Rechercher sur ce blogue

samedi 2 janvier 2010

Facultés affaiblies par la drogue - individu qui a volontairement consommé des médicaments qui lui ont été prescrits par un médecin

R. c. Jean D. Charest, 2006 NBCP 10 (CanLII)

1. LE JUGE LEBLANC : — Le Code criminel interdit à tout individu de conduire un véhicule à moteur lorsque sa capacité de conduire un véhicule à moteur est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue. La Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Stellato 1994 CanLII 94 (C.S.C.), [1994] 2 R.C.S. 478 précise qu’il n’incombe pas à la poursuite d’établir par sa preuve qu’il existait chez le conducteur un degré d’intoxication constituant un écart marqué par rapport à un comportement normal. Il suffit de démontrer au-delà d’un doute raisonnable que sa capacité de conduire était affaiblie soit par l’alcool ou d’une drogue, peu importe le degré d’intoxication. Il ne suffit pas cependant de prouver que la capacité de conduire est affaiblie. La poursuite doit démontrer que l’affaiblissement est attribuable à la consommation volontaire de l’alcool ou d’une drogue, ou les deux. : R. c. Jobin (2002) J.Q. No 575 (C.A.Q.)

2. Dans cette affaire, il s’agit d’appliquer ces principes dans le contexte d’un individu qui a volontairement consommé des médicaments qui lui ont été prescrits par un médecin.

34. Selon l’arrêt R. c. Stellato supra, il ne s’agit pas de prouver que le conducteur démontrait un degré d’intoxication constituant un écart marqué par rapport à un comportement normal. Il suffit de démontrer au-delà d’un doute raisonnable que sa capacité de conduire était affaiblie peu importe à quel degré. Je n’ai pas de doute que la capacité de M. Charest d’opérer un véhicule à moteur était affaiblie selon le standard établit par l’arrêt Stellato.

35. Évidemment il ne suffit pas de prouver que la capacité de conduire était affaiblie. Conduire avec les facultés affaiblies n’est pas une infraction criminelle au Canada. Si c’était le cas, tous les automobilistes qui chauffent lorsque leurs capacités sont affaiblies par la fatigue ou pour autre raison seraient coupables de cette infraction. Ce n’est pas le cas. La poursuite doit prouver non seulement que la capacité de M. Charest était affaiblie, mais que cette capacité était affaiblie par la drogue. Est-ce que la poursuite a rencontrée ce fardeau ici ?

37. Pour qu’il y ait condamnation sous le paragraphe 253(a) du Code criminel pour conduite en état d’ébriété, la poursuite doit établir que l’état d’ébriété était causé soit par l’alcool, la drogue ou d’une combinaison des deux. Nous savons que son état d’ébriété n’était pas causé par l’alcool. A-t’il donc consommé de la drogue? Il a consommé de la Nitrazepam et de la Trazodone à une heure du matin et de la Vilafaxine à huit heures du matin. Je n’ai pas de preuve que l’accusé a consommé, avant son interpellation par la police, aucune autre substance qui pourrait constituer une drogue.

38. Est-ce que le Nitrazepam, le Trazodone ou la Vilafaxine sont de la drogue? Que constitue une drogue au sens de l’article 253(a) du Code criminel?

39. J’appuie et j’applique la décision de la Reine c. Marionchuk (1978) 4 C.R. (3d) 178, une décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan, qui définit ce qui constitue une drogue comme suit :

“I think it can be said that the purpose of Parliament in enacting the offence of impairment was to prevent a person from driving or having the care or control of a motor vehicle while his faculties were impaired. The gravamen of the offence is the impairment and not the consumption of alcohol or drugs. While to constitute an offence under s. 234 the impairment has to be by alcohol or drugs, I do not think Parliament intended the offence of impairment to be restricted by giving to the word “drug” a narrow or technical meaning. I think Parliament intended the word “drug” to be understood as to include any substance other than alcohol or food which would bring about impairment as contemplated by s. 234 of the Criminal Code.

In my respectful view, the intention of Parliament can be achieved by giving to the word “drug” a broad and reasonable meaning. I am satisfied that this can properly be done by construing drug, not only in a medicinal sense, but as any substance or chemical agent the consumption of which will bring about impairment as contemplated by s. 234.”

40. La preuve doit donc me satisfaire que la Nitrazepam, la Trazodone ou la Vilafaxine, les produits consommés par M. Charest, contiennent des substances ou des produits chimiques qui pourraient produire un état d’ébriété chez lui.

41. Je ne peux pas prendre connaissance judiciaire de la composition chimique des médicaments. Je ne peux pas non plus prendre connaissance judiciaire de l’effet de certains médicaments sur le comportement d’un individu. Je cite l’arrêt R. c. Kurgan (1987) 2 M.V.R. (2d) 79 :

“In my view, the nature of valium does not fall within the realm of ‘common knowledge’ or ‘experience’ so as to justify the Court taking judicial notice of its properties and effects on the human body. Where the liberty of the subject is at stake, the Court must not speculate. No evidentiary foundation exists here for making any such finding. Absent expert testimony and given the presence of other factors that could account for the aberrant driving of the respondent, the Court is left with reasonable doubt that the ingestion of valium caused the impairment.”

42. Dans R. c. Hollahan 7 C.R.N.S. 307 le juge a refusé de prendre connaissance judiciaire de l’effet des capsules de Contact C.

43. Je ne peux pas non plus de ma propre initiative consulter des textes scientifiques ou autres études qui n’ont pas été mis en preuve afin de prendre connaissance des effets physiologiques de certains médicaments : R. c. Desaulniers 1994 CanLII 5909 (QC C.A.), (1994) 93 C.C.C. (3d) 371 (C.A.Q.)

44. Alors dans la cause en l’espèce, quelle preuve puis-je consulter afin de conclure que les produits consommés par M. Charest contenaient des substances ou des produits chimiques qui ont produit un état d’ébriété chez lui?

45. Aucune preuve scientifique n’a été présentée à cet effet. Comme mentionnée, je ne peux pas prendre connaissance judiciaire des effets physiologiques de ces produits. Cette preuve peut provenir de l’accusé lui-même. Par exemple, dans l’arrêt R. c. Rosskoph (1995) M.J. No 90, une décision de la Cour provinciale du Manitoba, l’accusé avait dit au gendarme qui l’avait interpellé en raison de sa conduite erratique qu’il n’avait pas consommé de l’alcool, mais de la codéine. Il a précisé qu’il avait mâché du Tylenol avec codéine toute la journée en raison d’un mal aux dents, et qu’il savait qu’il ne devait pas conduire. Or là, même en l’absence d’une preuve scientifique ou d’un témoignage de la part de l’accusé, le juge a pu conclure sa culpabilité par ses aveux au policier. Plus précisément, ces aveux étaient à l’effet qu’il avait consommé de la codéine, que la codéine était responsable pour sa conduite erratique et qu’il savait que la codéine a eu comme conséquence cette conduite erratique.

46. Je suis d’accord avec les principes cités dans Rosskoph que je peux examiner dans la cause en l’espèce toute preuve pertinente et admissible qui touche soit la consommation des drogues par l’accusé, l’effet de cette consommation sur sa capacité de conduire, et sa connaissance subjective dans le but de décider si sa capacité de conduire était affaiblie par la drogue.

49. L’accusé a aussi fait l’aveu qu’il avait consommé deux pilules de Vilafaxine, une de 75 mg, et une de 150 mg, en même temps, à huit heures du matin, pour l’aider à relaxer. Cette bouteille affichait un avertissement d’être prudent en conduisant un véhicule. Sur cette preuve je peux conclure que la Vilafaxine est une « drogue » puisqu’elle résulte dans un état de relaxation. Un médicament qui peut relaxer un individu en est un, à mon avis, qui pourrait résulter dans un état d’ébriété. Un état avancé de relaxation peut nuire à la capacité de conduire un véhicule à moteur, et par conséquent la Vilafaxine est une « drogue » selon le sens du mot utilisé dans le paragraphe 253(a) du Code criminel.

50. L’avocat de la défense argumente que je ne peux pas conclure que la consommation de médicaments en soi permet de tirer la conclusion que ses facultés étaient affaiblies par ces drogues. Je suis d’accord. Si la seule et unique preuve était à l’effet que l’accusé avait consommé la Vilafaxine à huit heures du matin, je ne pourrais pas conclure que cette consommation a résulté en l’état d’ébriété de l’accusé. Ce n’est pas la situation ici. Son aveu d’avoir consommé de la Vilafaxine pour relaxer, couplé avec l’avis d’être prudent en conduisant un véhicule à moteur affiché par une étiquette rouge sur la bouteille me permet de tirer certaines conclusions. J’arrive ainsi à la conclusion que la Vilafaxine est une drogue qui peut affaiblir la capacité de conduire un véhicule.

52. Encore une fois, aucune preuve scientifique n’a été présentée au sujet de la Vilafaxine. Il faut aussi remarquer que l’accusé n’a pas fait aucun aveu à l’effet que sa conduite affaiblie fut causée par sa consommation de Vilafaxine.

53. Nonobstant, à mon avis, la preuve présentée lors du procès me permet de conclure que l’affaiblissement de la capacité de M. Charest de conduire un véhicule à moteur était causé par sa consommation de la drogue Vilafaxine. Après tout, sa capacité était affaiblie. Les indices d’intoxication étaient évidents. Cette incapacité était causée par quelque chose. Je réalise qu’il devait être fatigué en raison de l’absence de sommeil, ayant dormi seulement 3 heures et demie sur les huit heures qu’il était couché. J’ai considéré la fatigue comme explication de son incapacité, mais je l’ai rejeté en raison du fait que la fatigue seule n’explique pas plusieurs des indices d’intoxication qu’il démontrait. Je note par exemple les résultats des tests symptomatiques. Alors qu’il était en état d’arrestation, dans un poste de police, et questionné sur sa consommation de médicaments, il ne peut pas réussir à passer ces tests. Il devait être bien réveillé durant ce temps. La fatigue n’explique pas son incapacité de réussir ces simples tests symptomatiques. Aussi, à sa sortie du garage, lorsque son véhicule est arrêté par la police, il oublie de mettre sa transmission en position de stationnement. Il venait de sortir du garage. Il ne devait pas être endormi durant ce temps. La simple fatigue n’explique pas cette erreur.

54. Je mentionne ici qu’en décidant si la capacité de l’accusé à conduire un véhicule à moteur était affaiblie par la drogue, je n’ai accordé aucun poids à l’opinion exprimé par les deux agents de la paix à cet effet. C’est une opinion de leur part. Ils ont tiré cette conclusion au garage Irving. C’est là qu’ils ont tous deux constaté que la capacité de M. Charest était affaiblie, et qu’il n’y avait pas une senteur de boisson qui provenait de son haleine. Ils sont arrivés à leurs conclusions après avoir pris connaissance de l’existence des médicaments récupérés dans le véhicule qu’il chauffait. À mon avis, cette conclusion de leur part était prématurée. Ayant exclu l’alcool et ayant trouvé le sac de médicaments, ils ont conclu que le comportement de M. Charest s’expliquait par l’intoxication causée par les médicaments prescrits. À mon avis, ces preuves soutiennent objectivement une croyance subjective de la part des agents de la paix dans l’existence de motifs raisonnables et probables de croire que M. Charest conduisait un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies par une drogue prescrite. Cependant, je ne tiens pas compte de cette preuve en support de l’inférence que la drogue a occasionné son incapacité. En d’autres mots, au moment où les agents sont venus à la conclusion que M. Charest était en état d’ébriété en raison de la drogue prescrite, les agents ne savaient pas si M. Charest avait en effet consommé ces médicaments et ignoraient si ces médicaments avaient affecté sa façon de conduire un véhicule.

55. J’ai donc arrivé à la conclusion que la capacité de M. Charest de conduire un véhicule à moteur était affaiblie par sa consommation volontaire de la drogue Vilafaxine. Cela établit la mens rea de l’infraction prévue par le paragraphe 253(a) du Code criminel : voir la R. c. King 1962 CanLII 16 (S.C.C.), [1962] S.C.R. 746 et l’arrêt R. c. Murray reflex, (1985) 22 C.C.C. (3d) 502 où le juge Lacourcière de la Cour d’appel de l’Ontario dit à la page 504 et 505 le suivant :

“We are all agreed that the respondent’s acquittal was based on a misconception of the requisite mens rea to support a charge of impaired driving. We agree with counsel for the appellant that the necessary mens rea was established once it was shown that the respondent had voluntarily consumed a sedative drug which he knew might impair his ability to drive a motor vehicle: see R. v. King (1962) 133 C.C.C. 1… and R. v. MacCannell (1980), 54 C.C.C. (2D) 188, 6 M.V.R. 19.

…We are all of the view that proof of the respondent’s voluntary consumption of the drug supplied the necessary mens rea and that it was unnecessary for the Crown to prove, in addition, that the respondent knew that he would be impaired at the relevant time.”

56. Finalement sur ce point, l’avocat de M. Charest argumente qu’il n’y a pas de preuve que la consommation des médicaments par M. Charest n’était pas conforme à sa posologie, que vouloir relaxer au volant ne veut pas dire qu’il voulait dormir au volant. Je suis d’accord, mais j’ajoute cependant que si la capacité d’un individu de conduire un véhicule à moteur est affaiblie par la consommation des médicaments, il risque être condamné d’une infraction visée à l’article 253 s’il prend cette drogue volontairement sachant que ses facultés seront ainsi affaiblies, peu importe la posologie. Une personne ne peut pas s’esquiver d’une condamnation de conduite avec facultés affaiblies par la consommation de drogue tout simplement en suivant la posologie pour ce médicament. Si la posologie crée une incapacité qui rend un individu inhabile de conduire une auto au point que sa capacité de conduire est affaiblie, il ne peut pas s’en sortir seulement par le commentaire qu’il a suivi la posologie.

La jurisprudence tient compte de la maladie grave pour réduire la peine d'emprisonnement

R. c. Drouin, 2009 QCCQ 2475 (CanLII)

[19] Concernant la maladie de l'accusé, en plus du rapport médical, l'accusé a témoigné à l'effet que le diagnostic de cancer du poumon a été posé le 25 décembre 2006, que les médecins prévoyaient une espérance de vie de deux ans. Récemment, il a commencé à cracher du sang suite à de la toux lorsqu'il se lève. Selon ses médecins, il n'en a pas longtemps à vivre. Il ne peut pas faire plus de 15 à 20 minutes de travaux légers.

[20] Le principe de l'individualisation de la sentence fait en sorte que le Tribunal doit tenir compte de la maladie de monsieur Drouin, soit un cancer du poumon en phase terminale. C'est certain qu'en prison, il pourra recevoir des soins. Par contre, son médecin croit que le contrôle des symptômes pourrait être problématique et être compromis. Il devra cohabiter avec un ou deux codétenus à cause de la surpopulation des prisons. Aussi, il ne pourra pas profiter des bons soins et du réconfort de sa conjointe et de ses enfants dans les derniers moments de sa vie si la sentence prévoyait une peine d'emprisonnement longue. Cet élément devient un facteur important.

[21] Le Tribunal note que de la jurisprudence tient compte de la maladie grave pour réduire la peine d'emprisonnement. À titre d'exemple, le juge Guy Tremblay de cette Cour dans la décision R. c. Brassard, a sentencé un accusé de 73 ans aux prises avec deux cancers dont les chances de vies pour 5 ans étaient de 45 pour cent, à une peine d'emprisonnement de 8 mois au lieu d'une peine d'emprisonnement de 5 à 3 ans qu'il préconisait pour les quatre infractions de conduite avec facultés affaiblies causant la mort et des lésions corporelles à d'autres victimes. Dans un autre dossier, le juge Biron de la Cour d'appel, dans l'arrêt Colas c. R., a mentionné qu'il n'ignorait pas que l'appelant souffre d'un cancer mais si on nous avait représenté qu'il était en phase terminale, ma conclusion aurait été différente. Le juge avait constaté des témoignages que le cancer était en rémission.

[22] L'auteur Gilles Renaud dans son livre intitulé Principes de la détermination de la peine, présente la piètre santé du délinquant comme une circonstance atténuante et mentionne :

« Si un contrevenant souffre déjà au niveau de la santé, il n'est pas nécessaire pour le tribunal d'imposer la même peine que dans le cas d'une personne qui se porte bien afin de «punir» le geste. Ainsi, la personne qui va éprouver beaucoup de difficultés dans le milieu carcéral en raison de sa piètre santé reçoit parfois une peine plus clémente. »

Les infractions commises au profit d'une organisation criminelle

R. c. Barrais, 2009 QCCQ 2664 (CanLII)

[60] Pour que l'accusé soit déclaré coupable d'une telle infraction, la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable l'élément intentionnel autant pour l'infraction d'origine que pour celle prévue à l'article 467.12.

[61] Dans R. v. Lindsay, [2004] O.J. no 845, madame la juge Fuerst, de la Cour supérieure de l'Ontario, écrit :

« I agree with the applicants that s. 467.12 is an offence that carries significant stigma on conviction, and at least the prospect of a substantial penalty. I am unable to agree that it imposes liability on an accused who has less than a subjective mens rea. In order to convict an accused under this provision, the Crown must prove that he/she had the requisite mens rea for the particular predicate offence involved, and that the accused acted for the benefit of, at the direction of, or in association with a criminal organization. The Crown takes the position, and I agree, that there is an implicit requirement that the accused committed the predicate offence with the intent to do so for the benefit of, at the direction of, or in association with a group he/she knew had the composition of a criminal organization, although the accused need not have known the identities of those in the group. »

Le droit relatif à l'infraction de complot

R. c. Barrais, 2009 QCCQ 2664 (CanLII)

[55] Le complot est une entente conclue entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre un acte illégal ou d'accomplir un acte légal par des moyens illégaux; R. c. O'Brien, 1954 CanLII 42 (S.C.C.), [1954] R.C.S. 666, États-Unis d'Amérique c. Dynar, 1997 CanLII 359 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 462.

[56] Dans Papalia c. La Reine, 1979 CanLII 38 (C.S.C.), [1979] 2 R.C.S. 256, monsieur le juge Dixon écrit à la page 276 :

« … L'entente à laquelle parviennent les conspirateurs peut envisager plusieurs actes ou infractions. Le nombre de participants n'est pas limité. De nouvelles personnes peuvent se joindre au projet en cours alors que d'autres peuvent l'abandonner. Aussi longtemps qu'il existe un plan général ininterrompu, des changements peuvent intervenir quant aux méthodes, aux conspirateurs ou aux victimes, sans que le complot prenne fin. »

[57] Pour décider si un accusé est coupable de complot, le Tribunal peut appliquer une exception à la règle interdisant le ouï-dire et considérer la preuve des actes posés et des déclarations faites par les coconspirateurs. Dans R. c. Tremblay, 1995 CanLII 4687 (QC C.A.), [1995] R.J.Q. 2077, madame la juge Rousseau-Houle résume ainsi, les conditions préalables à l'application de cette exception à la règle :

74 « Il ressort particulièrement des arrêts R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S. 938 et R. c. Barrow, 1987 CanLII 11 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 694, que la recevabilité de la déclaration d'une personne poursuivant avec l'accusé une fin commune est subordonnée à une analyse de la preuve comportant trois étapes :

1. Le juge des faits doit d'abord être convaincu, hors de tout doute raisonnable, que le complot imputé a effectivement existé.

2. S'il est constaté que le complot imputé a existé, le juge des faits doit alors examiner tous les éléments de preuve, directement admissibles contre l'accusé, puis décider si, selon la prépondérance des probabilités, il a participé au complot.

3. Si le juge des faits conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l'accusé a participé au complot, il doit alors aller plus loin et décider si le ministère public a établi l'existence de cette participation hors de tout doute raisonnable. Ce n'est qu'à ce dernier stade que le juge des faits peut appliquer l'exception à la règle du ouï-dire et considérer les éléments de preuve relatifs à des actes et déclarations d'autres parties au complot, dans la poursuite de l'objet du complot, comme des éléments de preuve jouant contre l'accusé quant à la question de sa culpabilité. »

L'impact de l'âge et l'état de santé de l'accusé dans le cadre de la détermination de la peine

R. c. Tremblay // 2009 QCCQ 2376 // N°: 160-01-000114-082 - 160-01-000115-089 // DATE : 23 mars 2009

[31] a) L'état de santé: aucune preuve médicale n'a été déposée sur sentence, mais l'accusé n'a pas l'apparence d'un homme très malade.

[32] La Cour d'appel du Québec, dans la cause de R. c. D.B. 2008 Q.C.C.A. 798 a écrit ce qui suit:

«[21] La cour a déjà rendu plusieurs arrêts sur l'impact que peut avoir la santé de l'accusé sur la peine. Cette jurisprudence, comme d'ailleurs celles des autres provinces canadiennes, est à l'effet que le mauvais état de santé de l'accusé ne constitue pas en soi un facteur décisif, sauf circonstances exceptionnelles.

[22] Dans Savard c. La Reine, notre Cour a permis que la peine d'emprisonnement soit purgée dans la communauté parce que l'appelant était atteint d'un cancer incurable et que son décès était imminent.

[23] Dans Grégory c. La Reine, la cour a permis à l'intimé qui avait contracté le virus du sida et dont la mort était imminente de purger se peine dans une maison de transition.

[27] … Ce n'est donc pas parce que l'état de santé de l'accusé est douteux ou même précaire et le fait que l'emprisonnement puisse constituer un fardeau additionnel que le sursis doit ou peut être prononcé.»

[33] Et au paragraphe [29], la Cour conclut comme suit:

«avec respect pour le premier juge, la peine prononcée ne reflète par la gravité des crimes commis.»

La Cour remplace alors la peine d'emprisonnement dans la collectivité par une peine d'emprisonnement ferme.

[34] b) L'âge :

Dans une cause de R. c. C.A. 2007 Q.C.C.A. 65 , la Cour d'appel du Québec a confirmé la sentence de 7 ans d'emprisonnement imposée par la Cour du Québec à un homme de 81 ans.

On peut lire au paragraphe [8]: «malgré la sévérité de la peine d'emprisonnement, compte tenu de l'âge de l'accusé, il appert que le juge a analysé avec soin les nombreux facteurs aggravants et les quelques rares facteurs atténuants. Quant au grand âge de l'accusé, nous partageons l'opinion exprimée par la Cour dans un arrêt récent: G.B. c. R. [2007] Q.C.C.A. 20 rendu le 12 janvier 2007, où l'on peut lire:

«ce seul facteur ne saurait avoir une influence déterminante sur l'établissement de la peine globale.»

vendredi 1 janvier 2010

Une fraude substantielle nécessite habituellement une peine d'emprisonnement , mais le sursis peut être possible dans certaines circonstances

R. c. Cioffi, 2009 QCCQ 4833 (CanLII)

*** Attention - voir note en bas de ce post ***

[1] À la suite d'un procès qui s'est tenu en février 2008, l'accusée Josie Cioffi a été déclarée coupable de diverses accusations de fraudes, de complots ainsi que de fabrications et utilisations de faux documents à l'endroit de son employeur, la Banque Royale du Canada ( RBC).

[8] Le montant de la fraude se chiffre à plus de 4,000,000.00 $ et la perte encourue est de l'ordre de 3,500,000.00 $; il s'agit de plusieurs évènements s'échelonnant sur une période de 4 ans. Force est de convenir que nous sommes en présence d'une fraude ayant entraîné une substantielle perte pécuniaire.

[9] La préméditation ne fait aucun doute dans le présent dossier même si la fraude était d'une simplicité déroutante; par un simple jeu d'écriture, l'accusée créait des comptes fictifs par lesquels elle faisait transiter des sommes d'argent au profit et au bénéfice de Lorrain Théroux, le grand organisateur de cette mise en scène.

[58] La poursuite justifie sa demande d'une peine d'incarcération de l'ordre de 6 ans de pénitencier en référant le Tribunal aux arrêts suivants : Belle-Isle c. R, R.v. Bertram et R.v.Spiller.

[59] Dans l'arrêt Belle-Isle de notre Cour d'appel, le jugement qui maintenait une sentence de 5 ans fut rendu le 4 novembre 1991; dans l'arrêt Bertram, la Cour d'appel d'Ontario modifiait une sentence de 6 ans pour la diminuer à 4 ans et 3 mois en tenant compte de la période de détention préventive de 17 mois (cette décision fut rendue le 18 octobre 1990) et finalement, dans l'arrêt Spiller, le 17 mars 1969 la Cour d'appel de la Colombie-Britannique augmentait de 3 ans à 6 ans une sentence imposée en première instance.

[60] C'est à dessein que j'ai indiqué les dates où ces arrêts ont été rendus; il n'est pas de mon intention de remettre en question la justesse des motifs à l'appui de chacune de ces décisions. Je conviens que ces sentences sont sévères, mais à l'époque où elles ont été imposées, elles ne dépassaient pas les paramètres habituels fixés en matière de sentences par la Cour d'appel du Québec et les cours d'appel des autres provinces.

[61] Dans des arrêts plus récents, notre Cour d'appel ainsi que celle de l'Alberta, ont eu l'occasion de se pencher sur le sujet et elles ont examiné le droit au sursis, à l'incarcération, selon les termes de l'article 742.1 du code criminel, pour des infractions de cette nature.

[62] S'inspirant de l'arrêt Proulx de la Cour suprême, l'honorable juge Gendreau se prononce ainsi au par. [18] de la décision de R.c. Alain:

" Cela m'amène inéluctablement à examiner le droit au sursis à l'incarcération en application de l'article 742.1 C.cr. puisqu’aucune infraction n'est exclue du champ d'application de cette disposition sauf si une peine minimale d'emprisonnement est prévue."

[63] Par contre, l'effet dissuasif demeure un objectif important dans les fraudes de grandes ampleurs; le message que doivent lancer les tribunaux à ceux qui seraient tentés de commettre de tels crimes doit être clair et sans équivoque; c'est d'ailleurs ainsi que se prononce le juge Gendreau de la Cour d'appel dans l'arrêt Alain :

" Après l'examen de la responsabilité personnelle ou intrinsèque du contrevenant, reste celui de la fonction dissuasive de la peine. Les fraudes importantes qui nécessitent habituellement la mise en place et l'utilisation d'un système sophistiqué entraînent des peines d'emprisonnement. Les tribunaux ont généralement voulu souligner la gravité de ces fraudes…sans doute, pour qu'il soit bien compris que les "criminels à col blanc " peuvent, et en réalité, causent un préjudice sérieux aux victimes spécialement lorsqu'elles sont de petits épargnants, et qu'il y a lieu de décourager ces agissements, causes de dommages sociaux. "

[64] Tout en gardant à l'esprit que de telles fraudes nécessitent habituellement des peines d'emprisonnement, il ne faut pas pour autant considérer que de telles infractions sont exclues du champ d'application de la disposition qui prévoit l'octroi d'un emprisonnement avec sursis.

[65] Pour accéder à la suggestion de la poursuite, le tribunal devrait ignorer la réhabilitation et privilégier uniquement les aspects de dénonciation et de dissuasion de la peine.

*** Attention - cette décision a été cassée en appel le 14 janvier 2010 R. c. Cioffi - 2010 QCCA 69 - 500-10-004396-097; l'accusée a été condamné à une peine d’emprisonnement de 35 mois, de ce jour***

jeudi 31 décembre 2009

Possession de monnaie contrefaite - défense de minimis non curat lex

R. c. S.G., 2006 QCCQ 13467 (CanLII)

[9] L’accusé par tout ceci a-t-il commis les crimes qui lui sont reprochés, à savoir la possession de monnaie contrefaite, a-t-on fait une preuve hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité en ces affaires ?

[10] Certes, la preuve est à l’effet qu’au domicile de l’accusé fut retrouvé ce que produit sous la côte P-6.

[11] Cette même preuve démontre également que tout ceci part d’une activité de jeu d’enfants et que les pièces en question se trouvaient là où l’un ou l’autre des fils de l’accusé avait accès, d’ailleurs d’autres documents enfantins semblent s’y être retrouvés.

[12] La mère plaignante nous dit, à l’occasion de son témoignage, que ses fils ont eu ou utilisé chez elle ce genre de billets, a-t-elle, elle aussi, contrevenu à la loi?

[13] Bien que la mens rea de ce crime soit d’intention générale, l’accusé a-t-il eu cette intention et en a-t-on fait la preuve hors de tout doute raisonnable?

[14] Mais, qu’est-ce que la mens rea, l’intention coupable? L’Honorable juge Irénée Lagarde, au troisième tome de son ouvrage « Droit pénal canadien », à la page 2379, écrit :

« C’est un principe de droit, exprimé par la maxime actus non facit reum nisi mens sit rea, que personne ne peut être déclaré coupable d’un acte criminel ou d’une infraction criminelle à moins qu’il n’ait agi avec une intention coupable. On peut définir la mens rea comme l’état d’esprit du prévenu qui établit qu’il a agi avec une intention coupable, frauduleusement, en connaissance de cause. »

[15] L’Honorable juge Ritchie, de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. King[1], citant les paroles de Lord Goddard, dans Harding c. Price, écrit que :

« …the court should not find a man guilty of an offence against the criminal law unless he has a guilty mind.”

[16] Enfin, pour sa part, l’Honorable juge Dickson, dans l’arrêt Leary c. La Reine, mentionne que :

« Le principe selon lequel un tribunal ne devrait conclure à la culpabilité d’une personne en droit criminel que si elle était mal intentionnée existe dans tous les systèmes de droit pénal civilisés. »

[17] À partir de tout ceci, le tribunal n’a pas la conviction qui le met à l’abri d’un doute raisonnable, quant à l’intention coupable de l’accusé, car rien de malicieux de sa part ne transpire de la preuve.

[18] Qui plus est, il semble au tribunal qu’ici, la maxime « De minimis non curat lex » s’applique.

[19] En effet, dans une affaire de R. c. David Freedman, mon collègue l’Honorable juge Martin Vauclair statue, après une étude fort intéressante sur le sujet, référant autant à la doctrine qu’à la jurisprudence, que :

« There is no question, in the Court’s opinion, that the defence of de minimis is well alive in Canadian criminal law. There are numerous cases where the defence has been recognized as such and either applied or denied. A few cases have expressed doubt as to its existence. »

[20] Il ajoute au paragraphe 60 de sa décision :

« In my opinion, a Court should, without limitation, consider the following factors : 1) the defendant’s character, 2) the nature of the proven offence, 3) the circumstances surrounding the proven offence, including, if any, the accused’s motive, 4) the circumstances surrounding the laying of the charge, including if any, the plaintiff’s motive, 5) the actual harm caused by the offence, 6) the specific objective, if any, intended to be achieved by the legislature when it enacted the provision and 7) the public interest. »

[21] Sur cette base analytique, vu ce que mentionné ci-devant, l’ensemble des faits reliés à toute cette cause milite nettement en l’application de la défense prévue par cette maxime latine « de minimis non curat lex «, qui se traduit par « la loi ne se soucie pas d’affaires futiles, bénignes ou insignifiantes.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...