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dimanche 21 février 2010

Obligation pour la poursuite d’établir les circonstances aggravantes lors d’une audience de détermination de la peine

R. c. MacDougall, 2006 NBCP 23 (CanLII)

[23] Dans un arrêt antérieur de la Cour suprême, l’arrêt R. c. Gardiner, 1982 CanLII 30 (C.S.C.), [1982] 2 R.C.S. 368, reconnu depuis longtemps comme l’arrêt de principe en ce qui concerne l’obligation d’établir les circonstances aggravantes lors d’une audience de détermination de la peine, le juge Dickson, alors juge puîné, a énoncé les règles générales qui régissent cette question. Voici ce qu’il a dit à la partie III F :

Il ne faut pas oublier non plus que l’aveu de culpabilité comporte en soi l’aveu des éléments juridiques essentiels de l’infraction en question, mais rien de plus. La poursuite doit prouver toutes les circonstances aggravantes qu’elle invoque et qui ne sont pas visées par cet aveu. Si ces circonstances ne sont pas contestées, la procédure peut être très peu formaliste. Si elles le sont, la question doit se régler selon les principes juridiques ordinaires qui régissent les procédures en matière criminelle, notamment le principe portant que tout doute pertinent doit profiter à l’accusé.

Pour moi, les faits qui justifient la peine ne sont pas moins importants que ceux qui justifient la déclaration de culpabilité; les deux devraient être soumis à la même norme de preuve. L’infraction et la peine sont inextricablement liées.

La Loi d'entraide ne permet pas l'homologation d'ordonnances de blocage étrangères émises en cours d'enquêtes

Cathay Financial Group c. Canada (Procureur général), 2004 CanLII 29192 (QC C.S.)

[15] Deux constatations s'imposent à la lecture du paragraphe 9.3(3) de la Loi d'entraide. Premièrement, contrairement à la situation domestique, la Loi d'entraide ne permet pas l'homologation d'ordonnances de blocage étrangères émises en cours d'enquêtes. Il doit y avoir une poursuite déjà entamée chez le pays demandeur.

[16] Deuxièmement, compte tenu qu'il y a une poursuite déjà entamée, il n'est pas nécessaire de présenter une requête pour faire prolonger l'ordonnance de l'homologation à l'expiration de six mois. Le paragraphe 462.35(2) C.cr., lu avec l'article 10 de la Loi d'entraide, prévoit que dans tel cas, l'ordonnance de blocage peut se poursuivre au-delà de six mois.

samedi 20 février 2010

Exposé sur la détermination de la peine dans les cas de fraude de plus de 5 000$ ainsi que certaines illustratrions jurisprudentielles

R. c. Bal, 2009 QCCQ 2858 (CanLII)

[91] La Cour d’appel du Québec a donné certaines balises dans Lévesque c. Procureur général du Québec. Cette affaire concerne un entrepreneur qui avait frauduleusement obtenu d’un commerçant un acte de cautionnement dans le but de sauver une entreprise qui périclitait. Suite à une faillite, la victime fut contrainte de verser 270 000 $. Après un verdict de culpabilité devant jury, le premier juge impose une peine de quatre ans. En appel, la Cour retient la suggestion commune de deux ans moins un jour. Elle souligne que l'accusé, travailleur acharné, n’avait pas pour but de s’enrichir personnellement. Il s’agissait d’un acte criminel isolé. La Cour d’appel a alors développé les facteurs d’analyse suivants qui font toujours autorité :

1) La nature et l'étendue de la fraude se traduisant, notamment, par l'ampleur de la spoliation ainsi que la perte pécuniaire réelle subie par la victime.

2) Le degré de préméditation se retrouvant, notamment, dans la planification et la mise en oeuvre d'un système frauduleux.

3) Le comportement du contrevenant après la commission de l'infraction dont les facteurs de bonification pourraient résider dans le remboursement des sommes appropriées par la commission d'une fraude, la collaboration à l'enquête ainsi que l'aveu.

4) Les condamnations antérieures du contrevenant : proximité temporelle avec l'infraction reprochée et gravité des infractions antérieures.

5) Les bénéfices personnels retirés par le contrevenant.

6) Le caractère d'autorité et le lien de confiance présidant aux relations du contrevenant avec la victime

7) La motivation sous-jacente à la commission de l'infraction : cupidité, désordre physique ou psychologique, détresse financière, etc.

8) La fraude résultant de l'appropriation des deniers publics réservés à l'assistance des personnes en difficulté.

[92] Dans R. c. Savard, la Cour d’appel a imposé, en plus d’une amende de 200 000 $, une peine de 18 mois à un individu déclaré coupable d’une fraude commerciale de 1.4 M $ aux dépens d’une entreprise de crédit. Dans son analyse, la Cour d’appel réfère aux facteurs identifiés dans l’arrêt Lévesque. Lorsque ces derniers « se polarisent vers un comportement délictuel frauduleux qui ne laisse émerger aucune mesure d'atténuation, les tribunaux privilégient la mesure carcérale comme moyen de protection sociétale et de dissuasion générale en écartant, expressément, la réadaptation ». Par ailleurs, la Cour note que l'accusé ne s’est pas enrichi personnellement et qu’il ne possède aucun antécédent judiciaire. La Cour ajoute que l'accusé « ne jouissait pas d'une position d'autorité dans la société ni ne s'est servi de sa réputation et de sa qualité professionnelle pour abuser de la confiance de la collectivité auquel cas, la dissuasion individuelle et générale demeure l'objectif pénologique à privilégier ».

[93] Dans R. c. Juteau, l’accusée plaide coupable à divers chefs de fraude à l’égard de son employeur, totalisant plus de 400 000 $ sur une période de huit ans. Le premier juge impose une peine de d’emprisonnement de 23 mois à être purgés dans la collectivité plus 240 heures de travaux communautaires. Les juges Brossard et Proulx, proposent d’accueillir l’appel et de substituer une peine d’emprisonnement ferme de six mois, et ce, tenant compte du fait que la peine était en partie déjà exécutée. Pour sa part, le juge Fish aurait seulement ajouté des conditions à l’ordonnance de sursis. Dans son analyse, le juge Proulx examine les facteurs de l’arrêt Lévesque puis développe l’opinion suivante :

Quant à l'opportunité du sursis à l'emprisonnement dans ces matières, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. v. Pierce, précise que dans les cas de malhonnêteté qui se distinguent particulièrement par un abus de confiance, la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté. D'ailleurs, la même cour d'appel dans l'arrêt R. v. Wismayer, sous la plume du juge Rosenberg, a affirmé que la dissuasion générale, en tant que principe pouvant légitimer la décision de ne pas imposer l'emprisonnement avec sursis, doit primer dans le cas de ces infractions, notamment les fraudes systématiquement planifiées et structurées commises par des personnes qui abusent de la confiance de leur employeur, comme dans l'arrêt Pierce et celui qui prévaut en l'espèce. À mon avis, non seulement la dissuasion générale mais le juste dû et la dénonciation constituent également des objectifs prééminents. Néanmoins, ce principe ne saurait être absolu, puisque chaque cas doit être soumis à l'examen judiciaire à la lumière des éléments qui lui sont propres.

[94] Par ailleurs, les avocats réfèrent aux principes généraux développés dans l’arrêt de la Cour d’appel R. c. Coffin, tout en convenant qu’il existe des distinctions avec le présent cas. Dans Coffin, l'accusé a reconnu sa culpabilité à quinze chefs de fraude totalisant 1.5 M $, reliée à « l’Affaire des commandites ». Le 19 septembre 2005, le juge Boilard impose une peine de deux ans moins un jour dans la collectivité, en retenant les facteurs atténuants : la conduite post-délictuelle de l'accusé, le plaidoyer de culpabilité, le remboursement des sommes illégalement obtenues, les remords, l’engagement à prononcer des allocutions sur l'éthique en affaires, la réputation sans tache jusqu'au plaidoyer, l’âge (62 ans), les excuses publiques. Le 7 avril 2006, la Cour d’appel accueille l’appel de la poursuivante. Dans sa démarche, la Cour se livre à une étude de l’arrêt de la Cour suprême R. c. Proulx, et conclut que le premier juge n’a pas suffisamment accordé d’importance aux principes et objectifs suivants : la gravité du crime qui justifie une peine proportionnelle, les objectifs de dénonciation et de dissuasion, les peines généralement infligées pour ce type de crime selon le principe d'harmonisation des peines. La Cour reprend avec approbation l’argument du ministère public que le premier juge n’a pas souligné les facteurs reliés à la gravité du crime : la durée des fraudes (cinq ans), l'importance des montants subtilisés, la position privilégiée de l'accusé, la préméditation. Écartant le principe fallacieux « voler le gouvernement, ce n’est pas voler », la Cour souligne que l'accusé a préparé 373 factures frauduleuses, de sorte qu’on « ne peut pas parler ici d'égarement passager ». Toujours au chapitre de la dénonciation et de la dissuasion, la Cour d’appel reprend l’énoncé de la Cour suprême dans l’arrêt Proulx :

[106] […] Toutefois, il peut survenir des cas où la nécessité de dénoncer est si pressante que l'incarcération est alors la seule peine qui convienne pour exprimer la réprobation de la société à l'égard du comportement du délinquant.

[95] Concernant l’harmonisation des peines, la Cour d’appel exprime l’opinion suivante :

[60] En l'espèce, la poursuivante a raison de prétendre que les diverses cours d'appel du Canada ont généralement infligé des peines d'emprisonnement dans le cas de fraudes importantes et planifiées qui se sont déroulées sur des périodes plus ou moins prolongées.

[61] Les tribunaux ont alors reconnu que, pour atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, une peine d'incarcération s'imposait bien que le contrevenant 1) n'ait pas d'antécédents, 2) jouisse d'une bonne réputation dans son milieu, 3) ait parfois remboursé, en partie, les victimes, 4) manifeste des remords, 5) ne soit pas enclin à récidiver.

[96] Au passage, la Cour d’appel relativise le critère de la « réputation sans tache » puisque la fraude est souvent commise par ce type de personne. Soupesant l’ensemble des facteurs, notamment la gravité de la fraude « qui a pour effet de saper la confiance des citoyens à l'égard des institutions publiques », la Cour d’appel décide d’intervenir et de substituer à la peine dans la collectivité une peine d’emprisonnement ferme de 18 mois.

[97] Par ailleurs, tel que plus haut mentionné, la défense invoque au soutien de sa thèse certains jugements. Voici l’analyse du Tribunal :

Jurisprudence régionale :

1) R. c. Moquin : Le 10 septembre 2002, après 57 jours de procès, le juge Rosaire Larouche déclare l’huissier Pierre Moquin coupable de 137 chefs de fabrication et d’utilisation de faux. Essentiellement, l'accusé avait profité de ses fonctions pour facturer en double des montants variant entre 5 $ et 20 $, pour une fraude totale de 1 469 $. Dans le même verdict, le juge prononce un acquittement à l’égard de 44 chefs, dont certains de parjure et de corruption. Lors des représentations sur la détermination de la peine, le ministère public déclare soumettre le tout au Tribunal et n’avoir rien de particulier à plaider. Le 17 octobre 2002, le juge prononce une absolution conditionnelle, tenant compte des facteurs suivants : acquittement sur plusieurs chefs importants, lourdeur et complexité du procès, médiatisation, faible montant de la fraude, ordonnance de remboursement.

2) R. c. Ménard : Le 29 juin 2005, la juge Johanne Roy déclare Robert Ménard coupable d’une fraude de 317 000 $ commise à l’encontre de Microvel Technologies, ses créanciers et une firme de syndic. En outre, la responsabilité de Ménard est reconnue à l’égard de six infractions à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, essentiellement, l’omission de remettre certains biens. Le 16 décembre 2005, la juge impose une peine de deux ans moins un jour dans la collectivité. Dans son analyse, la juge retient que les gestes posés avaient pour objectif de permettre la survie du projet et d’indemniser les créanciers et les actionnaires de Microvel. De plus, même après le verdict de culpabilité, des investisseurs et partenaires d’affaire ont continué de supporter l'accusé. Au total, la juge conclut qu’il ne s’agit pas d’un cas où l'accusé était animé par la cupidité ou l’intérêt personnel. Ces éléments, combinés à l’absence d’antécédent judiciaire, l’âge de 70 ans, l’état de santé et l’absence de risque pour la société conduisent à une ordonnance de sursis.

3) R. c. Lea : Le conseiller financier John Lea a plaidé coupable à une accusation de fraude à l’encontre de religieuses. Lors de la perpétration du crime, il a empoché une commission secrète de 1 M $. Le 8 janvier 2007, le juge Rosaire Larouche, retenant une suggestion commune des avocats et prenant note d’un remboursement important, a imposé une peine de douze mois dans la collectivité.

Autre jurisprudence :

4) R. c. Cogger : Le 2 juin 1998, l’ex-sénateur Michel Cogger est trouvé coupable par le juge Sansfaçon d’avoir exigé ou accepté 212 000 $, en considération d'une collaboration concernant une demande de subvention gouvernementale. L'accusé avait continué d’exercer des activités de lobbyiste après sa nomination comme sénateur, pratique interdite par le Code criminel. Le 7 juillet 1998, le juge inflige une amende de 3 000 $ et prévoit 120 heures de travaux communautaires. Le 17 mai 2001, la Cour d’appel casse la sentence et prononce une absolution inconditionnelle. La Cour retient que l'accusé avait touché des honoraires dans l’ignorance de la loi, en toute bonne foi et sans corruption. Cet acte isolé a entaché de façon disproportionnée la réputation de l'accusé.

vendredi 19 février 2010

Peines dans les cas ou des avocats, notaires ou gestionnaires qui ont volé ou détourné des fonds détenus pour autrui

R. c. Bolduc, 2001 CanLII 9065 (QC C.Q.)

Quant aux peines "infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables" (art. 718.2 b) C. cr.) - c'est-à-dire par des avocats, notaires ou gestionnaires qui ont volé ou détourné des fonds détenus pour autrui -, elles varient généralement entre 23 mois et cinq ans de détention en contexte québécois:

- R. c. Plourde, [1975] C.A. 34: la Cour d'appel du Québec confirme une sentence de 23 mois d'emprisonnement imposée à un avocat qui a fraudé ses clients pour une somme de 21 000,00 $;

- Ste-Marie c. R., 500-10-000091-791, 1980-08-15: la Cour d'appel du Québec confirme une peine de 23 mois d'emprisonnement infligée à un avocat qui s'est approprié 112 000,00 $ appartenant à ses clients;

- R. c. Zaor, C.S.P. St-François 450-01-002455-835: la Cour des sessions de la paix condamne un avocat à quatre ans de pénitencier pour 18 fraudes totalisant 515 000,00 $ (requête en appel rejetée le 4 septembre 1985);

- R. c. Drapeau, C.Q. Longueuil 505-01-001123-880, 1989-01-23: la Cour du Québec condamne un notaire qui s'est approprié 100 000,00 $ appartenant à ses clients à deux ans moins un jour de détention;

- R. c. Trudeau, C.Q. Longueuil 505-01-001415-880, 1988-09-23: la Cour du Québec condamne un notaire qui s'est approprié 132 000,00 $ appartenant à ses clients à 30 mois de pénitencier;

- R. c. Cardin, C.Q. Longueuil 505-01-001755-939, 1994-03-01: la Cour du Québec condamne à trois ans de pénitencier un notaire de 47 ans qui a volé 387 650,79 $ à même les comptes en fidéicommis de dix clients pour maintenir son haut niveau de vie;

- R. c. Desmarais, C.Q. Joliette 705-01-009977-960, 1998-06-26: la Cour du Québec condamne un juriste à trois ans de pénitencier pour fraude;

- R. c. Champagne, C.Q. Chicoutimi 150-01-001630-947, 1999-11-11: la Cour du Québec condamne un notaire à trois ans de pénitencier pour plusieurs fraudes totalisant 300 000,00 $ commises sur une période de 18 mois, alors que le contrevenant n'exprimait aucun remords;

- R. c. Bergeron, J.E. 99-483 (C.Q.): la Cour du Québec condamne un avocat à 23 mois d'emprisonnement pour un détournement de fonds à ses fins personnelles à partir de son compte en fiducie;

- R. c. Durand, (1992) A.Q. 692: la Cour d'appel du Québec confirme une sentence de cinq ans de pénitencier imposée au directeur des finances de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui, pour sauver ses propres entreprises, avait falsifié des chèques et volé des obligations pour une somme totalisant approximativement un million de dollars;

- R. c. Lacombe, C.Q. Montréal 500-01-065202-985, 2001-05-17: la Cour du Québec condamne le directeur des services financiers de l'École des Hautes Études Commerciales (H.E.C.) à trois ans de pénitencier pour une fraude totalisant 1 113 000,00 $ et la perception de commissions secrètes de 603 000,00 $.

Considérant que la peine que le Tribunal est maintenant appelé à imposer doit l'être pour un seul chef d'accusation (le contrevenant n'ayant pas été accusé des fraudes antérieures), que la victime a été totalement remboursée par le Fonds d'assurance de la Chambre des notaires, que le délinquant ne possède pas d'antécédents judiciaires, qu'il a entrepris et poursuivi pendant 18 mois une thérapie qui réduit d'autant les risques de récidive et que sa réputation comme sa carrière professionnelle sont à jamais anéanties (ce qui constitue une peine en soi), et convaincu que l'objectif pénologique de réinsertion sociale doit être clairement soutenu malgré l'importance de réaffirmer aussi les objectifs de dénonciation du comportement illégal, de dissuasion générale et de consolidation de la prise de conscience du contrevenant à l'égard de la victime comme de la collectivité, le Tribunal estime qu'une peine de pénitencier n'est pas appropriée dans les circonstances, bien qu'il convienne qu'on se situe alors à la limite supérieure de la peine susceptible d'être purgée dans une institution provinciale. Pour des motifs évidents, on doit par ailleurs écarter péremptoirement les simples mesures probatoires.

Exposé sur la "gravité de l'infraction" et le "degré de responsabilité du délinquant"

R. c. Bolduc, 2001 CanLII 9065 (QC C.Q.)

Si la "gravité de l'infraction" réfère au premier titre à sa gravité objective telle qu'elle résulte de la peine maximale prévue par le législateur (en l'espèce dix ans – art. 334 a) C. cr.), le "degré de responsabilité du délinquant" renvoie plutôt à une appréciation plus subjective dans le cadre de laquelle doivent notamment être prises en considération, en vertu de l'article 718.2 C. cr., certains facteurs particuliers, dont l'appréciation des "circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant" (art. 718.2 a) C. cr.) ainsi que l'objectif d'harmonisation des peines qui commande "l'infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables" (art. 718.2 b) C. cr.).

Convenons ici que même si l'accusé a reconnu sa culpabilité à une accusation de vol plutôt que de fraude, la même grille d'analyse s'impose: ce dernier a en effet frustré son client d'une somme d'argent en la détournant de la fin pour laquelle elle lui avait été confiée, posant dès lors un geste assimilable à la fraude.

Ayant circonscrit la "gravité de l'infraction" et le "degré de responsabilité du délinquant" comme le commande l'article 718.1 C. cr., le Tribunal doit maintenant se consacrer à l'exercice décrit par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Proulx, 2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, à la page 127:

"Dans un premier temps, le juge appelé à déterminer la peine doit avoir conclu que ni l'emprisonnement dans un pénitencier ni des mesures probatoires ne sont des sanctions appropriées. Après avoir déterminé que la peine appropriée est un emprisonnement de moins de deux ans, le juge se demande s'il convient que le délinquant purge sa peine dans la collectivité."

Par ailleurs, précise la Cour, à la page 98:

"Pour rendre cette décision préliminaire, il suffit au tribunal de prendre en compte l'objectif essentiel et les principes de la détermination de la peine énoncés aux articles 718 à 718.2, dans la mesure nécessaire pour délimiter la fourchette des peines applicables au délinquant. Quoiqu'elles ne lient pas le tribunal, les observations des parties peuvent s'avérer utiles à cet égard. Par exemple, les deux parties peuvent convenir que la peine appropriée est l'emprisonnement pour une période de moins de deux ans."

Détermination de la peine - Ravage causé par la production et le trafic de cannabis - Impératif de dissuasion en matière de production et de trafic

R. c. Léveillé, 2009 QCCQ 9820 (CanLII)

[44] Les tribunaux ont d'ores et déjà élaboré sur ce qu'ils en sont venus à qualifier d'indéniable fléau social moderne, soit l'ensemble étendu de ravages causés par la production et le trafic de cannabis :

Les tribunaux sont bien placés pour constater que la consommation de drogue ne diminue pas, que le marché de la drogue vise de plus en plus les jeunes de notre société et que la drogue favorise la commission d'autres crimes contre les personnes et les biens. En ce sens, le Tribunal doit donner priorité aux objectifs de dénonciation et de dissuasion.

[45] Dans R. c. Paré, le juge Lévesque qualifie même la consommation de cannabis d'épidémique. Dans le dessein de minimiser les impacts, "la société engage des ressources considérables pour combattre ce fléau et commande que la peine que le tribunal impose reflète cette réprobation collective"

[46] Dans R. c. Ayotte, le juge Jacques Trudel expose clairement l'omniprésence de la toxicomanie dans les démêlés criminels :

Ce constat n'est-il pas le lot quotidien des tribunaux québécois et canadiens siégeant en matière criminelle, que ce soit à la chambre de la jeunesse ou à la chambre criminelle et pénale pour adultes. Rares sont les cas, dans une journée ordinaire, qui seront traités à quelques stades de la procédure, que ce soit, dans lesquels la toxicomanie même à une drogue douce, tel le cannabis, ne sera pas invoquée, comme étant la cause ou une des causes prédominantes du passage à l'acte de délinquants. D'ailleurs, les autorités scolaires, scientifiques et gouvernementales évoquent de plus en plus le nombre croissant d'étudiants consommant de la marijuana et les problématiques que cela engendre.

[47] peut être résumé dans ces quelques lignes du juge Hood:

Finalement, les peines infligées n'ont pas réussi à atteindre les principes ou les objectifs de la condamnation. Elles ont failli à la tâche de dissuader les contrevenants et, pire encore, ont échoué à dénoncer la conduite illégale de ceux qui pratiquent ce commerce. En effet, on peut argumenter sur le fait que ces peines, ou du moins bons nombres d'entre elles ont pour résultat, au lieu de les dissuader, d'encourager des personnes à adhérer à l'exploitation de la culture de stupéfiants. Ils peuvent réaliser des profits rapides et considérables et relativement peu risqués. Ce qui arrive lorsque l'un d'eux est appréhendé ou reconnu coupable ne représente pas plus qu'une tape sur les doigts, ce qui est perçu comme un prix très minime ou généreux pour monter une entreprise très lucrative. Ces personnes qui projettent de commettre ces graves délits doivent clairement comprendre qu'en y adhérant, il y aura réellement un prix à payer si jamais elles sont appréhendées et qu'à ce moment-là, il s'agira réellement d'une période d'emprisonnement.

[48] Finalement, on ne saurait négliger que la confiance du public envers l'administration de la justice est largement tributaire de l'application de ces objectifs de dénonciation et de dissuasion

En matière de production de cannabis, une revue jurisprudentielle démontre que les peines varient considérablement

R. c. Léveillé, 2009 QCCQ 9820 (CanLII)

[49] Le principe selon lequel des peines semblables doivent être imposées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables a toujours régi les décisions judiciaires. Le législateur a également fait sien ce principe à l'article 718.2 b) du Code criminel.

[50] En matière de production de cannabis, une revue jurisprudentielle démontre que les peines varient considérablement allant d'une ordonnance de probation à quatre ou cinq ans de détention. Si l'importance de la dénonciation et de la dissuasion a généralement amené les tribunaux à imposer l'emprisonnement ferme, un nombre grandissant de sursis est octroyé à des accusés de cet acte criminel. L'emprisonnement ferme sera généralement préféré lorsque l'activité de production est d'une certaine envergure ou lorsqu'elle est poursuivie dans un but commercial ou de lucre. D'autres facteurs prépondérants qui ont été identifiés sont la situation de l'accusé, ses antécédents judiciaires, le niveau de sophistication du processus de production, la quantité de substance impliquée, ainsi que leur valeur sur le marché.

[51] Un survol jurisprudentiel permet d'avancer que les quelques peines de sursis qui ont été imposées pour production de cannabis se situent entre 18 et 22 mois et impliquent des quantités n'excédant pas 1,535 plants, impliquant même pour la majorité moins de 400 plants.

[52] Dans la cause de Nguyen, la Cour d'appel a maintenu une peine de neuf mois de détention pour une production de 444 plants.

[53] Très récemment, le juge Leblond a catégoriquement rejeté la possibilité d'imposer une peine de sursis de 12 à 18 mois à un accusé en semblable matière et a arrêté son choix sur une peine de neuf mois de détention pour une production de 216 plants.

[54] Une autre cause, Robillard, impliquait 150 plants et l'accusé sans antécédent judiciaire, menant une vie stable avant ces procédures et non consommateur de stupéfiants, s'est vu imposer une peine d'emprisonnement ferme de six mois.

[55] Une détention de 12 mois a été le lot de Valiquette impliqué dans une production de 440 plants de cannabis, sans aucun antécédent, présentant un faible risque de récidive et un rapport présentenciel favorable.

[56] Les causes de Leclerc, de Raymond et Narbonne et de Buge se sont toutes soldées par un emprisonnement ferme de 15 mois. Elles impliquaient des quantités respectives de 608, 999 et 1,385 plants. Raymond et Narbonne étaient tous deux des pères de famille, non consommateurs de drogue et disposaient d'un emploi stable. Pour sa part, Buge n'avait aucun antécédent judiciaire et un rapport présentenciel positif.

[57] Une peine de 18 mois d'emprisonnement ferme a été imposée dans la cause de Dupont, pour une production importante de 3,868 plants, alors que le rôle de simple gardien de l'accusé était secondaire, qu'il n'avait aucun antécédent et qu'il présentait un rapport présentenciel favorable.

[58] En ce qui concerne les peines se situant au-deçà, Man Joa s'est vu imposer une sentence de 22 mois pour une culture de 2,350 plants; Couture, deux ans moins un jour pour 335 plants; Gatien, 30 mois pour 741 plants; Paré, 42 mois pour 250 plants, mais la sentence était grandement redevable à son statut de policier.

[59] Force est donc de constater que l'imposition d'une peine d'emprisonnement est la norme et l'imposition d'un sursis, l'exception, en matière de production de cannabis.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...