Rechercher sur ce blogue

dimanche 7 février 2010

Jurisprudence en matière de peine au Manitoba dans les cas de fraude de plus de 5 000 $

R. c. Kennedy, [2000] M.J. nº 369 (C.A.), 2000 MBCA 44
Peine d’emprisonnement d’un an – fraude de 234 000 $ à l’endroit de banques et
d’un organisme gouvernemental

L’accusée s’est reconnue coupable de fraude à l’endroit de quatre personnes pour une
somme de 234 600 $. Elle avait obtenu des prêts de celles-ci sur la foi de déclarations trompeuses. Trois des victimes étaient des banques à charte et la quatrième, un établissement de crédit gouvernemental. L’accusée a hypothéqué sa maison pour garantir 110 000 $ de ces fonds empruntés. Effectivement, la maison valait assez cher pour permettre de récupérer ce montant. L’accusée a offert peu d’autres mesures de restitution.

Elle était mère de quatre enfants, dont l’âge se situait au début de la trentaine. Elle avait des antécédents d’infractions similaires et était en probation au moment de la perpétration de l’infraction. Le juge du procès l’a condamnée à une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour, assortie d’une probation et d’une ordonnance de dédommagement. La Cour d’appel a fait remarquer que la contrevenante n’était pas dans une situation de confiance et que les victimes auraient pu s’apercevoir de la fraude si elles avaient fait preuve d’un peu plus de diligence. Elle a ajouté que, suivant l’arrêt Proulx, une condamnation avec sursis aurait pu être indiquée n’eut été des antécédents de l’accusée.

Elle a réduit sa peine à un an d’emprisonnement, assorti d’une période de probation et d’une ordonnance de dédommagement, principalement parce que la première peine
d’emprisonnement n’était pas trop longue.

R. c. Beyer, [1997] M.J. nº 368 (C.A.)
Peine d’emprisonnement de neuf ans – fraudes multiples – casier judiciaire
volumineux relativement à des infractions similaires

M. Beyer a été déclaré coupable de trois chefs d’accusation de fraude. Il a ensuite plaidé coupable relativement à cinq autres chefs d’accusation de fraude formulés dans un acte d’accusation distinct. Au procès, il a été condamné à un emprisonnement de 9 ans pour le premier acte d’accusation et à un emprisonnement de 4½ ans, à purger après la première peine, pour l’autre acte d’accusation. Malgré le volumineux casier judiciaire de l’accusé en matière d’infractions similaires et en dépit du fait qu’il avait commis les infractions lorsqu’il était en liberté conditionnelle relativement aux infractions commises auparavant, la Cour d’appel a estimé que la peine totale de 13½ ans [TRADUCTION] était « totalement disproportionnée par rapport à la gravité des infractions et à la situation de cet accusé ».

Par conséquent, elle a réduit sa peine à un total de 9 ans d’emprisonnement.

R. c. Terhoch, [1997] M.J. nº 177 (C. prov.)

Peine d’emprisonnement avec sursis de dix mois – fraude d’un employeur,
représentant une somme de 18 000 $ au cours d’une période de deux ans et demi

M. Terhoch s’est reconnu coupable d’avoir fraudé son employeur pour environ 18 000 $.
La fraude a été commise sur une période de deux ans et demi et a impliqué plus de
100 opérations. L’accusé a été condamné à dix mois d’emprisonnement avec sursis et à
deux ans de probation.

R. c. Laursen, [1996] M.J. nº 440 (C.A.)
Peine d’emprisonnement d’un an – fraude d’un employeur représentant une somme
de 27 400 $ au cours d’une période de 20 mois

L’accusé a été déclaré coupable d’avoir fraudé son employeur pour environ 27 400 $ sur une période de 20 mois. En appel, la peine, qui était de deux ans de probation assortis d’une ordonnance de dédommagement, a été portée à un an d’emprisonnement, assorti de deux années de probation et d’une ordonnance de dédommagement. La Cour d’appel a estimé qu’aucune circonstance spéciale ne justifiait une peine plus clémente.

Tiré de :
Peines infligées dans les cas de fraude de plus de 5000$
Sharon Stewart Guthrie
Ministère de la Justice, Bureau régional de l’Ontario
Decembre 2004

La responsabilité de l’acheteur d’une drogue, ou de son mandataire, dans le cadre d’une accusation pour trafic variera selon les circonstances

R. c. Leclerc, 2001 CanLII 16729 (QC C.Q.)

La responsabilité de l’acheteur d’une substance désignée, ou de son mandataire, dans le cadre d’une accusation pour trafic variera selon les circonstances. Le rôle joué par l’acheteur ou son mandataire lors d’une transaction étant souvent nébuleux, il peut parfois être nécessaire de recourir à la preuve circonstancielle afin de déterminer son implication dans l’infraction reprochée et, par le fait même, sa culpabilité possible.

Voyons, tout d’abord, dans quelles circonstances la responsabilité de l’acheteur ou de son mandataire peut être retenue. Dans l’examen de cette question, nous croyons important de prendre en considération l’intention du législateur relativement à l’interdiction de trafic. Dans l’affaire R. c. Rousseau, le juge Dubé de la Cour d’appel a souligné que :

"Il me paraît évident que l’intention du législateur est de prohiber toute forme d’action pouvant entourer la circulation de stupéfiants et, lorsqu’il emploie le mot « trafic » et qu’il en donne une définition, cette définition n’est pas exhaustive ni assujettie à un formalisme grammatical".

Les auteurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon prônent également une approche non limitative de la notion de trafic :

"En matière de lutte contre les stupéfiants, le législateur a adopté une approche très large du concept de trafic de stupéfiants. […] [L] ‘intention du législateur est de prohiber toute forme de circulation non autorisée de stupéfiants; en conséquence, la définition ne doit pas s’interpréter de façon limitative et l’emploi du mot « trafic » vise à interdire toute manipulation illégale de stupéfiants".

Comme le disait le juge Cory dans l’affaire Greyeyes, « […] le trafic de la drogue, de par sa nature même, est une entreprise qui implique et dépend de nombreux ‘intermédiaires’ ». Si la responsabilité criminelle du vendeur ne pose pas problème, il en va différemment de l’acheteur et du mandataire de l’acheteur.

La jurisprudence semble constante à l’effet qu’un simple acheteur ne saurait engager sa responsabilité relativement à l’infraction de trafic. L’achat d’une substance n’est d’ailleurs pas inclus dans la notion de ‘trafic’ telle que définie par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

On a toutefois soutenu que, même si l’acheteur ne pouvait être trouvé coupable de trafic, cela n’excluait pas la possibilité que sa responsabilité puisse être engagée en tant que complice. De même, il semble essentiel de s’interroger sur l’utilisation que fait l’acheteur de la substance achetée. En effet, « [a] vendor sells to make a profit, while a purchaser buys to serve his own personal interests ». Or, il existe des situations dans lesquelles un individu achète une substance désignée non pas pour consommation personnelle mais plutôt dans un but de revente. Nous croyons que, dans un tel cas, l’implication de l’acheteur-revendeur dans le trafic de la substance est sans ambiguïté.

Cela nous amène à considérer la responsabilité de celui qui aide l’achat et / ou la vente de la substance. En vertu de l’alinéa 21(1)b) du Code criminel est considérée comme partie à l’infraction la personne qui « […] accomplit ou omet d’accomplir quelque chose en vue d’aider quelqu’un à la commettre ».

Il est nécessaire, pour établir une telle responsabilité, de démontrer que la personne savait ce qui se passait et, plus précisément, qu’elle connaissait les circonstances constituant l’infraction. Pour que sa culpabilité soit reconnue, il faut également faire la preuve que, par un acte quelconque de sa part, elle a aidé à la réalisation de l’infraction.

Dans l’affaire Greyeyes, la juge L’Heureux-Dubé, au nom de la majorité, précise que le degré d’aide apportée doit avoir une certaine importance pour retenir la responsabilité de l’intermédiaire :

"Dans les situations où il ressort des faits que l'aide fournie à l'acheteur n'a été rien de plus qu'une aide accessoire à la vente, le bon sens exige que ces personnes soient traitées comme des acheteurs et non comme des trafiquants. L'accusation qui devrait être portée dans ces circonstances serait d'avoir aidé ou encouragé la possession d'un stupéfiant, et non de s'être livré au trafic".

Avant de conclure à la culpabilité de l’intermédiaire, il faudrait donc que la couronne ait réussi à faire la preuve d’une participation active de sa part dans la transaction.

Ainsi, une activité qui a simplement pour effet d’aider à la commission de l’infraction ne saurait être suffisante pour engager la responsabilité. La poursuite doit plutôt démontrer que ce que l’accusé a fait, ou omis de faire, était dans le but d’aider. On a même soutenu que, dans le contexte de l’alinéa 21(1)b) C.cr., l’expression « en vue d’aider » signifiait en fait « avec l’intention d’aider ». Une personne agissant pour le compte d’un acheteur pourrait, par exemple, être trouvée coupable de trafic.

Qu’il s’agisse de déterminer si l’achat d’une substance a été fait dans un but de revente ou encore d’établir le degré de participation d’un mandataire en vertu de l’al. 21(1)b) C.cr., il peut s’avérer fort utile, voire essentiel, de recourir à la preuve circonstancielle. En effet, la difficulté que pose la détermination de la responsabilité de l’acheteur ou de son mandataire ainsi que la nature secrète du trafic de substances peuvent exiger le recours à un tel type de preuve.

Comme nous l’avons vu précédemment, il s’agira donc de voir si l’ensemble de la preuve présentée permet d’être convaincu hors de tout doute raisonnable de l’implication de l’accusé dans le trafic de substances reproché et donc de sa culpabilité. Ainsi, si l’ensemble de la preuve, même indirecte, présentée devant le tribunal permet d’en arriver à la conclusion hors de tout doute raisonnable que ledit acheteur ne faisait pas qu’acheter une substance mais également la revendait, la transportait, la livrait, etc., le juge des faits sera justifié de le déclarer coupable de trafic.

samedi 6 février 2010

Jurisprudence en matière de peine en Colombie-Britannique dans les cas de fraude de plus de 5 000 $

R. c. Wilder, [2004] B.C.J. nº 1030, 2004 BCSC 644
Peine d’emprisonnement de neuf ans – fraude fiscale subtile atteignant 36 millions
de dollars

M. Wilder a été déclaré coupable de 7 chefs d’accusation de fraude aux dépens du
gouvernement, fraudes qui atteignent 36 millions de dollars, et d’un chef d’accusation de possession de biens criminellement obtenus. Au départ, il avait été accusé avec Lawrence et deux autres, mais les accusations portées contre lui ont été dissociées des autres avant la tenue du procès conjoint. M. Wilder a été d’abord acquitté, mais la Cour d’appel a ordonné la tenue d’un nouveau procès, à la suite duquel il a été déclaré coupable. Avant la tenue de son nouveau procès, Lawrence et les autres ont été déclarés coupables. On trouve plus loin dans le présent document un résumé de la décision de la Cour dans l’affaire R. c. Lawrence, [1996] B.C.J. nº 3027 (C.A.), dans laquelle deux accusés ont été condamnés à 7 ans et un troisième à 6 ans.

M. Wilder était président d’une société qui obtenait du financement auprès
d’investisseurs en se servant du programme de crédit d’impôt à la recherche scientifique (CIRS) pour trois projets de recherche différents. Le ministère public a établi la fausseté de déclaratio ns attestant que divers aspects de la recherche étaient terminés. Dans un cas, les dépenses de recherche étaient gonflées, dans le deuxième, aucune dépense n’avait été engagée et le troisième projet n’existait même pas. En première instance, le tribunal a fait observer que, dans l’affaire Lawrence, la Cour d’appel avait déjà signalé que le régime frauduleux était élaboré, qu’il impliquait de nombreux tiers, l’utilisation de factures gonflées et de pseudo- factures, de pseudo-billets à ordre et d’un grand nombre de fausses assertions. Le tribunal de première instance a ajouté que, dans cette affaire, Wilder avait plagié d’autres travaux et créé de faux documents.

Le tribunal a conclu que Wilder était le cerveau de l’opération, qu’il était motivé
uniquement par la cupidité, qu’il n’éprouvait aucun remords et qu’il refusait d’accepter toute responsabilité pour sa conduite.

Wilder avait 57 ans au moment du prononcé de la peine. Il a fait valoir que sa peine
devrait tenir compte du fait qu’il avait déjà purgé, au Manitoba, une peine pour ce qui, selon lui, était essentiellement la même infraction. Se représentant lui- même, il a laissé entendre qu’il avait grandement souffert de l’incompétence de Revenu Canada et avait perdu bien des occasions d’affaires. Il a suggéré à la Cour soit de l’absoudre, soit de lui infliger une condamnation avec sursis.
Pour sa part, le ministère public a fait valoir que Wilder devait être condamné à une peine plus sévère que celle qui avait été infligée à Lawrence, compte tenu du fait que c’était lui le meneur dans cette affaire et qu’il avait déjà été déclaré coupable dans un autre cas.

La Cour a examiné les faits se rapportant à la déclaration de culpabilité de M. Wilder au Manitoba et qui sont exposés dans R. c. Wilder, [1994] M.J. nº 455. Elle a conclu que dans l’affaire qui s’était produite au Manitoba, Wilder avait aussi eu recours à un système CIRS, mais les prétendus projets de recherche avaient commencé avant ceux de la Colombie-Britannique et étaient complètement différents de ceux-ci. Elle a ajouté qu’au Manitoba, Wilder avait été déclaré coupable de tentative de fraude à l’égard du gouvernement pour une somme de 7 millions de dollars et avait été condamné le 2 septembre 1994 à 3 ans d’emprisonnement.

Le juge du procès a décidé qu’une peine totale de 9 ans d’emprisonnement était indiquée, compte tenu des peines infligées aux complices de Wilder et du besoin de dissuasion. De plus, il a fait remarquer que l’accusé avait pris soin de se dessaisir de biens identifiables. Sa maison au Canada était au nom de sa belle- mère et celle aux États-Unis avait été d’abord au nom de sa femme, puis au nom d’une autre. Il a estimé qu’il convenait de prononcer une ordonnance de dédommagement de 5 millions de dollars.

R. c. Inglis, [2002] B.C.J. nº 1551 (C. prov.), 2002 BCPC 242
Peine d’emprisonnement avec sursis de 18 mois et dédommagement de 73 000 $ -
caissière d’une banque qui a fraudé son employeur

L’accusée, une caissière principale, a reconnu sa culpabilité relativement à l’accusation d’avoir fraudé son employeur d’un montant d’environ 78 000 $ sur une période d’un an et demi. Il s’agissait de sa première infraction, elle avait 47 ans, était la mère de trois enfants, avait volontairement remboursé 5 000 $, manifestait un remords sincère et avait l’appui de sa famille et de ses amis. Elle a été condamnée à un emprisonnement de 18 mois avec sursis et la Cour lui a ordonné de verser un dédommagement de 73 000 $.

R. c. Anderson-Davis, [2000] B.C.J. nº 88 (C.S.), 2000 BCSC 42
Peine d’emprisonnement avec sursis de 18 mois – fraude de l’aide sociale de l’ordre
de 136 000 $
Ce contrevenant de 53 ans, qui en était à sa première infraction, s’est reconnu coupable de deux chefs d’accusation d’avoir fraudé l’aide sociale pour une somme totale de 136 000 $. Les infractions ont été commises sur deux périodes distinctes de quatre ans. Le juge a statué que le contrevenant avait essayé de vivre au-dessus de ses moyens et qu’il acceptait maintenant qu’il ne pouvait plus le faire. Il a ajouté qu’il n’était pas nécessaire d’insister sur la réadaptation ou la dissuasion particulière. Le contrevenant a accepté de verser un dédommagement en vendant sa maison. La Cour l’a condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois avec sursis.

R. c. Lawrence, [1996] B.C.J. nº 3027 (C.A.)
Peine d’emprisonnement de sept ans – fraude fiscale subtile représentant 17,5 M$

Dans l’affaire connexe à celle de Wilder, un jury a déclaré les trois accusés coupables de fraude à l’égard du gouvernement pour un montant d’environ 17,5 millions de dollars. La fraude résultait de deux faux projets de recherche scientifique et avait été financée par la vente de crédits d’impôt dans le cadre de l’éphémère régime de crédit d’impôt à la recherche scientifique (CIRS). La fraude était élaborée; il fallait créer une infrastructure de recherche, attirer des capitaux de placement provenant de tiers, créer des comptes de garanties bloqués et utiliser des factures gonflées, des pseudo-factures, de faux billets à ordre et de fausses assertions pour débloquer les fonds détenus en main tierce.

Les investisseurs recevaient des certificats attestant que la recherche était effectivement faite. M. Lawrence est l’avocat qui a envoyé les lettres destinées à rassurer les investisseurs tout en sachant que les certificats étaient faux. Le passé de tous les accusés était sans tache, voire exemplaire. Le juge du procès a statué que le besoin de dénonciation et de dissuasion générale exigeait le prononcé de peines sévères. M. Lawrence et un autre accusé ont été condamnés à 7 ans d’emprisonnement et la Cour leur a ordonné de verser un dédommagement de 1 million de dollars. L’autre accusé a été condamné à 6 ans et enjoint de verser un dédommagement de 1 million de dollars.

La Cour d’appel a confirmé la peine en faisant les observations suivantes au paragraphe 22 :
[TRADUCTION] La fraude a rapporté des profits de 17 millions de dollars. Il s’agissait d’un plan élaboré dont la réalisation s’est étendue sur bien des
mois. Elle impliquait de nombreux acteurs, une trace écrite élaborée et
exigeait de faire preuve de beaucoup d’astuce et de tromperie.

Tiré de :
Peines infligées dans les cas de fraude de plus de 5000$
Sharon Stewart Guthrie
Ministère de la Justice, Bureau régional de l’Ontario
Decembre 2004

Délai de 49 minutes entre l’arrestation et l’ordre de fournir les échantillons d’haleine. «Dès que possible». Art. 254(3) et 258(1)c) C.cr

R. c. Corbeil, 2008 QCCQ 2382 (CanLII)

[29] Relativement au 2e chef d’accusation d’avoir conduit un véhicule à moteur alors que son alcoolémie dépassait 80 mg par 100 ml de sang, la défense prétend que la présomption d’identité prévue à l’art. 258(1)c) C.cr. ne peut s’appliquer parce que l’ordre de fournir un échantillon d’haleine, donné 57 minutes après l’arrestation, ne rencontre pas les critères du « dès que possible » édictés par l’art. 254(3) du Code criminel.

[30] La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Squires 2002 CanLII 44982 (ON C.A.), 2002 CANLII 44982 (ON C.A.), (2002) 166C.C.C.(3d) 65, rappelle que l’expression “as soon as practicable” a été interprétée comme voulant dire “within a reasonably prompt time” et non “as soon as possible” [3]. Donc, la jurisprudence n’exige pas que l’ordre soit donné le plus tôt possible, mais bien dans un délai relativement court ou « dès que possible » eu égard aux circonstances.

[31] Par conséquent, l’agent de la paix doit sommer une personne en état d’arrestation de lui fournir un échantillon d’haleine immédiatement ou dès que cela est raisonnablement possible eu égard aux circonstances, et ce, après qu’il ait acquis des motifs raisonnables et probables de croire que cette personne a commis au cours des trois heures précédentes une infraction à l’article 253 du Code criminel.

[32] Ainsi, dans l’arrêt Squires, précité, un délai de 59 minutes entre l’arrestation et la sommation a été jugé raisonnable, car le policier était justifié d’attendre que l’accusé ait subi des examens médicaux à la suite d’un accident. Il est préférable que les démarches légales additionnelles que les policiers doivent entreprendre en pareil cas ne soient introduites que lorsque l’accusé est capable de comprendre les questions posées et d’y répondre d’une manière significative. À ce sujet, le juge MacPherson, au par. 32, énonce ceci :

“Moreover, the additional legal steps, including the demand, should only be taken once and accused person is able to understand the question and respond to them in a meaningfull way. Constable Ramsay’s conduct on the night in question was consistent with this important legal requirement.”

[33] Dans la présente affaire, la chronologie des événements s’établit ainsi :

➢ 2 h : Policiers reçoivent un appel pour un véhicule accidenté;

➢ 2 h 3 : Arrivée des policiers sur les lieux;

➢ 2 h 5 : Arrestation de l’accusée, laquelle est placée dans le véhicule de police;

➢ 2 h 7 : Arrivée des ambulanciers; examen sommaire de l’accusée; refus de traitements; elle s’endort à l’arrière du véhicule d’auto-patrouille;

➢ 2 h 20 : L’agent Morin réveille l’accusée pour obtenir son numéro de téléphone; peu après elle s’endort à nouveau;

➢ 2 h 55 : Arrivée du remorqueur; service des incendies sur les lieux pour vérifier l’auto accidentée; départ pour le poste de police;

➢ 2 h 57 : Policier réveille l’accusée; elle perd l’équilibre en sortant du véhicule;

➢ 3 h 2 : Ordre de fournir un échantillon d’haleine;

➢ 3 h 5 : Premier test : 172 mg/100 ml; l’accusée s’endort sur un banc;

➢ 3 h 29 : Second test : 163 mg/100 ml; elle se rendort sur un banc en attendant qu’un ami vienne la chercher.

[34] Au procès, ni la poursuite ni la défense n’ont demandé au policier d’expliquer la raison pour laquelle il n’a pas ordonné à l’accusée de fournir un échantillon d’haleine lors de l’arrestation à 2 h 3 ou « dès que possible ». On l’a sommée à 3 h 2. Ce délai de 49 minutes est-il justifiable eu égard à toutes les circonstances de l’affaire?

[35] L’accusée était visiblement en état d’ébriété avancée. Plus ou moins cohérente dans ses propos, elle s’est endormie à plusieurs reprises. Elle n’était tout simplement pas en mesure de comprendre ce qui se passait autour d’elle. La Cour considère que les policiers ont agi correctement dans les circonstances.

[36] De plus, pour que la présomption d’identité prévue à l’art. 258(1)c) C.cr. puisse s’appliquer, il faut également que les échantillons d’haleine soient fournis « dès que possible » (art. 254(3) C.cr.) et que le premier échantillon soit prélevé pas plus de 2 heures après le moment où l’infraction aurait été commise.

[37] Dans le cas sous étude, il s’est écoulé un délai d’une heure et 5 minutes entre l’accident et la prise du premier échantillon d’haleine.

[38] Ce délai est raisonnable dans les circonstances. Les policiers ont dû attendre que les ambulanciers terminent l’examen sommaire de l’accusée. Également, le service des incendies procédait à la vérification du véhicule accidenté au cas où il y aurait risque de feu ou d’explosion. De plus, les policiers ne pouvaient quitter les lieux avant le remorqueur, car il n’y avait aucun autre véhicule de patrouille disponible au poste ce soir-là.

[39] Les agents Morin et Dastous avaient chacun leur véhicule. Ceux-ci étaient nécessaires tant pour assurer la circulation sur le chemin St-André que pour éviter une collision avec le véhicule où l’accusée prenait place.

[40] Au surplus, une directive du service de police interdit, pour des raisons de sécurité, à un agent de la paix de conduire seul un véhicule de patrouille avec une personne détenue et menottée à l’arrière de sorte qu’un des deux policiers ne pouvait quitter la scène et amener la détenue au poste, plus tôt dans la nuit, pour obtenir les échantillons d’haleine prévus par la Loi.

[41] La Cour estime que le prélèvement des échantillons d’haleine a été effectué dans un délai raisonnablement court dans les circonstances. La poursuite bénéficie donc de la présomption d’identité énoncée à l’art. 258(1)c) du Code criminel. La preuve des résultats des analyses fait foi, en l’absence de toute preuve contraire, de l’alcoolémie de l’accusée au moment où l’infraction a été commise.

[42] Aucune preuve contraire n’a été soumise pour contrer le résultat des analyses.

Exemples jurisprudentiels de violations aux droits constitutionnels de l'accusé dans le contexte d'une infraction de conduite avec facultés affaiblies

R. c. Rousseau, 2002 CanLII 9454 (QC C.S.)

R. c. Thomsen 1988 CanLII 73 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 640:

(Du résumé): «La sommation faite à l'accusé par un policier aux termes du par. 234.1(1) du Code criminel, de l'accompagner à une voiture de police et de lui fournir un échantillon d'haleine pour fin d'alcootest entraîne la détention de l'accusé au sens de l'al. 10b) de la Charte.»

R. c. Bartle 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173:

«(1) L'alinéa 10b) de la Charte … L'alinéa 10b) impose trois obligations aux représentants de l'État: informer la personne détenue de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, lui donner la possibilité raisonnable d'exercer ce droit et s'abstenir de l'interroger jusqu'à ce qu'elle ait eu cette possibilité raisonnable.

…»

R. c. Latimer 1997 CanLII 405 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 217:

Cet arrêt indique l'importance, en vertu de l'art. 10a) dans le but d'exercer le droit à l'avocat de l'art. 10b), de connaître pourquoi on est appréhendé et de bien saisir l'ampleur du risque que l'on connaît.

R. c. Strachan 1988 CanLII 25 (C.S.C.), [1988] 2 R.C.S. 980:

Situation possiblement dangereuse au moment de l'arrestation mais une fois celle-ci réglée, les armes trouvées, et les autres personnes présentes parties, les policiers auraient dû permettre à l'accusé de téléphoner à un avocat car ils avaient de toute évidence la situation bien en main.

Dans notre dossier rien n'empêchait que l'on remette un téléphone portatif à M. Rousseau dès l'arrivée à l'hôpital.

R. c. Ross 1989 CanLII 134 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 3:

(Du résumé): «…Dès qu'un détenu a fait valoir son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers ne peuvent en aucune façon, jusqu'à ce qu'il ait eu une possibilité raisonnable d'exercer ce droit, le forcer à prendre une décision ou à participer à quelque chose qui pourrait finalement avoir un effet préjudiciable sur un éventuel procès.»

R. c. Black 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138:

(Du résumé): «Une personne ne peut valablement exercer les droits que lui garantit l'al. 10b) que si elle connaît l'ampleur du risque qu'elle court.

…»

Dans ce dossier, l'accusée avait d'abord été mise en état d'arrestation pour tentative de meurtre.

«En second lieu, les policiers doivent s'abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve au détenu tant que celui-ci n'aura pas eu une possibilité raisonnable de recourir à l'assistance d'un avocat.»

R. c. Evans 1991 CanLII 98 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 869:

(Du résumé): «Les policiers ont le devoir d'informer à nouveau l'accusé de son droit à l'assistance d'un avocat quand un changement de circonstances fait que l'accusé est soupçonné d'une infraction différente et plus grave que celle dont il était soupçonné au moment de la première mise en garde.»

Cet arrêt a son importance dans l'éventualité où l'on retiendrait que l'agent Potvin ne savait pas, à 1h55, comme il le disait, jusqu'à quel point l'accusé pouvait être accusé d'autres choses que capacités affaiblies. Mais on voit de la conversation qu'il a eue avec son superviseur à partir de 2h10, qu'il était bien au fait parce que c'est lui qui informe le superviseur qu'il y a bel et bien 4 personnes dans le fond de l'eau et malgré ce fait, quand il donne à nouveau les droits à l'accusé à 2h33, il maintient toujours l'arrestation pour capacités affaiblies.

R. v. Erickson 72 C.C.C. (3d) 75 (Alberta Court of Appeal) mars 1992, approuvé par la Cour suprême 1993 CanLII 103 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 649:

L'obtention du résultat d'une information médicale est une saisie au sens de l'art. 8 de la Charte canadienne. Sur le remède sous 24(2), les tests ont été, dans ce dossier, permis compte tenu de l'élément suivant:

«The constable was completely candid about the sources of information relied upon when he obtained the search warrants: there was no deception, wilful non-disclosure or fraud. Therefore, while a court may exclude evidence that would have been discovered in any event where a Charter violation is serious, the Charter violations in this case are not of such a serious nature that exclusion of the evidence is required. This issue is discussed in R. v. Meddoui, supra, and R. v. Greffe 1990 CanLII 143 (S.C.C.), (1990), 55 C.C.C. (3d) 161, [1990] 1 S.C.R. 755, 75 C.R. (3d) 257.»

R. c. Knox 1996 CanLII 171 (C.S.C.), [1996] 3 R.C.S. 199:

(Paragraphe 12): «Naturellement, aucune de ces conclusions n'est destinée à laisser entendre qu'une personne peut être contrainte, physiquement ou autrement, de fournir un échantillon de sang. Une personne peut encore refuser de fournir un échantillon de sang, mais le par. 254(5) prévoit que, si elle refuse de le faire, elle commet alors une infraction distincte. Donc, le régime du Code en matière d'échantillons de sang concorde effectivement avec le régime d'alcootest que notre Cour a déjà expliqué. En outre, rien ne porte à croire que le fait d'obtempérer ne peut pas être vicié, si, par exemple, le juge des faits conclut que l'appelant a été amené à penser que son échantillon de sang ne serait utilisé qu'à des fins médicales par son médecin traitant.»

R. c. Borden 1994 CanLII 63 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 145:

(Du résumé): «Les policiers doivent informer une personne des motifs de sa détention afin d'assurer que celle-ci puisse faire un choix éclairé d'exercer ou non son droit à l'assistance d'un avocat et, dans l'affirmative, qu'elle obtienne des conseils judicieux en fonction de sa compréhension de l'ampleur du risque qu'elle court. En l'espèce, on n'a pas indiqué à l'accusé que les enquêtes policières visaient une autre infraction que celle pour laquelle il avait été arrêté. Lorsque la portée des enquêtes policières a été élargie, l'accusé aurait dû être informé de nouveau de son droit à l'assistance d'un avocat.»

R. c. Broyles 1991 CanLII 15 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 595:

Utilisation par la police d'un informateur ami de l'accusé, informateur qui a encouragé celui-ci à ne pas tenir compte du conseil de son avocat de garder le silence et qui a soutiré des renseignements.

«Les autorités ne peuvent profiter des gestes accomplis par leurs représentants si ces derniers ont outrepassé les instructions reçues.»

Ceci s'applique à l'infirmier Simoneau qui devenait un représentant de l'État lorsqu'il a été mandaté par la Dre Bellavance suite à l'ordre donné par l'agent Potvin de prélever le sang de l'accusé, ce qu'il a fait trop rapidement.

R. c. White 1999 CanLII 689 (C.S.C.), [1999] 2 R.C.S. 417:

Déclarations prises pour fins de rapport d'accident et utilisées pour incriminer un accusé.

(Du résumé) «Les déclarations requises par l'art. 61 de la Motor Vehicle Act ne peuvent pas être utilisées dans des poursuites criminelles contre leur auteur. Leur utilisation dans un procès criminel contreviendrait au principe interdisant l'auto-incrimination, qui est un des principes de justice fondamentale que protège l'art. 7 de la Charte.»

R. c. Hébert 1990 CanLII 118 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 151:

(Du résumé): «Premièrement, rien n'interdit aux policiers d'interroger l'accusé ou le suspect en l'absence de l'avocat après que l'accusé a eu recours à ses services. La persuasion policière qui ne prive pas le suspect de son droit de choisir ni de son état d'esprit conscient ne viole pas le droit de garder le silence.»

(je souligne)

Dans notre dossier, le policier Potvin a interrogé l'accusé avant que celui-ci n'ait recours aux services d'un avocat, ce qu'il avait demandé.

R. c. Manninen 1987 CanLII 67 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 1233:

(Du résumé): «L'alinéa 10b) impose au moins deux obligations aux policiers, en plus de celle d'informer le détenu de ses droits. En premier lieu, le policier droit donner au détenu une possibilité raisonnable d'exercer son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. L'obligation de faciliter le recours à un avocat incluait l'obligation d'offrir à l'intimé de se servir du téléphone. Bien qu'il puisse y avoir des circonstances où il est particulièrement urgent que la police poursuive son enquête avant qu'il lui soit possible de faciliter l'entrée en communication d'un détenu avec un avocat, il n'y avait aucune urgence de cette nature en l'espèce. En deuxième lieu, les policiers doivent cesser d'interroger le détenu tant qu'il ne se sera pas vu offrir une possibilité raisonnable de recourir à l'assistance d'un avocat. Le droit à l'assistance d'un avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement d'être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi mais également, voire qui plus est, d'obtenir des conseils de son droit de garder le silence et la principale fonction de l'avocat était de confirmer l'existence de ce droit, puis de le conseiller sur la façon de l'exercer. Pour que le droit à l'assistance d'un avocat soit efficace, le détenu doit pouvoir obtenir ces conseils avant d'être interrogé ou requis autrement de fournir des éléments de preuve. Il y a manifestement eu violation de cet aspect du droit de l'intimé d'avoir recours à un avocat et, encore une fois, il n'y avait aucune urgence pouvant justifier un interrogatoire immédiat.



Finalement, pour que des éléments de preuve soient exclus, leur utilisation doit être susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Il y a eu une violation très grave du droit de l'intimé à l'assistance d'un avocat. Les agents de police n'ont tout simplement pas tenu compte des droits dont ils venaient de lui faire lecture et de la volonté qu'il avait exprimée d'exercer les droits de garder le silence et de recourir à un avocat. Aucune urgence ne justifiait cette conduite. De plus, les éléments de preuve obtenus avaient un effet auto-incriminant: leur utilisation après un refus d'accorder le droit de recourir à un avocat, influe généralement sur l'équité même du procès et est donc généralement susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Compte tenu de la gravité de la violation et de l'effet des éléments de preuve sur l'équité du procès, l'admission de ces éléments de preuve ne saurait être justifiée pour le motif qu'il s'agissait d'une infraction grave et que la culpabilité de l'intimé est clairement établie par la déclaration qu'on veut voir écartée.»

R. c. Feeney [1997] 2 R.C.S. paragr. 57:

«De plus, l'al. 10b) impose aux policiers l'obligation de cesser d'interroger ou de tenter autrement de soutirer des éléments de preuve du détenu tant qu'il ne se sera pas vu offrir une possibilité raisonnable de recourir à l'assistance d'un avocat. Le droit à l'assistance d'un avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement d'être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces droits.

En l'espèce, l'appelant n'a pas eu de possibilité suffisante de recourir à un avocat. Il n'a pas eu accès à un téléphone avant d'être interrogé;»

R. c. Prosper 1994 CanLII 65 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 236:

(Du résumé): «Une fois qu'une personne détenue a exprimé le désir d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat, l'État doit lui fournir une possibilité raisonnable de consulter un avocat, et les agents de l'État doivent s'abstenir de lui soutirer des éléments de preuve incriminants jusqu'à ce qu'on lui ait donné cette possibilité.

…»

«Les échantillons d'haleine étaient des éléments de preuve obtenus en mobilisant l'accusé contre lui-même, qui n'auraient peut-être pas été disponibles s'il n'y avait pas eu violation des droits que l'al. 10b) garantit à l'appelant. En d'autres termes, la violation du droit de l'appelant à l'assistance d'un avocat porte directement atteinte à son privilège de ne pas s'incriminer, et l'utilisation des résultats des alcootests découlant de cette violation est susceptible de miner ce privilège et, partant, de rendre le processus judiciaire inéquitable. Ni l'indéniable bonne foi de la police ni la gravité relative de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies reprochée à l'appelant ne peuvent compenser le manque d'équité qu'entraînerait selon moi l'utilisation de cet élément de preuve. (p. 284 e – j. Lamer)



À mon avis, le droit de l'appelant à l'assistance d'un avocat prévu à l'al. 10b) de la Charte a été violé et, en vertu du par. 24(2) de la Charte, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce, la preuve obtenue par les alcootests ne devrait pas être utilisée.» (p. 285 a – j. Lamer)

R. c. Dyment 1988 CanLII 10 (C.S.C.), [1988] 2 R.C.S. 417:

(Du résumé): «L'article 8 ne vise pas uniquement à protéger la propriété, mais aussi les intérêts en matière de vie privée des particuliers contre les fouilles, les perquisitions et les saisies. La distinction entre une saisie et la simple réunion d'éléments de preuve se situe au point où il devient raisonnable de dire que l'individu n'a plus d'intérêt intime relativement à l'objet qui serait saisi. L'utilisation du corps d'une personne, sans son consentement, en vue d'obtenir des renseignements à son sujet, constitue une atteinte à une sphère de la vie privée essentielle au maintien de sa dignité humaine. Le médecin, dont la seule justification pour recueillir l'échantillon sanguin était qu'il devait servir à des fins médicales, n'avait aucunement le droit de le prélever à une autre fin ni de le donner à un étranger pour des fins autres que médicales, à moins que la loi ne l'exige, et toute loi de ce genre serait assujettie à un examen en regard de la Charte. La protection qu'accorde la Charte va jusqu'à interdire à un agent de police ou un mandataire de l'État de prendre une substance aussi personnelle que le sang à un médecin qui la détient avec l'obligation de respecter la dignité et la vie privée de cette personne.»

La notion de garde et contrôle après avoir volontairement consommé de l’alcool ou de la drogue

R. c. Strano, 2007 CanLII 42974 (QC C.M.)

[ 94 ] Il est de l’intérêt public de tenir un contrevenant responsable de mettre la sécurité du public en danger en assumant la garde et le contrôle d’un véhicule après avoir volontairement consommé de l’alcool ou de la drogue, même si son intoxication l’empêche de réaliser ce qu’il fait.

[ 95 ] La poursuite dispose de deux (2) moyens de preuve pour établir que le défendeur a eu la garde ou le contrôle de son véhicule :

[ 96 ] La présomption de l’article 258 (1) a) C.cr. stipule que :

«lorsqu'il est prouvé que l'accusé occupait la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le véhicule… il est réputé en avoir eu la garde ou le contrôle à moins qu'il n'établisse qu'il n'occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce véhicule…»

[ 97 ] Cette présomption s’applique même si le véhicule automobile n’est pas en état de marche.

[ 98 ] Afin de se prévaloir de cette présomption, le seul élément que la poursuite doit prouver est que le défendeur occupait la place du conducteur. Le défendeur peut repousser cette présomption par prépondérance de preuve en établissant qu’il n’occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en marche.

[ 99 ] Il ne rencontre pas ce fardeau en soulevant simplement un doute quant à l’applicabilité de cette présomption, comme dans le cas de la preuve contraire.

[ 100 ] Si la poursuite ne réussit pas à établir que le défendeur occupait la place du conducteur ou si le défendeur réussit à établir qu’il n’occupait pas la place du conducteur dans le but de mettre en marche le véhicule, la poursuite ne peut plus bénéficier de cette présomption. Elle doit à ce moment, se prévaloir du deuxième (2e) moyen de preuve.

[ 101 ] Le deuxième (2e) moyen de preuve est fondé sur une preuve directe ou circonstancielle basée sur des actes qui peuvent permettre au Tribunal une inférence que le défendeur a eu l’intention d’assumer la garde ou le contrôle du véhicule, créant ainsi un risque d’utiliser le véhicule d’une manière dangereuse pour le défendeur et / ou le public comme par exemple, un danger de le mettre en mouvement.

[ 102 ] La détermination de ce volet ne répond pas à des critères fixes mais dépend des circonstances particulières de chaque cas.

[ 103 ] Il n’est pas nécessaire que le danger soit immédiat. La simple possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, intentionnellement ou non, par une personne intoxiquée, met en cause la sécurité du public.

[ 104 ] Une personne qui se trouve dans une automobile et qui a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. Il n’est pas nécessaire que cette personne ait l’intention immédiate de mettre le véhicule en marche.

[ 105 ] Le danger résulte de la coexistence de deux (2) facteurs : les facultés affaiblies par des substances enivrantes et la présence d’une personne dans un véhicule dans une situation susceptible de constituer un danger.

[ 106 ] Le risque que proscrit cette disposition est celui qui découle du fait qu’une personne dont le jugement est altéré par l’alcool ou par la drogue et qui a les moyens de mettre le véhicule en mouvement le fasse.

[ 107 ] Il suffit qu’un acte ou une série d’actes, comportant le risque que le véhicule soit mis en marche involontairement, soient posés.

[ 108 ] L’intention de mettre le véhicule en mouvement n’est pas pertinente.

[ 109 ] La Cour supérieure, dans R. c. Sergerie, propose le cheminement suivant en matière de garde et de contrôle :

- La preuve révèle-t-elle les facultés affaiblies ou l’alcoolémie illégale de l’accusé?

- Si oui, la présomption s’applique-t-elle?

- Si la présomption s’applique, a-t-elle été repoussée? Si non, l’accusé doit être déclaré coupable.

- Si la présomption est repoussée, la poursuite a-t-elle démontré un risque ou un danger que l’accusé mette le véhicule en mouvement?

- Y a-t-il une preuve de la concomitance des facultés affaiblies ou d’alcoolémie avec le fait que l’accusé s’est placé consciemment dans une situation susceptible de devenir dangereuse?

- L’intention de mettre le véhicule en mouvement n’est pas perti-nente. L’absence de cette intention n’entraîne pas un acquittement.

- Les autres règles du droit criminel s’appliquent intégralement en cette matière.

[ 110 ] Voir les arrêts de la Cour d’appel du Québec de Dupont, Hamel, Rousseau, Rioux, Olivier, Loubier, Drake, Bouchard et Sénécal.

L'ordre de l'article 254 (3) du Code criminel - Droit à l'avocat, ordre de souffler vs délai

R. c. Clément, 2008 QCCQ 3540 (CanLII)

[67] Tout d'abord, notons qu'il existe aux paragraphes 2 et 3 de l'article 254 deux types d'ordre dont les délais d'exécution sont qualifiés différemment.

[68] En effet, le paragraphe 2 relié à l'ordre de souffler dans l'A.D.A. exige de l'agent de la paix, contraignant l'accusé et le détenant pour fins d'enquête, qu'il agisse «immédiatement», sur-le-champ; tandis qu'au paragraphe 3, l'ordre fondé sur des motifs raisonnables et probables de la commission d'une infraction reliée à la conduite avec facultés affaiblies exige que l'agent agisse «immédiatement ou dès que possible».

[69] Le législateur n'a prévu aucune limite de temps et les tribunaux pour leur part ont évité de le faire puisque chaque affaire sera analysée. Cependant, un délai paraissant long pourra être accepté s'il est justifié. Un conducteur blessé, une consultation médicale, l'attente d'une remorqueuse, la nécessité de procéder à plusieurs interceptions pourront influer sur l'aspect raisonnable du délai. (Cf. R. c. Petit 2005 QCCA 687 (CanLII), [2005] R.J.Q. 2463 C.A.Q. (permission d'appel refusée [2005] C.S.R.C. no. 448), R. c. Squires 2002 CanLII 44982 (ON C.A.), [2002] 166 C.C.C.(3d) 65 (C.A. Ont.) et R. c. Carey [2006] O.J. no. 3821)

[70] Rappelons que le but de ce régime législatif s'inscrit dans le fléau social que constitue la circulation des conducteurs en état d'ébriété sur les routes publiques. Il faut donc d'une part voir à ce que les droits fondamentaux des conducteurs fautifs soit respectés, entre autres, celui de pouvoir consulter un avocat et de ne pas être mobilisé contre lui-même, mais aussi éviter le rejet de la preuve recueillie pour une cause de technicité.

[71] Ainsi, reprenons les propos de la Cour Suprême du Canada dans R. c. Deruelle 1992 CanLII 73 (C.S.C.), [1992] 2 R.C.S. 663 par. 32:

«Il y a lieu d'interpréter le par. 254(3) comme exigeant simplement que l'agent de la paix ait des motifs de croire qu'un suspect a commis une infraction de conduite avec facultés affaiblies dans les deux heures précédentes. L'ordre fondé sur ces motifs de croire doit être donné immédiatement ou dès que possible, mais il se peut que le délai de deux heures soit alors expiré. La formation des motifs de croire et l'ordre en résultant n'ont pas à coïncider. Le langage du paragraphe ne décrit pas un événement unique, mais il se divise plutôt en deux modes temporels. L'emploi du présent et du passé pour désigner la formation des motifs de croire ("a des motifs … de croire qu'une personne est en train de commettre, ou a commis au cours des deux heures précédentes") doit être mis en parallèle avec l'emploi du présent et du futur pour désigner le moment de donner l'ordre ("peut lui ordonner immédiatement ou dès que possible").»

[72] L'arrêt R. c. Cuerrier no. 760-01-032290-055, C.Q., Hon. Richard Marleau, 9 février 2007, cité par la défense représente une excellente analyse d'une abondante jurisprudence ayant examiné divers délais. Sans les reprendre tous, soulignons que l'omission de justifier la longueur du délai entraînera le rejet des résultats contenus dans le certificat du technicien qualifié.

[73] Ainsi, dans la présente affaire, comme nous le concluions précédemment, la mise en état d'arrestation et l'ordre de souffler ont eu lieu à 23h57 et le premier échantillon fourni à 00h35. Les trente huit (38) minutes ont été justifiées par l'obligation présumée de retourner au véhicule de l'accusé (pour y quérir son veston à –10°C!), le transport au poste de police, l'exercice du droit à l'avocat et les explications sur le déroulement de la prise d'échantillons d'haleine.

[74] L'accusé, comme c'est son droit, a choisi de ne pas présenter de défense, alors il n'a donc soulevé aucune circonstance où les agents auraient écoulé injustement du temps, de là notre conclusion que l'ordre et l'exécution de l'ordre ont été faits «dès que possible».

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...