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vendredi 25 décembre 2009

Application de la règle sur la preuve circonstancielle

R. c. Therrien , 2008 QCCQ 9175 (CanLII)

[104] L'arrêt de principe en matière de preuve circonstancielle est la cause de R. c. Hodge, supra. Dans cette cause, le Baron Alderson a dicté la façon dont un juge doit instruier un jury quand la cause consiste uniquement d'une preuve circonstancielles:

"…the case was made up of circumstances entirely; and that, before they they could the prisoner guilty, they must be satisfied not only that those circustances were consistent with his having committed the actr, but they msut also be satsified that the facts were such as to be inconsistent with any other rational conclusion than that the prisoner was the guilty person."

[105] La règle ou le "test" énoncé par le Baron Alderson dans Hodge a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans l'arret Comba, 1938 CanLII 7 (S.C.C.), [1938) CanLII 7 (S.C.C) . Dans cette cause, le juge en chef Duff a adopté la formulation du Baron Alderson quant aux conclusions qu'un juge des faits peut tirer d'une preuve circonstancielle:

"It is admitted by the Crown, as the fact is, that the verdict rests solely upon a basis of circumstantial evidence. In such cases, the long settled rule of the common law, which is the rule of law in Canada, the jury, before finding a prisoner guilty upon such evidence, must be satisfied not only that the circumstances are consistent with a conclusion that the criminal act was committed by the accused, but also that the facts are such as to be inconsistent with any other rational conclusion than that the accused is the guilty person." (Mes soulignés)

[106] Dans la cause de R. c. McIver, [1965] 1 O.R., 306, 1, le juge McRuer, juge en chef de la Haute Cour d'Alberta, reprend le test de Hodge et ajoute que la décision du juge des faits doit être fondée sur les faits prouvés et non sur la spéculation:

"The rule in the Hodge's case makes it clear that the case is to be decided on the facts proved in evidence and the conclusions alternative to the guilt of the accused must be rational conclusions based on inferences drawn from proven facts. No conclusion can be a rational conclsuion that is not founded on evidence. Such a conclsuion would be a speculative, imaginative conclsuion, not a rational one."

[107] Les propos du juge McRuer furent adoptés par la Cour suprême dans les causes de R c. Wild, 1970 CanLII 148 (C.S.C.), [1971] R.C.S. 101, R. c. Paul, 1 R.C.S 181 et dans R. c. Bagshaw 1971 CanLII 13 (C.S.C.), [1972] R.C.S. 2.

[108] Ainsi, pour conclure à la culpabilité de l'accusé, il faut que la seule explication logique de la preuve circonstancielle soit que le défendeur ait commis le crime. Une déclaration de culpabilité fondée sur une preuve circonstancielle nécessite qu'un juge fasse certaines inférences au regard des faits prouvés. Les inférences devant toutes être logiquement tirées de la preuve et ne pouvant se réduire à de simples hypothèses, conjectures, suppositions ou soupçons. Il incombe au poursuivant d'établir que la culpabilité de l'accusé est la seule inférence logique qui puisse découler des faits prouvés. Si d'autres inférences peuvent résulter de la preuve, l'accusé doit être acquitté.

[109] La règle de Hodge ne change rien au principe de base qui est fondamental à notre droit criminel, à savoir que l'accusé doit être acquitté si la preuve donne ouverture à un doute raisonnable. En effet, dans la cause de R. c. Cooper, 1977 CanLII 11 (C.S.C.), (1978), 1 R.C.S. 860, la Cour suprême du Canada a décidé de ne pas maintenir l'obligation d'instruire le jury quant à la règle de Hodge. Il suffit pour le juge d'instruire le jury que l'accusé a droit au bénéfice du doute puisque la règle n'est qu'une illustration du principe du doute raisonnable.

[110] Revenons à la preuve circonstancielle dans notre cause. Est-ce qu'elle conduit l'esprit logique uniquement à la conclusion de culpabilité hors de tout doute raisonnable ou est-ce qu'elle est compatible avec une autre solution logique?

[113] La jurisprudence a clairement établi que fonder un doute raisonnable sur la spéculation constitue une erreur de droit. Le juge Chipman J.A. de la Cour d'appel de la Nouvelle Écosse, dans la cause de R.c. White Q.L. [1994] N.S.J. No 149 (N.S.C.A.), au para. 57 explique ce principe de droit:

"The cases establish that there is a distinction between conjecture and speculation on the one hand and rational conclusions from the whole of the evidence on the other. The failure to observe the distinction involves an error on a question of law. This court is therefore empowered and obliged to intervene when such error has occured."

[114] Les inférences qu'un juge peut tirer de la preuve circonstancielle doivent se fonder uniquement sur les éléments de preuve établis et non sur la spéculation. Le processus de tirer des inférences logiques de la preuve fut décrit par le juge Doherty J.A. dans la cause de R. v. Morrissey (1995), 97 C.C.C. (Ont. C.A.) de la façon suivante:

"A trier of fact may draw factual inferences from the evidence. The inferences must, however, be ones which can be reasonably and logically drawn from a fact or group of facts established by the evidence. An inference which does not flow logically and reasoably from established facts cannot be made and is condemned as conjecture and speculation."

[115] Si les faits primaires ne sont pas établis, les inférences tirées de ceux-ci ne seront que le produit de la spéculation ou de la conjecture. La décision du juge Lord Wright dans l'affaire de Caswell v. Powell Duffryn Associated Collieries Ltd. [1940] A.C. 152, à la page 169, est souvent citée comme autorité sur ce principe:

"Inference must be carefully distinguished from conjecture or speculation. There can be no inference unless there are objective facts from which to infer the other facts which it is sought to establish. In some cases the other facts can be inferred with as much practical certainty as if they had been actually observed. In other cases the inference does not go beyond probability. But if there are no positive proved facts from which the inference can be made, the method of inference fails and what is left is mere speculation or conjecture." (Mes soulignés)

[117] Dans les arrêts Tripp, Panko et Triessera, la preuve circonstancielle s’apprêtait à une solution logique autre que la culpabilité. Par exemple, dans lesdites causes, il y avait une preuve à l’effet que d’autres personnes avaient accès au disque dur. Il y avait également une preuve à l’effet que le matériel pornographique aurait pu être installé à distance par une tierce personne à l’insu de l’accusé. Dans la cause devant le Tribunal, la situation est toute autre: à la place de la preuve, la Défense propose de la spéculation. Comme nous l'avons déjà vu, un doute raisonnable ne peut se fonder sur la spéculation.

[119] En somme, la preuve circonstancielle dans cette cause est renforcée par l'improbabilité d'une coïncidence. En considérant les éléments nécessaires pour rendre plausible la thèse du coup monté (tel qu'énumérés plus haut), le Tribunal trouve tout à fait approprié l'expression anglaise suivante: «It's too much of a coincidence to be a coincidence.»

[123] Le ministère public a apporté une preuve complète qui mène uniquement à la conclusion de culpabilité. Il faut noter que devant cette preuve — qualifiée de complète par la Cour — l'accusé n'a pas offert de preuve ou d'explication pour justifier une conclusion contraire. Dans l'arrêt R. c. P (M.B), 1994 CanLII 125 (C.S.C.), [1994] 1 R.C.S. 555, le juge Lamer explique que «lorsqu'on présente une preuve complète qui, si digne de foi, entraînerait une déclaration de culpabilité, l'accusé ne peut plus demeurer passif dans le processus accusatoire et devient — dans un sens large — contraignable, c'est-à-dire que l'accusé doit répondre à la preuve présentée contre lui ou courir le risque d'être trouvé coupable».

[124] Dans notre cause, la seule déduction qui puisse être tirée des faits prouvés est la culpabilité de l'accusé. À l'encontre de cette preuve, il n'y avait que la spéculation et la conjecture. Devant une telle situation, il incombait à l'accusé de présenter une preuve capable de soulever un doute raisonnable. Dans l'arrêt R. v. To, Q.L. [1992] B.C.J. No. 1700, le juge McEachern de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans une cause de possession aux fins de trafic, après avoir cité trois arrêts, écrit ceci:

"In each of these cases, the Court drew inferences amounting to guilt because the highly suspicious facts permitted no other rational conclusion, and the accused either did not give evidence or was not believed so the rational inference was not rebutted.

Thus it seems to me, with respect that it is legitimate to infer knowledge from mere physical possession in proper circumstances which inference will be displaced if an explanation is offered which raises a reasonable doubt or if, as in Hess, other inferences consistent with innocence may be drawn from all the proven circumstances. It is this rational process which distinguishes inference from from conjecture. At the end of the case, of course, the Crown must prove the guilt of the accused beyond a reasonable doubt, but once this was done, on the circumstances of this case, the burden of adducing an explanation that raises a reasonable doubt, or of extracting reasonablt doubt from the evidence rested with the accused."

[125] Au risque d'être redondant, la preuve circonstancielle présentée par la Couronne était complète et conduisait l'esprit logique uniquement à un verdict de culpabilité. Dans son examen de la preuve, la Cour n'était pas capable d'extraire un élément de preuve sur lequel elle pouvait tirer une inférence compatible avec une autre solution logique. Dans une telle situation, il incombait à l'accusé de présenter une preuve susceptible de soulever un doute raisonnable. Mais au lieu de présenter une telle preuve, la Défense s'est repliée sur la spéculation et la conjecture.

[126] Tel que mentionné plus haut dans ce jugement, la Couronne n'est pas tenue de prouver l'inexistence d'un fait. De même, elle n'est pas obligée dans sa preuve de fermer la porte à toutes les conjectures ou hypothèses de la Défense. En droit criminel, le fardeau de la preuve imposé au ministère public est celui de convaincre hors de tout doute raisonnable. On n'exige pas une certitude mathématique quant à la culpabilité de l'accusé. Dans l'arrêt Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 350, le juge Cory écrit que les instructions sur le doute raisonnable données au jury devraient inclure (entre autres) l'enseignement suivant:

«…vous devez vous rappeler qu'il est virtuellement impossible de prouver quelque chose avec certitude absolue, et le ministère public n'est pas tenu de le faire. Une telle norme de preuve est impassiblement élevée. (Para. 39, in fine)»

[127] Dans l'arrêt To, supra, le juge McEachern exprime la même opinion à l'effet que le fardeau de la Poursuite n'est pas celui de prouver de façon absolue ou mathématique la culpabilité de l'accusé:

"It must be remembered that we are not expected to treat real life cases as a completely intellectual exercise where no conlusion can be reached if there is the slightest competing possibility. The criminal law requires a very high degree of proof, especially for inferences consistent with guilt, but it does not demand certainty. (page 7)"

[128] En somme, le fardeau de la Couronne ne consiste pas à éliminer toute conjecture ou spéculation proposée par la Défense. Pour trouver un accusé coupable, le juge de faits doit être convaincu de la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Demander au juge de faits de tirer des inférences fondées sur la spéculation, fera en sorte qu'une condamnation ne devrait être prononcée que si la preuve démontre la culpabilité de l'accusé de façon absolue ou mathématique. Or, le droit criminel n'exige pas un fardeau basé sur la certitude totale.

Possession selon l'article 4(3) du Code criminel (dans le cadre plus spécifique de l'infraction de possession de pornographie juvénile)

R. c. Therrien , 2008 QCCQ 9175 (CanLII)

[86] Ayant statué que l'accusé était le propriétaire de l'appareil cellulaire, est-ce que cela implique, nécessairement, qu'il doit être trouvé coupable de possession de pornographie juvénile? Au paragraphe 4 (3) du Code criminel, le terme "possession" est défini comme suit:

4(3) Pour l'application de la présente loi:

a) une personne est en possession d'une chose lorsqu'elle l'a en sa possession personnelle ou que, sciemment:

(i) ou bien elle l'a en sa possession ou garde réelle d'une autre personne,

(ii) ou bien elle l'a en un lieu qui lui appartient ou non ou qu'elle occupe ou

non, pour son propre usage ou avantage ou celui d'une autre personne.

[87] La référence en matière de toutes questions relatives à la possession est la cause de la Cour suprême de R. c. Beaver,1957 CanLII 14 (S.C.C.), [1957] R.C.S 531. Dans cette affaire, l'accusé et son frère furent arrêtés pour possession et pour vente illégale d'un narcotique à un agent double. Puisque l'objet illégal fut vendu par le frère de l'accusé, la poursuite contre ce dernier fut basée sur le concept de la complicité. En défense, l'accusé a plaidé qu'il ignorait la nature réelle de la substance vendue à l'agent double; en effet, il pensait que le paquet contenait du lait et du sucre. Sous la plume du juge Cartwright pour la majorité, la Cour a établi que la connaissance de l'existence et du caractère d'un objet, jumelée au fait d'avoir un certain contrôle sur celui-ci, est nécessaire pour établir la possession de cet objet. En somme, dans une cause où on reproche à un accusé une possession illégale, il incombe à la Poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable que celui-ci avait un contrôle et une connaissance de l'objet illicite.

[88] Les mêmes éléments de contrôle et de connaissance doivent être présents pour qu'un accusé soit trouvé coupable de possession de pornographie juvénile. Dans la cause de R. c. Tripp, [2007] N.B.J No.336, il s'agissait de photos de pornographie juvénile sauvegardées dans le disque dur d'un ordinateur. Au paragraphe 14 de ce jugement, le juge P.W. Arsenault écrit ceci:

«Comme le révèle la définition du terme "possession", et comme l'a indiqué le juge Reinhardt dans l'affaire R. c. Panko, [2006] O.J. No. 2208, au paragraphe 69, pour prouver la possession au sens du droit criminel les éléments suivants doivent exister:

a) la connaissance de la nature de matériel;

b) un certain contrôle sur le matériel.»

[89] Est-ce que la preuve circonstancielle dans notre cause prouve hors de tout doute raisonnable que l'accusé était en possession de pornographie juvénile le 22 octobre ? Plus particulièrement, est-ce que la preuve est concluante sur les éléments constitutifs du principe de possession au sens du Code criminel?

[90] À l'appui de ses prétentions que l'accusé n'avait pas la possession dans le sens du Code criminel, la Défense s'est appuyée sur les arrêts de R. c Tripp, supra, R. c. Treissera, [2006] B.C.J. No 1593, et R. c. Panko, supra. Dans ces trois arrêts, les accusés furent accusés de possession de pornographie juvénile par rapport à des images trouvées dans le disque dur de leur ordinateur. Les accusés dans chacune de ces causes furent acquittés, car la preuve circonstancielle n'était pas compatible uniquement avec une conclusion de culpabilité. Plus particulièrement, dans lesdites affaires il y avait une preuve substantielle pour appuyer la position que l'accusé n'avait pas la connaissance des fichiers inappropriés conservés dans son ordinateur.

[91] Dans Treissera, supra, le juge D.M. Smith de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique a noté plusieurs facteurs pour appuyer que la preuve ne concluait pas hors de tout doute raisonnable la connaissance du matériel pornographique. Pour n'en nommer que deux, il y avait une preuve que d'autres personnes avaient accès au disque dur de l'ordinateur et il y avait une preuve que les fichiers auraient pu être téléchargés à l'insu de l'accusé. À la fin de son jugement, le juge Smith résume la teneur de la preuve circonstancielle de la façon suivante:

"In short, the proven facts and circumstances do not rationally support a finding that the only reasonable inference to be drawn from the evidence is that of Mr. Treissera's guilt. Other reasonable inferences from the proven facts and circumstances raise a reasonable doubt that Mr. Treissera was the individual who was in possession of the prohibited material."

[92] Dans la cause de Tripp, supra, le juge Arsenault a noté les éléments de preuve pour appuyer la position de la défense à l'effet que la preuve circonstancielle ne concluait pas hors de tout doute raisonnable que l'accusé connaissait la nature du matériel prohibé:

«Le caractère raisonnable de l'inférence qu'on me demande de tirer, soit celle voulant que M. Tripp était nécessairement au courant de la présence des fichiers en question et qu'il avait un contrôle sur ces derniers, doit également être évalué à la lumière des autres éléments de preuve, comme le fait que n'importe qui pouvait facilement avoir accès aux fichiers, l'absence d'éléments de preuve relativement à la présence ou à l'absence de mots de passe pour accéder aux fichiers, l'absence d'éléments de preuve quant à l'existence de comptes de courrier électronique, ce qui aurait pu révéler qui utilisait probablement cet ordinateur, le fait que Julie Champman aurait aussi eu un accès égal à cet ordinateur, l'absence d'éléments de preuve directe démontrant que l'accusé avait déjà utilisé cet ordinateur. Ces circonstances militent toutes contre l'hypothèse voulant que la seule inférence raisonnable qui puisse être tirée de la preuve soit que l'accusé avait connaissance des images incriminées et avait un contrôle sur celles-ci. (para. 22)»

[93] Dans Panko, supra, on se retrouve également devant une situation de faits où la preuve circonstancielle s'apprêtait à une solution autre que la culpabilité. Essentiellement, on a fait valoir que le matériel prohibé aurait pu être téléchargé à distance par une tierce personne à l'insu de l'accusé. Tel que l'explique le juge Reinhardt au paragraphe 106 de sa décision:

"According to the evidence of the Crown witness, the technology of computers and the internet lead directly to another, innocent explanation, namely, the remote access to the computer, by others, not detectable or known to the computer user, in this case, Mr. Panko."

[94] En somme, dans les arrêts cités par la Défense, la preuve circonstancielle ne conduisait pas l'esprit logique uniquement à la seule et unique conclusion de culpabilité. En effet, la preuve, considérée dans son ensemble, était compatible avec une autre solution logique. Dans la présente cause, est-ce que la preuve circonstancielle s'apprête à une solution logique autre que la culpabilité hors de tout doute raisonnable de l'accusé?

mercredi 23 décembre 2009

Les éléments constitutifs de l'infraction de possession de biens criminellement obtenus

R. c. Cazzetta, 2003 CanLII 39827 (QC C.A.)

Lien vers la décision

[49] Pour faire la preuve du crime visé à l'article 354(1) C. cr., le ministère public doit prouver, hors de tout doute raisonnable, 1) la possession du bien, 2) le fait que ce bien provient de la perpétration d'un crime et 3) la connaissance qu'a l'accusé de la provenance illégale du bien (Hayes c. La Reine, 1995 CanLII 4945 (QC C.A.), [1996] R.J.Q. 1 (C.A.); Vachon c. La Reine, [2002] A.Q. (Quicklaw) No 5053 (C.A.Q.)).

dimanche 20 décembre 2009

Décisions relatives à la détermination de la peine en matière de négligence criminelle causant des lésions corporelles

R. c. Grégoire Jourdain, 2009 QCCQ 7577 (CanLII)

➢ R. c. Manjanatha, 1995 CanLII 3980 (SK C.A.), [1995] 8 W.W.R. 101 S.C.A. : L'accusé est un anesthésiste qui, pendant une opération, a quitté la salle opératoire sans explication pour faire un appel personnel. Pendant son absence, l'appareil d'anesthésie fonctionne mal. La victime subit des dommages irréversibles au cerveau et est dans un état végétatif. Plaidoyer de culpabilité, suspension de 6 mois pour son ordre professionnel, négligence extrême.
Emprisonnement de 6 mois.

➢ R. c. Andrzejewski, (1998) 110 B.C.A.C. 161 : L'accusé au moment des évènements est le gardien de la victime de 10 ans. Il tire délibérément un coup de feu sur une roche et le garçon est atteint à la tête par la balle après un ricochet sur la pierre. Blessures graves à la tête causant un handicap permanent. Plaidoyer de culpabilité, antécédents.
Emprisonnement de 18 mois.

➢ R. c. R.T., 2003 CanLII 49052 (QC C.Q.), [2004] R.J.Q. 749 (C.Q.) : L'accusé, pour donner une leçon à son fils, met le bras de celui-ci dans le poêle à bois. L'enfant, âgé de 26 mois, a été brûlé au bras et au ventre. Antécédents non pertinents, actes de violence contre sa conjointe pendant sa mise en liberté provisoire, 1er geste de violence à l'égard de l'enfant, aucune séquelle.
Emprisonnement de 8 mois, probation de 2 ans. Sursis refusé.

➢ R. c. Way, 2005 BCPC 318 (CanLII), 2005 BCPC 318 : L'accusé vivant avec des problèmes psychiatriques et psychologiques, consommateur de cocaïne et de marihuana, a tenté de se suicider et de tuer son fils en s'installant sur une voie ferrée. Le fils a été grièvement blessé. Remords, plaidoyer de culpabilité, recommandation commune de 6 ans, 8 mois de détention provisoire (X2).
Emprisonnement de 4 ans et 8 mois.

➢ R. c. Cripps, [2006] O.J. no 3434 S.C.J. : L'accusé âgé de 19 ans s'amuse à tirer du fusil à plomb sur une bouteille de bière placée sur une clôture dans sa cour arrière. La victime qui passe en voiture dans la rue achalandée qui longe la clôture reçoit un plomb dans un œil. Malgré de nombreuses opérations, sa vision de cet œil demeure limitée de façon permanente. Conséquences très prévisibles, absence d'antécédents, remords et rapport présentenciel très favorable.
Sentence suspendue, probation de 18 mois, 240 heures de travaux communautaires.

➢ R. c. E.D., 2007 QCCS 719 (CanLII), 2007 QCCS 719 : L'accusé cause des lésions sur 8% du corps de son fils de 2 ½ ans à la suite d'un incendie provoqué en chauffant des produits chimiques sur la cuisinière de la maison pour produire de l'ecstasy. Accusé doctorant en biologie moléculaire, sans antécédents, regrets.
Emprisonnement de 22 mois à purger dans la collectivité.

➢ R. c. Gattie, 2008 YKTC 69 (CanLII), 2008 YKTC 69 : Les coaccusés causent une explosion en jouant avec de la poudre à canon, ce qui occasionne des blessures à plusieurs personnes présentes. Remords, antécédents, recommandations de la communauté.
Sentence suspendue, probation, refus d'absolution conditionnelle.

Décisions relative à la détermination de la peine en matière de possession dans le but de trafic et trafic de phencyclidine

R. c. Grégoire Jourdain, 2009 QCCQ 7577 (CanLII)

➢ La Reine c. Pierre Fiset, AZ-86011210, 16 juin 1986, C.A.Q. : L'accusé plaide coupable d'avoir eu en sa possession 950 gr. de phencyclidine pour en faire le trafic; l'accusé ne consomme aucune drogue et a commis l'infraction dans le but de faire de l'argent; l'accusé est un étudiant universitaire qui n'a aucun dossier judiciaire. La Cour d'appel substitue une peine de 23 mois d'emprisonnement à l'amende imposée en première instance.

➢ Charette c. R., AZ-87011327, 1er septembre 1987, C.A.Q. : En relation avec de nombreux trafics impliquant des quantités importantes de phencyclidine, la Cour d'appel confirme des peines de 8 et 10 ans de pénitencier.

➢ Szoghy c. R., AZ-92011085, 3 décembre 1991, C.A.Q. : L'accusé possède 83.8 gr. de phencyclidine d'un degré moyen de pureté de 90% qu'il a fabriqués dans le laboratoire de l'Université qu'il utilise pour ses travaux de maîtrise; l'accusé est narcomane depuis 8 ans et a fabriqué cette drogue pour fins de consommation personnelle; il n'en a jamais vendue et n'est animé d'aucune intention de lucre. La Cour d'appel substitue une peine d'emprisonnement de 18 mois à la peine imposée de 3 ans.

➢ Jean Gourgues c. La Reine, AZ-92011856, 4 août 1992, C.A.Q. : L'accusé joue un rôle important dans la fabrication de phencyclidine et est impliqué dans le trafic de 391 gr. de cette drogue d'une pureté de 46 à 55%. La Cour d'appel confirme des peines de 8 et 10 ans de pénitencier.

➢ R. c. Dufresne, AZ-95031144, 1er février 1995, C.Q. : L'accusé âgé de 20 ans se livre au trafic de diverses drogues (dont la phencyclidine) en milieu scolaire; l'accusé est un consommateur de drogue et a un antécédent de vol lorsqu'il est mineur. Le tribunal impose une peine d'emprisonnement de 15 mois.

➢ Touch c. R., AZ-98011443, 5 mai 1998, C.A.Q. : En relation avec deux trafics impliquant 50 gr. et 1 kilo de phencyclidine, la Cour d'appel substitue une peine de 30 mois d'emprisonnement à celle de 4 ans. L'accusé maintenant âgé de 21 ans n'a aucun dossier criminel.

➢ R. c. Savard, 1998 Can LII 12888, 20 mai 1998, C.A.Q. : L'accusé plaide coupable à 3 chefs de complot et à 3 chefs de trafic de phencyclidine; l'accusé est un récidiviste qui a une dizaine d'antécédents reliés à la drogue; rien n'indique qu'il est un consommateur. La Cour d'appel confirme la peine de 63 mois de pénitencier.

➢ GRC c. Hamel, AZ-99031519, 29 juin 1999, C.Q. : L'accusé devait introduire 600 doses de phencyclidine dans un pénitencier; il a un antécédent de possession simple. Le tribunal impose une peine d'emprisonnement de 18 mois.

➢ R. c. Thériault, 2002 Can LII 5034, 27 septembre 2002, C.Q. : L'accusé a en sa possession des drogues diverses dont 54.22 gr. et 5 capsules de phencyclidine; âgé de 19 ans, l'accusé a été sentencé deux ans auparavant en matière de drogue alors qu'il était mineur; l'accusé est un consommateur de drogue depuis 3 ans. Prenant en considération la détention provisoire (1 mois), le tribunal impose une peine d'emprisonnement de 18 mois.

➢ R. c. Perron, 2008 QCCQ 155 (CanLII), 2008 QCCQ 155, 18 janvier 2008 : L'accusé plaide coupable à plusieurs infractions criminelles reliées à diverses drogues (dont 127.41 gr. et 16.6 gr. de phencyclidine) et à des bris de conditions d'engagement; l'accusé est un consommateur de drogue endetté auprès des milieux criminels; l'accusé a bénéficié d'une absolution inconditionnelle pour possession simple de drogue 18 mois auparavant. Le tribunal impose une peine de 20 mois dont sont soustraites les périodes de détention provisoire et de thérapie (non complétée).

➢ R. c. Richard Parisé, décision rendue verbalement le 14 juillet 2009, dans les dossiers no 650-01-013013-073 et no 650-01-013014-071 qui originent du district judiciaire de Mingan, C.Q. : L'accusé plaide coupable à 6 chefs d'accusation impliquant deux trafics d'une once chaque de phencyclidine à des agents d'infiltration, possession simple de 24.21 gr. de phencyclidine, de 5.13 gr. de cocaïne, de 2.51 gr. de cannabis, de 2.45 gr. de résine de cannabis et de possession de 2 couteaux à cran d'arrêt; l'accusé était un consommateur de drogue et en a cessé toute consommation; l'accusé a un antécédent de possession simple qui date de 17 ans; l'accusé travaille; le rapport présentenciel est favorable à un emprisonnement dans la communauté. Le tribunal impose une peine globale de deux ans moins un jour que l'accusé doit purger dans la communauté.

samedi 19 décembre 2009

Les critères qui permettent une nouvelle preuve en appel

Sauvé c. R. / 2009 QCCA 2446 / No : 200-10-002078-074 (170-01-000302-066) (170-01-000303-064) (170-01-000333-061) DATE : 15 décembre 2009

[20] Les critères qui permettent une nouvelle preuve ont été définis dans Palmer c. R et repris régulièrement par la Cour suprême depuis :

(1) On ne devrait pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles.

(2) La déposition doit être pertinente, en ce sens qu'elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

(3) La déposition doit être plausible, en ce sens qu'on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

(4) elle doit être telle que si l'on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu'avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

mercredi 16 décembre 2009

La demande d'exclure certains antécédents judiciaires en contre-interrogatoire

Michaud c. R. 2009 QCCA 2370 N° : 500-10-003832-076 (705-01-042630-055) DATE : 10 décembre 2009

[56] Dans l’arrêt Trudel c. R., [1994] R.J.Q. 678 (C.A.), M. Trudel était accusé de meurtre au premier degré et il avait été trouvé coupable de meurtre au deuxième degré. Le juge de première instance avait permis l'usage en preuve d'une condamnation de menaces de mort ayant eu lieu cinq ans auparavant, infraction commise dans le contexte d'un emploi qu'on lui avait refusé. Notre collègue, le juge Brossard, après avoir analysé les facteurs à prendre en compte par un juge du procès, écrit à la page 683 :

[…] J'ai également beaucoup de difficulté à voir la connexité de fait entre une menace de mort faite à un tiers, autre que la victime en l'instance, cinq ans auparavant, et la nature du meurtre pour lequel l'appelant subissait son procès. Cependant, la seule similitude résultant du rapprochement possible dans l'esprit d'un jury entre « menace de mort » et « commission de meurtre » était évidemment de nature à causer un préjudice énorme en inspirant l'idée que l'appelant était un individu de nature violente ou de nature impulsive susceptible de faire appel à la violence pour régler ses problèmes, qu'il s'agisse de violence verbale ou physique.

[57] Il est certain que, dans l'exercice de sa discrétion judiciaire d'exclure l'usage de condamnations antérieures lors du contre-interrogatoire, le juge doit s'assurer que les antécédents judiciaires ne servent pas de preuve de propension et il doit prendre en compte le préjudice qui pourrait résulter d'un mauvais usage d'une telle preuve. Toutefois, il s'agit d'un exercice de pondération où l'analyse du contexte du dossier est déterminante.

[58] Dans l'arrêt R. c. Atouani, [2002] J.Q. no 5081, permission d'appeler à la Cour suprême refusée à [2003] 2 R.C.S. v, notre Cour a réitéré que l'exercice doit se faire en tenant compte des droits de l'accusé, mais aussi en s'assurant de maintenir un équilibre entre ces droits et le risque « que le jury obtienne une vision tronquée de la réalité ». L'accusé avait demandé au juge d'exclure des condamnations de tentative de meurtre et d'avoir proféré des menaces alors qu'il subissait un procès pour meurtre, ce qui lui a été refusé. Le juge Proulx, qui rend jugement pour la Cour, rejette ce moyen d'appel. Il écrit :

[12] Depuis l'arrêt R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670 , on reconnaît au tribunal une discrétion pour écarter d'un contre-interrogatoire sur les antécédents judiciaires de l'accusé selon l'art. 12 de la Loi sur la preuve au Canada la preuve des antécédents dans les cas exceptionnels où serait compromis le droit d'un inculpé à un procès équitable. Dans Corbett, la Cour a indiqué les facteurs qui justifient exceptionnellement l'exclusion et doivent être pondérés par le souci de maintenir l'équilibre entre les droits de l'inculpé et le risque que le jury obtienne une vision tronquée de la réalité, ou encore, entre le préjudice et la valeur probante : c'est dans ce cadre que doit s'exercer la discrétion judiciaire. Selon le juge en chef Dickson, rédacteur de l'opinion majoritaire dans Corbett, on aurait bien tort de trop insister sur le risque que le jury puisse faire mauvais usage de cette preuve, compte tenu de la mise en garde formelle que doit recevoir le jury à cet égard : «We should regard with grave suspicion arguments which assert that depriving the jury of all relevant information is preferable to giving them everything, with a careful explanation as to any limitations on the use to which they may put that information» (p. 692).

[13] Cela dit, reste à déterminer le cas où les circonstances exceptionnelles justifieront l'exclusion. Dans Corbett, une affaire de meurtre reliée au décès de l'un des associés de l'inculpé dans un trafic de stupéfiants, la défense avait attaqué en force la crédibilité des témoins à charge, des criminels endurcis : la majorité des juges a conclu qu'en expurgeant le casier judiciaire pour faire abstraction d'un antécédent de meurtre commis dix ans auparavant, dans un cas où la crédibilité se situait au cœur du litige, le jury aurait été induit en erreur pour apprécier cette question cruciale.

[14] C'est dans le même sens qu'a conclu la Cour suprême dans R. c. Charland, [1997] 3 R.C.S. 1006 , confirmant R. c. Charland (1996), 110 C.C.C. (3d) 300 (C.A. Alb.), la Cour d'appel d'Ontario dans R. c. Saroya, [1994] 36 C.R. (4th) 253; notre Cour, dans R. c. Mantha, [2001] J.Q. no 1712 (C.A.).

[59] Plus récemment, mon collègue, le juge Doyon, rappelait dans l'arrêt R. c. Tremblay (2006), 209 C.C.C. (3d) 212 (C.A. Qué.), au paragr. 22, que la limitation à la divulgation ou à l'usage en contre-interrogatoire des antécédents judiciaires constitue l'exception et non la règle.

[60] En l'occurrence, non seulement la crédibilité était au cœur du litige, mais il s'agissait d'une question cruciale. Le jury devait apprécier la preuve où les aveux de l'appelant étaient niés par ce dernier ou admis avec la réserve qu'il s'agissait d'informations relatives au meurtre que lui avait avoué M. Lapointe le lendemain de l'incident. Il niait toute participation au crime. Comment le jury aurait-il pu apprécier cette question en ayant une vision tronquée ou à tout le moins bien inégale entre les deux protagonistes, soit le témoignage de M. Lapointe et celui de l'appelant?

[61] Je suis d'avis que l'appelant n'a pas démontré qu'il s'agissait d'un exercice erroné du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance.

[62] En terminant je crois utile de reproduire la directive donnée par le juge aux jurés à cet égard :

Au chapitre du casier judiciaire, une personne peut avoir un casier judiciaire parce que dans le passé elle a été trouvée coupable d'actes criminels. Ce n'est pas une raison en soi pour douter de sa crédibilité, mais c'est un élément dont vous pouvez tenir compte en évaluant son témoignage. Celui qui a un casier judiciaire ne ment pas nécessairement. C'est un facteur que vous pouvez prendre en considération.

Concernant les antécédents judiciaires de l'accusé, j'ai permis que soient présentés en preuve les antécédents judiciaires de monsieur Michaud. Vous devez considérer cette preuve comme admissible, puisque je l'ai permise, puisque j'ai permis qu'elle soit présentée devant vous. Cependant, vous ne pourrez pas vous servir de cette preuve en vous fondant sur l'équation suivante : comme l'accusé, Alain Michaud, a été reconnu coupable de ces infractions dans le passé, il est donc susceptible d'avoir commis les infractions qu'on lui reproche dans le présent dossier. Vous comprenez que ce ne serait pas logique et que ce serait injuste envers l'accusé. Ce n'est pas parce qu'on a déjà été trouvé coupable de certains crimes qu'on est nécessairement coupable des crimes pour lesquels on subit un procès présentement.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

De simples mots ne constituent pas un voies de fait & la nécessité de prouver le caractère intentionnel de l'usage de la force permet une défense d'accident ou d'erreur de consentement honnête mais erroné

R. v. Dawydiuk, 2010 BCCA 162 Lien vers la décision [ 29 ]             Under s. 265 (1)(a) of the  Criminal Code , a person commits an assau...