sur les lieux. Compte tenu de notre conclusion sur la légalité de l'arrestation, nous ne croyons pas utile d'analyser le pouvoir de l'agent Comtois d'exercer une arrestation sans mandat pour ces motifs.
[75] En terminant, remarquons que l'arrestation s'est faite de manière non abusive, de façon civilisée et respectueuse de la dignité humaine.
[76] Ainsi, l'analyse quant à l'exclusion de la preuve en vertu de l'article 24(2) de la Charte n'étant pas nécessaire quant à cet aspect de la requête, nous procéderons à l'analyse des arguments en regard de la «fouille» dans le véhicule de l'accusé.
[50] Dans l'arrêt R. c. Feeney 1997 CanLII 342 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 13, la Cour Suprême avait à examiner, entre autres, la validité d'une arrestation sans mandat effectuée dans un domicile, alors que les policiers étaient entrés de force sans détenir les motifs tant objectifs que subjectifs dans la commission par l'accusé d'un acte criminel.
[51] Règle générale, la Cour condamne les arrestations sans mandat dans une maison d'habitation en l'absence d'une annonce régulière, exception faite d'une situation de prise en chasse, auquel cas, il doit y avoir présence de motifs raisonnables et probables de croire à la commission de l'infraction par l'accusé avant l'entrée dans la résidence (cf. R. c. Macooh 1993 CanLII 107 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 802)
[52] Dans cet arrêt, la cour n'a pas jugé nécessaire d'examiner la notion de situation d'urgence et a réservé cette analyse pour le futur.
[53] L'arrêt Feeney ne peut recevoir application dans la présente affaire, étant donné que l'agent Comtois n'est pas entré de force dans la résidence de l'accusé et qu'il ne cherchait pas à l'arrêter, ni même à l'enquêter au moment où il pénètre dans la résidence.
[54] Investi des pouvoirs et des devoirs que lui confère la common law et que lui impose la loi (Loi sur la police, L.R.Q. Chap. P-13.1), l'agent de police doit assurer la sécurité des personnes.
Article 48 : Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 et 69, les infractions aux lois ou aux règlements pris par les autorités municipales, et d'en rechercher les auteurs.
Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et les libertés, respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu'ils desservent.
[55] C'est ainsi que dans R. c. Godoy 1999 CanLII 709 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 311, ce devoir de protéger la vie a justifié l'entrée par la force dans une maison afin de s'assurer de la santé et de la sécurité d'une personne ayant composé le 911 (par. 22) même si aucune parole n'avait été prononcée lors de l'appel.
[56] L'urgence de la situation permettait de passer outre à l'autorisation légale ou l'absence de consentement de l'occupant, sans toutefois autoriser une fouille des lieux.
[57] Signalons que l'agent Comtois n'est pas entré de force dans la résidence, que son intention était d'assister l'ambulancière Lacombe à la prise des signes vitaux du conducteur impliqué dans un accident mortel et qu'en aucun temps, l'épouse de ce conducteur ne lui a fait obstruction, ni même manifesté son désaccord à cette présence.
[58] Au contraire, elle a participé à convaincre son mari à se laisser examiner et ultérieurement à collaborer avec l'agent lors de l'identification nécessaire et obligatoire compte tenu de l'accident.
[59] C'est donc sans hésitation que nous concluons que l'agent Comtois n'a pas pénétré illégalement à l'intérieur de la résidence de l'accusé. Eut-il pris le temps de sonner ou cogner à la porte, quant à nous le résultat aurait été le même, puisqu'il a été à l'intérieur accueilli par l'épouse de l'accusé et toléré par l'accusé lui-même jusqu'à ce qu'il réalise l'ampleur de la tragédie dont il était l'un des acteurs.
[60] La venue du policier à la recherche d'une victime potentielle d'un accident de la route réfugiée à l'intérieur d'un domicile dont il ne pouvait savoir être le sien ne constitue en aucun temps une violation de domicile.
[61] Une fois à l'intérieur, rapidement l'agent a observé des symptômes d'ébriété :
- haleine d'alcool;
- langage pâteux;
- confusion;
- incohérence;
- perte d'équilibre, vacillement;
- recherche lente de documents.
[62] Son analyse subjective de la situation avec les explications qu'il a fournies pour retarder l'arrestation de l'accusé ont fait en sorte que sa présence sur les lieux a été prolongée jusqu'à l'arrivée, par l'agent Giguère, de l'appareil de détection approuvé. On sait que le résultat «fail» obtenu après six (6) demandes et tentatives a contribué à transformer les soupçons de l'agent Comtois en motifs raisonnables et probables de croire à la conduite en état d'ébriété.
[63] Pendant cette période, il a reçu de l'accusé l'ordre de quitter les lieux.
[64] Selon la théorie de la défense, il est devenu un intrus, et si son entrée était jugée légale, son insistance à demeurer, elle, a porté atteinte à la vie privée de l'accusé. En d'autres termes, l'agent Comtois aurait dû, une fois les symptômes premiers observés, quitter les lieux afin d'obtenir un mandat d'arrestation ou en obtenir un par voie de télé-mandat.
[65] À notre avis, dans les minutes où l'agent Comtois est entré en contact avec le conducteur, les premiers symptômes observés atteignaient la norme objective et subjective nécessaire à l'élaboration de motifs raisonnables et probables de croire à la commission d'un acte criminel et justifiait l'arrestation sans mandat (cf. R. c. Storrey 1990 CanLII 125 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 241).
[66] La norme subjective appliquée par le policier était excessivement élevée et son désir de «blinder» son dossier n'a pas transformé sa présence, par ailleurs légale, sur les lieux en violation de domicile (cf. Feeney, précité par. 34).
[67] D'autre part, la détention pour enquête effectuée par l'agent Comtois, alors qu'il aurait pu procéder immédiatement à l'arrestation du suspect, n'entache pas plus la légalité de l'arrestation. En effet, les arrêts Feeney et Storrey (précités) reconnaissent ce pouvoir d'arrêter avant la fin de l'enquête, s'il existe au départ des motifs subjectifs et objectifs d'y procéder.
[68] Le Code criminel en son article 495(1) a prévu le pouvoir d'arrestation sans mandat par un agent de la paix et la jurisprudence a reconnu la possibilité que cette arrestation soit exécutée à l'intérieur du domicile «château fort», reconnaissons-le, du citoyen suspecté.
[69] Il s'agit d'une atteinte raisonnable à la vie privée justifiée par l'obligation des agents de la paix à rechercher, trouver et arrêter les auteurs de crimes sérieux qui pourraient rechercher la fuite et le refuge dans leur résidence.
[70] Toute autre conclusion conduirait à la situation aberrante où le fugitif, conscient de son acte fautif, pourrait trouver refuge chez lui et détruire la preuve, et par exemple, obtenir du délai pour empêcher la poursuite d'obtenir des échantillons valides d'haleine ou de sang.
[71] Comme mentionné précédemment, l'agent Comtois, au moment où il a procédé à l'entrée dans le domicile de l'accusé, de bonne foi, ne l'a pas fait par la force et non pas dans le but de procéder à une arrestation. Nous sommes très loin des circonstances des arrêts R. c. Kokesch 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3 et R. c. Genest 1989 CanLII 109 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 59.
[72] Il avait le pouvoir de procéder à l'arrestation sans mandat de l'accusé et un mandat de perquisition, un mandat d'arrestation ou l'obtention d'un télé-mandat était inutile, voire nuisible à l'efficacité de l'enquête et à la récolte urgente de la preuve.
[73] Ayant acquis les motifs raisonnables et probables de croire à la commission d'un acte criminel, il avait le pouvoir et le devoir de préserver la preuve. À l'inverse, il ne pouvait détenir l'accusé afin de préserver la preuve, s'il n'avait pas acquis les motifs raisonnables et probables au préalable.
[74] De plus, signalons que le Code de la sécurité routière en son article 168 et le Code criminel en son article 252 obligeait l'accusé à demeurer sur les lieux. Compte tenu de notre conclusion sur la légalité de l'arrestation, nous ne croyons pas utile d'analyser le pouvoir de l'agent Comtois d'exercer une arrestation sans mandat pour ces motifs.
[75] En terminant, remarquons que l'arrestation s'est faite de manière non abusive, de façon civilisée et respectueuse de la dignité humaine.
[76] Ainsi, l'analyse quant à l'exclusion de la preuve en vertu de l'article 24(2) de la Charte n'étant pas nécessaire quant à cet aspect de la requête, nous procéderons à l'analyse des arguments en regard de la «fouille» dans le véhicule de l'accusé.
Analyse relative à l'article 9 de la Charte- Textes législatifs pouvant fonder l'intervention policière
R. c. Briand, 2005 CanLII 21597 (QC C.Q.)
[28] Le Code de la sécurité routière et la Loi sur la police autorisent-ils l'intervention policière sous étude ?
1.2.1 Code de la sécurité routière
[29] Il y a lieu de reproduire les articles 1, 4, 35, 36, 97, 102, 636 et 636.1 du Code de la sécurité routière, L.R.Q., c. C-24.2.
1. Véhicules et piétons. Le présent code régit l'utilisation des véhicules sur les chemins publics et, dans les cas mentionnés, sur certains chemins et terrains privés ainsi que la circulation des piétons sur les chemins publics.
Objet. Il établit les règles relatives à la sécurité routière, à l'immatriculation des véhicules routiers et aux permis et licences dont l'administration relève de la Société de l'assurance automobile du Québec ainsi qu'au contrôle du transport routier des personnes et des marchandises.
. . .
4. Interprétation. Dans le présent code, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par les mots :
«chemin public» : la surface de terrain ou d'un ouvrage d'art dont l'entretien est à la charge d'une municipalité, d'un gouvernement ou de l'un de ses organismes, et sur une partie de laquelle sont aménagées une ou plusieurs chaussées ouvertes à la circulation publique des véhicules routiers et, le cas échéant, une ou plusieurs voies cyclables, à l'exception :
. . .
35. Certificat et attestation d'assurance. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle le certificat d'immatriculation du véhicule, sauf dans les dix jours de l'immatriculation, ainsi que l'attestation d'assurance ou de solvabilité prévue par la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25).
. . .
Lieux de circulation publique. En outre des chemins publics, le présent article s'applique sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler. Il s'applique également sur les chemins soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci.
36. Examen. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit, à la demande d'un agent de la paix, lui remettre pour examen les pièces visées à l'article 35.
97. Nécessité du permis. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle son permis.
Chemin à circulation publique. En outre des chemins publics, le présent article s'applique sur les chemins soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.
102. Remise du permis. Les personnes visées dans les articles 97 et 100 doivent, à la demande d'un agent de la paix, remettre leur permis pour examen.
Remise du permis. L'agent doit remettre ce permis à son titulaire dès qu'il l'a examiné.
636. Immobilisation d'un véhicule routier. Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent code et de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds (chapitre P-30.3), exiger que le conducteur d'un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.
636.1 Tests de coordination. Un agent de la paix qui a des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme de la personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle peux exiger que cette personne se soumette sans délai aux tests de coordination physique raisonnables qu'il lui indique, afin de vérifier s'il y a lieu de la soumettre aux épreuves prévues à l'article 254 du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46). Cette personne doit se conformer sans délai à cette exigence.
Chemins à circulation publique. En outre des chemins publics, le présent article s'applique sur les chemins soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.
[30] Il faut aussi souligner que l'art. 636 C.S.R. "constitutes legislative authority for the roving random stop of a motorist to verify sobriety".
[31] Afin de décider si l'agent de la paix agissait en vertu du Code de la sécurité routière, il faut déterminer où était l'automobile lorsque l'agent a interpellé le conducteur et non pas où l'automobile a finalement décidé de s'immobiliser. Le résultat serait incongru si le conducteur n'avait qu'à immobiliser son véhicule dans un stationnement privé afin de déjouer l'agent de la paix qui signalerait à un automobiliste circulant sur la voie publique de s'arrêter.
[32] D'entrée de jeu, mentionnons que l'automobile et son conducteur étaient dans une entrée privée au moment où les policiers ont signalé leur présence. Or, ce terrain privé n'entre pas dans la définition de "chemin public" (art 4 CSR) ni de "lieux à circulation publique" (art 35 CSR) ni de "chemin à circulation publique" (art 97 CSR).
[33] Tout en se mettant en garde contre une interprétation trop restrictive de l'art. 636 CSR, il n'en demeure pas moins que la preuve révèle que toute l'interpellation policière auprès de l'accusé a eu lieu sur un terrain privé alors que le conducteur avait déjà immobilisé son véhicule de sa propre volonté et sans contrainte.
[34] Avant l'intervention proprement dite sur le terrain de l'accusé, aucune action policière ayant pour objet d'exiger que le conducteur immobilise son véhicule n'a eu lieu alors que le véhicule circulait sur la voie publique.
[35] La preuve révèle que les policiers n'ont pas eu recours aux gyrophares pour signaler sur le chemin public leur présence au conducteur et ainsi lui intimer l'ordre de s'arrêter.
[36] Dès lors, on ne peut inférer de la preuve que l'accusé savait ou aurait dû savoir être l'objet d'une poursuite policière. Rien dans la preuve n'établit que le conducteur savait ou aurait dû savoir que des policiers exigeaient qu'il immobilise son véhicule.
[37] Dans l'affaire de La Reine c. Luc Lacasse, le Juge Bellavance s'exprime ainsi aux pages 15 et 16 de sa décision :
"Qui plus est, l'interpellation faite n'a pas résulté en l'immobilisation du véhicule par le conducteur suite à un ordre en ce sens d'un agent de la paix. L'interpellation n'a pas précédé cette immobilisation, elle l'a suivie. On peut ici considérer qu'une interpellation se fait lors de la connaissance par le suspect des intentions des agents ou au plus tôt, au moment où les agents posent des gestes, par exemple l'utilisation de gyrophares ou d'un avertisseur sonore, perceptibles pour le suspect et non au moment ou les agents ont décidé de l'interpeller. Dans cette dernière hypothèse, les policiers pourraient porter atteinte à des droits fondamentaux uniquement en y pensant.
Dans le présent dossier, le conducteur était déjà rendu chez lui, et n'ayant plus la garde de son véhicule même si ce n'est que depuis une fraction de seconde, et n'ayant pas immobilisé son véhicule suite à un ordre sous 636, on ne peut utiliser 636.1 pour légitimer la preuve recueillie par la suite."
[38] À propos de l'article 636 CSR, aux pages 17 et 18 de sa décision, le Juge Bellavance se dit d'avis que cet article, dans sa forme actuelle, ne décerne pas une licence générale d'arrestation et qu'il doit être utilisé strictement dans le cadre des fonctions que l'agent exerce en vertu du Code de la sécurité routière.
[39] Les dispositions précitées du Code de la sécurité routière confèrent des pouvoirs à un agent de la paix "dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent code" sur un chemin public et non sur un terrain privé.
[40] Compte tenu des circonstances, une seule conclusion s'impose :
La demande adressée à l'accusé par l'agent de police de lui remettre pour examen le certificat d'immatriculation du véhicule, l'attestation d'assurance et son permis de conduire n'est pas légalement fondée sur les dispositions du Code de la sécurité routière.
1.2.2 Loi sur la police
[41] Qu'en est-il de la Loi sur la police ?
[42] Les articles 48 et 50 de la Loi sur la police, L.R.Q., c. P-13.1 se lisent ainsi :
48. Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 et 69, les infractions aux lois ou aux règlements pris par les autorités municipales, et d'en rechercher les auteurs.
Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et les libertés respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu'ils desservent.
50. La Sûreté du Québec, corps de police national, agit sous l'autorité du ministre de la Sécurité publique et a compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux lois sur l'ensemble du territoire du Québec.
La Sûreté a également compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux règlements municipaux applicables sur le territoire des municipalités sur lequel elle assure des services policiers.
[43] Ces dispositions de la Loi sur la police reproduisent les pouvoirs des agents de la paix en vertu de la common law.
[44] Comme le mentionne Monsieur le Juge Le Dain dans l'arrêt Dedman, précité, au paragraphe 68, la surveillance de la circulation entre dans le cadre général des devoirs d'un agent de police en vue de prévenir les infractions et de protéger la vie des personnes et la propriété.
[45] Toutefois, considérant les faits mis en preuve, le Tribunal ne peut concevoir comment "la mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique" justifie l'intrusion d'agents de la paix sur le terrain privé d'un individu dans le but de demander la remise pour examen du certificat d'immatriculation d'une automobile, de l'attestation d'assurance et du permis de conduire du conducteur sans autre motif sérieux que de l'avoir vu conduire.
[46] Enfin, la preuve est nettement insuffisante pour conclure que l'intervention policière visait à prévenir ou à réprimer le crime ou une infraction comme c'était le cas dans les arrêts R. c. Godoy, 1999 CanLII 709 (C.S.C.), (1999) 1 R.C.S. 311, Cotnoir c. R., (2000) R.J.Q. 2488, AZ-50078894, J.E. 2000-1889, C.A.Q., autorisation d'appeler refusée (2001) 1 R.C.S. ix et R. c. Bilodeau, AZ-50274965, J.E. 2004-1990, C.A.Q.
[47] Compte tenu des faits mis en preuve, il y a lieu de conclure que les dispositions précitées de la Loi sur la police ne peuvent légitimer l'intervention policière sous étude.
[48] En vertu des textes législatifs cités, le Tribunal tire la conclusion que l'agent de la paix n'avait pas le droit de demander à l'accusé de lui remettre pour examen le certificat d'immatriculation, l'attestation d'assurance et son permis de conduire.
[28] Le Code de la sécurité routière et la Loi sur la police autorisent-ils l'intervention policière sous étude ?
1.2.1 Code de la sécurité routière
[29] Il y a lieu de reproduire les articles 1, 4, 35, 36, 97, 102, 636 et 636.1 du Code de la sécurité routière, L.R.Q., c. C-24.2.
1. Véhicules et piétons. Le présent code régit l'utilisation des véhicules sur les chemins publics et, dans les cas mentionnés, sur certains chemins et terrains privés ainsi que la circulation des piétons sur les chemins publics.
Objet. Il établit les règles relatives à la sécurité routière, à l'immatriculation des véhicules routiers et aux permis et licences dont l'administration relève de la Société de l'assurance automobile du Québec ainsi qu'au contrôle du transport routier des personnes et des marchandises.
. . .
4. Interprétation. Dans le présent code, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par les mots :
«chemin public» : la surface de terrain ou d'un ouvrage d'art dont l'entretien est à la charge d'une municipalité, d'un gouvernement ou de l'un de ses organismes, et sur une partie de laquelle sont aménagées une ou plusieurs chaussées ouvertes à la circulation publique des véhicules routiers et, le cas échéant, une ou plusieurs voies cyclables, à l'exception :
. . .
35. Certificat et attestation d'assurance. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle le certificat d'immatriculation du véhicule, sauf dans les dix jours de l'immatriculation, ainsi que l'attestation d'assurance ou de solvabilité prévue par la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25).
. . .
Lieux de circulation publique. En outre des chemins publics, le présent article s'applique sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler. Il s'applique également sur les chemins soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci.
36. Examen. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit, à la demande d'un agent de la paix, lui remettre pour examen les pièces visées à l'article 35.
97. Nécessité du permis. La personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle doit avoir avec elle son permis.
Chemin à circulation publique. En outre des chemins publics, le présent article s'applique sur les chemins soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.
102. Remise du permis. Les personnes visées dans les articles 97 et 100 doivent, à la demande d'un agent de la paix, remettre leur permis pour examen.
Remise du permis. L'agent doit remettre ce permis à son titulaire dès qu'il l'a examiné.
636. Immobilisation d'un véhicule routier. Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent code et de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds (chapitre P-30.3), exiger que le conducteur d'un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.
636.1 Tests de coordination. Un agent de la paix qui a des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme de la personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle peux exiger que cette personne se soumette sans délai aux tests de coordination physique raisonnables qu'il lui indique, afin de vérifier s'il y a lieu de la soumettre aux épreuves prévues à l'article 254 du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46). Cette personne doit se conformer sans délai à cette exigence.
Chemins à circulation publique. En outre des chemins publics, le présent article s'applique sur les chemins soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.
[30] Il faut aussi souligner que l'art. 636 C.S.R. "constitutes legislative authority for the roving random stop of a motorist to verify sobriety".
[31] Afin de décider si l'agent de la paix agissait en vertu du Code de la sécurité routière, il faut déterminer où était l'automobile lorsque l'agent a interpellé le conducteur et non pas où l'automobile a finalement décidé de s'immobiliser. Le résultat serait incongru si le conducteur n'avait qu'à immobiliser son véhicule dans un stationnement privé afin de déjouer l'agent de la paix qui signalerait à un automobiliste circulant sur la voie publique de s'arrêter.
[32] D'entrée de jeu, mentionnons que l'automobile et son conducteur étaient dans une entrée privée au moment où les policiers ont signalé leur présence. Or, ce terrain privé n'entre pas dans la définition de "chemin public" (art 4 CSR) ni de "lieux à circulation publique" (art 35 CSR) ni de "chemin à circulation publique" (art 97 CSR).
[33] Tout en se mettant en garde contre une interprétation trop restrictive de l'art. 636 CSR, il n'en demeure pas moins que la preuve révèle que toute l'interpellation policière auprès de l'accusé a eu lieu sur un terrain privé alors que le conducteur avait déjà immobilisé son véhicule de sa propre volonté et sans contrainte.
[34] Avant l'intervention proprement dite sur le terrain de l'accusé, aucune action policière ayant pour objet d'exiger que le conducteur immobilise son véhicule n'a eu lieu alors que le véhicule circulait sur la voie publique.
[35] La preuve révèle que les policiers n'ont pas eu recours aux gyrophares pour signaler sur le chemin public leur présence au conducteur et ainsi lui intimer l'ordre de s'arrêter.
[36] Dès lors, on ne peut inférer de la preuve que l'accusé savait ou aurait dû savoir être l'objet d'une poursuite policière. Rien dans la preuve n'établit que le conducteur savait ou aurait dû savoir que des policiers exigeaient qu'il immobilise son véhicule.
[37] Dans l'affaire de La Reine c. Luc Lacasse, le Juge Bellavance s'exprime ainsi aux pages 15 et 16 de sa décision :
"Qui plus est, l'interpellation faite n'a pas résulté en l'immobilisation du véhicule par le conducteur suite à un ordre en ce sens d'un agent de la paix. L'interpellation n'a pas précédé cette immobilisation, elle l'a suivie. On peut ici considérer qu'une interpellation se fait lors de la connaissance par le suspect des intentions des agents ou au plus tôt, au moment où les agents posent des gestes, par exemple l'utilisation de gyrophares ou d'un avertisseur sonore, perceptibles pour le suspect et non au moment ou les agents ont décidé de l'interpeller. Dans cette dernière hypothèse, les policiers pourraient porter atteinte à des droits fondamentaux uniquement en y pensant.
Dans le présent dossier, le conducteur était déjà rendu chez lui, et n'ayant plus la garde de son véhicule même si ce n'est que depuis une fraction de seconde, et n'ayant pas immobilisé son véhicule suite à un ordre sous 636, on ne peut utiliser 636.1 pour légitimer la preuve recueillie par la suite."
[38] À propos de l'article 636 CSR, aux pages 17 et 18 de sa décision, le Juge Bellavance se dit d'avis que cet article, dans sa forme actuelle, ne décerne pas une licence générale d'arrestation et qu'il doit être utilisé strictement dans le cadre des fonctions que l'agent exerce en vertu du Code de la sécurité routière.
[39] Les dispositions précitées du Code de la sécurité routière confèrent des pouvoirs à un agent de la paix "dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent code" sur un chemin public et non sur un terrain privé.
[40] Compte tenu des circonstances, une seule conclusion s'impose :
La demande adressée à l'accusé par l'agent de police de lui remettre pour examen le certificat d'immatriculation du véhicule, l'attestation d'assurance et son permis de conduire n'est pas légalement fondée sur les dispositions du Code de la sécurité routière.
1.2.2 Loi sur la police
[41] Qu'en est-il de la Loi sur la police ?
[42] Les articles 48 et 50 de la Loi sur la police, L.R.Q., c. P-13.1 se lisent ainsi :
48. Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 et 69, les infractions aux lois ou aux règlements pris par les autorités municipales, et d'en rechercher les auteurs.
Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et les libertés respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu'ils desservent.
50. La Sûreté du Québec, corps de police national, agit sous l'autorité du ministre de la Sécurité publique et a compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux lois sur l'ensemble du territoire du Québec.
La Sûreté a également compétence pour prévenir et réprimer les infractions aux règlements municipaux applicables sur le territoire des municipalités sur lequel elle assure des services policiers.
[43] Ces dispositions de la Loi sur la police reproduisent les pouvoirs des agents de la paix en vertu de la common law.
[44] Comme le mentionne Monsieur le Juge Le Dain dans l'arrêt Dedman, précité, au paragraphe 68, la surveillance de la circulation entre dans le cadre général des devoirs d'un agent de police en vue de prévenir les infractions et de protéger la vie des personnes et la propriété.
[45] Toutefois, considérant les faits mis en preuve, le Tribunal ne peut concevoir comment "la mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique" justifie l'intrusion d'agents de la paix sur le terrain privé d'un individu dans le but de demander la remise pour examen du certificat d'immatriculation d'une automobile, de l'attestation d'assurance et du permis de conduire du conducteur sans autre motif sérieux que de l'avoir vu conduire.
[46] Enfin, la preuve est nettement insuffisante pour conclure que l'intervention policière visait à prévenir ou à réprimer le crime ou une infraction comme c'était le cas dans les arrêts R. c. Godoy, 1999 CanLII 709 (C.S.C.), (1999) 1 R.C.S. 311, Cotnoir c. R., (2000) R.J.Q. 2488, AZ-50078894, J.E. 2000-1889, C.A.Q., autorisation d'appeler refusée (2001) 1 R.C.S. ix et R. c. Bilodeau, AZ-50274965, J.E. 2004-1990, C.A.Q.
[47] Compte tenu des faits mis en preuve, il y a lieu de conclure que les dispositions précitées de la Loi sur la police ne peuvent légitimer l'intervention policière sous étude.
[48] En vertu des textes législatifs cités, le Tribunal tire la conclusion que l'agent de la paix n'avait pas le droit de demander à l'accusé de lui remettre pour examen le certificat d'immatriculation, l'attestation d'assurance et son permis de conduire.
Analyse relative à l'article 9 de la Charte - Détention
R. c. Briand, 2005 CanLII 21597 (QC C.Q.)
[15] L'accusé était-il détenu au sens de l'article 9 de la Charte ?
[16] Dans l'arrêt Hufsky 1988 CanLII 72 (C.S.C.), (1988) 1 RCS 621, le Juge Le Dain estime qu'il n'y a en principe aucune raison de ne pas appliquer au mot "détention" à l'article 9 la définition générale du mot "détention" qui se dégage des arrêts Therens et Thomsen.
[17] Dans l'arrêt La Reine c. Therens, 1985 CanLII 29 (C.S.C.), (1985) 1 RCS 613, le Juge Le Dain (dont l'opinion quant à la définition de "détention" est partagée par ses collègues) s'exprime ainsi, à la page 644 :
"À mon avis, il est, en règle générale, irréaliste de considérer l'obéissance à une sommation ou à un ordre d'un policier comme un acte réellement volontaire en ce sens que l'intéressé se sent libre d'obéir ou de désobéir, même lorsque la sommation ou l'ordre en question n'est autorisé ni par la loi ni par la common law, et que, par conséquent, le refus d'y obtempérer n'entraîne aucune responsabilité criminelle. La plupart des citoyens ne connaissent pas très exactement les limites que la loi impose aux pouvoirs de la police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou à des poursuites pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir, il est probable que la personne raisonnable péchera par excès de prudence et obtempérera à la sommation en présumant qu'elle est légale. L'élément de contrainte psychologique, sous forme d'une perception raisonnable qu'on n'a vraiment pas le choix, suffit pour rendre involontaire la privation de liberté. Il peut y avoir détention sans qu'il y ait contrainte physique ou menace de contrainte physique, si la personne intéressée se soumet ou acquiesce à la privation de liberté et croit raisonnablement qu'elle n'a pas le choix d'agir autrement."
[18] La notion de détention a été analysée dans l'affaire de R. c. Margison, (2003) A. N.-B., no 211, par le Juge Russell qui s'exprime ainsi aux paragraphes 12 et 13 du jugement :
"Dans l'affaire R. c. H. (C.R.) [C.R.H.], 2003 M.J. No. 90, deux agents de police se trouvant dans un véhicule de police ont adressé la parole à trois jeunes piétons. Les réponses et la recherche faite plus tard par ordinateur ont donné lieu à une accusation de manquement aux conditions de probation. Aux paragraphes 15 à 18 de son jugement, la juge Steel a écrit ce qui suit :
para 15. Le simple fait d'avoir une conversation avec un agent de police ne fait pas naître une présomption de détention. Voir les propos du juge d'appel LeBel dans l'arrêt United States of America c. Alfaro 1992 CanLII 3117 (QC C.A.), (1992), 75 C.C.C. (3d) 211 (C.A.Q.), à la page 236. Les agents de police peuvent engager des conversations avec les gens et leur poser des questions. Voir par exemple l'arrêt Regina c. Esposito 1985 CanLII 118 (ON C.A.), (1985), 24 C.C.C. (3d) 88 (C.A. Ont.), aux pages 94 et 95.
Para 16. Les agents de police peuvent interroger les gens sur la rue, à l'arrière des voitures de police ou aux postes de police :
Selon la jurisprudence, la police peut communiquer avec quelqu'un par téléphone (Moran) [1987 CanLII 124 (ON C.A.), (1987), 36 C.C.C. (3d) 225 CC.A. Ont.)], en lui parlant quand il marche sur la rue (Grafe) (1987 CanLII 170 (ON C.A.), [1987], 36 C.C.C. (3d) 267 (C.A. Ont.)], en frappant à sa porte (Bazinet) [1986 CanLII 108 (ON C.A.), (1986), 25 C.C.C. (3d) 273 (C.A. Ont.)] ou en le suivant jusqu'à ce qu'il range sa voiture et en lui parlant ensuite (Clement) [1996 CanLII 206 (C.S.C.), [1996] 2 R.C.S. 289], le tout sans qu'il y ait détention.
[R. c. Swidnicki (E.S.) et al. 1999 CanLII 14141 (MB Q.B.), (1999), 136 Man. R. (2d) 161 (C.B.R.), au paragraphe 38, motifs de la juge Beard.]
para 17. Comme le dit le juge d'appel Krever dans l'arrêt Regina c. Grafe 1987 CanLII 170 (ON C.A.), (1987), 36 C.C.C. (3d) 267 (C.A. Ont.), à la page 274 :
La Charte ne vise pas à protéger tous les membres de la société contre tout contact avec les autorités constituées, si insignifiant que puisse être ce contact.
Para 18. L'emploi du mot "détention" se rapporte nécessairement à une certaine forme de contrainte. Il suppose le fait de retenir ou de garder quelqu'un malgré lui pendant une durée indéterminée. Une conversation n'entraîne pas nécessairement une détention au sens de la Charte. Il faut quelque chose de plus : la privation de liberté.
Au sujet de la détention psychologique, la juge Steel a écrit, au paragraphe 21 :
Para 21. L'élément d'une sommation ou d'une directive de la police, ajouté à celui d'une soumission volontaire qui entraîne une privation de la liberté, est essentiel à la détention psychologique. […] Sans un certain pouvoir sur les déplacements de quelqu'un, il n'y a aucune détention, pas même psychologique."
[19] En l'espèce, la preuve révèle que les agents de la paix se sont introduits dans l'entrée privée à la suite de l'automobile conduite par l'accusé puis ont activé les gyrophares du véhicule patrouille.
[20] Le conducteur du véhicule est sorti de lui-même mais les policiers se sont approchés de lui, l'ont interpellé et lui ont demandé de remettre pour examen le certificat d'immatriculation, l'attestation d'assurance et son permis de conduire.
[21] En procédant comme ils l'ont fait, les agents de la paix ont restreint la liberté d'action de l'accusé.
[22] Il est vraisemblable de déduire que le poids psychologique de la présence inattendue et impromptue de deux policiers dans l'entrée privée de sa résidence en pleine nuit a créé une pression coercitive sur l'accusé.
[23] Abstraction faite de savoir si la demande des policiers en ce qui concerne les documents était légale, la sommation ou l'ordre des policiers de remettre ses documents pouvait entraîner la responsabilité pénale de l'accusé en cas de refus d'obtempérer (articles 53 et 139 du Code de la sécurité routière). La responsabilité pénale qui peut découler de la désobéissance constitue une contrainte ou coercition réelle.
[24] Pour ces motifs, le Tribunal est d'avis que l'activation des gyrophares combinée à la sommation adressée à l'accusée de remettre ses documents pour en permettre l'examen conduisent à la conclusion que l'accusé était détenu au sens de l'article 9 de la Charte.
[25] La détention est-elle arbitraire au sens de l'article 9 de la Charte ?
[26] Les actes des agents de la paix doivent trouver une justification juridique dans les pouvoirs découlant de la loi ou de la common law.
[15] L'accusé était-il détenu au sens de l'article 9 de la Charte ?
[16] Dans l'arrêt Hufsky 1988 CanLII 72 (C.S.C.), (1988) 1 RCS 621, le Juge Le Dain estime qu'il n'y a en principe aucune raison de ne pas appliquer au mot "détention" à l'article 9 la définition générale du mot "détention" qui se dégage des arrêts Therens et Thomsen.
[17] Dans l'arrêt La Reine c. Therens, 1985 CanLII 29 (C.S.C.), (1985) 1 RCS 613, le Juge Le Dain (dont l'opinion quant à la définition de "détention" est partagée par ses collègues) s'exprime ainsi, à la page 644 :
"À mon avis, il est, en règle générale, irréaliste de considérer l'obéissance à une sommation ou à un ordre d'un policier comme un acte réellement volontaire en ce sens que l'intéressé se sent libre d'obéir ou de désobéir, même lorsque la sommation ou l'ordre en question n'est autorisé ni par la loi ni par la common law, et que, par conséquent, le refus d'y obtempérer n'entraîne aucune responsabilité criminelle. La plupart des citoyens ne connaissent pas très exactement les limites que la loi impose aux pouvoirs de la police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou à des poursuites pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir, il est probable que la personne raisonnable péchera par excès de prudence et obtempérera à la sommation en présumant qu'elle est légale. L'élément de contrainte psychologique, sous forme d'une perception raisonnable qu'on n'a vraiment pas le choix, suffit pour rendre involontaire la privation de liberté. Il peut y avoir détention sans qu'il y ait contrainte physique ou menace de contrainte physique, si la personne intéressée se soumet ou acquiesce à la privation de liberté et croit raisonnablement qu'elle n'a pas le choix d'agir autrement."
[18] La notion de détention a été analysée dans l'affaire de R. c. Margison, (2003) A. N.-B., no 211, par le Juge Russell qui s'exprime ainsi aux paragraphes 12 et 13 du jugement :
"Dans l'affaire R. c. H. (C.R.) [C.R.H.], 2003 M.J. No. 90, deux agents de police se trouvant dans un véhicule de police ont adressé la parole à trois jeunes piétons. Les réponses et la recherche faite plus tard par ordinateur ont donné lieu à une accusation de manquement aux conditions de probation. Aux paragraphes 15 à 18 de son jugement, la juge Steel a écrit ce qui suit :
para 15. Le simple fait d'avoir une conversation avec un agent de police ne fait pas naître une présomption de détention. Voir les propos du juge d'appel LeBel dans l'arrêt United States of America c. Alfaro 1992 CanLII 3117 (QC C.A.), (1992), 75 C.C.C. (3d) 211 (C.A.Q.), à la page 236. Les agents de police peuvent engager des conversations avec les gens et leur poser des questions. Voir par exemple l'arrêt Regina c. Esposito 1985 CanLII 118 (ON C.A.), (1985), 24 C.C.C. (3d) 88 (C.A. Ont.), aux pages 94 et 95.
Para 16. Les agents de police peuvent interroger les gens sur la rue, à l'arrière des voitures de police ou aux postes de police :
Selon la jurisprudence, la police peut communiquer avec quelqu'un par téléphone (Moran) [1987 CanLII 124 (ON C.A.), (1987), 36 C.C.C. (3d) 225 CC.A. Ont.)], en lui parlant quand il marche sur la rue (Grafe) (1987 CanLII 170 (ON C.A.), [1987], 36 C.C.C. (3d) 267 (C.A. Ont.)], en frappant à sa porte (Bazinet) [1986 CanLII 108 (ON C.A.), (1986), 25 C.C.C. (3d) 273 (C.A. Ont.)] ou en le suivant jusqu'à ce qu'il range sa voiture et en lui parlant ensuite (Clement) [1996 CanLII 206 (C.S.C.), [1996] 2 R.C.S. 289], le tout sans qu'il y ait détention.
[R. c. Swidnicki (E.S.) et al. 1999 CanLII 14141 (MB Q.B.), (1999), 136 Man. R. (2d) 161 (C.B.R.), au paragraphe 38, motifs de la juge Beard.]
para 17. Comme le dit le juge d'appel Krever dans l'arrêt Regina c. Grafe 1987 CanLII 170 (ON C.A.), (1987), 36 C.C.C. (3d) 267 (C.A. Ont.), à la page 274 :
La Charte ne vise pas à protéger tous les membres de la société contre tout contact avec les autorités constituées, si insignifiant que puisse être ce contact.
Para 18. L'emploi du mot "détention" se rapporte nécessairement à une certaine forme de contrainte. Il suppose le fait de retenir ou de garder quelqu'un malgré lui pendant une durée indéterminée. Une conversation n'entraîne pas nécessairement une détention au sens de la Charte. Il faut quelque chose de plus : la privation de liberté.
Au sujet de la détention psychologique, la juge Steel a écrit, au paragraphe 21 :
Para 21. L'élément d'une sommation ou d'une directive de la police, ajouté à celui d'une soumission volontaire qui entraîne une privation de la liberté, est essentiel à la détention psychologique. […] Sans un certain pouvoir sur les déplacements de quelqu'un, il n'y a aucune détention, pas même psychologique."
[19] En l'espèce, la preuve révèle que les agents de la paix se sont introduits dans l'entrée privée à la suite de l'automobile conduite par l'accusé puis ont activé les gyrophares du véhicule patrouille.
[20] Le conducteur du véhicule est sorti de lui-même mais les policiers se sont approchés de lui, l'ont interpellé et lui ont demandé de remettre pour examen le certificat d'immatriculation, l'attestation d'assurance et son permis de conduire.
[21] En procédant comme ils l'ont fait, les agents de la paix ont restreint la liberté d'action de l'accusé.
[22] Il est vraisemblable de déduire que le poids psychologique de la présence inattendue et impromptue de deux policiers dans l'entrée privée de sa résidence en pleine nuit a créé une pression coercitive sur l'accusé.
[23] Abstraction faite de savoir si la demande des policiers en ce qui concerne les documents était légale, la sommation ou l'ordre des policiers de remettre ses documents pouvait entraîner la responsabilité pénale de l'accusé en cas de refus d'obtempérer (articles 53 et 139 du Code de la sécurité routière). La responsabilité pénale qui peut découler de la désobéissance constitue une contrainte ou coercition réelle.
[24] Pour ces motifs, le Tribunal est d'avis que l'activation des gyrophares combinée à la sommation adressée à l'accusée de remettre ses documents pour en permettre l'examen conduisent à la conclusion que l'accusé était détenu au sens de l'article 9 de la Charte.
[25] La détention est-elle arbitraire au sens de l'article 9 de la Charte ?
[26] Les actes des agents de la paix doivent trouver une justification juridique dans les pouvoirs découlant de la loi ou de la common law.
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