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mardi 17 novembre 2009

Défense de common law : « De minimis non curat lex »

R. c. Poirier, 2008 QCCQ 2394 (CanLII)

[7] Il est maintenant reconnu en jurisprudence que la défense de « De minimis non curat lex » existe en droit pénal canadien. En effet, l’art. 8(3) du Code criminel permet d’invoquer ce moyen de défense de common law à l’encontre d’une accusation de voies de fait simples.

[8] En fait, ce moyen de défense veut seulement que l’actus reus ait été [TRADUCTION] « pour ainsi dire » accompli et que [TRADUCTION] « le comportement en cause correspond à la définition d’une infraction, mais qu’il soit trop anodin pour être compris parmi les actes fautifs que cette définition est censée visée » (E. Colvin, Principles of Criminal Law (2e éd. 1991), p. 100). Le moyen de défense fondé sur le principe de minimis ne signifie pas que l’acte en cause est justifié, cet acte reste illégal, mais en raison de son caractère anodin, il ne sera pas puni.

[9] Le principe repose en partie sur l’idée que le mal que la disposition créant l’infraction vise à prévenir n’a pas vraiment été fait. Cela est compatible avec le double principe fondamental de justice pénale selon lequel il ne saurait y avoir de culpabilité pour un comportement inoffensif et irrépréhensible.

[10] Dans le présent dossier, il est exact qu’un climat de méfiance existe entre l’accusé et la plaignante. Les relations propriétaire-locataire sont difficiles parce que la plaignante porte souvent plainte devant la Régie du logement, soit pour contester une hausse de loyers, soit pour se plaindre de harcèlement ou encore pour dénoncer un dégât d’eau.

[11] C’est dans ce contexte d’animosité que l’accusé a posé les gestes reprochés.

[12] Il ne fait pas de doute dans l’esprit de la Cour que l’accusé a, d’une manière intentionnelle, employé la force contre la plaignante sans son consentement au sens de l’art. 265(1)a) du Code criminel. Cependant, le degré de force utilisé dans les circonstances peut être qualifié de très minime.

[13] De plus, les gestes ont été posés sans agressivité, sans prononcer de propos injurieux, menaçants ou belliqueux envers la plaignante et appliqués dans le seul but de fermer la porte de la salle de lavage conformément au règlement du service des incendies, car il s’agit d’une porte coupe-feu.

[14] Bien que l’infraction de voies de fait simples ne soit pas sans gravité, la Cour conclut, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, que la voie de fait causée par l’accusé est, eu égard à toutes les circonstances de la présente affaire, anodine, inoffensive et sans signification.

La légitime défense sous le régime de l'article 37

R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686

43 Avant de conclure, j'examinerai brièvement l'argument de l'intimé relativement à l'art. 37 du Code criminel. Cette disposition, en soi une justification distincte, renferme un énoncé général du principe de la légitime défense:

37. (1) Toute personne est fondée à employer la force pour se défendre d'une attaque, ou pour en défendre toute personne placée sous sa protection, si elle n'a recours qu'à la force nécessaire pour prévenir l'attaque ou sa répétition.

(2) Le présent article n'a pas pour effet de justifier le fait d'infliger volontairement un mal ou dommage qui est excessif, eu égard à la nature de l'attaque que la force employée avait pour but de prévenir.

44 L'article 37 vient ajouter à la confusion qui entoure les art. 34 et 35 puisqu'il paraît permettre à un accusé d'invoquer la légitime défense dans tous les cas où la force employée par l'accusé était (i) nécessaire et (ii) proportionnée. Si l'art. 37 peut être invoqué par un agresseur initial (et rien n'indique que c'est impossible), alors il semblerait être en conflit avec l'art. 35. De plus, il est difficile de comprendre pourquoi le législateur aurait adopté les justifications spécifiques et détaillées visées aux art. 34 et 35, pour ensuite formuler à l'art. 37 une justification générale qui paraît rendre redondants les art. 34 et 35.

45 On ne peut déterminer clairement quelle était l'intention du législateur lors de l'adoption de l'art. 37; cependant, cette disposition peut tout au moins servir à combler une lacune de façon à établir le fondement de la légitime défense dans les cas où les art. 34 et 35 ne sont pas applicables. Même s'il a soutenu que le juge Moldaver a commis une erreur en ne donnant pas de directives au jury sur l'art. 37, l'intimé n'a pas été en mesure de présenter un scénario dans lequel ni l'art. 34 (selon l'interprétation qui précède) ni l'art. 35 ne lui offriraient un moyen de défense. En conséquence, il ne paraît pas y avoir possibilité de rendre l'art. 37 applicable en l'espèce.

46 L'intimé a indiqué que le jury devrait toujours recevoir des directives sur l'art. 37 parce que cette disposition énonce les principes fondamentaux de la légitime défense, lesquels seront utiles au jury. Cependant, le juge du procès pourra expliquer ces principes sans parler de l'art. 37, puisqu'ils sont le fondement même des art. 34 et 35.

vendredi 13 novembre 2009

L'erreur de droit, et en particulier celle fondée sur les précédents judiciaires, ne peut être acceptée comme un moyen de défense

Corp. des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec c. Boutique Relaxe Flamme Inc., 2002 CanLII 41947 (QC C.S.)

[14] L'article 19 du Code criminel consacre le principe que «nul n'est censé ignorer la loi». Cette règle s'applique également en droit pénal, bien qu'elle ne soit pas codifiée. Il existe cependant certaines exceptions à cette règle. L'une est fondée sur le paragraphe 8(3) du Code criminel, lorsqu'il s'agit d'une erreur commise à la suite d'un avis erroné reçu d'une autorité compétente

[18] La défense d'erreur de droit provoquée par une personne en autorité a finalement été analysée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jorgensen

[19] Après avoir passé en revue la doctrine et la jurisprudence qui en traitent, le juge Lamer expose les critères applicables afin de pouvoir bénéficier de ce moyen de défense:

1. Il faut déterminer s'il s'agit bien d'une erreur de droit ou d'une erreur de droit et de fait.

2. L'accusé doit démontrer qu'il a envisagé les conséquences juridiques de ses actes, puisqu'il ne suffit pas qu'un accusé qui avance cette excuse présume simplement que sa conduite était acceptable.

3. Il faut également démontrer que l'avis obtenu provenait d'une personne en autorité compétente en la matière.

4. L'accusé doit établir que l'avis obtenu était raisonnable dans les circonstances.

5. L'avis doit avoir été erroné.

6. Finalement, l'accusé doit démontrer qu'il s'est fondé sur l'avis de la personne en autorité.

[20] L'acceptation de cette défense aura pour conséquence un arrêt des procédures plutôt qu'un acquittement

[21] Cet argument fondé sur l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité ne saurait être, ici, retenu, puisqu'il faut, à tout le moins, reconnaître qu'un tribunal ne peut être vu comme cette personne en autorité, chargée de donner des avis sur quoi que ce soit. Il n'est pas possible de procéder par analogie en reprenant les nombreuses décisions où l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité fut analysée, pour les appliquer au cas d'une interprétation jurisprudentielle, précisément parce que le rôle des tribunaux n'est pas de donner des avis juridiques.

[22] Il faut distinguer la situation où une personne fait des démarches auprès des autorités concernées pour s'assurer de la légalité de sa conduite, et agit sur la foi des informations obtenues des agents officiels de l'État, du cas où, comme en l'espèce, une personne fonde sa conduite sur un précédent judiciaire.

[23] En principe, en vertu des dispositions de l'article 19 du Code criminel, l'erreur quant à la loi, même sincère et honnête, n'est pas une excuse. Quant à l'interprétation erronée d'une décision judiciaire, une jurisprudence constante établit qu'une erreur de droit sur l'interprétation d'une disposition légale qui crée une infraction ne constitue pas un moyen de défense

[28] Une mauvaise interprétation de la loi, au même titre que l'ignorance de l'existence de celle-ci, ne constitue donc pas une excuse. Monsieur le juge Lamer, dans l'arrêt Molis, expose le principe que:

«Quel que puisse être le bien-fondé de cette distinction (ce sur quoi je ne me prononce pas), le Parlement a choisi, par les termes clairs et non équivoques de l'art. 19, de ne faire aucune distinction entre l'ignorance de l'existence de la loi et celle de son sens, de sa portée ou de son application. Le Parlement a aussi clairement exprimé la volonté que l'art. 19 du Code Criminel constitue une fin de non-recevoir à toute défense de cette espèce(…).»

[30] Il faut néanmoins reconnaître que les enseignements qui se dégagent des arrêts MacDougall, Molis, Jorgensen et Pontes, font en sorte que l'erreur de droit, et en particulier celle fondée sur les précédents judiciaires, ne peut être acceptée comme un moyen de défense.

[35] (...) La Cour ne peut être vue comme la personne en autorité dont s'autorise le moyen de défense, et la position de l'intimée ne peut reposer sur aucun autre moyen de défense réel.

[37] En effet, la Cour suprême dans l'arrêt Molis, rejette explicitement une défense de diligence raisonnable qui équivaudrait à une erreur de droit. Monsieur le juge Lamer y expose l'idée suivante:

«(...) Mais je m'empresse d'ajouter que l'arrêt Sault Ste-Marie parle de la défense de diligence raisonnable par rapport à l'accomplissement d'une obligation imposée par la loi et non par rapport aux recherches sur l'existence d'une interdiction ou sur son interprétation.»

[38] Par ailleurs, la Cour suprême a clairement affirmé, dans l'arrêt Pontes, qu'un accusé ne peut pas invoquer comme moyen de défense qu'il s'est enquis de façon raisonnable de la légalité de ses actes ou de sa situation.

[39] L'article 19 du Code criminel ne fait aucune distinction entre l'ignorance de l'existence de la loi et celle de son sens, de sa portée ou de son application.

[40] Nous sommes d'avis, que les mêmes principes trouvent application en droit pénal québécois.

mercredi 11 novembre 2009

Ce que la Couronne doit démontrer hors de tout doute raisonnable pour bénéficier de la présomption énoncée à l’article 258(1) (c) C. cr

R. c. Sabina, 2004 CanLII 32660 (QC C.Q.)

[17] Il en découle de ces deux articles que la Couronne, pour bénéficier de la présomption énoncée à l’article 258(1) (c) C. cr., doit démontrer hors de tout doute raisonnable que :

1er - les échantillons d’haleine ont été prélevés conformément à un ordre donné en vertu de l’article 254(3) C. cr., à savoir : Les policiers avaient des motifs raisonnables de croire que l’accusée avait commis une infraction de conduite avec des facultés affaiblies au cours des trois heures précédant une absorption d’alcool;

2ième - chaque échantillon a été prélevé dès qu’il a été matériellement possible de le faire après le moment ou l’infraction aurait été commise et, dans le cas du premier échantillon pas plus de deux heures après ce moment, les autres l’ayant été à des intervalles d’au moins quinze minutes;

3ième - chaque échantillon a été reçu de l’accusée directement dans un alcootest approuvé et manipulé par un technicien qualifié;

4ième - une analyse de chaque échantillon a été faite à l’aide de l’alcootest approuvé et également manipulé par un technicien qualifié.

[18] Ces quatre conditions sont essentielles et doivent être démontrées hors de tout doute raisonnable pour que la Couronne puisse bénéficier de la présomption de l’article 258(1) (c) C. cr.

samedi 7 novembre 2009

Impact de l'état de santé de l'accusé dans le processus de détermination de la peine

R. c. Lafleur, 2006 QCCQ 1252 (CanLII)

[46] Nombreuses sont les décisions traitant des motifs humanitaires invoqués pour obtenir compassion et clémence des tribunaux lors de l'imposition des sentences.

[47] Cependant, rares sont les cas où la réduction de la période d'incarcération ou le choix d'imposer la peine à être purgée dans la collectivité ont été retenus, accordant plutôt l'importance aux facteurs de dénonciation, d'exemplarité et de dissuasion générale et individuelle.

[48] Ainsi, n'ont pas été retenus comme motifs humanitaires pour éviter l'incarcération :

1) des problèmes diabétiques et d'insuffisance rénale nécessitant une dialyse trois fois par semaine (R. c. L.L., 22 février 2002, C.Q. Honorable Carol Richer, no. 700-01-034525-017);

2) un cancer nécessitant des traitements de chimiothérapie (Colas c. R., C.A Qc, 200-10-000025-952, 27 août 1997, J.E. 97-1759);

3) la perspective d'une opération chirurgicale prochaine et d'une convalescence de deux à quatre mois (R. c. Champagne, C.A. Qc, no. 200-10-001057-004, 28 décembre 2001);

4) l'âge avancé (soixante-douze (72) ans) et une récente opération chirurgicale à la suite d'un anévrisme de l'aorte abdominale (J.-C. B. c. R., C.A. Qc, no. 200-10-001500-037, 13 juin 2005).

[49] La présence d'infirmeries, de médecins traitants et l'accès aux hôpitaux, le cas échéant, suppléent aux arguments qui mettent de l'avant les problèmes de santé des accusés ( cf. J.-C. B. précité).

[50] Au même effet, R. c. R.N.S. 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149 et R. c. Shah 94 C.C.C. (3d) 45. Dans ce dernier arrêt, le juge Finch de la Cour d'Appel de la Colombie Britannique, ayant à examiner si le pauvre état de santé de l'accusé constitue, au motif de compassion, une raison pour réduire une sentence par ailleurs adéquate, décidait :

«Moreover, even where there is a risk that an accused may not outlive the time he is required to serve, the compassion that would evoke is not a controlling or decisive factor in deciding on the appropriate sentence. It is one of many factors to be taken into account in sentencing.»

[51] Ce n'est que dans des cas rares où des mesures exceptionnelles de clémence seront retenues pour alléger la sévérité d'une sentence par ailleurs méritée.

[52] À titre d'exemple, R. c. Savard [2000] R.J.Q. no. 2262 et Gregory c. R., C.A. Qc, no. 500-10-00084-945, 7 octobre 1994, une accusée, ayant contracté le virus du sida de son mari et vouée à une mort évidente, ayant été déclarée coupable de trafic de stupéfiants.

[53] Ainsi, à moins d'une situation extrême, les tribunaux ne retiendront pas comme facteur atténuant le piètre état de santé d'un accusé.

[54] Mais signalons que l'ensemble de ces décisions traite des problèmes physiques nécessitant des soins qualifiés et non pas de problèmes de santé mentale d'un accusé qui requiert une surveillance constante.

[55] En matière de maladie mentale, notre cour d'Appel soulignait dans R. c. Chan, no. 500-10-000152-924, 20 janvier 1993, que les critères usuels utilisés sur sentence ne sont pas d'une grande utilité et les facteurs d'exemplarité et de punition sont d'une importance beaucoup réduite (voir également R. c. Valiquette 1990 CanLII 3048 (QC C.A.), [1990] 60 C.C.C. (3d) 325).

[56] Or, quant à la situation de l'accusé dans la présente affaire, hormis le témoignage de l'accusé lors de la demande de remise en liberté où il a invoqué des problèmes au dos, aucune autre preuve n'existe quant à une situation où la santé physique de l'accusé nécessiterait la clémence de la Cour.

[57] Au contraire, preuve a été faite que l'accusé bénéficie des services de l'infirmerie de la prison où il se trouve en permanence et une médication appropriée lui est fournie.

[58] Cependant, une preuve largement convaincante a été faite, par le dépôt de toutes les expertises médicales mentionnées antérieurement, que l'accusé est atteint d'une maladie mentale dégénérative qui l'isole et qui, à plus ou moins brève échéance, nécessitera son admission en institution spécialisée.

La jurisprudence applicable à l’article 10 b) de la Charte

R. c. Perron, 2007 CanLII 62814 (QC C.M.)

• Le but recherché par l’article 10 b) de la Charte

[7] L’arrêt R. c. Brydges, 1990 CanLII 123 (C.S.C.), (1990) 1 R.C.S. 190 a expliqué que l’une des raisons majeures d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat après avoir été placé en détention tient à la protection du droit de ne pas s’incriminer. La personne a alors immédiatement besoin de conseils juridiques, à cette étape initiale de la détention, afin de connaître l’existence du droit de garder silence et d’être conseillée sur la façon d’exercer ce droit.

[8] Dans cet arrêt, l’Honorable juge Lamer s’exprimait ainsi :

« Notre Cour a affirmé à maintes reprises qu'il y a lieu d'interpréter le sens des droits et libertés garantis par la Charte selon une méthode fondée sur l'objet visé: Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145, et R. c. Big M Drug Mart Ltd., 1985 CanLII 69 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 295. Quant à l'art. 10 de la [page203] Charte, la Cour a clairement affirmé que le droit à l'assistance d'un avocat vise, selon l'expression du juge Wilson dans l'arrêt Clarkson, précité, à la p. 394, "à promouvoir le principe de l'équité dans le processus décisionnel" et que ce principe comporte notamment "le souci de traiter équitablement une personne accusée". Il y a lieu de souligner que le droit à l'assistance d'un avocat prend naissance "en cas d'arrestation ou de détention". Traiter équitablement une personne accusée ou détenue signifie nécessairement qu'il faut lui donner une possibilité raisonnable d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat parce que la personne détenue est à la merci des policiers et que, de ce fait, elle n'a pas la liberté d'exercer les privilèges qu'elle pourrait par ailleurs exercer. Il existe donc une obligation pour les policiers de faciliter la communication avec un avocat puisque, comme je l'ai dit dans l'arrêt R. c. Manninen, 1987 CanLII 67 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 1233, aux pp. 1242 et 1243:

Le droit à l'assistance d'un avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement d'être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces droits. [...] Pour que le droit à l'assistance d'un avocat soit efficace, le détenu doit pouvoir obtenir ces conseils avant d'être interrogé ou requis autrement de fournir des éléments de preuve. »

• Les obligations des policiers en fonctions de l’article 10 b) de la Charte

[9] L’arrêt R. c. Manninen, 1987 CanLII 67 (C.S.C.), (1987) 1 R.C.S. 1233 a expliqué les obligations des policiers en vertu de l’article 10 b) de la Charte de la manière suivante :

• Ils ont l’obligation d’informer le détenu de ses droits.

• Ils doivent donner au détenu une possibilité raisonnable d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat et cette obligation inclut l’obligation d’offrir de se servir d’un téléphone, lorsqu’il y en a un à proximité.

• Ils ont l’obligation de cesser d’interroger ou de tenter autrement de soutirer des éléments de preuve du détenu tant que celui-ci ne se sera pas vu offrir une possibilité raisonnable de recourir à l’assistance d’un avocat.

[10] L’Honorable juge Lamer dans l’arrêt R. c. Brydges précité s’est exprimé ainsi :

« En conséquence, l'al. 10b) de la Charte impose au moins deux obligations aux policiers en plus de celle d'informer le détenu de ses droits. D'abord, les policiers doivent donner à la personne accusée ou détenue une possibilité raisonnable d'exercer le droit de recourir à l'assistance d'un avocat, puis les policiers doivent s'abstenir de questionner la personne ou d'essayer de lui soutirer des éléments de preuve jusqu'à ce qu'elle ait eu cette possibilité raisonnable. La deuxième obligation comporte notamment l'interdiction faite aux policiers de forcer la personne détenue à prendre une décision ou à participer à quelque chose qui pourrait finalement avoir un effet préjudiciable sur un éventuel procès, jusqu'à ce que cette personne ait eu une possibilité raisonnable d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat: R. c. Ross, 1989 CanLII 134 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 3, à la p. 12. »

[11] La Cour Suprême du Canada a réitéré ce principe dans l’arrêt R. c. Bartle (1994) 3 R.C.S. 730 où l’Honorable juge Lamer a indiqué ce qui suit :

« Notre Cour a dit à maintes reprises que l’al. 10b) de la Charte impose aux représentants de l’État qui arrêtent une personne ou qui la mettent en détention les obligations suivantes :

(1) informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et de l’existence de l’aide juridique et d’avocats de garde;

(2) si la personne détenue a indiqué qu’elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger);

(3) s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu'à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger).

La première obligation (…) touche à l’information. Les deuxième et troisième participent davantage de l’obligation de mise en application et ne prennent naissance que si la personne détenue indique qu’elle veut exercer son droit à l’assistance d’un avocat. »

[12] L’arrêt R. c. Tremblay 1987 CanLII 28 (C.S.C.), (1987) 2 R.C.S. 435 a indiqué qu’il y a violation de l’alinéa 10 b) de la Charte lorsque les policiers font subir un alcootest à une personne immédiatement après que celle-ci eut tenté une fois de contacter un avocat et alors qu’il restait amplement de temps pour respecter le délai du Code criminel pour administrer un alcootest.

[13] Cependant, l’arrêt R. c. Johnson (1989) 222 A.P.R. 373 (C.A. N.-É.) (autorisation d’appeler refusée : (1989) 1 R.C.S. IX) a aussi indiqué qu’obliger une personne à passer un ivressomètre, après qu’elle ait pu, pendant plus de une heure et demie, tenter de contacter son avocat, ne porte pas atteinte à l’alinéa 10 b) de la Charte.

[14] L’arrêt R. c. Ross 1989 CanLII 134 (C.S.C.), (1989) 1 R.C.S. 3 a donné au détenu le droit de choisir son avocat et ce n’est que si l’avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable qu’on doit s’attendre à ce qu’il en appelle un autre.

[15] Dans cet arrêt, l’Honorable juge Lamer s’exprimait ainsi :

« ¶ 13 Je voudrais souligner ici qu'on a demandé à l'appelant Leclair s'il voulait appeler un autre avocat et qu'il a répondu que non. Le ministère public prétend que, par cette réponse, Leclair a renoncé à son droit à l'assistance d'un avocat. Je ne suis pas d'accord. Leclair avait clairement indiqué qu'il désirait communiquer avec son avocat. Le simple refus d'appeler un autre avocat ne peut honnêtement être considéré comme une renonciation à son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. Bien au contraire, il a simplement fait valoir son droit à l'assistance d'un avocat, et à [page11] l'avocat de son choix. Notons que comme l'a dit cette Cour dans l'arrêt R. c. Tremblay, 1987 CanLII 28 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 435, un prévenu ou un détenu, bien qu'il ait le droit de choisir un avocat, doit faire preuve de diligence raisonnable dans l'exercice de ses droits, sinon les obligations corollaires qui, selon l'arrêt Manninen, sont imposées aux policiers, sont suspendues. La diligence raisonnable dans l'exercice du droit de choisir son avocat dépend de la situation dans laquelle se trouve l'accusé ou le détenu. Au moment de son arrestation, par exemple, le détenu a un besoin immédiat de conseils juridiques et doit faire preuve de diligence raisonnable en conséquence. Par contre, lorsqu'il cherche le meilleur avocat pour un procès, l'accusé n'est pas dans une telle situation d'urgence. Néanmoins, l'accusé ou le détenu a le droit de choisir son avocat et ce n'est que si l'avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable qu'on doit s'attendre à ce que le détenu ou l'accusé exerce son droit à l'assistance d'un avocat en appelant un autre avocat. »

[16] Ainsi, l’arrêt R. c. McKenzie (20000 28 C.R. (5th) 394 a statué qu’il y a violation du droit à l’avocat de son choix lorsqu’un policier qui essaie de contacter l’avocat choisi par l’accusé n’obtient aucune réponse et met immédiatement après cet échec, et ce, sans faire d’autres essais, l’accusé en communication avec l’avocat de service.

• La renonciation au droit de l’article 10 b) de la Charte

[17] Enfin, l’arrêt R. c. Ross précité a clairement indiqué que la renonciation au droit à l’assistance d’un avocat ne peut résulter que d’une indication claire en ce sens. Ainsi, le simple refus d’appeler un autre avocat que le sien ne peut être considéré comme une renonciation à ce droit.

[18] Et il fut décidé dans l’arrêt R. c. Donovan 2001 CanLII 28323 (ON S.C.), (2001) 83 C.R.R. (2d) 172 (C.S. Ont.) que l’acceptation de parler à l’avocat d’office ne constitue pas une renonciation au droit de parler à son avocat.

[19] Dans les arrêts R. c. Bartle précité et R. c. Prosper 1994 CanLII 65 (C.S.C.), (1994) 3 R.C.S. 236, la Cour Suprême du Canada a clairement établi que la renonciation au droit de l’alinéa 10 b) de la Charte et à ses composantes est en réalité une chose rare et que le fait de dire qu’on ne veut pas être informé de ce droit ne constitue pas une renonciation suffisante aux composantes informatives du droit. Et le fait de dire que l’on connaît ses droits ne suffit pas non plus. Il ne peut y avoir renonciation s’il n’y a pas eu mise en garde aussi instructive et claire que possible. La renonciation implique pleine connaissance, ce qui nécessite une information complète.

[20] Dans cet arrêt de R. c. Prosper précité, la Cour Suprême du Canada s’exprimait donc ainsi :

« Les tribunaux doivent s'assurer qu'on n'a pas conclu trop facilement à la renonciation au droit à l'assistance d'un avocat. Il y a naissance d'une obligation d'information supplémentaire de la part de la police dès que la personne détenue, qui a déjà manifesté son intention de se prévaloir de son droit, indique qu'elle a changé d'avis et qu'elle ne désire plus obtenir de conseils juridiques. La police est tenue à ce moment de l'informer de son droit d'avoir une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de l'obligation de la police de surseoir à l'enquête au cours de cette période. La personne détenue doit indiquer explicitement qu'elle a changé d'avis et il appartient au ministère public d'établir qu'elle a clairement renoncé à son droit. La renonciation doit être libre et volontaire et elle ne doit pas avoir été donnée sous la contrainte, directe ou indirecte. La norme requise pour établir l'existence d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat est très stricte. La personne qui renonce à un droit doit savoir ce à quoi elle renonce pour que la renonciation soit valide. Le droit à l'assistance d'un avocat garanti à l'al. 10b) ne doit toutefois pas se transformer en obligation pour les personnes détenues de demander l'assistance d'un avocat. »

[21] Enfin, il appartient à la Couronne de prouver la renonciation au droit à l’avocat nous dit l’arrêt R. c. Maloney, 1995 CanLII 4174 (NS C.A.), (1996) 34 C.R.R. (2d) 162 (C.A. N.-É.).

• La sanction s’il y a eu violation à l’article 10 b) de la charte

[22] L’Honorable juge Lamer de la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt précité de R. c. Ross mentionnait à la page 15 dudit jugement que les éléments de preuve obtenus par suite de la violation d’un droit prévu à la Charte ne sont écartés que dans la mesure où, eu égard aux circonstances, leur utilisation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice et citant l’arrêt R. c. Collins 1987 CanLII 84 (C.S.C.), (1987) 1 R.C.S. 265, il indique :

« … cette Cour à la majorité a estimé utile d’identifier 3 groupes de facteurs dont le tribunal doit tenir compte pour déterminer si l’utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. La première catégorie de facteurs a trait à l’équité du procès, la seconde à la gravité de la violation de la Charte et la troisième à l’effet de l’exclusion de la preuve, plus particulièrement à la question de savoir s’il est préférable, pour la réputation du système, d’utiliser ou d’écarter la preuve. »

[23] Dans l’arrêt R. c. Prosper précité, le juge en chef Lamer et les juges Sopinka, Cory et Iacobucci ont déclaré que les échantillons d'haleine sont des éléments de preuve obtenus en mobilisant l'appelant contre lui-même, qui n'auraient peut-être pas été disponibles s'il n'y avait pas eu violation des droits que lui garantit l'al. 10b) et qui devraient être écartés en application du par. 24(2) parce qu'ils sont susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice. La violation du droit de l'appelant à l'assistance d'un avocat porte directement atteinte à son privilège de ne pas s'incriminer, et l'utilisation des résultats des alcootests découlant de cette violation est susceptible de miner ce privilège et, partant, de rendre le processus judiciaire inéquitable. Ni l'indéniable bonne foi de la police ni la gravité relative de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies ne pourraient compenser le manque d'équité qu'entraînerait l'utilisation de cet élément de preuve.

Problème dans chaîne de possession du matériel acheminé pour analyse ne rend pas inadmissible un certificat d'analyse, mais affecte sa force probante

R. c. Barthelemy, 2009 QCCQ 2856 (CanLII)

[15] Dans R. c. Oracheski, le policier qui avait livré au laboratoire l’enveloppe identifiée contenant la substance à analyser, n’avait pas témoigné. Par ailleurs, le lien entre l’enveloppe et le certificat d’analyse était clair. La Cour a conclu que la poursuite n’avait pas à faire entendre toutes les personnes ayant participé à la chaîne de possession. Le juge ne pouvait spéculer et conclure que l’enveloppe avait peut-être été ouverte par le policier qui l’avait livrée. À tout le moins, il faut une preuve qui permette de l’inférer. L'arrêt reconnaît que le ministère public n'a pas à prouver hors de tout doute raisonnable chaque manipulation du matériel jusqu'au laboratoire et un juge ne peut pas spéculer à partir d'un problème possible dans la chaîne de possession.

[16] Plus récemment, dans R. c. Grunwald, la défense a plaidé que la manipulation négligente de la marijuana saisie ne permettait pas de la relier à celle ultimement analysée par le laboratoire. Dans cette affaire, le juge Joyce a conclu que le certificat d'analyse établissait que les échantillons envoyés par l'enquêteur étaient du cannabis. La question était de savoir si les échantillons envoyés provenaient de la saisie. Au final, le juge Joyce a conclu que l’ensemble de la preuve établissait hors de tout doute raisonnable que la substance analysée provenait de la saisie. En outre, malgré les faiblesses de la chaîne de possession, le juge Joyce a retenu l'importance de la saisie, quelque 40 livres de marijuana séchée, et l'absence de preuve d'une confusion avec quelque autre saisie équivalente était faite pendant la période en question.

[17] Le juge Joyce a reconnu que le certificat d'analyse est le moyen de preuve le plus simple, mais la nature de la substance saisie peut être démontrée autrement surtout lorsqu'il s'agit d'une plante par opposition à une poudre ou un liquide dont seules les composantes chimiques en révèlent le caractère illégal.

[18] Notre Cour d'appel dans l'arrêt R. c. O'Brien, avait reconnu que le certificat n'est pas la seule façon de prouver la nature de la substance. Par exemple, une preuve par témoins peut être suffisante s'ils possèdent des connaissances particulières en matière de stupéfiants ou même par une déclaration de l'accusé. Évidemment, la valeur probante de la preuve est laissée au juge des faits.

[19] Dans R. c. McColm, le juge Ehrcke a adopté une approche similaire dans le cas d'une substance chimique, du GHB, et a conclu que l'ensemble de la preuve ne permettait pas, en l'absence de certificat d'analyse, de conclure hors de tout doute raisonnable à la possession de GHB par l'accusé.

[20] Enfin, soulignons que la Cour d'appel de l'Alberta, dans l'arrêt R. c. Grant, a adopté la position suivante :

2 We will deal with this case on the certificate issue alone. A proper scientific analysis of a suspected substance is essential. Granted that a lay person can recognize various things such as smell, sights, sounds and speeds, and that such evidence may be admitted, the danger of permitting lay identification of an allegedly illegal substance is manifest and ought not to be encouraged. The chemical or scientific analysis of an illegal substance may well provide, and normally does provide, the court with reliable and trustworthy evidence that the substance was actually illegal according to its components. The certificate of analysis conveys just that. In practice, the certificate ends any debate about what was seized. Were we to uphold the course followed here the certificate of analysis practice will be at risk in future. The police will rely on nothing but opinion evidence given by themselves. That is a step that should only be permitted by Parliament by way of the repeal of the analysis legislation. The use of the certificate has long been entrenched in the Statute, and for good reason, and can only be replaced by expert testimony by a qualified analyst.

3 In allowing this appeal, which we do, we are not to be taken as foreclosing proof by other means in every possible case. This case could not serve as such an exception. We allow the appeal, set aside the conviction, and direct the entry of an acquittal.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La réoption n'est pas un événement imprévisible ou inévitable

R. v. Long, 2023 ONCA 679 Lien vers la décision [ 62 ]        I would also observe that the appellant re-elected a trial in the OCJ on Febru...