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mercredi 2 décembre 2009

L'infraction d'entrave

R. c. Streel, 2006 CanLII 59092 (QC C.M.)

L'infraction d'entrave

[70] Il existe une abondante jurisprudence en matière d'entrave en contravention de l'article 129a) du Code criminel. Ces jugements reconnaissent que les éléments essentiels d'une infraction d'entrave sont les suivants :

1- Le geste posé constitue un geste d'entrave.

2- Le geste est posé à l'égard d'un agent de la paix, alors que celui-ci agit dans l'exécution de ses fonctions.

3- Le geste doit être posé volontairement.

(Vigneault c. R., C.S., REJB 2001-41674, par. 32, confirmée par la Cour d'appel, REJB 2002-41673; R. c. Rousseau, [1982] C.S. 461, p. 463; R. c. McKerness, C.S.P., J.E. 1983-290; R. c. Poulin, C.M., REJB 2000-16138, par. 6; R. c. Jones, C.M., [1995] J.Q. no 2668, par. 8; R. c. Kirsh, C.M., J.E. 1995-545).

Un geste d'entrave

[71] Un geste d'entrave est commis lorsque le comportement d'un individu gêne, nuit ou rend plus difficile l'accomplissement du devoir du policier (Rousseau, précitée, p. 463; R. c. Hudon, [2003] J.Q. no 17721, par. 90 (C.Q.); Jones, précitée, par. 14).

[72] Lorsque l'entrave reprochée consiste dans le fait d'avoir omis de se conformer à une demande ou à un ordre d'un policier, il doit, pour qu'il y ait entrave, exister une obligation légale pour cette personne de se conformer à cet ordre (Moore c. R., 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195, p. 206 et 210; Lavin c. R., 1992 CanLII 3337 (QC C.A.), [1992] R.J.Q. 1843 (C.A.), p. 1845; R. c. Guthrie, (1982) 28 C.R. (3d) 395, p. 400 (C.A. Alb.); R. c. Rosehart, REJB 2003-39219, par. 8 et 9 (C.Q.)).

Un agent de la paix agissant dans l'exercice de ses fonctions

[73] Lorsque le policier est en uniforme et qu'il se trouve dans une auto-patrouille identifiée, la première partie de cette condition est facilement satisfaite. De toute évidence, il s'agit d'un agent de la paix.

[74] La notion relative à « l'exercice de la fonction » est plus complexe.

[75] Il faut distinguer entre le fait d'être « en devoir » et le fait d'être « dans l'exécution d'une fonction ». Le policier est dans l'exécution de ses fonctions lorsqu'il exerce un devoir ou un pouvoir que lui confère la loi. Ce sont les circonstances de chaque affaire qui permettent de déterminer si cette condition est rencontrée (R. c. Noël, 1995 CanLII 1105 (BC C.A.), (1995) 101 C.C.C. (3d) 183, p. 189 (C.A. C.-B.); Rousseau, précitée, p. 463; Hudon, précitée, par. 90; Poulin, précitée, par. 6).

[76] Dans le cadre des devoirs que leur impose la loi, les policiers ont cependant des pouvoirs limités. Ils n'agissent légalement que lorsque leurs gestes sont autorisés par la loi ou reconnus par la common law, et dans la mesure où ces pouvoirs sont exercés de façon justifiée (Dedman c. R., 1985 CanLII 41 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 2, p. 28, 29 et 33; Noël, précitée, p. 189; R. c. Houle, reflex, (1986) 24 C.C.C. (3d) 57, p. 59 (C.A. Alb.)).

[77] Ainsi, pour qu'il y ait entrave, le policier doit agir légalement dans le cadre de l'exécution de l’un de ses pouvoirs. Pour agir légalement, le policier doit être autorisé par la loi à poser le geste qu'il pose ou à donner l'ordre qu'il intime (R. c. Gagné, 1987 CanLII 508 (QC C.A.), [1987] R.J.Q. 1008, p. 1014 (C.A.), confirmée par la Cour suprême du Canada, [1989] 1 R.C.S. 1534; R. c. Albert, J.E. 2003-1374, par. 25 (C.Q.); Jones, précitée, par. 14 et 15).

[78] Lorsque le policier n'a pas le pouvoir de requérir d'un citoyen qu'il se conforme à son ordre, le policier outrepasse ses pouvoirs. Le policier n'est alors plus considéré comme étant dans l'exécution de ses fonctions (Royer c. R., J.E. 1998-966 (C.A.); Poulin, précitée, par. 10 et 13; R. c. Desilets, J.E. 1996-2109 (C.M.)).

[79] Par conséquent, lorsqu’un policier doit fournir à un suspect les motifs de son intervention pour obliger cette dernière à obéir à son ordre, cette personne n’est pas tenue de s’y soumettre si le policier ne lui en dénonce pas les motifs. Dans ce cas, le non-respect de cette obligation d'information par le policier peut l'entraîner hors du cadre de ses fonctions. Cette absence d'information peut de plus influer sur l'intention de la personne, lorsque l'intention est requise (Rosehart, précitée, par. 31). L'absence d'information peut également servir de justification ou permettre de prétendre à une erreur de fait.

[80] Ainsi, une personne qui n'est pas informée qu'elle est arrêtée, peut prétendre, avec raison, qu'elle n'a pas à se conformer à l'ordre d'un policier de cesser de courir ou de circuler. En l'absence d'obligation imposée à une personne d'arrêter de circuler lorsque requise de le faire par les policiers, cette personne peut décider de ne pas se plier à la demande des policiers (Albert, précitée). Par conséquent, le défaut par une personne de s'arrêter de courir sur l'ordre d'un policier peut ou non, selon les circonstances, constituer une entrave selon que l'ordre est motivé et que la personne est informée des motifs d'intervention du policier (Rosehart, précitée, par. 27 et 34).

Les droits individuels

[81] Lorsque des représentants de l'État exercent leurs pouvoirs à l'égard de citoyens, ces pouvoirs sont toujours confrontés aux droits et libertés des personnes. La loi fait une nette distinction entre les devoirs des policiers et les pouvoirs que ceux-ci exercent à cette fin et les obligations des personnes qu'ils abordent. Tel que déjà mentionnée, la loi doit obliger une personne à se conformer aux ordres des policiers pour qu'elle ait l'obligation de s'y plier (Guthrie, précitée, p. 398-399). Sans cette obligation, il ne peut y avoir entrave aux pouvoirs des policiers (Jones, précitée, par. 19).

Le caractère volontaire du comportement

[82] L'infraction prévue à l'article 129a) en est une d'intention générale. Cette intention doit cependant être en relation avec le but de nuire au pouvoir du policier (R. c. E.(C.), REJB 1998-09569 (C.A.); R. c. Gunn, reflex, (1997) 6 C.R. (5th) 405 (C.A. Alb.)).

Jurisprudence en matière d'entrave en contravention de l'article 129a) du Code criminel

R. c. Matte, 2007 CanLII 58506 (QC C.M.)

[61] Il existe une abondante jurisprudence en matière d'entrave en contravention de l'article 129a) du Code criminel. Ces jugements reconnaissent que les éléments essentiels d'une infraction d'entrave, en matière criminelle, sont les suivants :

1- Le geste posé constitue un geste d'entrave.

2- Le geste est posé à l'égard d'un agent de la paix, alors que celui-ci agit dans l'exécution de ses fonctions.

3- Le geste doit être posé volontairement.

(Vigneault c. R., REJB 2001-41674 (C.S.), par. 32, confirmée par la Cour d'appel, REJB 2002-41673; R. c. Rousseau, [1982] C.S. 461, p. 463; R. c. McKerness, J.E. 1983-290 (C.S.P.); R. c. Poulin, REJB 2000-16138 (C.M.), par. 6; R. c. Jones, [1995] J.Q. no 2668 (C.M.), par. 8; R. c. Kirsh, J.E. 1995-545 (C.M.)).

Un geste d'entrave

[62] Un geste d'entrave est commis lorsque le comportement d'un individu gêne, nuit ou rend plus difficile l'accomplissement du devoir que prévoit la loi (Rousseau, précitée, p. 463; R. c. Hudon, [2003] J.Q. no 17721 (C.Q.), par. 90; Jones, précitée, par. 14).

[63] Lorsque l'entrave reprochée consiste dans le fait d'avoir omis de se conformer à une demande ou à un ordre d'un policier, il doit, pour qu'il y ait entrave, exister une obligation légale pour cette personne de se conformer à cet ordre (Moore c. R., 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195, p. 206 et 210; Lavin c. R., 1992 CanLII 3337 (QC C.A.), [1992] R.J.Q. 1843 (C.A.), p. 1845; R. c. Guthrie, (1982) 28 C.R. (3d) 395 (C.A. Alb.), p. 400; R. c. Rosehart, REJB 2003-39219 (C.Q.), par. 8 et 9). Les articles 35, 36 et 97 du Code de la sécurité routière comportent implicitement l’obligation d’un conducteur d’un véhicule routier de s’identifier lorsque requis de produire ses documents.

Un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions

[64] Lorsqu’un policier est en uniforme et qu'il se trouve dans une auto-patrouille identifiée, la première partie de cette condition est facilement satisfaite. Il s’agit d’un agent de la paix selon la définition de ce terme à l’article 2 du Code criminel.

[65] La notion relative à « l'exercice de la fonction » est plus complexe.

[66] Il faut distinguer entre le fait d'être « en devoir » et le fait d'être « dans l'exécution d'une fonction ». Un policier est dans l'exécution de ses fonctions lorsqu'il exerce un devoir ou un pouvoir que lui confère la loi. C'est la preuve des circonstances de chaque affaire qui permet de déterminer si cette condition est rencontrée (R. c. Noël, 1995 CanLII 1105 (BC C.A.), (1995) 101 C.C.C. (3d) 183 (C.A. C.-B.), p. 189; Rousseau, précitée, p. 463; Hudon, précitée, par. 90; Poulin, précitée, par. 6).

[67] Dans le cadre des devoirs que leur impose la loi, les agents de la paix ont des pouvoirs limités. Ils n'agissent légalement que lorsque leurs gestes sont autorisés par la loi ou reconnus par la common law et dans la mesure où ces pouvoirs sont exercés de façon justifiée (Dedman c. R., 1985 CanLII 41 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 2, p. 28, 29 et 33; Noël, précitée, p. 189; R. c. Houle, reflex, (1986) 24 C.C.C. (3d) 57 (C.A. Alb.), p. 59).

[68] Ainsi, pour qu'il y ait entrave, le policier doit agir légalement dans le cadre de l'exécution de l’un de ses pouvoirs. Pour agir légalement, le policier doit être autorisé par la loi à poser le geste qu'il pose ou à donner l'ordre qu'il intime (R. c. Gagné, 1987 CanLII 508 (QC C.A.), [1987] R.J.Q. 1008 (C.A.), p. 1014, confirmée par la Cour suprême du Canada, [1989] 1 R.C.S. 1534; R. c. Albert, J.E. 2003-1374 (C.Q.), par. 25; Jones, précitée, par. 14 et 15).

[69] Lorsque le policier n'a pas le pouvoir de requérir d'un citoyen qu'il se conforme à son ordre, le policier outrepasse ses pouvoirs. Le policier n'est alors plus considéré comme étant dans l'exécution de ses fonctions (Royer c. R., J.E. 1998-966 (C.A.); Poulin, précitée, par. 10 et 13; R. c. Desilets, J.E. 1996- 2109 (C.M.)).

Exposé exhaustif sur l'infraction d'entrave à un agent de la paix

R. c. Rosehart, 2003 CanLII 16667 (QC C.Q.)

Nature de l'infraction d'entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions

1. Acte et/ou omission

[7] Dans l'arrêt R.c.Lavin (C.A.Q.) No 500-10-000148-906 -- le 3 août 1992 --, le comportement constituant l'entrave reprochée aux termes de l'art. 129 (a) était le refus de l'accusé de remettre son détecteur de radar alors que le policier en connaissait l'existence et alors que l'accusé n'en niait pas l'existence. L'énoncé de principe (maintes fois utilisé depuis par la jurisprudence) fut le suivant (les soulignements sont nôtres) :

"It seems to me that wilful obstruction requires either some positive act, such as concealment of evidence, or an omission to do something which one is legally obliged to do; and that neither requirement is fulfilled in this case."

[8] Or, d'énoncer la majorité :

"I am not aware of any provision of law by which he was obliged to agree with the officer's request to give him the detector. If he was under no obligation, surely he had the right to refuse and did not thereby obstruct the officer. On Appellant's refusal, he was arrested; knowing that the arrest gave the officer the right to search him, he immediately handed over the offending apparatus. "

[9] Cet acte en était un d'omission mais sans obligation légale d'agir entraînant donc par le fait même l'acquittement.

[10] Le plus célèbre exemple d'un cas d'entrave par omission se trouve dans l'arrêt Moore 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195. Il est inutile de s'aventurer dans les tenants et aboutissants de l'arrêt Moore puisque dans le cas qui nous occupe l'acte de continuer de courir est un acte positif et non une omission de faire quelque chose? En effet, continuer de courir tout comme courir est une action,un acte positif; et c'est cette action même de continuer de courir qui aurait nui à l'arrestation que le policier tentait de faire. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question comme relevant de la catégorie des omissions avec ou sans obligation légale d'agir.

2. Entrave à un agent de la paix procédant à une arrestation légale

A. Actus reus

[11] Dans le présent cas, l'agent de la paix avait des motifs raisonnables et probables de croire que l'accusé venait de voler ce véhicule et était dans le processus de procéder à l'arrestation. "L'arrestation", aux termes de l'arrêt Whitfield 1969 CanLII 4 (C.S.C.), [1970] R.C.S. 46, (au par.3), "consiste à se saisir d'une personne physique ou à y toucher dans le but de la détenir. Le seul fait de lui dire qu'on l'arrête ne constitue pas une arrestation à moins que celui qu'on veut arrêter se soumette et suive l'agent qui procède à l'arrestation ". Dans le cas en l'espèce, le policier par son ordre tentait d'amener l'accusé à se soumettre et à le suivre. Il n'existe aucun texte de loi qui crée l'infraction de désobéissance à cet ordre; ce n'est donc pas une infraction en soi. Par contre le fait pour une personne de s'éloigner en connaissance de cause d'un policier qui tente de procéder ainsi à son arrestation est un acte positif qui rend plus difficile l'exercice par le policier des pouvoirs que la loi lui donne dans l'exécution de ses fonctions.

[12] Dans Lavin v. Quebec, [1990] Q.J. No. 719 le juge Boilard , dont le jugement fut porté en appel (dont des extraits ci-dessus de la Cour d'appel du Québec ), avait, après une revue de la jurisprudence, résumé de la façon suivante la notion d'entrave:

¶ 24 Il y aura entrave d'un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions si quelqu'un pose à son endroit un geste volontaire sachant ou prévoyant que cette action aura pour effet de nuire à l'exécution du travail policier ou de le rendre plus difficile, peu importe que le contravenant réussisse son entreprise et quelle que soit sa motivation véritable. (…)

Cette définition nous semble conserver son à-propos sous réserve évidemment de la nuance que la majorité de la Cour d'appel y a apportée comme nous l'avons vu ci-dessus en distinguant les actes des omissions.

[13] Notons également que dans l'arrêt R. c. Whitfield (précité), les juges Hall et Spence dissidents ne sont pas contredits par la majorité relativement aux parties que nous soulignons :

¶ 18 Dans la présente affaire l'agent Kerr avait, d'après la loi, le droit et le devoir de mettre Whitfield en état d'arrestation. Il n'y a aucun doute quant au fait qu'un mandat d'arrêt avait été lancé et que la tentative de Kerr d'arrêter Whitfield était justifiée légalement. (…) Si la personne s'échappe et n'est pas réellement détenue, on ne peut la considérer comme ayant été sous garde légale, mais cela ne signifie pas qu'elle n'a commis aucune infraction. Le Parlement a édicté des dispositions très précises à cet effet. Dans un tel cas, la personne est certainement coupable en vertu de l'art. 110 (a), qui se lit comme suit:

110. Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de deux ans, quiconque

a) volontairement entrave un fonctionnaire public ou un agent de la paix dans l'exécution de son devoir ou toute personne prêtant légalement main-forte à un tel fonctionnaire ou agent, ou lui résiste en pareil cas; ...

[14] Bien qu'à première vue l'on pourrait peut-être nous reprocher de torturer le contenu dans cette dissidence, il en ressort à tout le moins que ces deux juges considéraient, en bout d'analyse, le fait pour une personne non détenue de s'échapper comme une entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions.

[15] Dans le même ordre d'idées, dans l'arrêt Sharma (précité) un agent de la paix avait, dans le but d'amener M.Sharma à respecter le règlement municipal concernant les vendeurs ambulants, "ordonné" à ce dernier d'enlever ses marchandises du trottoir. Il s'agissait de déterminer entre autres si le défaut de ce vendeur ambulant d'obtempérer à "l'ordre" dudit agent constituait une entrave au travail de l'agent de police justifiant par le fait même le droit de procéder à son arrestation pour entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. La Cour décida que l'agent n'avait pas le pouvoir, en common law ou en vertu de la loi provinciale, d'arrêter l'appelant pour refus d'obtempérer à " l'ordre" de mettre fin au comportement interdit par le règlement, et de plus qu'il ne pouvait pas contourner l'absence de pouvoir d'arrestation en l'accusant d'entrave. Bien que les faits et la situation juridique dans l'affaire Sharma s'éloigne quelque peu de ceux de la présente affaire, il nous semble quand même opportun d'en paraphraser le passage suivant :

¶ 33(…) La législature a défini le pouvoir d'application de la loi (the enforcement power) comme consistant à donner des contraventions aux contrevenants, et l'appelant n'a pas gêné l'agent de police dans l'exercice de cette fonction (this duty).

Dans le présent dossier, contrairement au seul pouvoir d'émettre une contravention mentionné dans l'arrêt Sharma, la législature a défini le pouvoir d'application de la loi (the enforcement power )comme consistant non seulement à donner des contraventions aux contrevenants, mais également à procéder à leur arrestation, et l'accusé a gêné l'agent de police dans l'exercice de cette fonction(this duty).

[16] Enfin et cette fois-ci de façon plus pointu, dans R.v. Burdette, Man. Co.ct., (1983), 23 Man. R.(2d) 154, le résumé se lit comme suit:

This was an appeal by the Crown from the accused's acquittal on charges of obstructing a peace officer in the execution of his duty contrary to s. 118(a) of the Criminal Code (…) A police constable had observed the accused standing beside a vehicle at a drive-in theatre holding a can in his hand. Complaints had been made that people were drinking alcoholic beverages while attending the drive-in. When the constable got out of his patrol car and began approaching the accused, the latter ran away spilling the contents of the can as he ran and ignoring the constable's order to stop. The empty can was dropped by the accused and observed by the constable to be labelled "Pabst Blue Ribbon Beer". (..) HELD: The appeal with respect to the charge under s. 118(a) was allowed; Under s. 243(1) of the Liquor Control Act, the constable was authorized to arrest without warrant any person whom he believed on reasonable and probable grounds to be committing an infraction of the Act. In this case, the constable had reasonable and probable grounds to believe the accused was unlawfully consuming beer. In running away, in refusing to stop when yelled at by the constable "Stop, Police" and by wilfully spilling the contents of the can as he ran, the accused was purposely, wilfully and intentionally obstructing the lawful execution of the constable's duty.

[17] Et au par. 16 du jugement :

In this court's opinion anything done or even said by a suspect at the outset of an investigation being properly and lawfully made on reasonable and probable grounds, which indicates a deliberate or wilful intention to interfere or hamper a peace officer in the lawfull performance of his sworn duty is what the Code section in question is all about.

[18] Appliquant ces concepts aux faits du présent dossier, il est évident que l'action de continuer de courir malgré l'ordre d'arrêter donné par le policier a rendu le processus d'arrestation plus difficile. L'actus reus est donc prouvé. Mais qu'en est-il de la preuve de la mens rea.

B. Mens rea

[19] L'accusé n'était pas encore en état d'arrestation puisqu'aucune arrestation n'avait encore eu lieu et puisque l'accusé n'obtempérait pas à l'ordre d'arrêter. Par contre sachant que l'ordre s'adressait à lui l'accusé ne pouvait faire fi de cet ordre sans risquer de commettre une entrave advenant que le policier ait été dans l'exécution de ses fonctions. C'est le risque que prend tout citoyen qui ne s'arrête pas pour à tout le moins dissiper le doute qu'il ne peut qu'avoir eu dans les circonstances particulières du cas d'espèce. À cet effet, nous retenons les propos du juge Wood tenu en 1995 au nom de la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'arrêt Regina v. Noel, 101 C.C.C. (3d) 183, :

21. However, this does not mean that the intention to obstruct must be tied to a specifically defined duty. In my view, it is sufficient that a person who is charged with an offence under s. 129(a) was aware or knew at the time of the obstructive conduct that the peace officer was engaged in the execution of a duty, whatever that duty may have been. In most cases where the intent to obstruct arises it will be in connection with an obvious duty which the officer is executing. But an intention to obstruct a peace officer engaged in the execution of his duty, even though the specifics of that duty are not known to the accused in every detail, will suffice to incur liability under the section.

[20] Dans la même veine, bien que par analogie seulement, retenons également les propos du juge Laskin ( Laskin, Spence et Dickson) (dissidents mais non contredit par la majorité relativement aux parties que nous soulignons) dans l'arrêt R.c.Biron (précité) :

14 (…) Notre droit n'a pas, comme je le comprends, privé le citoyen de son droit de résister à une arrestation illégale. Sa résistance peut s'effectuer à ses propres risques si l'arrestation s'avère légale, mais il faut que le policier accepte également la possibilité d'avoir procédé à une arrestation légale. Bien sûr, même si l'arrestation à laquelle une personne résiste est illégale, la personne qui résiste peut encore être déclarée coupable si elle emploie une force excessive.

[21] Bien que dans le cas en l'espèce l'action de courir ne constitue pas à proprement parler une "résistance" mais plutôt une action de nature à entraver le policier dans l'exercice de son pouvoir d'arrestation, donc d'une "entrave", par analogie avec les propos (soulignés) du juge Laskin, nous pouvons dire que c'est à ses propres risques si l'ordre s'avère légal que l'accusé continue de courir. Ce risque est celui de l'accusation d'entrave au terme de l'art. 129(a) du Code criminel.

[22] Toujours dans la même veine, retenons également les propos du juge LeDain dans l'arrêt R. c. Therens 1985 CanLII 29 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 613; ces propos ont été maintes fois cité avec approbation en matière de "détention psychologique" mais ce sont nos soulignements sur lesquels nous désirons ici porter l'attention:

¶ 53 Bien que cela ne soit pas strictement nécessaire aux fins du présent litige, j'irais encore plus loin. À mon avis, il est, en règle générale, irréaliste de considérer l'obéissance à une sommation ou à un ordre d'un policier comme un acte réellement volontaire en ce sens que l'intéressé se sent libre d'obéir ou de désobéir, même lorsque la sommation ou l'ordre en question n'est autorisé ni par la loi ni par la common law, et que, par conséquent, le refus d'y obtempérer n'entraîne aucune responsabilité criminelle. La plupart des citoyens ne connaissent pas très exactement les limites que la loi impose aux pouvoirs de la police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou à des poursuites pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir, il est probable que la personne raisonnable péchera par excès de prudence (to err on the side of caution) et obtempérera à la sommation en présumant qu'elle est légale.

[23] Il nous semble s'inférer des passages soulignés que tout choix par un citoyen de ne pas obtempérer à un ordre venant d'un policier entraîne un risque de poursuite pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir advenant que l'ordre ait été légal. Nous ajouterions à cette notion de risque que l'imprudence dont ferait preuve un citoyen face à un tel ordre pourra, selon l'ensemble de toutes les circonstances du cas d'espèce, s'élever au niveau de l'aveuglement volontaire, niveau qui selon nous établirait le degré de culpabilité morale suffisant pour entraîner une déclaration de culpabilité.

[24] La dernière question que nous désirons aborder et qui est subsidiaire au dernier point traité est la suffisance de l'ordre d'arrêter tel que donné dans les circonstances de la présente affaire. Nous croyons important d'apporter un nuance quant au degré de suffisance que doit revêtir un ordre d'arrêter avant d'être susceptible de permettre au tribunal de conclure à tout le moins à aveuglement volontaire de la part du citoyen qui n'y obtempère pas. En effet le citoyen qui reçoit un ordre de s'arrêter n'a pas à obéir aveuglément à cet ordre tant que le policier n'a pas motivé cet ordre (et nous ne référons pas ici au domaine très particulier qui est régi par le Code de sécurité routière ou relié à la conduite automobile). En effet comment pourrions nous réconcilier que les règles en matière d'ordre d'arrêter puisse être substantiellement différentes de celles qui s'appliquent au volet informationnel en matière d'arrestation? Or aux termes de l'arrêt R. c. Evans 1991 CanLII 98 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 869, la juge McLachlin traitant de l'art. 10(a) de la Charte Canadienne disait ceci à propos du processus d'arrestation:

¶ 31 Le droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation énoncé à l'al. 10a) de la Charte découle fondamentalement de la notion que personne n'est tenu de se soumettre à une arrestation dont il ne connaît pas le motif: R. v. Kelly reflex, (1985), 17 C.C.C. (3d) 419 (C.A. Ont.), à la p. 424.

[25] Quant au juge Sopinka, il disait ceci :

¶ 2 Les alinéas 10a) et b) énoncent des droits fondamentaux garantis à une personne arrêtée ou détenue. Les directives aux autorités qu'ils comportent sont relativement simples. Dans chaque cas, la personne détenue a le droit d'être "informée". Pour ce qui est de l'al. 10a), l'information porte sur les motifs de l'arrestation ou de la détention. Le droit d'être informé des motifs réels de l'arrestation et de la détention est fermement ancré dans la common law qui exige que suffisamment de détails soient donnés au détenu pour qu'il [TRADUCTION] "connaisse l'essentiel du motif que l'on fait valoir pour imposer sa détention" (Christie v. Leachinsky, [1947] A.C. 573, aux pp. 587 et 588). En cas d'arrestation faite conformément à un mandat, les informations sont énoncées dans le mandat. Une arrestation sans mandat n'est légale que si l'information qui aurait figuré dans le mandat est transmise verbalement.

[26] Quant à l'arrêt Kelly auquel référait la juge McLachlin:

[page424] .. the s. 10(a) statement, which is really part of the arresting process itself..

[27] Ne serait-il pas incongru et profondément injuste qu'un citoyen soit susceptible d'être trouvé coupable d'entrave à un agent de la paix pour avoir refusé d'obtempérer à un ordre non motivé de s'arrêter alors que ce même citoyen aurait le droit de résister à l'arrestation si le policier ne la motivait pas? À ce titre nous faisons nôtres la préoccupation dont faisait part le juge Curtis dans l'arrêt R. v. Marchand [1993] B.C.J. No. 2473,

¶ 3 The three constables approached the men on the side walk. Constable Myhre produced his badge, and identified himself as a police officer. He said they were investigating a fight that had apparently just occurred in the Columbus bar, asked them for their names and to relate what had happened inside the bar. Mr. Marchand's companion complied with the request and was allowed to go. Mr. Marchand however told Constable Myhre to "fuck off" and refused to identify himself. He was quite intoxicated.

¶ 4 Constable Myhre testified at trial: "I gave him several chances to identify himself and explain the fact that there had been a fight, that he was drunk and that essentially any second now he was going to have to spend the night in city cells unless he was to identify himself".

¶ 12 (…) Constable Myhre did not testify that he thought he had reasonable and probable grounds to believe Mr. Marchand had committed the offence of causing a disturbance by fighting. Furthermore, Constable Myhre did not tell Mr. Marchand that he had reasonable and probable grounds to believe he had committed the offence of causing a disturbance by fighting before he asked him to identify himself, rather he told him they were investigating a fight. The difference is significant because the person who has just been seen committing an offence may be taken to be aware of his jeopardy and the nature of the police inquiry, while a person in Mr. Marchand's position, may not know that he is reasonably believed to have committed an offence, and thus may not appreciate the compelling nature of the demand for their identify. The facts do not show that Mr. Marchand caused a disturbance by fighting, possibly he did not, and in those circumstances he may well have felt justified in refusing to identify himself.

[28] Nous utilisons cet exemple non pas pour en dégager des principes en matière d'obligation de s'identifier mais plutôt pour illustrer l'interrelation entre l'approche qu'adopte un policier et l'absence de mens rea vu le vide laissé par le policier quant au volet informationnel relatif à la détention.

[29] Dans un arrêt inédit récemment rendu dans le district de Maniwaki, nous avons eu à décider d'un cas analogue à la problématique que nous soulevons ici. Suite à un appel 911 pour violence conjugale, les policiers se sont rendus au domicile d'où originait l'appel. Une fois entrés dans la résidence, ils voient au salon regardant la télévision l'accusé, son épouse (victime allégué lors de l'appel 911) et un enfant. Après quelques réponses de l'épouse à l'effet que tout allait bien et les intimant de partir, l'un des policiers bien "innocemment" invita l'accusé à discuter à l'extérieur de la maison; c'était là un stratagème pour que le deuxième policier puisse parler plus librement avec la conjointe. Après quelques minutes de conversation entre l'accusé et le premier policier à l'extérieur de la maison, l'accusé dit au policier qui semblait mettre en doute sa version de la soirée: "entrons dans la maison et ma conjointe te confirmera mes dire!" Le policier sans plus s'interposa et indiqua à l'accusé qu'il ne pouvait retourner dans la maison. L'accusé persista à vouloir retourner dans son domicile et l'échauffourée s'ensuivit d'où des accusations de voies de fait sur un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. Le policier n'avait pas pris la peine, alors qu'il aurait pu le faire, d'expliquer à l'accusé que la raison pour laquelle il exigeait que ce dernier demeure dehors était pour leur permettre de terminer leur enquête sur le 911 en parlant privément à la conjointe; l'eut-il expliqué, nous n'aurions eu aucune difficulté non seulement à conclure (nous inspirant du test de l'arrêt Waterfield reconnu entre autres dans l'arrêt Godoy 1999 CanLII 709 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 311) que le policier avait le pouvoir de retenir temporairement l'accusé hors du domicile tout comme nous n'aurions alors eu aucune difficulté à conclure que l'accusé qui connaissait le motif de la décision du policier commettait une entrave au travail du policier s'il avait persisté à entrer immédiatement.

[30] Ceci étant dit, nous sommes d'opinion que lorsque la raison pour laquelle le policier n'a pas motivé son arrestation ou son ordre d'arrêter (ou tout autre sorte d'ordre) résulte du comportement de l'accusé lui-même, le tribunal peut selon les circonstances de l'espèce conclure à aveuglement volontaire de la part de l'accusé et en conséquence ne pas retenir ce moyen de défense. Par exemple bien qu'il soit vrai qu'un policier doit donner au citoyen les motifs de son arrestation, le citoyen qui par son comportement trop belliqueux empêche véritablement le policier de lui exprimer les motifs d'arrestation ne pourrait pas (tout dépendant évidemment encore une fois de toutes les circonstances de l'espèce) en même temps plaider qu'il avait le droit de résister à l'arrestation pour le seul motif qu'il n'avait pas été informé des motifs de la dite arrestation.

[31] Dans l'ensemble des circonstances du cas en l'espèce, l'action de continuer de courir après avoir entendu les paroles "Police, arrêtez! Police, stop!" établit hors de tout doute raisonnable autant l'actus reus que la mens rea de l'infraction d'entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions et ce même si la preuve présentée au procès n'a pas établi hors de tout doute raisonnable que le véhicule avait été volé, pas plus que l'accusé ne savait quelle infraction précise le policier enquêtait.

mardi 1 décembre 2009

Admissibilité des déclarations à un policier après avoir demandé un traitement clément pour son amie et avoir obtenu de la rencontrer

R. c. Spencer, 2007 CSC 11 (CanLII)

11 En common law, les déclarations faites par un accusé à une personne en situation d’autorité sont inadmissibles à moins qu’elles ne soient volontaires. Dans l’arrêt Oickle, notre Cour a énoncé le critère permettant de déterminer le caractère volontaire de telles déclarations. Cet arrêt a [traduction] « reformulé le droit relatif au caractère volontaire des confessions [. . .] Il a écarté le recours à des règles déterminées et strictes » : D. M. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence (4e éd. 2005), p. 290. Comme l’a expliqué le juge Iacobucci dans Oickle, au par. 27, la règle « s’attache plutôt à la question du caractère volontaire, considérée au sens large ». Il a également fait ressortir la nécessité d’une analyse contextuelle (par. 47) :

L’application de la règle est, par nécessité, contextuelle. Il n’y a tout simplement pas de règle simple et rigide qui permette de tenir compte des diverses circonstances susceptibles de vicier le caractère volontaire d’une confession; il en résulterait inévitablement une règle dont la portée serait à la fois trop large et trop restreinte. Par conséquent, le juge du procès doit tenir compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’il examine une confession.

12 Dans l’arrêt Oickle, la Cour a reconnu qu’il faut tenir compte de plusieurs facteurs pour déterminer s’il existe un doute raisonnable quant au caractère volontaire d’une déclaration faite à une personne en situation d’autorité, y compris l’existence de menaces ou de promesses, l’oppression, la théorie de l’état d’esprit conscient et les ruses policières. Les menaces ou promesses, l’oppression et la théorie de l’état d’esprit conscient sont des éléments qui doivent être examinés globalement et ne doivent « pas être considéré[s] comme une enquête distincte, complètement dissociée du reste de la règle des confessions » (Oickle, par. 63). Par ailleurs, le recours par les « policiers [. . .] [à] des ruses » en vue d’obtenir une confession fait appel à « une analyse distincte [. . .] [qui] vise plus précisément à préserver l’intégrité du système de justice pénale » (par. 65).

13 En ce qui concerne les promesses, qui sont en cause dans le présent pourvoi, notre Cour a reconnu qu’il « n’est pas nécessaire qu[’elles] [. . .] visent directement le suspect pour avoir un effet coercitif » (Oickle, par. 51). Même si le juge Iacobucci a reconnu dans l’arrêt Oickle que l’existence d’une contrepartie est la « question la plus importante » lorsqu’il est allégué que des encouragements ont été offerts par une personne en situation d’autorité, il n’a pas conclu qu’elle est un facteur exclusif ou déterminant du caractère volontaire. Au contraire, le critère élaboré dans l’arrêt Oickle est « attentif aux particularités du suspect en cause » (par. 42) et son application « est, par nécessité, contextuelle » (par. 47). Qui plus est, dans l’arrêt Oickle, la Cour ne dit pas que toute offre de contrepartie faite par une personne en situation d’autorité, peu importe son importance, rend nécessairement involontaire la déclaration d’un accusé. Par exemple, le fait d’offrir une assistance psychiatrique ou psychologique, bien « qu’il s’agisse clairement d’un encouragement, [. . .] n’a pas autant de poids qu’une offre de clémence et il faut, dans un tel cas, tenir compte de l’ensemble des circonstances » (par. 50). Les encouragements « ne devien[nen]t inacceptable[s] que lorsque [. . .] — à eux seuls ou combinés à d’autres facteurs — [ils] sont importants au point de soulever un doute raisonnable quant à la question de savoir si on a subjugué la volonté du suspect » (par. 57).

14 Dans la mesure où il est possible d’affirmer qu’il existe en droit une distinction entre la « règle des confessions » dite traditionnelle établie par lord Sumner dans Ibrahim c. The King, [1914] A.C. 599 (C.P.), p. 609, et la décision de notre Cour dans Oickle, cette dernière doit prévaloir. J’estime cependant que la règle « stricte » élaborée par lord Sumner ne signifie pas que toute contrepartie rend automatiquement une déclaration involontaire. En fait, selon lord Sumner, pour qu’une déclaration soit admissible, elle ne doit pas avoir été [traduction] « obtenue de [l’accusé] par crainte d’un préjudice ou dans l’espoir d’un avantage ». Dans la décision subséquente Director of Public Prosecutions c. Ping Lin, [1976] A.C. 574 (H.L.), p. 595, lord Morris a soulevé la question suivante : [traduction] « l’accusé a‑t‑il été incité ou amené à faire une déclaration par suite d’une chose dite ou faite par une personne en situation d’autorité ».

15 Par conséquent, bien que la contrepartie constitue un facteur important pour établir l’existence d’une menace ou d’une promesse, c’est l’importance des encouragements offerts, eu égard à l’individu et à la situation dans laquelle il se trouve, qu’il faut prendre en considération dans l’analyse contextuelle globale du caractère volontaire de la déclaration de l’accusé.

La théorie de l’aveuglement volontaire

R. c. Sainte-Luce, 2009 QCCQ 5196 (CanLII)

[73] Je ne suis pas d'accord. La position de la poursuite est contraire à la jurisprudence sur la question de l'aveuglement volontaire. En effet, la poursuite me demande d'imputer à l'accusé la connaissance du contenu de ses bagages en appliquant un test objectif, et non, comme l'exige la jurisprudence, un test subjectif.

[74] Dans R. c Sansregret, la Cour suprême définissait ainsi l'aveuglement volontaire :

(…) l'insouciance volontaire se produit lorsqu'une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu'elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l'ignorance. (…) La culpabilité (…) dans le cas de l'ignorance volontaire (…) se justifie par la faute que commet l'accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu'il sait qu'il y a des motifs de le faire.

[75] Dans R. c. Hayes, où il s'agissait d'une affaire de possession de biens provenant de la commission d'une infraction à Loi sur les stupéfiants, l'honorable juge Proulx, de la Cour d'appel du Québec, écrivait:

L"ignorance" ou "l'aveuglement" volontaire (…) équivaut à une connaissance réelle dans la mesure où (1) l'inculpé a un soupçon quant à la provenance et (2) il refuse d'éliminer ce soupçon, préférant demeurer dans l'ignorance, se fermant les yeux.

[76] Dans R. c. Barbeau, critiquant les directives données au jury par le premier juge, l'honorable juge Rothman, également de la Cour d'appel du Québec, rappelait que la théorie de l'aveuglement volontaire nécessite l'application d'un test subjectif et non objectif:

In my respectful opinion, these instructions might easily have misled the jury into believing that they could infer appellant's knowledge of the conspiracy if they concluded that the circumstances were such that appellant should have known of the conspiracy but chose not to ask questions so that she would remain in the dark and not know. The test was not whether appellant "should" have known, or should "normally" have known from the suspicious circumstances that her husband was probably involved in a conspiracy to import cocaine. The question was whether the circumstances were such that she, herself, was, in fact suspicious that this was the case but deliberately refrained from making inquiries so that she could remain in ignorance as to the truth.

[77] Plus récemment, dans R. c. Smith, la Cour d'appel d'Ontario le rappelait aussi dans les termes suivants :

"Wilful blindness requires more than a failure to make inquiries where those inquiries could have been made and reasonably should have been made by the accused. Wilful blindness requires a finding that the accused, knowing he had reason to suspect that a certain state of affairs existed, deliberately declined to make the inquiries necessary to confirm that state of affairs preferring instead to remain ignorant of the true state of affairs. This is a subjective state of mind and justifies the imposition of criminal culpability."

[78] Or, rien dans la preuve n'établit, de près ou de loin, que l'accusé a eu, lui-même, des soupçons sur ce qu'il transportait, et que délibérément, malgré ces soupçons, il a préféré se fermer les yeux et choisi de rester dans l'ignorance.

[79] En fait, on peut reprocher à l'accusé d'avoir été négligent en laissant d'autres personnes préparer ses bagages et en ne s'assurant pas de leur contenu avant de prendre l'avion et de se diriger vers le Canada.

[80] On peut même soutenir que dans les mêmes circonstances, une personne raisonnable aurait eu des soupçons et qu'elle aurait vérifié le contenu de ses bagages.

[81] Mais cela n'est pas suffisant pour imputer à un accusé la connaissance du contenu de ses bagages, comme dans le cas présent. Il aurait fallu que la poursuite établisse que l'accusé Sainte-Luce, lui-même, a eu des soupçons, qu'il a réalisé que quelque chose ne tournait pas rond, que l'affaire était louche, qu'il était conscient qu'une enquête était nécessaire pour clarifier l'affaire, mais a qu'il délibérément choisi de se fermer les yeux, préférant l'ignorance à la vérité. Or, tel n'est pas le cas.

La défense d'automatisme

R. c. D.N., 2009 QCCQ 6964 (CanLII)

[34] Dans la Collection de droit 2008-2009, volume 12, l'automatisme est ainsi défini :

Le corps est là, il bouge, mais l'esprit n'y est pas. Le corps est dissocié de l'esprit, c'est pourquoi on parlera souvent d'un état de dissociation. L'exemple le plus facile à comprendre, comme nous l'avons déjà mentionné, est le somnambulisme, où la personne bouge, parle et est même parfois capable de comportements complexes durant une longue période de temps, mais dont l'esprit n'a aucun contrôle sur ce que le corps fait. (p. 186)

[35] Une telle défense impose à l'accusé une procédure ainsi décrite à la page 187 :

L'accusé qui désire soumettre au juge des faits une défense d'automatisme doit donc se conformer à une procédure en deux étapes. La première étape consiste à convaincre le juge du droit qu'il s'est acquitté de sa charge de présentation quant à l'aspect involontaire de l'acte qui lui est reproché. Cette charge de présentation consiste à convaincre le juge qu'il existe une preuve qui permettrait à un jury qui a reçu des directives appropriées de conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a agi invo-lontairement. L'accusé doit présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'experts d'un psychiatre ou d'un psychologue.

[36] L'auteure réfère à la décision rendue par la Cour suprême dans Stone, plus spécifiquement au paragraphe 187, dans lequel le juge Bastarache écrit :

Pour satisfaire à la charge de présentation ou d'établissement des fondements, une allégation de caractère involontaire appuyée d'une preuve psychiatrique est nécessaire dans tous les cas. Toutefois, cette charge exigera généralement plus qu'une allégation de caractère involontaire de la part de l'accusé, confirmée par une preuve d'expert que l'automatisme est plausible en supposant que les faits relatés à l'expert par l'accusé sont exacts et véridiques. […]

[37] La Cour d'appel dans l'affaire Boivin a eu l'occasion de revenir sur les règles lorsqu'une défense d'automatisme est présentée par l'accusé. Ainsi au paragraphe 21 :

Le droit présume que les gens agissent volontairement. Puisque la défense d'automatisme revient à prétendre qu'un acte n'était pas volontaire, c'est à l'accusé qui invoque cette défense qu'il incombe de repousser cette présomption du caractère volontaire de l'acte.

[38] Au paragraphe 23 :

Dans un premier temps, il est responsable d'une charge de présentation. À cette étape, l'accusé doit convaincre le juge du droit que la défense d'automatisme peut être soumise au juge des faits, en l'occurrence le jury.

[39] Finalement au paragraphe 24 :

L'accusé s'acquitte de cette charge de présentation s'il existe une preuve permettant à un jury ayant reçu des directives appropriées de trancher raisonnablement la question de l'automatisme. L'accusé doit présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'expert, d'un psychiatre ou d'un psychologue.

[40] Toutes les causes de jurisprudence soumises par les parties établissent clairement la nécessité de présenter une preuve d'expert pour étayer une défense d'automatisme.

[41] Dans la cause R. c. J.S., il s'agissait d'une accusation d'agression sexuelle et l'accusé plaidait l'automatisme, c'est-à-dire le somnambulisme. Le juge résume très bien au paragraphe 28, les tenants et aboutissants d'une telle défense :

Premièrement, la défense doit établir les fondements de l'automatisme en démontrant au juge du procès qu'il existe une preuve qui permettrait à un jury ayant reçu des directives appropriées de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l'accusé a agi involontairement. Pour ce faire, la défense devra présenter une allégation de caractère involontaire, confirmée par le témoignage d'un psychiatre et démontré [sic] d'autres facteurs pertinents tels : l'intensité de l'élément déclencheur, le témoignage corroborant d'observateurs; les antécédents médicaux corroborants d'états de dissociation apparentés à l'automatisme; la question de savoir s'il y a preuve de l'existence d'un mobile de crime et celle de savoir si la personne qui aurait déclenché l'état d'automatisme est également la victime de la violence qui en a résulté. Aucun facteur n'est déterminant à lui seul. Le juge du procès doit soupeser toute la preuve disponible dans chaque affaire.

[42] Plus récemment dans l'affaire Spence, se posait la question de la nécessité d'établir si la défense avançait réellement une défense d'automatisme. La poursuite affirmait que tel était le cas, alors que la défense avançait le doute sur l'actus reus et le fait accidentel lié au contexte.

[43] Au paragraphe 113, le juge écrit :

If the Crown fis correct, then this case has to be considered under the rubric of automatism as delineated by the Supreme Court of Canada in R. v. Stone 1999 CanLII 688 (S.C.C.), 1999 CanLII 688 (S.C.C), (1999) 134 C.C.C. (3d) 353. This would mean that the defendant would need to call medical evidence, and that both the evidentiary and the persuasive burdens would be on the defendant to rebut the presomption of volontariness, and establish involontary action on the balance of probabilities.

[44] La jurisprudence anglophone réfère à l'expression « sexsomnia », lorsqu'elle aborde une affaire d'agression sexuelle reliée à une défense d'automatisme.

[45] Au paragraphe 114 de la même affaire, le juge écrit :

The Crown relies upon the policy concerns enunciated in recent cases dealing with what legal and journalistic pundits have referred to as "sexsomnia" or sexual offences committed in a narcoleptic or somnambulistic state.

[46] Comme dans les deux causes citées, la présente affaire en est aussi une de sexsomnie et requiert de la part de la défense de satisfaire à son fardeau de présentation.

Protection accordée aux instituteurs et aux parents qui sont appelés à assumer la discipline à l'égard d'un élève ou d'un enfant

R. c. Chouinard, 2009 QCCQ 7603 (CanLII)

[27] Le 30 janvier 2004, dans l'affaire Canadian Foundation for Children, Youth and the Law, la Cour suprême du Canada rendait une importante décision visant à préciser les paramètres de la protection accordée par le législateur aux instituteurs et aux pères et mères et aux personnes qui les remplacent, et qui sont appelés à assumer la discipline à l'égard d'un élève ou d'un enfant.

[28] Récemment, notre Cour d'appel s'est aussi prononcée sur ce sujet dans l'affaire J.P. c. R

[29] La protection est accordée par l'article 43 à certaines personnes bien déterminées. Comme le mentionnait la juge McLachlin au nom de la majorité de la Cour suprême :

« L’article 43 détermine avec beaucoup de précision qui peut entrer dans la zone qu’il délimite. Les termes « instituteur » et « père ou mère » sont clairs. Les tribunaux ont statué que l’expression « toute personne qui remplace le père ou la mère » désigne quiconque prend en charge « toutes les obligations qui [. . .] incombent [au père et à la mère] ». Ces mots ne posent aucune difficulté. »

[30] Nous reviendrons plus loin sur cette question, le ministère public ayant soutenu que l'accusé ne peut entrer dans cette catégorie parce que les incidents surviennent au cours d'une activité parascolaire.

[31] Quelle conduite est visée par l'article 43?

[32] Selon la plus haute cour, la force ne doit être employée que dans le but de corriger ou d'éduquer. De plus, il doit s'agir d'une force raisonnable déterminée par les circonstances de l'intervention.

[33] Ce recours à la force doit toujours avoir pour objectif d'éduquer ou de discipliner un enfant, et ce, afin d'avoir sur ce dernier un effet bénéfique, ce qui signifie que l'enfant pourra en retirer une leçon ou un résultat positif.

[34] La force employée ne doit pas être susceptible de causer un préjudice ou de « susciter un risque raisonnable de préjudice » ni non plus de présenter un risque de causer des lésions corporelles.

[35] Et s'il y a absence d'un comportement ou d'une situation qui exige une intervention ou une correction, aucune force ne peut être utilisée pour intervenir auprès d'un enfant.

[36] Comme l'écrivait madame la juge en chef McLachlin sur la portée véritable de l'article 43 :

« Cependant, l’art. 43 garantit aussi que le droit criminel ne sera pas appliqué dans le cas où l’emploi de la force fait partie d’un effort véritable d’éduquer l’enfant, s’il ne présente aucun risque raisonnable de causer un préjudice qui ne soit pas purement transitoire et insignifiant et s’il est raisonnable dans les circonstances. L’intervention du droit criminel dans le milieu familial et scolaire des enfants, dans ces circonstances, leur causerait plus de tort que de bien. »

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le pouvoir d'amender un acte d'accusation ou une dénonciation expliqué par la Cour d'appel de l'Ontario

R. v. K.R., 2025 ONCA 330 Lien vers la décision [ 17 ]        The power to amend an indictment or information under  s. 601(2)  of the  Crim...