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dimanche 14 février 2010

Application du principe de l'écoulement du temps (gap principle) pour détermination de la peine - Antécédent judiciaire ancien en semblable matière

R. c. Przytyk, 2001 CanLII 83 (QC C.Q.)

La défense m'invite à ne pas attacher trop d'importance à la peine de 4 ans en raison du principe de l'écoulement du temps, qu'on appelle en anglais "gap principle". Lorsque le laps de temps intervenu entre la condamnation antérieure et l'infraction dont est saisi le tribunal est considérable, on peut conclure que l'accusé n'a pas adopté un mode de vie criminel.

En l'espèce, une fois sorti de prison, l'accusé a mené une vie professionnelle, familiale et sociale exemplaire, sous réserve d'une condamnation à une amende de 200,00 $ pour un vol de moins de 1 000,00 $ en octobre 1986. On ne trouve pas dans son cheminement un recours constant à des activités criminelles. L'antécédent de 1981 n'a donc pas la même importance que s'il était beaucoup plus récent.

La défense cite à l'appui de son argumentation les arrêts R. c Harrell (1973) 12 C.C.C. (2d), 480: C.A. Ont.); R. c Hodson (1927) 20 Cr. App. R 11: C.A., Ang.); et R. c Mc Keachnie (1975) 26 C.C.C. (2d), 317: C.A. Ont.)

Dans son traité intitulé Pénologie: le droit canadien relatif aux peines et aux sentences (Montréal, édition Thémis 1993), la professeure Hélène Dumont écrit ce qui suit:

"Plus les antécédents sont anciens, moins le poids qu'ils se voient attribuer dans l'établissement du quantum de la peine est déterminant." (p. 169)

Cette affirmation doit toutefois être nuancée. Le laps de temps écoulé ne doit pas être considéré de manière isolée. Le fait que les antécédents judiciaires remontent à plusieurs années, ne rend pas automatiquement applicable le principe de l'écoulement du temps. Il importe de considérer l'ensemble des circonstances avant de se prononcer sur l'application de ce principe à un cas d'espèce.

Dans certains cas, le délai écoulé entre le dernier antécédent judiciaire et le crime pour lequel l'accusé doit recevoir sa sentence a peu de signification, si l'accusé récidive dans le même domaine. Ainsi, dans l'affaire R. c Devlin et Marentette (1971) 3 C.C.C. (2d) 20), la Cour d'appel de l'Ontario n'a pas donné effet au "gap principle" dans un cas où l'un des accusés, qui avait des antécédents de stupéfiants, avait connu une période d'accalmie de dix ans. Par la suite, il a été mêlé à une affaire de complot pour faire le trafic d'héroïne. Voici ce qu'écrit la Cour d'appel:

"For example, while Amato re-entered the drug-trafficking world shortly after release from penitentiary in 1959, it is submitted in Devlin's favour that he kept away from these practices for a period of 10 years. I regard Devlin's re-entry as something more serious than Amato's as it appears, on the surface, that for those 10 years Devlin managed to make a good living and then deliberately returned to trafficking in heroin for no apparent reason at all. Amato's situation may be said to be quite different as he was just out of penitentiary, and perhaps it could be said of him that he had no alternative but to return to that which he knew." (p. 23)

De même, la professeure Hélène Dumont cite l'affaire R. c Roy reflex, (1989) R.J.Q. p. 1687) dans laquelle un juge de la Cour du Québec "décide de tenir compte d'un antécédent de tentative de viol, remontant à plus de trente ans, lors d'une sentence concernant une nouvelle agression sexuelle." Voilà un cas où la bonne conduite de l'accusé n'atténue pas le caractère aggravant d'un antécédent judiciaire, fût-il relativement ancien.

La Cour d'appel de Terre-Neuve a rendu une décision intéressante dans l'arrêt R. c Lockyer (2000) N. J., 306). Il s'agit d'une affaire d'homicide involontaire coupable dans laquelle l'accusé a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité. Il en a par la suite appelé de la sentence. Le juge de première instance avait conclu que le principe relatif à l'écoulement du temps ne s'appliquait pas, ou plutôt qu'il s'appliquait "with diminished effect". Il estimait que les condamnations antérieures de l'accusé révélaient l'existence d'un modèle de comportement violent.

En 1974, Monsieur Lockyer avait été condamné à quatre ans de pénitencier pour avoir tenté de tuer sa première épouse. En 1987, il avait reçu une peine d'emprisonnement de deux ans et six mois relativement à des voies de fait causant des lésions corporelles et à des voies de fait graves sur sa deuxième femme.

La majorité de la Cour d'appel de Terre-Neuve réduit la peine à 15 ans, compte tenu du principe de globalité et compte tenu de l'ensemble des circonstances.

Le juge dissident aurait confirmé la sentence d'emprisonnement à perpétuité imposée en première instance. Bien qu'il soit dissident, les remarques qu'il fait relativement au principe de l'écoulement du temps valent la peine d'être relevées.

"The so-called gap principle plays a role in some sentences where there has been an intervening period between a prior criminal conviction in which the offender has maintained a notable period of good behaviour. It operates to mitigate the effect that the record of a prior conviction would otherwise have on the sentencing at hand."

"In the first place, it seems reasonable to view the gap principle as having diminishing marginal utility where crimes of personal violence, as contrasted with offences against property, are concerned. More importantly, however, in the circumstances of this case, it would appear that the long period between the attempted murder and the killing of Mrs. Coady should redound as an aggravating, rather than mitigating, factor in fixing a fit sentence for the manslaughter of Mrs. Coady. This is because the fact that thirteen years expired between the shooting of Mr. Lockyer's first wife in her chest and the dropping of Mrs. Coady over the bridge to her death should, in itself, be of real concern in addressing the violent propensities of this man. It, and his serious assault upon his second wife which occurred in relative proximity to Mrs. Coady's demise, stand as evidence that his capacity for extreme violence had not abated over the years, and legitimately heightens apprehension over him representing a real and continuing danger to the public." (p 25 du jugement, parag. 142 et 144)

La jurisprudence semble indiquer que la période écoulée entre les condamnations antérieures et la nouvelle infraction n'a pas à être totalement exempte de crime. On peut lire à cet effet R. c Graveline, Bezaire et Cassidy (1958) 27 C.R. 287, C.A., Ont.) et R. c Harnett (1974) O.J. no 788, C.A., Ont.). Un des facteurs à considérer est la possibilité de réinsertion sociale. On peut lire à cet effet R. c Létourneau (1996) A.J. no 941, C.A., Alta). Dans cette affaire, la Cour d'appel a réduit de 7 ans à 5 ans d'emprisonnement la peine imposée en première instance pour des infractions relatives aux armes à feu. Elle a tenu compte de la période de dix ans écoulée entre les condamnations antérieures et la nouvelle condamnation.

En somme, le principe de l'écoulement du temps doit recevoir une application ponctuelle, selon les faits de l'espèce. Il importe d'examiner l'ensemble des circonstances entourant la commission de l'infraction dont le tribunal est saisi, mais également des infractions ayant fait l'objet de condamnations dans le passé. Il faut aussi tenir compte de la période de temps intervenue entre ces deux événements, de même que des perspectives de réhabilitation.

En l'espèce, la sentence de 4 ans de pénitencier imposée à l'accusé en 1981 par le juge Joncas pour la possession de haschich à des fins de trafic, est de même nature que celle à laquelle il a plaidé coupable devant moi. De plus, alors que l'antécédent de 1981 portait sur 147 livres, la présente affaire se rapporte à 800 kilos ou 1 760 livres de haschich, soit une quantité douze fois supérieure. À première vue, si une peine de 4 ans était justifiée pour 147 livres, en quoi la même sentence serait-elle inappropriée pour 1 760 livres? L'accusé n'a manifestement pas eu sa leçon en 1981 puisqu'il a récidivé dans le même domaine 18 ans plus tard.

L'alinéa 718.2 (b) du Code criminel rappelle l'importance de tenir compte de l'harmonisation des peines, c'est-à-dire le fait d'infliger des peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Or Monsieur Livings a reçu une sentence de 4 1/2 ans de pénitencier et de 15 000,00 $ d'amende relativement au même chef d'accusation. Il faut donc me demander si la situation de Monsieur Przytyk diffère suffisamment de celle de Monsieur Livings pour écarter le principe de l'harmonisation des peines.

Le dédommagement fait aussi partie du processus sentenciel et pourra affecter le quantum de la détention

R. c. Lafleur, 2007 QCCQ 6652 (CanLII)

[13] Le dédommagement fait aussi partie du processus sentenciel et pourra affecter le quantum de la détention. La Cour suprême a confirmé le pouvoir discrétionnaire du tribunal de première instance de rendre une ordonnance de dédommagement dans l'arrêt R. c. Zelensky. À cet effet, le tribunal retient que la capacité financière de l'accusé est un facteur pertinent et qu'un dédommagement ne doit pas servir de remplacement aux procédures civiles. Il faut aussi tenir compte de la capacité future de l'accusé de payer

Enquête - pénétré dans l'entrée privée du suspect sans avoir eu au préalable des motifs raisonnables de croire qu'une infraction avait été commise

Laramée c. R, 2007 QCCS 663 (CanLII)

[15] L'appelant appuie son argument sur l'arrêt R.c. Briand, 655-01-010868-049, 3 juin 2005 (Parent J.C.Q.), à l'effet que l'entrée sur la propriété de l'appelant constituait une fouille. Avec égards, je préfère l'opinion exprimée par trois cours d'appel qui en viennent à la conclusion que, dans des circonstances presque identiques à celles du présent dossier, les agissements des policiers ne constituaient pas une fouille au sens de l'article 8 de la Charte.

[16] Rosenberg J.A. dans l'arrêt Lotozky écrit ceci au paragraphe 18 :

18. At the other end of the spectrum, despite the breadth of the notion of search and seizure, merely walking on to a driveway, even with an intent to conduct an investigation involving the owner, does not, in my view, constitute a sufficient intrusion to be considered a search. There must be something more, as in the perimeter search cases, peering in windows of the home and trying to detect odours from within. Put another way, not every trespass on the private property by police can constitute a search. I would not place a possible trespass on to a driveway open to public view in the category of a search or seizure.

[17] Le juge Rosenberg poursuit au paragraphe 35 :

35. The fact that the police officer intends to pursue an investigation on the driveway, at least if the investigation relates to a motor vehicle, does not in my view exceed the bounds of the implied invitation, provided that the officer has a legitimate basis for entering on the driveway. Interpreting the common law in this way is, in my view, consistent with the broader principle identified by Sharpe J.A. that licences may arise by implication from the nature of the use to which the owner puts the property. As I have said, the use to which this property is put is to park motor vehicles and it is an area of the property that is open to public view.

[18] Dans le présent dossier, les policiers se trouvaient sur la propriété de l'appelant pour des raisons légitimes – ils avaient des motifs raisonnables de soupçonner que le conducteur d'un véhicule s'y trouvant avait conduit avec les facultés affaiblies. Leur enquête pouvait les amener sur la propriété. De plus, l'appelant n'a, à aucun moment, retiré l'invitation tacite faite à tout membre du public, incluant les policiers, de se rendre à sa porte dans un but légitime.

Le policier pouvait-il avoir des motifs raisonnables de croire qu'un crime avait été commis sur la foi d'informations anonymes provenant d'un citoyen?

Laramée c. R, 2007 QCCS 663 (CanLII)

[10] Je suis d'accord qu'il existe une certaine confusion dans le jugement de première instance sur la question de savoir quand les policiers ont acquis les motifs raisonnables et probables de croire que l'appelant avait conduit avec les facultés affaiblies.

[11] Au paragraphe 17 du jugement, le juge semble dire que les policiers avaient déjà des motifs raisonnables de croire à la commission d'une infraction au moment où ils se sont présentés à la résidence de l'appelant. Ces motifs proviendraient du récit détaillé de la conduite erratique fourni par le citoyen anonyme.

[12] Avec égards, je ne suis pas d'accord. Il est vrai que le citoyen a fourni un grand nombre de détails sur la façon dont le conducteur fautif conduisait son véhicule. Ces détails permettaient aux policiers d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner que le conducteur avait les facultés affaiblies. Seul un complément d'enquête pouvait permettre aux policiers 1) d'identifier le conducteur et 2) de changer leurs soupçons en croyance que la façon de conduire était due à des facultés affaiblies par l'alcool.

[13] Cette erreur, prise isolément, n'amène pas à l'octroi de l'appel. Les faits révèlent que les policiers ne pensaient pas qu'ils avaient des motifs raisonnables de croire à la commission d'une infraction au moment de leur arrivée chez l'appelant.[3] Leur but était d'enquêter sur le conducteur remarqué par le citoyen. Une fois qu'ils ont pénétré sur la propriété de l'appelant et l'ont observé, leurs soupçons se sont rapidement changés en des motifs raisonnables de croire que l'appelant avait les facultés affaiblies.

samedi 13 février 2010

Le délai causé par l'attente de la dépanneuse

R. c. Tremblay, 2009 QCCQ 1171 (CanLII)

[43] Dans l'affaire Keddy précitée, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse confirme la décision du juge de première instance qui avait conclu qu'un délai de 30 à 36 minutes écoulées entre le moment ou l'ordre donné au prévenu de fournir un échantillon d'haleine et le moment du test rendait inadmissible le certificat d'analyse. Selon le Tribunal, les échantillons n'avaient pas été prélevés dès qu'il a été matériellement possible de le faire. Ce délai avait été consacré à l'attente de la remorqueuse.

[44] La Cour d'Appel s'exprime ainsi :

"Here, the parked vehicle posed no threat to any other vehicle. Once it was secured as the officer and MR Keddy secured it, there was no risk to the parked vehicle where a tow truck was on the way. Once, the truck had been secured there was no reason to remain to wait for the tow truck.

Once the officer secured the truck he did not act reasonably sitting there making notes and just waiting for the tow truck."

[45] La Cour d'Appel de la Saskatchewan dans l'affaire R. c. Prodahl M.V.R. a décidé qu'un délai d'attente de 15 minutes entre l'arrestation et le départ pour le poste causé par l'attente d'une dépanneuse était raisonnable. Considérant les conditions routières et climatiques difficiles, la Cour a estimé qu'il aurait été irresponsable de la part du policier de quitter les lieux avant l'arrivée et la prise en charge du véhicule par la dépanneuse.

[46] Dans cette affaire R. c. Budgell, un délai de 25 minutes avait été consacré à l'attente d'une dépanneuse. Le juge conclut qu'il n'est pas raisonnable pour un agent de police d'attendre 25 minutes pour une dépanneuse sans vérifier si un collègue est en mesure de prendre la relève.

[47] Dans R. c. Kamyab, l'accusé avait été conduit au poste par le policier ayant procédé à son arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies. Le technicien qualifié était demeuré sur les lieux dans l'attente de la dépanneuse retardant ainsi les tests de 19 minutes. Cette décision des policiers était basée sur une politique du service de police. Selon le Tribunal, d'autres options auraient pu être envisagées qui auraient permis au prévenu d'être amené au poste plus rapidement et testé plus rapidement.

[48] Le juge écrit :

"In the circumstances, while not at all faulting the police officers but assessing the policy that they were following, I find such a policy runs afoul the provisions of the Criminal Code which clearly provide that the tests be taken "as soon as practicable". It is not reasonable, in the circumstances, for the police to have delayed the taking of the breath samples by requiring that the breathalyzer technician guard and secure a vehicle on the side of the road for almost 20 minutes while the arrestee is taking to and waiting at the police station to provide samples of the breath."

[49] Dans R. c. Payette, notre collègue le juge Pierre Chevalier, dans un jugement fort bien documenté, a jugé que la priorité accordée par les policiers pendant 23 minutes à l'attente d'une dépanneuse, bien que fondé sur une politique du service, n'était pas déraisonnable.

[50] Le juge écrit :

« je note également que la mise en application de cette politique de remorquage de la Sûreté du Québec s'inscrit dans un contexte d'efficacité et de conscience des exigences de la loi relativement au critère "as soon as practicable". »

[51] Selon le juge, les policiers avaient usé de discernement dans la mise en application de la politique, en examinant d'autres options : confier le véhicule au passager, appeler un autre patrouilleur pour prendre la relève.

[52] Il conclut que la mise en application de la politique était efficace et n'avait pas entraîné de délai déraisonnable. Conséquemment, que les échantillons avaient été pris "as soon as practicable".

[53] Dans R. c. Katwaru, le juge a décidé qu'un délai de 20 minutes pour l'attente d'une dépanneuse était déraisonnable. Un troisième policier s'était présenté sur les lieux pour amener un appareil de détection. Le Tribunal conclut : "In the absence of any explanation as to what the sergeant was doing during this time frame, which have precluded the constables from taking Mr. Katwaru to the station earlier, the conduct of the police was not reasonably prompt."

[54] Dans R. c. Servinis, le juge conclut qu'un délai de trente minutes pour l'attente d'une dépanneuse était déraisonnable considérant qu'une dépanneuse était déjà sur place. C'est d'ailleurs le conducteur de cette dépanneuse qui avait dénoncé certains symptômes d'ébriété que présentait l'accusé impliqué dans un accident.

[55] S'appuyant sur le principe selon lequel les tests n'ont pas à être prélevés ''as soon as possible'', mais qu'ils doivent être faits "as soon as practicable", le juge conclut : "Constable Karjailanen clearly testified that they could have asked Mr. Rowsell to tow the vehicle if Mrs. Servinis agreed and that they did not ask her for her permission. They simply arranged for LB Towing to do the job and waited for half an hour for it to arrive. As such, I am not satisfied that the breath tests were taken as soon as practicable."

[56] Dans R. c. Marsh, la juge Odette Perron de notre Cour, rappelant que la Couronne n'avait pas à justifier chaque minute du délai qui s'écoule entre l'infraction et les tests, ni à justifier celui qui s'écoule entre l'arrivée et le départ de la remorqueuse, a conclu qu'un délai de quarante minutes pour l'attente d'une dépanneuse n'était pas déraisonnable.

[57] Dans cette affaire, l'accusé n'était pas muni d'un certificat d'immatriculation valide. Il s'agissait d'un secteur achalandé. Les policiers voulaient s'assurer de la sécurité du véhicule et de celle des citoyens circulant dans le secteur. Le Tribunal a jugé ces explications satisfaisantes et a conclu que les tests avaient été faits « dès que matériellement possible ».

[58] En résumé, ce n'est pas tant la longueur du délai d'attente qui importe, mais les motifs qui le soutiennent. Un délai injustifié par les policiers ou par les circonstances peut être jugé déraisonnable. Chaque cas est d'espèce et doit être analysé selon les circonstances.

[59] Le Tribunal partage également l'opinion émise par le juge Chevalier, dans l'affaire Payette précitée, selon laquelle un policier peut être fondé à s'appuyer sur une politique si elle est raisonnable, appliquée avec discernement et n'entraîne pas de délai excessif.

[60] Dans le cas à l'étude, le délai de 37 minutes entre l'arrestation et la prise en charge de la dépanneuse répond-t-il aux exigences de l'article 258(1)c)(ii) ?

Pour apprécier la présence de motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation, il faut se limiter aux faits connus des policiers

Bouchard c. R., 2008 QCCA 2260 (CanLII)

[11] Les membres des forces policières qui procèdent à une arrestation n'ont pas à être convaincus hors de tout doute raisonnable de l'état d'ébriété du conducteur. Leurs motifs doivent toutefois être suffisants pour convaincre une personne raisonnable que l'individu est susceptible d'avoir commis l'infraction de conduite en état d'ébriété (more likely than not). Le seuil à franchir, à cette étape, est celui du poids des probabilités.

[12] Il est clair que la question de savoir s'il existe des motifs raisonnables est une question de fait et non de droit. Cette question comporte un volet subjectif et un volet objectif. L'approche adéquate est celle de se demander s'il existe des faits sur lesquels les policiers peuvent raisonnablement fonder leur croyance.

[13] Le fait de ne pas considérer l'ensemble des symptômes observés par les agents de la paix et de morceler la preuve afin d'analyser chaque symptôme séparément constitue une erreur d'appréciation qui justifie l'intervention de la Cour supérieure.

[14] Pour reprendre les propos de l'honorable Rayle dans Leblanc c. R. :

[7] La démarche analytique du juge des faits était erronée. Il ne devait pas morceler la preuve pour analyser chaque symptôme isolément. S'il avait considéré l'effet cumulatif de tous les éléments mis en preuve (odeur d'alcool, démarche hésitante, confusion dans la présentation des documents d'identification), il aurait nécessairement conclu à la présence de motifs raisonnables et probables justifiant une arrestation sans mandat …».

[15] Pour apprécier la présence de motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation, il faut se limiter aux faits connus des policières et policiers ou qu'il leur est possible de connaître. En d'autres termes, il faut se placer au moment de l'arrestation.

[16] Or, en l'espèce, l'appelant n'a jamais indiqué aux policiers qu'il avait un problème de bégaiement. Par ailleurs, le bégaiement se distingue du langage pâteux. De plus, les policiers pouvaient constater que l'appelant était chaussé de grosses bottes de motoneige blanches, mais ils ont tout de même conclu que sa démarche était lente et incertaine. Le témoignage de l'appelant n'apporte aucun éclairage sur la croyance des policiers et il n'a pas remis en question la description des faits entourant son arrestation.

[17] Les quelques explications fournies par l'appelant sur ses symptômes apparents pourraient s'avérer pertinentes lors du procès au fond, mais il appartiendra au juge des faits d'en décider.

jeudi 11 février 2010

Analyse des explications de l'accusé lors du voir-dire VS la croyance sincère des agents lors de l'arrestation

R. c. Bouchard, 2007 QCCS 4170 (CanLII)

[19] La preuve révèle que la perception des agents s’appuyait sur des éléments objectifs qui justifiaient raisonnablement leurs conclusions à l’effet que l’intimé avait les facultés affaiblies par l’alcool.

[20] Pour avoir des motifs raisonnables de croire qu’une personne a les facultés affaiblies par l’alcool, les policiers n’ont pas à être convaincus, hors de tout doute raisonnable, qu’une personne a les facultés affaiblies.

[21] Les explications données par l’intimé lors du voir-dire n’étaient pas en la possession des agents de police lors de l’arrestation et, bien qu’elles puissent être pertinentes sur le fond du litige elles ne sauraient servir à attaquer la croyance sincère des agents, R. c. McClelland, 98 C.C.C. (3d) 517.

It is clear… that the question of the existence of reasonable and probable grounds must be based on facts known by or available to the police officer at the time he formed the requisite belief. […] Thus the facts which are to be assessed objectively are the facts as they existed at that time and not the facts that first come to light at a later point in time.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Comment le Tribunal doit se gouverner face à la demande d'un co-accusé d'avoir un procès séparé de ses complices

R. v. Zvolensky, 2017 ONCA 273 Lien vers la décision [245] It is difficult to underestimate the importance of a principled, case-specific ap...