R. c. Caron, 2008 QCCQ 436 (CanLII)
[46] Lors de la modification du Code criminel et l'introduction du concept d'agression sexuelle, en remplacement des infractions de viol et d'attentat à la pudeur, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Chase, a formulé des observations, à défaut de définition précise, permettant de mieux circonscrire l'infraction.
[47] On en retire les enseignements suivants:
- Les parties de l'anatomie visées ne peuvent à elles seules constituer un critère de reconnaissance de l'agression;
- Il s'agit d'une agression commise dans des circonstances de nature sexuelle et de manière à porter atteinte à l'intégrité sexuelle de la victime;
- Pour déterminer si la conduite reprochée est à connotation sexuelle, on doit recourir à un critère objectif qui pourrait être formulé comme suit: compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable conclurait-elle à un contexte sexuel ou charnel?
et finalement, l'analyse doit considérer:
- La partie du corps touchée;
- La nature du contact;
- Toute autre circonstance entourant la conduite: les paroles prononcées, menaces ou promesses exprimées, l'emploi de la force ou tout autre élément propre à chaque cas, incluant l'intention de la personne qui pose les gestes.
[48] La preuve résultant des témoignages de la plaignante et de l'accusé n'est contradictoire qu'au niveau de ce qui peut témoigner de l'intention.
[49] Les gestes posés sont décrits, dans l'ensemble, de la même manière:
L'accusé est debout derrière la plaignante, assise. Ses pouces sont posés sur sa nuque et les doigts effectuent un mouvement, à la base du cou, associé à un massage. L'accusé penche la tête à hauteur de l'oreille de la plaignante.
[50] Là où il y a divergence, c'est au niveau des éléments qui auraient justement pour effet de constituer une atteinte à l'intégrité sexuelle de la plaignante et confirmeraient un dessein à caractère sexuel:
- Sentir les cheveux et frôler la tête de la plaignante;
- Déplacer le chandail et le soulever à l'aide des auriculaires;
- Respirer fort et vite.
[51] En 1993, s'inspirant des principes établis dans l'affaire Chase, la Cour suprême a eu à examiner les circonstances d'une agression impliquant un médecin, il s'agit de la Reine c. Litchfield.
[52] Les indications suivantes sont adaptées aux présentes circonstances:
Il est donc important dans chaque cas que le tribunal ne crée pas d'obstacle inutile à la prise en compte de toutes les circonstances entourant la conduite qui, allègue-t-on, constitue une agression sexuelle. Cela est particulièrement vrai lorsque la plaignante a consenti à un certain attouchement, mais non à un attouchement de nature sexuelle: en pareil cas, le tribunal doit disposer du plus grand nombre possible de renseignements pertinents pour pouvoir déterminer si la conduite était de la nature de celle à laquelle la plaignante n'avait pas consenti.
[53] Ces divers éléments de preuve doivent être évalués en fonction des éléments essentiels de l'infraction que la poursuite doit établir, hors de tout doute raisonnable, et qui, en regard de l'acte lui-même, sont au nombre de 3:
- Les attouchements
- La nature sexuelle des contacts
- L'absence de consentement.
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dimanche 3 janvier 2010
Recyclage – produits de la criminalité – sentence - policier
R. c. Goulet, 2008 QCCQ 4163 (CanLII)
[32] Il ressort clairement que la dissuasion générale et l'exemplarité sont des facteurs prédominants quand il est question de crimes reliés au blanchiment d'argent.
[33] Ainsi, la Cour d'appel du Québec, dans Roa, confirmait, le 10 janvier 1996, une peine de 46 mois de détention imposée suite au plaidoyer de culpabilité de Roa sur quatre chefs de recyclage de produits de la criminalité, à savoir 3 298 820 $ qui provenaient du trafic de stupéfiants. La Cour a tenu compte notamment de la détention préventive de quatre mois, du plaidoyer de culpabilité ainsi que de l'antécédent judiciaire de trafic de stupéfiants qu'avait l'accusé.
[34] La Cour d'appel ajoute :
« Le raffinement des méthodes illégales utilisées pour le blanchiment compte tout autant que celles qui sont pratiquées pour l'approvisionnement. On ne saurait donc reléguer au second plan ceux qui ne mettent pas la main à la pâte, mais qui choisissent par contre d'aider les trafiquants à cacher leurs gains et qui sont prêts à assumer le risque de leur complicité. Sans le blanchiment d'argent, le trafic international des stupéfiants diminuerait considérablement. »
[35] La Cour d'appel de Colombie-Britannique, dans Lazeo, rejette, pour des crimes similaires, une demande de peine d'emprisonnement avec sursis en ces termes :
« The next consideration then is whether or not it would be appropriate that such a term be served as a conditional sentence. I am of the opinion that the circumstances of this offence are exceedingly grave and that general deterrence and denunciation are the paramount principles to be considered in rendering the appropriate sentence in the circumstances of this case. Money laundering is an essential feature of dealing with major drugs and the sums involved here clearly indicate this appellant believed that the persons with whom he dealt were dealing in drugs in a most significant way. »
[36] Dans Dario Ruben Mendez Cardoso, la juge Claire Barrette-Joncas fait une revue des peines imposées par les tribunaux dans des cas de blanchiment d'argent. Ces peines se situent entre deux et neuf ans de pénitencier. La juge rappelle que la Cour doit cependant faire une distinction entre les crimes reliés au trafic de stupéfiants et ceux reliés au recyclage des produits de la criminalité :
« Quels que soient les enjeux économiques et l'importance du trafic que sous-tendent les crimes que l'on reproche à l'accusé, la Cour doit se rappeler la distinction que le législateur a imposée entre ces crimes et qui se manifeste par la différence entre les peines maximales prévues pour ces crimes. »
[37] En certaines occasions, des peines d'emprisonnement dans la collectivité sont par ailleurs imposées. Ainsi, dans Tejani, coupable de tentative de blanchiment d'argent, la Cour d'appel d'Ontario mentionne que :
« [52] Ordinarily, a money laundering offence will attract a custodial sentence for the very reasons emphasized by the trial judge. In this case, however, I think the interests of justice will be served by substituting a conditional sentence of two years less a day for the two-year jail term. The appellant has been on bail and thus had his liberty restricted for virtually this entire decade; he has not breached any of his bail conditions; he was convicted only of an attempt; his profit on the single transaction would have been only $1, 000; and except for this offence, he has no record. »
[38] Il en est de même dans Sandberg, où l'accusée, âgée de 37 ans, sans antécédent judiciaire et bénéficiaire de l'aide sociale, a été condamnée au paiement d'une amende de 25 000 $ et à dix-huit (18) mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir blanchi, en trois occasions, une somme de 3 500 000 $.
[39] Qu'en est-il des causes impliquant des personnes oeuvrant dans le système de justice criminelle?
[40] La cause de Flahiff comporte beaucoup de similarités avec celle de l'accusé.
[41] L’honorable juge Serge Boisvert considère que le fait que Flahiff était avocat au moment de la commission des crimes est, en soi, un facteur aggravant.
[42] Il cite Clayton Ruby, dans son volume intitulé "Sentencing", qui fait un parallèle entre les crimes commis par des avocats et ceux commis par des policiers :
« Offences committed by police officers, and espectially by senior police officers, are of particular significance because the police are in a position of trust in that "the administration of justice depends upon the fidelity and honesty of the police.
…
In much the same way offences by lawyers take on an added seriousness because they are committed by an officer of the court.»
[43] Puis le juge Boisvert fait une énumération des facteurs aggravants :
« La préméditation, le nombre de gestes et la durée de vos activités criminelles joints à votre statut d'avocat et à l'ampleur des sommes manipulées, constituent des circonstances particulièrement aggravantes. En tant qu'avocat criminaliste, vous ne pouviez ignorer les ravages causés par le trafic de la cocaïne d'où provenaient les sommes que vous acceptiez de manipuler. Bien que les crimes de blanchiment de produits de criminalité ou générés par des trafics de stupéfiants aient été créés en 1989, vos actes constituaient des infractions en vertu d'autres dispositions du Code criminel auparavant, et en tant qu'avocat criminaliste d'expérience, vous ne pouvez prétendre avoir agi dans l'ignorance de la loi. »
[44] Flahiff a été condamné à trois ans de pénitencier.
[32] Il ressort clairement que la dissuasion générale et l'exemplarité sont des facteurs prédominants quand il est question de crimes reliés au blanchiment d'argent.
[33] Ainsi, la Cour d'appel du Québec, dans Roa, confirmait, le 10 janvier 1996, une peine de 46 mois de détention imposée suite au plaidoyer de culpabilité de Roa sur quatre chefs de recyclage de produits de la criminalité, à savoir 3 298 820 $ qui provenaient du trafic de stupéfiants. La Cour a tenu compte notamment de la détention préventive de quatre mois, du plaidoyer de culpabilité ainsi que de l'antécédent judiciaire de trafic de stupéfiants qu'avait l'accusé.
[34] La Cour d'appel ajoute :
« Le raffinement des méthodes illégales utilisées pour le blanchiment compte tout autant que celles qui sont pratiquées pour l'approvisionnement. On ne saurait donc reléguer au second plan ceux qui ne mettent pas la main à la pâte, mais qui choisissent par contre d'aider les trafiquants à cacher leurs gains et qui sont prêts à assumer le risque de leur complicité. Sans le blanchiment d'argent, le trafic international des stupéfiants diminuerait considérablement. »
[35] La Cour d'appel de Colombie-Britannique, dans Lazeo, rejette, pour des crimes similaires, une demande de peine d'emprisonnement avec sursis en ces termes :
« The next consideration then is whether or not it would be appropriate that such a term be served as a conditional sentence. I am of the opinion that the circumstances of this offence are exceedingly grave and that general deterrence and denunciation are the paramount principles to be considered in rendering the appropriate sentence in the circumstances of this case. Money laundering is an essential feature of dealing with major drugs and the sums involved here clearly indicate this appellant believed that the persons with whom he dealt were dealing in drugs in a most significant way. »
[36] Dans Dario Ruben Mendez Cardoso, la juge Claire Barrette-Joncas fait une revue des peines imposées par les tribunaux dans des cas de blanchiment d'argent. Ces peines se situent entre deux et neuf ans de pénitencier. La juge rappelle que la Cour doit cependant faire une distinction entre les crimes reliés au trafic de stupéfiants et ceux reliés au recyclage des produits de la criminalité :
« Quels que soient les enjeux économiques et l'importance du trafic que sous-tendent les crimes que l'on reproche à l'accusé, la Cour doit se rappeler la distinction que le législateur a imposée entre ces crimes et qui se manifeste par la différence entre les peines maximales prévues pour ces crimes. »
[37] En certaines occasions, des peines d'emprisonnement dans la collectivité sont par ailleurs imposées. Ainsi, dans Tejani, coupable de tentative de blanchiment d'argent, la Cour d'appel d'Ontario mentionne que :
« [52] Ordinarily, a money laundering offence will attract a custodial sentence for the very reasons emphasized by the trial judge. In this case, however, I think the interests of justice will be served by substituting a conditional sentence of two years less a day for the two-year jail term. The appellant has been on bail and thus had his liberty restricted for virtually this entire decade; he has not breached any of his bail conditions; he was convicted only of an attempt; his profit on the single transaction would have been only $1, 000; and except for this offence, he has no record. »
[38] Il en est de même dans Sandberg, où l'accusée, âgée de 37 ans, sans antécédent judiciaire et bénéficiaire de l'aide sociale, a été condamnée au paiement d'une amende de 25 000 $ et à dix-huit (18) mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir blanchi, en trois occasions, une somme de 3 500 000 $.
[39] Qu'en est-il des causes impliquant des personnes oeuvrant dans le système de justice criminelle?
[40] La cause de Flahiff comporte beaucoup de similarités avec celle de l'accusé.
[41] L’honorable juge Serge Boisvert considère que le fait que Flahiff était avocat au moment de la commission des crimes est, en soi, un facteur aggravant.
[42] Il cite Clayton Ruby, dans son volume intitulé "Sentencing", qui fait un parallèle entre les crimes commis par des avocats et ceux commis par des policiers :
« Offences committed by police officers, and espectially by senior police officers, are of particular significance because the police are in a position of trust in that "the administration of justice depends upon the fidelity and honesty of the police.
…
In much the same way offences by lawyers take on an added seriousness because they are committed by an officer of the court.»
[43] Puis le juge Boisvert fait une énumération des facteurs aggravants :
« La préméditation, le nombre de gestes et la durée de vos activités criminelles joints à votre statut d'avocat et à l'ampleur des sommes manipulées, constituent des circonstances particulièrement aggravantes. En tant qu'avocat criminaliste, vous ne pouviez ignorer les ravages causés par le trafic de la cocaïne d'où provenaient les sommes que vous acceptiez de manipuler. Bien que les crimes de blanchiment de produits de criminalité ou générés par des trafics de stupéfiants aient été créés en 1989, vos actes constituaient des infractions en vertu d'autres dispositions du Code criminel auparavant, et en tant qu'avocat criminaliste d'expérience, vous ne pouvez prétendre avoir agi dans l'ignorance de la loi. »
[44] Flahiff a été condamné à trois ans de pénitencier.
Détermination de la peine - 119 chefs d’accusation de fraude qui totalise une somme de près de quatorze millions de dollars
R. c. Charbonneau, 2008 QCCQ 251 (CanLII)
[15] La Cour a plus particulièrement retenu les arrêts suivants :
1. Dans l’arrêt R. v. Heiligstzer, 2005 CarswellAlta 2023, le juge de première instance a condamné l’accusé à l’équivalent de 7 ans de pénitencier, pour une fraude d’un million et demi de dollars. Il s’exprime ainsi au
paragraphe 11 :
[…]
«In almost all of the cases, general deterrents and denunciation is a primary consideration. As was said by Mr. Justice McDermott in the Ryan decision, we must do what we can to maintain trust in people who have positions of trust. The three year sentencing starting point for trust theft and fraud is not abnormal. In fact, for amounts similar to that in this case, sentences have gone as high as 12 years. In Sandercock, a major trust defalcation case, a starting point should be three to five years and that was cited by Mr. Justice Wachowich, as he then was, in the Kara decision.»
[…]
Cette décision a été maintenue par la Cour d’appel de l’Alberta.
2. Dans l’arrêt R. v. Montpellier, 2004 CarswellOnt 6419, le juge a condamné l’accusé à 7 ans de pénitencier, il s’agissait d’une fraude de plus de cinq millions trois cent mille dollars à l’encontre de 128 victimes. Au paragraphe 17 de son jugement, la Cour s’exprime ainsi :
[…]
«I have considered that the breach of trust involved not only the 128 investors, but the members of this community generally. The breach of trust committed by Mr. Montpellier was that of a person who was an integral part of the business community and who was entrusted with large amounts of money, for some, their entire life's savings. The effect on the members of the community generally is a negative one.»
[…]
3. Dans l’arrêt R. v. Lawrence, 1996 CarswellBC 2121, le juge de première instance a condamné l’accusé à 7 ans de pénitencier pour une fraude de
dix-sept millions de dollars à l’encontre du gouvernement. Il cite au paragraphe 69 la Cour d’appel du Québec en disant :
« In R. c. Savard (1996), 109 C.C.C. (3d) 471 (Que. C.A.), the Court dealt with the factors that should be considered in imposing sentence for offences of fraud and false pretences. The court stated at p. 474 :
The factors which permit one to measure liability of an accused on sentencing, in matters of fraud, were well set out in the decision of our court in R. v. Levesque (1993), 59 Q.A.C. 307 (Que.C.A.). These facts can be summarized as follows: (1) the nature and extent of the loss, (2) the degree of premeditation found, notably, in the planning and application of a system of fraud, (3) the accused's actions after the commission of the offence, (4) the accused's previous convictions, (5) the personal benefits generated by the commission of the offenses, (6) the authority and trust existing in the relationship between the accused and the victim, as well as (7) the motivation underlying the commission of the offenses.
Where these factors point to fraudulent wrongdoing with no indication of mitigating circumstances, the courts give preference to incarceration as the preferred means of protecting society and of general deterrence, and expressly reject consideration of rehabilitation. »
La Cour d’appel de la Colombie-Britannique R. v. Lawrence, 2004 CarswellBC, 1137 a maintenu cette décision et s’exprimait ainsi au paragraphe 22 :
« On the other hand this fraud was enormous. The trial judge characterized it as "morally monstrous". The fraud saw profits of 17 million dollars. It consisted of an elaborate plan which was put into effect over many months. It involved many players, an elaborate paper trail, and significant cunning and deceit. »
4. Dans l’arrêt R. v. Bjellebo, 2000 CarswellOnt 403, la Cour de première instance condamnait l’accusé a une sentence de 10 ans de pénitencier et un million de dollars d’amende pour une fraude de vingt-deux millions de dollars. Elle s’exprimait ainsi au paragraphe 38 :
«In regard to the overriding matters of deterrence and denunciation : (1) This court takes notice of what appears to be a pernicious and alarming proliferation in what is termed "white collar crime" in this country; (2) people in the community who deliberately breach their obligations to others for their own personal gain must be prepared to suffer the consequences of their illegal action; (3) as observed by Watt J. in the Rosenberg case (supra), the vast majority of honest taxpayers in this country are entitled to know that massive frauds of this nature will not be ignored nor treated lightly; (4) I reiterate the following the admonition emphasized by the Ontario Court of Appeal in R. v. Pierce (1997), 114 C.C.C. (3d) 23 (Ont. C.A.) at p. 7 :
Great care must be taken in the matter of sentence for a criminal offence, such as fraud at this level of seriousness, to avoid the prospect that by overemphasizing the principle of rehabilitation the crime to many would be worth the risk of being caught.
At the same time, I take into account the fact that these crimes were committed well over a decade ago, that the investigation was prolonged and that the matter took five and a half years to come to trial from the time the accused were charged during which time they each submitted to the court's jurisdiction and appeared in court on numerous occasions. »
Cette décision a été maintenue par la Cour d’appel de l’Ontario.
[15] La Cour a plus particulièrement retenu les arrêts suivants :
1. Dans l’arrêt R. v. Heiligstzer, 2005 CarswellAlta 2023, le juge de première instance a condamné l’accusé à l’équivalent de 7 ans de pénitencier, pour une fraude d’un million et demi de dollars. Il s’exprime ainsi au
paragraphe 11 :
[…]
«In almost all of the cases, general deterrents and denunciation is a primary consideration. As was said by Mr. Justice McDermott in the Ryan decision, we must do what we can to maintain trust in people who have positions of trust. The three year sentencing starting point for trust theft and fraud is not abnormal. In fact, for amounts similar to that in this case, sentences have gone as high as 12 years. In Sandercock, a major trust defalcation case, a starting point should be three to five years and that was cited by Mr. Justice Wachowich, as he then was, in the Kara decision.»
[…]
Cette décision a été maintenue par la Cour d’appel de l’Alberta.
2. Dans l’arrêt R. v. Montpellier, 2004 CarswellOnt 6419, le juge a condamné l’accusé à 7 ans de pénitencier, il s’agissait d’une fraude de plus de cinq millions trois cent mille dollars à l’encontre de 128 victimes. Au paragraphe 17 de son jugement, la Cour s’exprime ainsi :
[…]
«I have considered that the breach of trust involved not only the 128 investors, but the members of this community generally. The breach of trust committed by Mr. Montpellier was that of a person who was an integral part of the business community and who was entrusted with large amounts of money, for some, their entire life's savings. The effect on the members of the community generally is a negative one.»
[…]
3. Dans l’arrêt R. v. Lawrence, 1996 CarswellBC 2121, le juge de première instance a condamné l’accusé à 7 ans de pénitencier pour une fraude de
dix-sept millions de dollars à l’encontre du gouvernement. Il cite au paragraphe 69 la Cour d’appel du Québec en disant :
« In R. c. Savard (1996), 109 C.C.C. (3d) 471 (Que. C.A.), the Court dealt with the factors that should be considered in imposing sentence for offences of fraud and false pretences. The court stated at p. 474 :
The factors which permit one to measure liability of an accused on sentencing, in matters of fraud, were well set out in the decision of our court in R. v. Levesque (1993), 59 Q.A.C. 307 (Que.C.A.). These facts can be summarized as follows: (1) the nature and extent of the loss, (2) the degree of premeditation found, notably, in the planning and application of a system of fraud, (3) the accused's actions after the commission of the offence, (4) the accused's previous convictions, (5) the personal benefits generated by the commission of the offenses, (6) the authority and trust existing in the relationship between the accused and the victim, as well as (7) the motivation underlying the commission of the offenses.
Where these factors point to fraudulent wrongdoing with no indication of mitigating circumstances, the courts give preference to incarceration as the preferred means of protecting society and of general deterrence, and expressly reject consideration of rehabilitation. »
La Cour d’appel de la Colombie-Britannique R. v. Lawrence, 2004 CarswellBC, 1137 a maintenu cette décision et s’exprimait ainsi au paragraphe 22 :
« On the other hand this fraud was enormous. The trial judge characterized it as "morally monstrous". The fraud saw profits of 17 million dollars. It consisted of an elaborate plan which was put into effect over many months. It involved many players, an elaborate paper trail, and significant cunning and deceit. »
4. Dans l’arrêt R. v. Bjellebo, 2000 CarswellOnt 403, la Cour de première instance condamnait l’accusé a une sentence de 10 ans de pénitencier et un million de dollars d’amende pour une fraude de vingt-deux millions de dollars. Elle s’exprimait ainsi au paragraphe 38 :
«In regard to the overriding matters of deterrence and denunciation : (1) This court takes notice of what appears to be a pernicious and alarming proliferation in what is termed "white collar crime" in this country; (2) people in the community who deliberately breach their obligations to others for their own personal gain must be prepared to suffer the consequences of their illegal action; (3) as observed by Watt J. in the Rosenberg case (supra), the vast majority of honest taxpayers in this country are entitled to know that massive frauds of this nature will not be ignored nor treated lightly; (4) I reiterate the following the admonition emphasized by the Ontario Court of Appeal in R. v. Pierce (1997), 114 C.C.C. (3d) 23 (Ont. C.A.) at p. 7 :
Great care must be taken in the matter of sentence for a criminal offence, such as fraud at this level of seriousness, to avoid the prospect that by overemphasizing the principle of rehabilitation the crime to many would be worth the risk of being caught.
At the same time, I take into account the fact that these crimes were committed well over a decade ago, that the investigation was prolonged and that the matter took five and a half years to come to trial from the time the accused were charged during which time they each submitted to the court's jurisdiction and appeared in court on numerous occasions. »
Cette décision a été maintenue par la Cour d’appel de l’Ontario.
L'interprétation de l'article 43 du Code criminel
R. c. S.S., 2008 QCCQ 264 (CanLII)
[145] L'article 43 du Code criminel prévoit que tout père ou mère est fondé à employer la force pour corriger un enfant, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.
[146] Dans l'arrêt Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada, la Cour suprême du Canada a déclaré constitutionnellement valide, dans certaines
circonstances, l'emploi d'une force légère – ayant un effet transitoire et insignifiant - pour corriger un enfant. Par la même occasion, la Cour a précisé quelle conduite se situait à l'intérieure de la zone délimitée par l'article 43:
a) Premièrement, la personne qui emploie la force doit le faire pour éduquer ou corriger. Par conséquent, l'article 43 ne peut excuser les accès de violence à l'égard d'un enfant qui sont dus à la colère et à la frustration.
b) Deuxièmement, la correction doit pouvoir avoir un effet bénéfique sur l'enfant, ce qui nécessite d'une part, une capacité de tirer une leçon et, d'autre part, une possibilité de résultat positif. Il se peut qu'un enfant soit incapable de tirer une leçon de la force employée contre lui en raison d'une déficience ou de quelques autres facteurs contextuels. Dans ce cas, la force n'est pas employée «pour corriger» et ne tombe pas dans la zone d'immunité établie par l'article 43.
c) Ensuite, la force employée doit être «raisonnable dans les circonstances».
i) L'article 43 ne soustrait pas à des sanctions pénales, la conduite causant un préjudice ou suscitant un risque raisonnable de préjudice. Il faut tenir compte.
ii) Il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles la force est employée pour infliger une correction. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée.
iii) Par contre, il ne convient pas de mettre a posteriori l'accent sur la gravité du comportement répréhensible de l'enfant, ce qui incite davantage à punir qu'à corriger.
iv) Les juges ne doivent pas appliquer leurs propres notions subjectives de ce qui est raisonnable; l'article 43 commande une appréciation objective fondée sur l'état des connaissances et le consensus (social) de l'heure.
v) Le châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans lui est préjudiciable et n'est d'aucune utilité pour corriger vu les limites cognitives d'un enfant de cet âge.
vi) Le châtiment corporel infligé à un adolescent est préjudiciable en ce sens qu'il risque de déclencher un comportement agressif ou antisocial.
vii) Le châtiment corporel infligé à l'aide d'un objet, comme une règle ou une ceinture, est préjudiciable physiquement et émotivement. Le châtiment corporel consistant des gifles ou des coups portés à la tête est préjudiciable.
[147] Le juge Binnie, dissident en partie, ajoute que le juge des faits doit appliquer et adapter aux circonstances particulières de chaque cas, une certaine norme sociale évolutive. En l'espèce, cela ne requiert pas une preuve d'expert.
[145] L'article 43 du Code criminel prévoit que tout père ou mère est fondé à employer la force pour corriger un enfant, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.
[146] Dans l'arrêt Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada, la Cour suprême du Canada a déclaré constitutionnellement valide, dans certaines
circonstances, l'emploi d'une force légère – ayant un effet transitoire et insignifiant - pour corriger un enfant. Par la même occasion, la Cour a précisé quelle conduite se situait à l'intérieure de la zone délimitée par l'article 43:
a) Premièrement, la personne qui emploie la force doit le faire pour éduquer ou corriger. Par conséquent, l'article 43 ne peut excuser les accès de violence à l'égard d'un enfant qui sont dus à la colère et à la frustration.
b) Deuxièmement, la correction doit pouvoir avoir un effet bénéfique sur l'enfant, ce qui nécessite d'une part, une capacité de tirer une leçon et, d'autre part, une possibilité de résultat positif. Il se peut qu'un enfant soit incapable de tirer une leçon de la force employée contre lui en raison d'une déficience ou de quelques autres facteurs contextuels. Dans ce cas, la force n'est pas employée «pour corriger» et ne tombe pas dans la zone d'immunité établie par l'article 43.
c) Ensuite, la force employée doit être «raisonnable dans les circonstances».
i) L'article 43 ne soustrait pas à des sanctions pénales, la conduite causant un préjudice ou suscitant un risque raisonnable de préjudice. Il faut tenir compte.
ii) Il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles la force est employée pour infliger une correction. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée.
iii) Par contre, il ne convient pas de mettre a posteriori l'accent sur la gravité du comportement répréhensible de l'enfant, ce qui incite davantage à punir qu'à corriger.
iv) Les juges ne doivent pas appliquer leurs propres notions subjectives de ce qui est raisonnable; l'article 43 commande une appréciation objective fondée sur l'état des connaissances et le consensus (social) de l'heure.
v) Le châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans lui est préjudiciable et n'est d'aucune utilité pour corriger vu les limites cognitives d'un enfant de cet âge.
vi) Le châtiment corporel infligé à un adolescent est préjudiciable en ce sens qu'il risque de déclencher un comportement agressif ou antisocial.
vii) Le châtiment corporel infligé à l'aide d'un objet, comme une règle ou une ceinture, est préjudiciable physiquement et émotivement. Le châtiment corporel consistant des gifles ou des coups portés à la tête est préjudiciable.
[147] Le juge Binnie, dissident en partie, ajoute que le juge des faits doit appliquer et adapter aux circonstances particulières de chaque cas, une certaine norme sociale évolutive. En l'espèce, cela ne requiert pas une preuve d'expert.
Le droit sur l'agression sexuelle
R. c. J.M. , 2008 QCCQ 428 (CanLII)
[35] L'infraction d'agression sexuelle se compose de deux éléments constitutifs.
[36] Le premier élément, l'actus reus, comporte lui trois éléments, soit un attouchement, un geste qui se doit d'être de nature sexuelle, puis finalement, un geste qui est fait sans le consentement de la victime présumée. En résumé, il s'agit d'attouchements sexuels non désirés. Je note immédiatement ici que seul le troisième élément, soit le consentement, fait l'objet d'un débat.
[37] L'autre élément constitutif de l'infraction d'agression sexuelle est la mens rea. La Cour suprême dans l'affaire de R. c. Ewanchuk, a défini ainsi ce second élément, comme étant l'intention de se livrer à des attouchements sur une personne tout en sachant que celle-ci n'y consent pas, en raison de ses paroles ou de ses actes, ou encore en faisant montre d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de cette absence de consentement.
[38] Toujours dans ce même arrêt, la Cour suprême du Canada a bel et bien répété que l'absence de consentement est purement subjective et déterminée par rapport à l'état d'esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l'égard des attouchements, lorsqu'ils ont eu lieu. Donc, si comme juge du procès je crois la plaignante lorsqu'elle dit qu'elle n'a pas consenti, le ministère public se sera donc acquitté de son obligation qu'il avait de prouver l'absence de consentement chez la plaignante. Il est important de rappeler que la perception qu'avait l'accusé de l'état d'esprit de la plaignante n'est pas du tout pertinente. Cette perception n'entre en jeu que dans le cas où la défense de croyance sincère mais erronée au consentement est invoquée à l'étape de la mens rea de l'enquête.
[40] (...) Je souligne cependant que la jurisprudence est à l'effet que même s'il n'y a pas usage de violence ou de force, ou même absence de résistance, cela ne signifie aucunement que la plaignante a consenti à des gestes sexuels. D'ailleurs la jurisprudence canadienne et en particulier dans la R. c. Ewanchuk, précité, a établi qu'il n'existe pas de défense de consentement tacite en matière d'agression sexuelle.
[41] On sait que cet élément constitutif de l'actus reus d'une infraction d'agression sexuelle doit être démontré par la poursuite hors de tout doute raisonnable. Mais dans un premier temps, le tribunal doit, avant de pousser l'analyse plus loin, se demander s'il donne foi au témoignage de la plaignante X.
[43] Le tribunal n'a pas à discuter de la crédibilité à accorder dans un premier temps au témoignage de l'accusé tel que prescrit dans R. c. W.(D.), puisqu'il considère que dans l'ensemble de la preuve il n'y a pas, dans le présent dossier comme tel, de versions contradictoires. Bien sûr il y a quelques différences entre le témoignage de la plaignante et celui de l'accusé, mais pas pour les qualifier de contradictoires.
[44] Comme j'ai conclu que la plaignante n'a pas consenti, je dois me demander maintenant s'il y a matière à un doute raisonnable, doute qui pourrait exister si le tribunal retient la défense de croyance sincère mais erronée au consentement de la plaignante de la part de l'accusé.
[45] La Cour suprême dans R. c. Park a établi le principe pour qu'un moyen de défense soit soumis à l'appréciation d'un jury, il doit être «vraisemblable». Le test de la «vraisemblable» est une norme juridique et non pas factuelle. Le juge du procès doit déterminer si la preuve produite est susceptible, si elle est acceptée, de permettre à un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées de prononcer l'acquittement.
[46] Voici comment s'exprime la juge Claire L'heureux-Dubé à la page 846 de l'arrêt:
La common law reconnaît depuis longtemps qu'un juge du procès n'est pas tenu de soumettre à l'appréciation du jury des moyens de défense qui n'ont aucun fondement réel factuel ou probant. Il incombe aux tribunaux d'écarter tout moyen de défense non pertinent ou spécieux, puisqu'il aurait principalement pour effet
non pas d'aider à découvrir la vérité lors du procès, mais bien de semer la confusion dans l'esprit du juge des faits et de détourner son attention de la détermination des faits pertinents quant à l'innocence ou à la culpabilité.
[47] Et puis loin à la page 847, la juge L'Heureux-Dubé reprenait les propos du juge McIntyre dans R. c. Pappajohn , pages 126 et 127, où le juge McIntyre explique ainsi le test de la «vraisemblable» :
Pour qu'une obligation naisse à cet égard, la preuve doit contenir des éléments qui puissent appuyer le moyen de défense et ce n'est que dans ce cas que le juge doit le soumettre.
[48] Puis elle poursuit à la page 851 et je la cite:
Je dois, en toute déférence, aller encore plus loin. Lorsque l'accusé affirme que la plaignante était vraiment consentante, il est alors factice de s'enquérir plus avant s'il a aussi dit croire qu'elle était consentante. L'existence ou l'absence de déclaration spécifique faisant état d'une croyance au consentement ne porte à conséquence que dans les cas les plus inusités. Présumant que l'accusé allègue effectivement une telle croyance, la question plus fondamentale est de savoir s'il est question d'une croyance sincère, susceptible de justifier la défense de croyance sincère mais erronée au consentement.
[49] Puis finalement à la page 853 du même arrêt, la juge L'Heureux-Dubé s'exprime ainsi:
Essentiellement, pour que la défense de croyance sincère mais erronée au consentement soit «vraisemblable», il faut que l'ensemble de la preuve produite pour l'accusé soit, d'une manière raisonnable et réaliste, susceptible d'étayer ce moyen de défense. Bien qu'il n'y ait, à vrai dire, aucune exigence de corroboration de la preuve, celle‑ci doit être plus qu'une simple assertion. Les circonstances doivent l'appuyer de quelque manière. La recherche d'un appui dans l'ensemble de la preuve ou des circonstances peut, sur le plan juridique, suppléer à toute carence du témoignage de l'accusé. L'existence d'une preuve «indépendante» appuyant le témoignage de l'accusé n'aura pour effet que d'améliorer les chances de la défense. Le rôle du juge ne consiste qu'à vérifier si l'accusé s'est acquitté du fardeau de preuve que lui impose le par. 265(4) du Code.
[50] Puis un peu plus tard dans R. c. Esau, la majorité s'exprime ainsi, page 786 et je cite:
La question principale qui se pose lorsque la défense de croyance sincère mais erronée est invoquée est de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, elle a quelque vraisemblance.
[51] Puis à la page 787, la cour s'exprime ainsi:
Le témoignage de l'intimé constitue davantage qu'une simple affirmation de croyance au consentement. Il a rapporté des paroles et des actes précis de la plaignante qui l'ont amené à croire qu'elle était consentante. À lui seul ce témoignage peut donner ouverture au moyen de défense. Cependant, il y a plus. Le témoignage de la plaignante n'a pas contredit celui de l'intimé, car elle ne peut pas se rappeler ce qui s'est passé après qu'elle fut entrée dans sa chambre. De plus, il n'y a aucune preuve de violence, de lutte ou d'emploi de force.
[52] Les témoignages des parties sont généralement les éléments de preuve les plus importants dans les affaires d'agression sexuelle et souvent les seuls.
[35] L'infraction d'agression sexuelle se compose de deux éléments constitutifs.
[36] Le premier élément, l'actus reus, comporte lui trois éléments, soit un attouchement, un geste qui se doit d'être de nature sexuelle, puis finalement, un geste qui est fait sans le consentement de la victime présumée. En résumé, il s'agit d'attouchements sexuels non désirés. Je note immédiatement ici que seul le troisième élément, soit le consentement, fait l'objet d'un débat.
[37] L'autre élément constitutif de l'infraction d'agression sexuelle est la mens rea. La Cour suprême dans l'affaire de R. c. Ewanchuk, a défini ainsi ce second élément, comme étant l'intention de se livrer à des attouchements sur une personne tout en sachant que celle-ci n'y consent pas, en raison de ses paroles ou de ses actes, ou encore en faisant montre d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de cette absence de consentement.
[38] Toujours dans ce même arrêt, la Cour suprême du Canada a bel et bien répété que l'absence de consentement est purement subjective et déterminée par rapport à l'état d'esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l'égard des attouchements, lorsqu'ils ont eu lieu. Donc, si comme juge du procès je crois la plaignante lorsqu'elle dit qu'elle n'a pas consenti, le ministère public se sera donc acquitté de son obligation qu'il avait de prouver l'absence de consentement chez la plaignante. Il est important de rappeler que la perception qu'avait l'accusé de l'état d'esprit de la plaignante n'est pas du tout pertinente. Cette perception n'entre en jeu que dans le cas où la défense de croyance sincère mais erronée au consentement est invoquée à l'étape de la mens rea de l'enquête.
[40] (...) Je souligne cependant que la jurisprudence est à l'effet que même s'il n'y a pas usage de violence ou de force, ou même absence de résistance, cela ne signifie aucunement que la plaignante a consenti à des gestes sexuels. D'ailleurs la jurisprudence canadienne et en particulier dans la R. c. Ewanchuk, précité, a établi qu'il n'existe pas de défense de consentement tacite en matière d'agression sexuelle.
[41] On sait que cet élément constitutif de l'actus reus d'une infraction d'agression sexuelle doit être démontré par la poursuite hors de tout doute raisonnable. Mais dans un premier temps, le tribunal doit, avant de pousser l'analyse plus loin, se demander s'il donne foi au témoignage de la plaignante X.
[43] Le tribunal n'a pas à discuter de la crédibilité à accorder dans un premier temps au témoignage de l'accusé tel que prescrit dans R. c. W.(D.), puisqu'il considère que dans l'ensemble de la preuve il n'y a pas, dans le présent dossier comme tel, de versions contradictoires. Bien sûr il y a quelques différences entre le témoignage de la plaignante et celui de l'accusé, mais pas pour les qualifier de contradictoires.
[44] Comme j'ai conclu que la plaignante n'a pas consenti, je dois me demander maintenant s'il y a matière à un doute raisonnable, doute qui pourrait exister si le tribunal retient la défense de croyance sincère mais erronée au consentement de la plaignante de la part de l'accusé.
[45] La Cour suprême dans R. c. Park a établi le principe pour qu'un moyen de défense soit soumis à l'appréciation d'un jury, il doit être «vraisemblable». Le test de la «vraisemblable» est une norme juridique et non pas factuelle. Le juge du procès doit déterminer si la preuve produite est susceptible, si elle est acceptée, de permettre à un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées de prononcer l'acquittement.
[46] Voici comment s'exprime la juge Claire L'heureux-Dubé à la page 846 de l'arrêt:
La common law reconnaît depuis longtemps qu'un juge du procès n'est pas tenu de soumettre à l'appréciation du jury des moyens de défense qui n'ont aucun fondement réel factuel ou probant. Il incombe aux tribunaux d'écarter tout moyen de défense non pertinent ou spécieux, puisqu'il aurait principalement pour effet
non pas d'aider à découvrir la vérité lors du procès, mais bien de semer la confusion dans l'esprit du juge des faits et de détourner son attention de la détermination des faits pertinents quant à l'innocence ou à la culpabilité.
[47] Et puis loin à la page 847, la juge L'Heureux-Dubé reprenait les propos du juge McIntyre dans R. c. Pappajohn , pages 126 et 127, où le juge McIntyre explique ainsi le test de la «vraisemblable» :
Pour qu'une obligation naisse à cet égard, la preuve doit contenir des éléments qui puissent appuyer le moyen de défense et ce n'est que dans ce cas que le juge doit le soumettre.
[48] Puis elle poursuit à la page 851 et je la cite:
Je dois, en toute déférence, aller encore plus loin. Lorsque l'accusé affirme que la plaignante était vraiment consentante, il est alors factice de s'enquérir plus avant s'il a aussi dit croire qu'elle était consentante. L'existence ou l'absence de déclaration spécifique faisant état d'une croyance au consentement ne porte à conséquence que dans les cas les plus inusités. Présumant que l'accusé allègue effectivement une telle croyance, la question plus fondamentale est de savoir s'il est question d'une croyance sincère, susceptible de justifier la défense de croyance sincère mais erronée au consentement.
[49] Puis finalement à la page 853 du même arrêt, la juge L'Heureux-Dubé s'exprime ainsi:
Essentiellement, pour que la défense de croyance sincère mais erronée au consentement soit «vraisemblable», il faut que l'ensemble de la preuve produite pour l'accusé soit, d'une manière raisonnable et réaliste, susceptible d'étayer ce moyen de défense. Bien qu'il n'y ait, à vrai dire, aucune exigence de corroboration de la preuve, celle‑ci doit être plus qu'une simple assertion. Les circonstances doivent l'appuyer de quelque manière. La recherche d'un appui dans l'ensemble de la preuve ou des circonstances peut, sur le plan juridique, suppléer à toute carence du témoignage de l'accusé. L'existence d'une preuve «indépendante» appuyant le témoignage de l'accusé n'aura pour effet que d'améliorer les chances de la défense. Le rôle du juge ne consiste qu'à vérifier si l'accusé s'est acquitté du fardeau de preuve que lui impose le par. 265(4) du Code.
[50] Puis un peu plus tard dans R. c. Esau, la majorité s'exprime ainsi, page 786 et je cite:
La question principale qui se pose lorsque la défense de croyance sincère mais erronée est invoquée est de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, elle a quelque vraisemblance.
[51] Puis à la page 787, la cour s'exprime ainsi:
Le témoignage de l'intimé constitue davantage qu'une simple affirmation de croyance au consentement. Il a rapporté des paroles et des actes précis de la plaignante qui l'ont amené à croire qu'elle était consentante. À lui seul ce témoignage peut donner ouverture au moyen de défense. Cependant, il y a plus. Le témoignage de la plaignante n'a pas contredit celui de l'intimé, car elle ne peut pas se rappeler ce qui s'est passé après qu'elle fut entrée dans sa chambre. De plus, il n'y a aucune preuve de violence, de lutte ou d'emploi de force.
[52] Les témoignages des parties sont généralement les éléments de preuve les plus importants dans les affaires d'agression sexuelle et souvent les seuls.
Exploitation sexuelle d'une adolescente - Position de confiance
R. c. J.M. , 2008 QCCQ 428 (CanLII)
[62] Le tribunal fera son analyse en examinant l'ensemble de la preuve pour savoir si l'accusé est en situation de confiance dans le cadre d'une infraction d'exploitation sexuelle face à sa filleule. L'autorité doit être écartée par le tribunal vu l'ensemble de la preuve qui démontre que la plaignante était à cette époque sous l'autorité de ses propres parents. D'ailleurs, il ressort de la jurisprudence que les termes employés par le législateur à cet article du Code criminel qui traite de l'exploitation sexuelle d'une personne adolescente, l'article 153.(1), doivent être interprétés selon leur sens courant. Ici, rien dans la preuve, je le répète, n'est à l'effet que les parents de la plaignante auraient d'une quelconque façon, tant dans leurs directives que dans les faits, légué au parrain l'autorité nécessaire pour que l'accusé se retrouve dans cette position face à sa nièce et filleule, X.
[63] Donc, comme le consentement ne peut être invoqué comme moyen de défense, face à une telle accusation, vu que la preuve est faite que la plaignante était, en novembre 1995 âgée de moins de 18 ans, vu l'admission de l'accusé quant aux deux relations sexuelles avec la plaignante (geste énuméré à l'article 153.(1) du C.cr.), il reste donc au tribunal à décider si l'accusé était alors en position de confiance à l'égard de sa nièce et filleule et donc si la plaignante était dans une relation de dépendance vis-à-vis de l'accusé.
[64] L'article 153 du Code criminel prévoit l'infraction d'exploitation sexuelle :
153. (1) Commet une infraction toute personne qui est en situation d'autorité ou de confiance vis-à-vis d'un adolescent, à l'égard de laquelle l'adolescent est en situation de dépendance ou qui est dans une relation où elle exploite l'adolescent et qui, selon le cas:
a) à des fins d'ordre sexuel, touche, directement ou indirectement, avec une partie de son corps ou avec un objet, une partie du corps de l'adolescent;
b) à des fins d'ordre sexuel, invite, engage ou incite un adolescent à la toucher, à se toucher ou à toucher un tiers, directement ou indirectement, avec une partie du corps ou avec un objet.
[65] Dans R. c. Audet, qui demeure l'arrêt clé en la matière, le juge Laforest rappelle l'objectif de cette disposition :
[…]le législateur a adopté l'art. 153 du Code criminel dans le but de protéger les adolescents se trouvant en situation de vulnérabilité vis-à-vis de certaines personnes en raison d'un déséquilibre inhérent à la nature de la relation qu'ils vivent avec celles-ci.
[66] Pour établir la commission de l'infraction d'exploitation sexuelle, le ministère public doit démontrer hors de tout doute raisonnable que :
- Le plaignant est un adolescent, c'est-à-dire une personne âgée de quatorze ans au moins, mais de moins de dix-huit ans (article 153 (2) C.cr.);
- L'accusé a posé l'un des gestes énumérés à l'article 153(1) C.cr.;
- L'accusé était alors en position d'autorité ou de confiance à l'égard de l'adolescent, ou encore l'adolescent était dans une relation de dépendance avec l'accusé.
[67] Les premiers et deuxième éléments sont prouvés et admis.
[68] Le ministère public doit démontrer la mens rea requise pour chacun de ces éléments matériels. L'article 150.1 du Code criminel prévoit que le consentement du plaignant ne peut être invoqué comme moyen de défense à cette infraction. Le juge Laforest a d'ailleurs cité avec approbation les propos du juge Woolridge dans l'affaire Hann (no. 2) qui explique cette position:
[traduction] Le texte de l'art. 153 laisse implicitement entendre que, nonobstant le consentement, le désir ou les souhaits de l'adolescent, c'est l'adulte en situation de confiance qui a la responsabilité de refuser d'avoir tout contact sexuel avec cet adolescent.
[69] La notion de situation de confiance, quoique difficile à cerner, a été définie dans l'arrêt Audet de la Cour suprême en d'inspirant des propos du juge Blair dans l'affaire P.S. :
La confiance, nous enseigne Le Grand Robert, est le fait de croire, l'espérance ferme en quelque chose, la foi en quelqu'un et l'assurance qui en découle. En anglais, le mot «trust» peut avoir diverses significations, surtout dans un contexte juridique. Puisque le législateur a utilisé le mot «confiance» dans la version française, je doute que le mot «trust» au par. 153(1) réfère au concept d'equity. Je souscris donc aux réserves exprimées par le juge Blair. «Trust» doit plutôt être interprété suivant son sens premier: [traduction] «[c]onfiance en une qualité ou un attribut d'une personne ou d'une chose, ou en la véracité d'une déclaration». Le mot «confidence» se définit ainsi: [traduction] «[a]ttitude morale de celui qui se fie à quelqu'un ou à quelque chose; espérance ferme, fiabilité, foi».
[70] Dans ce même ordre d'idées, le juge Dudemaine de la Cour du Québec ajoute ce qui suit:
Toutes ces définitions convergent vers un crédit accordé à une personne qui porte quelqu'un à s'en remettre à celle-ci. C'est un lien, en quelque sorte, de fiabilité s'établissant d'un individu à l'égard d'un autre.
Il apparaît évident au Tribunal que le législateur a voulu protéger les jeunes gens contre des adultes qui sont, à leurs yeux, crédibles, méritoires, et qui abusent de ce lien de fiabilité leur étant dévolu par ceux-ci.
[71] Pour analyser objectivement la relation entre l'accusé et l'adolescent, le législateur énumère les éléments qui peuvent être pris en considération par le juge:
153. (1.2) Le juge peut déduire de la nature de la relation entre la personne et l'adolescent et des circonstances qui l'entourent, notamment des éléments ci-après, que celle-ci est dans une relation où elle exploite l'adolescent:
a) l'âge de l'adolescent;
b) la différence d'âge entre la personne et l'adolescent;
c) l'évolution de leur relation;
d) l'emprise ou l'influence de la personne sur l'adolescent.
[72] Préalablement à l'ajout de ce paragraphe à l'article 153 C.cr. la jurisprudence avait établi ainsi les facteurs à considérer pour démontrer l'existence d'une situation de confiance :
[…] all the circumstances of the relationship must be examined to determine the existence of an element of trust, including the status of the appellant, the age difference between the two parties, the evolution of the relationship, and the circumstances under which the alleged offence was committed.
[73] Cette analyse doit nécessairement prendre en compte l'objectif de cette disposition qui est de protéger les adolescents qui peuvent se trouver en situation de vulnérabilité et de faiblesse en raison de la nature de la relation qu'ils peuvent avoir avec certaines personnes.
[74] De plus, le ministère public n'a pas à établir que l'accusé a usé de sa relation d'autorité ou de confiance face à l'adolescent, ou de sa situation de dépendance pour obtenir le consentement de l'adolescent aux fins de commettre l'infraction à l'article 153(1) du Code criminel.
[62] Le tribunal fera son analyse en examinant l'ensemble de la preuve pour savoir si l'accusé est en situation de confiance dans le cadre d'une infraction d'exploitation sexuelle face à sa filleule. L'autorité doit être écartée par le tribunal vu l'ensemble de la preuve qui démontre que la plaignante était à cette époque sous l'autorité de ses propres parents. D'ailleurs, il ressort de la jurisprudence que les termes employés par le législateur à cet article du Code criminel qui traite de l'exploitation sexuelle d'une personne adolescente, l'article 153.(1), doivent être interprétés selon leur sens courant. Ici, rien dans la preuve, je le répète, n'est à l'effet que les parents de la plaignante auraient d'une quelconque façon, tant dans leurs directives que dans les faits, légué au parrain l'autorité nécessaire pour que l'accusé se retrouve dans cette position face à sa nièce et filleule, X.
[63] Donc, comme le consentement ne peut être invoqué comme moyen de défense, face à une telle accusation, vu que la preuve est faite que la plaignante était, en novembre 1995 âgée de moins de 18 ans, vu l'admission de l'accusé quant aux deux relations sexuelles avec la plaignante (geste énuméré à l'article 153.(1) du C.cr.), il reste donc au tribunal à décider si l'accusé était alors en position de confiance à l'égard de sa nièce et filleule et donc si la plaignante était dans une relation de dépendance vis-à-vis de l'accusé.
[64] L'article 153 du Code criminel prévoit l'infraction d'exploitation sexuelle :
153. (1) Commet une infraction toute personne qui est en situation d'autorité ou de confiance vis-à-vis d'un adolescent, à l'égard de laquelle l'adolescent est en situation de dépendance ou qui est dans une relation où elle exploite l'adolescent et qui, selon le cas:
a) à des fins d'ordre sexuel, touche, directement ou indirectement, avec une partie de son corps ou avec un objet, une partie du corps de l'adolescent;
b) à des fins d'ordre sexuel, invite, engage ou incite un adolescent à la toucher, à se toucher ou à toucher un tiers, directement ou indirectement, avec une partie du corps ou avec un objet.
[65] Dans R. c. Audet, qui demeure l'arrêt clé en la matière, le juge Laforest rappelle l'objectif de cette disposition :
[…]le législateur a adopté l'art. 153 du Code criminel dans le but de protéger les adolescents se trouvant en situation de vulnérabilité vis-à-vis de certaines personnes en raison d'un déséquilibre inhérent à la nature de la relation qu'ils vivent avec celles-ci.
[66] Pour établir la commission de l'infraction d'exploitation sexuelle, le ministère public doit démontrer hors de tout doute raisonnable que :
- Le plaignant est un adolescent, c'est-à-dire une personne âgée de quatorze ans au moins, mais de moins de dix-huit ans (article 153 (2) C.cr.);
- L'accusé a posé l'un des gestes énumérés à l'article 153(1) C.cr.;
- L'accusé était alors en position d'autorité ou de confiance à l'égard de l'adolescent, ou encore l'adolescent était dans une relation de dépendance avec l'accusé.
[67] Les premiers et deuxième éléments sont prouvés et admis.
[68] Le ministère public doit démontrer la mens rea requise pour chacun de ces éléments matériels. L'article 150.1 du Code criminel prévoit que le consentement du plaignant ne peut être invoqué comme moyen de défense à cette infraction. Le juge Laforest a d'ailleurs cité avec approbation les propos du juge Woolridge dans l'affaire Hann (no. 2) qui explique cette position:
[traduction] Le texte de l'art. 153 laisse implicitement entendre que, nonobstant le consentement, le désir ou les souhaits de l'adolescent, c'est l'adulte en situation de confiance qui a la responsabilité de refuser d'avoir tout contact sexuel avec cet adolescent.
[69] La notion de situation de confiance, quoique difficile à cerner, a été définie dans l'arrêt Audet de la Cour suprême en d'inspirant des propos du juge Blair dans l'affaire P.S. :
La confiance, nous enseigne Le Grand Robert, est le fait de croire, l'espérance ferme en quelque chose, la foi en quelqu'un et l'assurance qui en découle. En anglais, le mot «trust» peut avoir diverses significations, surtout dans un contexte juridique. Puisque le législateur a utilisé le mot «confiance» dans la version française, je doute que le mot «trust» au par. 153(1) réfère au concept d'equity. Je souscris donc aux réserves exprimées par le juge Blair. «Trust» doit plutôt être interprété suivant son sens premier: [traduction] «[c]onfiance en une qualité ou un attribut d'une personne ou d'une chose, ou en la véracité d'une déclaration». Le mot «confidence» se définit ainsi: [traduction] «[a]ttitude morale de celui qui se fie à quelqu'un ou à quelque chose; espérance ferme, fiabilité, foi».
[70] Dans ce même ordre d'idées, le juge Dudemaine de la Cour du Québec ajoute ce qui suit:
Toutes ces définitions convergent vers un crédit accordé à une personne qui porte quelqu'un à s'en remettre à celle-ci. C'est un lien, en quelque sorte, de fiabilité s'établissant d'un individu à l'égard d'un autre.
Il apparaît évident au Tribunal que le législateur a voulu protéger les jeunes gens contre des adultes qui sont, à leurs yeux, crédibles, méritoires, et qui abusent de ce lien de fiabilité leur étant dévolu par ceux-ci.
[71] Pour analyser objectivement la relation entre l'accusé et l'adolescent, le législateur énumère les éléments qui peuvent être pris en considération par le juge:
153. (1.2) Le juge peut déduire de la nature de la relation entre la personne et l'adolescent et des circonstances qui l'entourent, notamment des éléments ci-après, que celle-ci est dans une relation où elle exploite l'adolescent:
a) l'âge de l'adolescent;
b) la différence d'âge entre la personne et l'adolescent;
c) l'évolution de leur relation;
d) l'emprise ou l'influence de la personne sur l'adolescent.
[72] Préalablement à l'ajout de ce paragraphe à l'article 153 C.cr. la jurisprudence avait établi ainsi les facteurs à considérer pour démontrer l'existence d'une situation de confiance :
[…] all the circumstances of the relationship must be examined to determine the existence of an element of trust, including the status of the appellant, the age difference between the two parties, the evolution of the relationship, and the circumstances under which the alleged offence was committed.
[73] Cette analyse doit nécessairement prendre en compte l'objectif de cette disposition qui est de protéger les adolescents qui peuvent se trouver en situation de vulnérabilité et de faiblesse en raison de la nature de la relation qu'ils peuvent avoir avec certaines personnes.
[74] De plus, le ministère public n'a pas à établir que l'accusé a usé de sa relation d'autorité ou de confiance face à l'adolescent, ou de sa situation de dépendance pour obtenir le consentement de l'adolescent aux fins de commettre l'infraction à l'article 153(1) du Code criminel.
samedi 2 janvier 2010
La connaissance judiciaire VS l'admission en preuve des traités scientifiques
R. c. Désaulniers, 1994 CanLII 5909 (QC C.A.)
Il ne paraît pas douteux que la connaissance judiciaire ne peut et ne doit porter que sur des faits qui, ou sont de notoriété publique, ou peuvent être facilement et rapidement vérifiés, par exemple dans un dictionnaire. La connaissance judiciaire ne semble pas pouvoir s'étendre dans le cadre d'un procès criminel à une expertise ou un type d'expertises existantes qui n'aurait pas été mis en preuve par une des parties. (Jacques Fortin: La preuve pénale, Les Éditions Thémis, 1984, pp. 374 et s. - Jacques Bellemarre et Louise Viau: Droit de la preuve pénale, Les Éditions Thémis, 1991, pp. 51 à 56.)
Même si la lecture des auteurs semble nous laisser voir que cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille exclure des lectures faites tout ouvrage de référence pendant un délibéré (Cross: On evidence, Sixth Edition, Butterworths, 1985, p. 69), l'état du droit pénal canadien est à l'effet actuellement que ces ouvrages doivent être mis en preuve, soit par le biais d'experts, soit en étant soumis lors d'un contre-interrogatoire aux témoins experts de la partie adverse pour en discuter, s'ils sont en mesure de le faire.
Dans l'arrêt R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 223, tous les juges, tant ceux de la majorité que les juges dissidents, s'entendent pour dire que le droit applicable au Canada en matière d'admission de preuve des traités scientifiques est celui que l'on retrouve dans le jugement R. c. Anderson, (1914) 22 C.C.C. 455. Madame la juge L'Heureux-Dubé, dissidente sur d'autres points mais d'accord avec tous ses collègues à cet égard, s'exprime de la façon suivante: (pp. 273-74)
Le droit relatif à l'admission en preuve des traités scientifiques n'a pas été grandement modifié depuis R. c. Anderson (1914), 22 C.C.C. 455 (C.S. Alb.). Ce jugement exige que l'expert reconnaisse l'autorité du traité, avant que ce traité ne puisse être introduit en preuve au même titre que la preuve soumise au jury. En l'espèce, le Dr Turrall ne connaissait pas les études citées par le ministère public et, évidemment, ne pouvait les adopter comme faisant autorité.
Il existe nombre d'opinions divergentes sur les règles qui devraient gouverner l'admission de ces traités. L'arrêt Anderson adopte une position particulièrement stricte: si un témoin est interrogé sur un document et reconnaît son ignorance du document ou en nie l'autorité, aucune utilisation ne peut en être faite par l'introduction d'extraits dans la preuve. Toutefois, si le témoin reconnaît son autorité, il peut être requis d'expliquer toute différence apparente entre l'opinion véhiculée par le document et la sienne. Voir: Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, op. cit. à la p. 562.
En revanche, dans plusieurs États américains, de tels traités peuvent être utilisés à des fins beaucoup plus larges. Wigmore explique la raison d'être de la règle comme suit: "une grande partie des témoignages d'experts consiste en des renseignements obtenus à même ces sources, et il existe des garanties suffisantes de crédibilité qui permettent d'établir un parallèle entre les traités scientifiques et le témoignage de vive voix d'un témoin expert" (Wigmore on Evidence (Chadbourn revision 1976) vol. 6, par 1690-92). L'exception à l'exclusion du ouï-dire qui s'applique à ce genre de traités en vertu de la règle 803(18) des U.S. Federal Rules of Evidence permet donc que ces documents soient admis en preuve pourvu qu'ils soient portés à l'attention de l'expert pendant le contre-interrogatoire et que leur autorité soit établie d'une manière fiable. Cela peut être fait par l'admission du témoin lui-même ou par connaissance d'office (J.W. Strong, dir., McCormick on Evidence (4° éd. 1992), vol. 2, par. 321, à la p. 351. Voir également C. Goldman, «The Use of Learned Treatises in Canadian and United States Litigation» (1974), 24 U.T.L.J. 423).
Il me paraît donc, à cet égard, que le fait pour un juge de citer, de son propre chef et sans même aucune suggestion de la part des parties, un ouvrage scientifique ou un rapport qui expose des opinions d'experts, est une erreur de droit; évidemment, ce principe ne trouve pas d'application lorsque la consultation porte sur des ouvrages à caractère juridique.
Je ne peux m'empêcher de souligner cependant que l'on peut repérer, dans la jurisprudence des années '90, au moins cinq décisions de la Cour Suprême du Canada qui citent explicitement le rapport Badgley: R. c. L. (D.O.), 1993 CanLII 46 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 419, 439; L. (W.K.) c. La Reine, 1991 CanLII 54 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 1091, 1100-1101; B. (G) c. La Reine, 1990 CanLII 115 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 3, 15; R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 223; R. c. McCraw, 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72.
Il faut dire cependant que, dans ces cas, comme d'ailleurs dans l'affaire McCraw citée par l'intimée, on ne peut pas savoir du dossier de quelle façon ces documents ont été portés à la connaissance du juge.
Il me paraît, dans un tel contexte, que l'incidence de l'ouvrage scientifique et du rapport Badgley sur la décision du juge est infime. Le juge de première instance explique clairement pourquoi par ailleurs il n'accorde pas une grande valeur scientifique au témoignage du Dr Mailloux. Je suis donc d'avis que, même sans aucune consultation soit du rapport Badgley, soit de l'autre ouvrage scientifique, le verdict aurait nécessairement été le même, vu la conclusion claire à laquelle en arrivait le juge de première instance, quant à la force probante du témoignage de l'expert Mailloux et à la crédibilité scientifique de ce témoin. Manifestement, pour le juge, le témoignage du Dr Mailloux n'a pas toute la rigueur scientifique à laquelle on s'attendrait de la part d'un témoin expert.
Il me semble donc qu'il y a lieu, comme le suggère l'intimée, d'appliquer ici l'article 686(1)b)(iii) du Code criminel et de conclure que cette erreur de droit n'a aucune conséquence sur le verdict rendu.
Je ne trouve pas inutile non plus de mentionner qu'à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour Suprême du Canada dont ne disposait pas le juge de première instance, il est permis de se demander si toute cette preuve relative au profil psychologique de Désaulniers aurait été admise. En effet, la Cour Suprême du Canada, dans un jugement unanime, sous la plume du juge Sopinka, statuait que le témoignage de l'expert indiquant qu'en raison de sa condition mentale ou de son état mental, un accusé serait incapable de commettre le crime ou ne pourrait être prédisposé à le commettre, ne correspondait pas aux critères dégagés par les tribunaux pour admettre ce genre de preuve. La Cour Suprême s'exprime de la façon suivante: (pp. 30-31)
Avant d'admettre en preuve l'opinion d'un expert, le juge du procès doit être convaincu, en droit, que l'auteur du crime ou l'accusé possède des caractéristiques de comportement distinctives de sorte que la comparaison de l'un avec l'autre aidera considérablement à déterminer l'innocence ou la culpabilité. Bien que cette décision repose sur le bon sens et l'expérience, comme le professeur Mewett l'indique, elle n'est pas prise dans le vide. Le juge du procès devrait considérer, d'une part, l'opinion de l'expert et, d'autre part, si ce dernier exprime simplement une opinion personnelle ou si le profil des comportements qu'il décrit est couramment utilisé comme indice fiable de l'appartenance à un groupe distinctif. En d'autres termes, la profession scientifique a-t-elle élaboré un profil type du délinquant qui commet ce genre de crime? Une conclusion affirmative sur ce fondement satisfera aux critères de pertinence et de fiabilité. Non seulement la preuve d'expert tend à prouver un fait en litige, mais elle offrira aussi au juge des faits l'aide dont il a besoin. Une telle preuve aura satisfait au critère préliminaire de la fiabilité qui fera généralement en sorte que le juge des faits ne lui accorde pas plus de poids qu'elle ne mérite. La preuve sera considérée comme une exception à la règle d'exclusion relative à la preuve de moralité à condition bien sûr que le juge du procès soit convaincu que l'opinion exprimée se situe dans le domaine d'expertise du témoin expert.
Il ne paraît pas douteux que la connaissance judiciaire ne peut et ne doit porter que sur des faits qui, ou sont de notoriété publique, ou peuvent être facilement et rapidement vérifiés, par exemple dans un dictionnaire. La connaissance judiciaire ne semble pas pouvoir s'étendre dans le cadre d'un procès criminel à une expertise ou un type d'expertises existantes qui n'aurait pas été mis en preuve par une des parties. (Jacques Fortin: La preuve pénale, Les Éditions Thémis, 1984, pp. 374 et s. - Jacques Bellemarre et Louise Viau: Droit de la preuve pénale, Les Éditions Thémis, 1991, pp. 51 à 56.)
Même si la lecture des auteurs semble nous laisser voir que cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille exclure des lectures faites tout ouvrage de référence pendant un délibéré (Cross: On evidence, Sixth Edition, Butterworths, 1985, p. 69), l'état du droit pénal canadien est à l'effet actuellement que ces ouvrages doivent être mis en preuve, soit par le biais d'experts, soit en étant soumis lors d'un contre-interrogatoire aux témoins experts de la partie adverse pour en discuter, s'ils sont en mesure de le faire.
Dans l'arrêt R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 223, tous les juges, tant ceux de la majorité que les juges dissidents, s'entendent pour dire que le droit applicable au Canada en matière d'admission de preuve des traités scientifiques est celui que l'on retrouve dans le jugement R. c. Anderson, (1914) 22 C.C.C. 455. Madame la juge L'Heureux-Dubé, dissidente sur d'autres points mais d'accord avec tous ses collègues à cet égard, s'exprime de la façon suivante: (pp. 273-74)
Le droit relatif à l'admission en preuve des traités scientifiques n'a pas été grandement modifié depuis R. c. Anderson (1914), 22 C.C.C. 455 (C.S. Alb.). Ce jugement exige que l'expert reconnaisse l'autorité du traité, avant que ce traité ne puisse être introduit en preuve au même titre que la preuve soumise au jury. En l'espèce, le Dr Turrall ne connaissait pas les études citées par le ministère public et, évidemment, ne pouvait les adopter comme faisant autorité.
Il existe nombre d'opinions divergentes sur les règles qui devraient gouverner l'admission de ces traités. L'arrêt Anderson adopte une position particulièrement stricte: si un témoin est interrogé sur un document et reconnaît son ignorance du document ou en nie l'autorité, aucune utilisation ne peut en être faite par l'introduction d'extraits dans la preuve. Toutefois, si le témoin reconnaît son autorité, il peut être requis d'expliquer toute différence apparente entre l'opinion véhiculée par le document et la sienne. Voir: Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, op. cit. à la p. 562.
En revanche, dans plusieurs États américains, de tels traités peuvent être utilisés à des fins beaucoup plus larges. Wigmore explique la raison d'être de la règle comme suit: "une grande partie des témoignages d'experts consiste en des renseignements obtenus à même ces sources, et il existe des garanties suffisantes de crédibilité qui permettent d'établir un parallèle entre les traités scientifiques et le témoignage de vive voix d'un témoin expert" (Wigmore on Evidence (Chadbourn revision 1976) vol. 6, par 1690-92). L'exception à l'exclusion du ouï-dire qui s'applique à ce genre de traités en vertu de la règle 803(18) des U.S. Federal Rules of Evidence permet donc que ces documents soient admis en preuve pourvu qu'ils soient portés à l'attention de l'expert pendant le contre-interrogatoire et que leur autorité soit établie d'une manière fiable. Cela peut être fait par l'admission du témoin lui-même ou par connaissance d'office (J.W. Strong, dir., McCormick on Evidence (4° éd. 1992), vol. 2, par. 321, à la p. 351. Voir également C. Goldman, «The Use of Learned Treatises in Canadian and United States Litigation» (1974), 24 U.T.L.J. 423).
Il me paraît donc, à cet égard, que le fait pour un juge de citer, de son propre chef et sans même aucune suggestion de la part des parties, un ouvrage scientifique ou un rapport qui expose des opinions d'experts, est une erreur de droit; évidemment, ce principe ne trouve pas d'application lorsque la consultation porte sur des ouvrages à caractère juridique.
Je ne peux m'empêcher de souligner cependant que l'on peut repérer, dans la jurisprudence des années '90, au moins cinq décisions de la Cour Suprême du Canada qui citent explicitement le rapport Badgley: R. c. L. (D.O.), 1993 CanLII 46 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 419, 439; L. (W.K.) c. La Reine, 1991 CanLII 54 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 1091, 1100-1101; B. (G) c. La Reine, 1990 CanLII 115 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 3, 15; R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 223; R. c. McCraw, 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72.
Il faut dire cependant que, dans ces cas, comme d'ailleurs dans l'affaire McCraw citée par l'intimée, on ne peut pas savoir du dossier de quelle façon ces documents ont été portés à la connaissance du juge.
Il me paraît, dans un tel contexte, que l'incidence de l'ouvrage scientifique et du rapport Badgley sur la décision du juge est infime. Le juge de première instance explique clairement pourquoi par ailleurs il n'accorde pas une grande valeur scientifique au témoignage du Dr Mailloux. Je suis donc d'avis que, même sans aucune consultation soit du rapport Badgley, soit de l'autre ouvrage scientifique, le verdict aurait nécessairement été le même, vu la conclusion claire à laquelle en arrivait le juge de première instance, quant à la force probante du témoignage de l'expert Mailloux et à la crédibilité scientifique de ce témoin. Manifestement, pour le juge, le témoignage du Dr Mailloux n'a pas toute la rigueur scientifique à laquelle on s'attendrait de la part d'un témoin expert.
Il me semble donc qu'il y a lieu, comme le suggère l'intimée, d'appliquer ici l'article 686(1)b)(iii) du Code criminel et de conclure que cette erreur de droit n'a aucune conséquence sur le verdict rendu.
Je ne trouve pas inutile non plus de mentionner qu'à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour Suprême du Canada dont ne disposait pas le juge de première instance, il est permis de se demander si toute cette preuve relative au profil psychologique de Désaulniers aurait été admise. En effet, la Cour Suprême du Canada, dans un jugement unanime, sous la plume du juge Sopinka, statuait que le témoignage de l'expert indiquant qu'en raison de sa condition mentale ou de son état mental, un accusé serait incapable de commettre le crime ou ne pourrait être prédisposé à le commettre, ne correspondait pas aux critères dégagés par les tribunaux pour admettre ce genre de preuve. La Cour Suprême s'exprime de la façon suivante: (pp. 30-31)
Avant d'admettre en preuve l'opinion d'un expert, le juge du procès doit être convaincu, en droit, que l'auteur du crime ou l'accusé possède des caractéristiques de comportement distinctives de sorte que la comparaison de l'un avec l'autre aidera considérablement à déterminer l'innocence ou la culpabilité. Bien que cette décision repose sur le bon sens et l'expérience, comme le professeur Mewett l'indique, elle n'est pas prise dans le vide. Le juge du procès devrait considérer, d'une part, l'opinion de l'expert et, d'autre part, si ce dernier exprime simplement une opinion personnelle ou si le profil des comportements qu'il décrit est couramment utilisé comme indice fiable de l'appartenance à un groupe distinctif. En d'autres termes, la profession scientifique a-t-elle élaboré un profil type du délinquant qui commet ce genre de crime? Une conclusion affirmative sur ce fondement satisfera aux critères de pertinence et de fiabilité. Non seulement la preuve d'expert tend à prouver un fait en litige, mais elle offrira aussi au juge des faits l'aide dont il a besoin. Une telle preuve aura satisfait au critère préliminaire de la fiabilité qui fera généralement en sorte que le juge des faits ne lui accorde pas plus de poids qu'elle ne mérite. La preuve sera considérée comme une exception à la règle d'exclusion relative à la preuve de moralité à condition bien sûr que le juge du procès soit convaincu que l'opinion exprimée se situe dans le domaine d'expertise du témoin expert.
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