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vendredi 20 août 2010

L’incapacité réelle de payer une amende n’est pas un motif valable d’emprisonnement

R. c. Wu, 2003 CSC 73, [2003] 3 R.C.S. 530

L’emprisonnement à défaut de paiement a pour objectif d’inciter fortement les délinquants qui en ont les moyens à acquitter leurs amendes. L’incapacité réelle de payer une amende n’est pas un motif valable d’emprisonnement. L’emprisonnement avec sursis demeure une forme d’emprisonnement. Aux termes du par. 734.7(1), un mandat d’incarcération ne peut être décerné que si le ministère public peut établir que le délinquant a, « sans excuse raisonnable, refusé de payer l’amende ».

Si le délinquant n’a pas les moyens de payer l’amende immédiatement, le tribunal doit lui accorder un délai raisonnable pour l’acquitter. Le délinquant peut aussi être admissible à un programme provincial facultatif de paiement d’une amende lui permettant de s’acquitter de l’amende « en tout ou en partie par acquisition de crédits au titre de travaux réalisés, sur une période maximale de deux ans » (art. 736). En cas de défaut, le ministère public dispose d’un certain nombre de recours civils : il peut notamment suspendre tout document — licence ou permis — jusqu’au paiement intégral de l’amende ou inscrire le produit de l’amende impayée auprès des tribunaux civils. L’incarcération pour défaut de paiement est une option qui comporte d’importantes restrictions. Le défaut de paiement d’une amende n’est pas punissable par l’incarcération à moins que les autres mesures prévues par la loi — notamment la suspension des licences et les recours civils — ne soient pas justifiées dans les circonstances (al. 734.7(1)(b)), ou que le délinquant ait, sans excuse raisonnable, refusé de payer l’amende ou de s’en acquitter en application de l’art. 736 (al. 734.7(1)(b)). Lorsque l’excuse raisonnable invoquée par le délinquant pour justifier son défaut de payer l’amende est son indigence, le tribunal ne peut pas l’incarcérer en application de l’al. 734.7(1)(b).

63 Si on acceptait que la pauvreté permette à elle seule au tribunal qui envisage l’incarcération de conclure que les méthodes de recouvrement autres que l’emprisonnement ne sont « pas justifiée[s] », la condition exprimée par les termes « sans excuse raisonnable » à l’al. 734.7(1)b) n’accorderait aucune protection aux personnes pauvres. Or, c’est le recours trop fréquent à l’incarcération des personnes pauvres pour amendes impayées qui a motivé en grande partie les réformes apportées en 1996 au régime de détermination de la peine.

64 L’emploi du mot « refu[s] » à l’al. 734.7(1)b) indique que le législateur s’attendait à ce que la situation particulière du délinquant lui permette d’exercer un choix. En l’espèce, du moins à la date de la détermination de la peine, l’intimé n’avait nullement le choix.

Un juge peut prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine

R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, [2010] 1 R.C.S. 206

[44] Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise.

jeudi 19 août 2010

Les conditions de retrait d’un plaidoyer de culpabilité

Nersysyan c. R., 2005 QCCA 606 (CanLII)

Lien vers la décision[6] Le requérant a le fardeau de démontrer les motifs sérieux et valables justifiant la radiation de son plaidoyer de culpabilité. Le facteur primordial à considérer est le déni de justice. Dans ce contexte, il incombe à l’appelant d’établir qu’il avait des moyens de défense valables et non futiles à présenter. Il ne suffit pas de spéculer sur l’issue du procès qui a été évité. Or, dans le présent cas, l’appelant se contente d’une dénégation générale des actes qu’on lui reproche;

[7] Par ailleurs, l’insatisfaction subséquente devant la « manière dont les choses ont tourné » ou devant la peine infligée ne suffit pas pour obtenir la radiation du plaidoyer lorsque celui-ci demeure un geste éclairé et volontaire quant à l’ensemble des circonstances entourant les infractions reprochées et le procès lui-même;

[9] La Cour fait siens les commentaires de la Cour d’appel de l’Alberta dans R. c. Hunt :


18. It is clear that the consequence of deportation was not anticipated by anyone at the time the guilty plea was accepted and a conviction entered.

19. We are of the view that this «consequence» does not invalidate the guilty plea nor, in the circumstances of this case, result in a miscarriage of justice. We are mindful of this Court’s decision R. c. Slobodan (1993), 135 A.R. 181 (C.A.) where it was held that an unanticipated mandatory five year licence suspension, in addition to the sentence imposed for dangerous driving causing bodily harm, namely a fine or $2,000.00 and a one year driving prohibition, did not «translate into a legal consequence» which entitled the appellant to change her guilty plea.

20. Although leave to reconsider the correctness of Slobodan was granted to the appellant, we do not find it necessary to decide that issue in order to dispose of this case.

21. We decide, that where there has been an unequivocal free and voluntary admission of the facts constituting the offence, not disputed on appeal, that an unexpected legal consequence such as occurred here is not such as to allow the withdrawal of the plea of guilty. In R. c. Hoang 2003 ABCA 251 (CanLII), [2003] A.J. No. 1555, 2003 ABCA 251, this Court stated at paragraph 36 that:

The requirement that the accused understand the nature and consequences of a guilty plea is not a requirement to canvass every conceivable consequence which may result of may be forgone. Such a requirement be a practical impossibility.

L'état du droit sur les requêtes en retrait du plaidoyer de culpabilité

Bergeron c. R., 2005 QCCA 266 (CanLII)

[2] Suivant l’article 606(1.1) du Code criminel et l’interprétation qui en a été donnée par la Cour suprême dans les affaires R. c. Lyons, 1987 CanLII 25 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 309., R. c. Taillefer et R. c. Duguay 2003 CSC 70 (CanLII), [2003] 3 R.C.S. 307., un plaidoyer de culpabilité, pour être valide, doit être volontaire, non équivoque et donné en toute connaissance de cause. Le juge doit être convaincu de l’existence de ces caractéristiques.

[3] De plus, le prévenu doit bien saisir la nature de l’infraction qui lui est reprochée, être conscient qu’il en admet les éléments essentiels et comprendre les conséquences de sa décision (Béliveau P. et Vauclair M., Traité général de preuve et de procédures pénales, p. 697).

*** La Cour d'appel a réitéré ce principe dans l'arrêt Partridge c. R., 2010 QCCA 354 (CanLII) ***

mercredi 18 août 2010

L’actus reus et la mens rea de l’infraction de trafic

R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565

25 (...) Leur mobile n’a aucune importance parce que, bien que le mobile puisse être pertinent à certaines fins, c’est l’intention, et non le mobile, qui constitue l’élément d’une infraction de mens rea complète: voir Lewis c. La Reine, 1979 CanLII 19 (C.S.C.), [1979] 2 R.C.S. 821, à la p. 831. L’actus reus de l’infraction de trafic consiste à faire une offre, et s’il s’accompagne de l’intention de le faire, la mens rea requise est établie: voir R. c. Mancuso reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 380 (C.A. Qué.), à la p. 390, autorisation d’appel refusée, [1990] 2 R.C.S. viii. Il n’est pas nécessaire de prouver à la fois l’intention de faire l’offre de vente et l’intention de mener l’offre à terme: R. c. Mamchur, reflex, [1978] 4 W.W.R. 481 (C.A. Sask.). Voir également, p. ex., R. c. Sherman (1977), 36 C.C.C. (2d) 207 (C.A.C.‑B.), à la p. 208, confirmant une déclaration de culpabilité dans un cas où la preuve indiquait que l’accusé avait offert de vendre de l’héroïne à une personne qu’il savait être un agent d’infiltration en vue de le «rouler» et de ne pas réaliser la vente. L’arrêt Sherman a été suivi par la suite sur cette question dans Mancuso, précité, aux pp. 389 et 390, qui a rejeté l’argumentation de l’accusé selon laquelle il n’avait pas réellement l’intention de vendre des stupéfiants à un indicateur de police, mais qu’il espérait plutôt lui voler son argent.

Rien dans la loi n’oblige le juge de première instance à demander et à obtenir un rapport présentenciel

Nguyen c. R., 2010 QCCA 1053 (CanLII)

[9] Comme l’a déjà indiqué la Cour, « rien dans la loi n’oblige le juge de première instance à demander et à obtenir un rapport présentenciel ». Il était donc loisible au Juge d’accepter ou de refuser la demande de l’Appelante. Son refus ne saurait constituer en soi une erreur de droit, comme le prétend l’Appelante. La question est plutôt de déterminer si le Juge, dans l’exercice de sa discrétion, aurait commis une erreur révisable.

[12] Certes il n’est pas facile de sonder les reins et les cœurs; ceux et celles qui en font profession et peuvent y consacrer le temps requis sont d’une aide précieuse pour les tribunaux, mais ceux-ci doivent faire des choix. Depuis l’étude ci-dessus citée, de 1981, l’expérience a montré que les rapports présentenciels sont plus indiqués dans certains cas que dans d’autres. Sans oublier que les ressources sont limitées et ont besoin de délai.

[13] Le Code criminel ne précise pas les critères qui doivent guider le juge à qui une demande de rapport présentenciel est adressée.

[15] L’Appelante réplique que l’article 721 C.cr. édicte qu’un rapport est possible « lorsque l’accusé plaide coupable » et encore, ajoute la disposition, « ou est reconnu coupable d’une infraction ».

[16] Le Juge a-t-il occulté cette dernière possibilité? Non. Son propos est plus nuancé. Il ne décrète pas une règle de refus si l’accusé plaide non coupable. Il exprime plutôt une règle d’expérience qu’à son avis l’exercice n’est pas « très utile » en pareil cas. C’est un avis partagé par d’autres juges qui oeuvrent quotidiennement en première ligne.

[17] Le Juge n’en fait pas état, mais ce n’est un secret pour personne que les agents de probation reçoivent de nombreuses demandes de rapport et que, dans les cas d’une personne en liberté comme l’Appelante, un délai de trois à quatre mois est fréquent, parfois c’est même plus. En jaugeant l’utilité du rapport demandé, nul doute que le Juge avait aussi à l’esprit ces contraintes.

[20] Il est vrai que le dossier contient peu d’information sur l’Appelante, sur les motifs de son implication et l’étendue de sa responsabilité dans cette exploitation de cannabis, et, pour l’avenir, sur sa volonté de s’amender, sur le risque de récidive qu’elle représente et, de manière générale, sur son sens des responsabilités vis-à-vis de la société.

[21] On sait peu de choses de l’Appelante. Mais c’est à elle qu’il appartenait de faire connaître au Juge tous les faits pertinents, ou tout au moins tous les facteurs atténuants, avant le prononcé de la sentence.

[23] C’est à l’avocat de l’accusée trouvée coupable de faire état de tous les faits pertinents, des circonstances de l’affaire, de la situation personnelle de sa cliente, etc. En l’espèce il aurait pu élaborer sur la situation familiale de l’Appelante et le sort de ses enfants advenant son incarcération. La plupart du temps il suffit à l’avocat de présenter les faits sans qu’une preuve formelle soit requise.

mardi 17 août 2010

Mandats de perquisition — Entrée par la force et sans s’annoncer par l’escouade tactique de la police dans la résidence de l’accusé, sans être munis d’une copie du mandat de perquisition lors de leur entrée dans la résidence

R. c. Cornell, 2010 CSC 31 (CanLII)

La seule question en litige est celle de savoir si la présente perquisition, qui était autorisée par la loi, a été effectuée ou non de manière abusive. Sauf en cas d’urgence, les policiers doivent s’annoncer avant d’entrer de force dans une maison d’habitation. Normalement, ils doivent : (1) donner avis de leur présence en frappant ou en sonnant à la porte; (2) donner avis de leur autorité, en s’identifiant comme policiers chargés d’appliquer la loi; (3) donner avis du but de leur visite, en énonçant un motif légitime d’entrer. Même si le principe voulant que les policiers frappent à la porte et annonce leur présence n’est pas absolu, s’ils décident d’y déroger, les policiers doivent expliquer pourquoi ils jugent nécessaire de le faire. En cas de contestation, le ministère public doit produire des éléments de preuve propres à étayer la conclusion que les policiers avaient des motifs raisonnables de craindre pour leur sécurité ou pour celle des occupants de la maison ou de penser que des éléments de preuve risquaient de disparaître. Les policiers doivent pouvoir jouir d’une certaine latitude en ce qui concerne la manière dont ils décident de pénétrer dans un lieu et, pour être évaluer, leur décision doit être jugée en fonction de ce qu’ils savaient ou de ce qu’ils auraient raisonnablement dû savoir à l’époque. La juridiction d’appel qui procède au contrôle judiciaire doit faire preuve d’une grande retenue envers l’appréciation que le juge du procès a faite de la preuve et des conclusions de fait.

Le fait que les membres de l’escouade tactique n’avaient pas de copie du mandat sur eux lorsqu’ils sont entrés n’a pas rendu la perquisition abusive. Le par. 29(1) du Code criminel a pour objet de permettre à l’occupant des lieux visés par la perquisition d’être mis au courant des motifs de la perquisition, d’évaluer sa position sur le plan juridique et de savoir que la perquisition semble être autorisée, de sorte qu’il devienne inutile d’y résister par la force. On répond pleinement à ces objectifs lorsqu’on insiste pour dire que le mandat se trouve en la possession d’au moins une des personnes faisant partie de l’équipe chargée d’exécuter le mandat. Bien que je croie qu’il soit préférable qu’un des agents faisant partie du premier groupe à se présenter à la porte ait une copie du mandat sur lui, les policiers étaient munis du mandat parce que l’enquêteur principal chargé de la perquisition en avait une copie en sa possession et pouvait la produire sur‑le‑champ. En l’espèce, rien ne permet de penser que quelqu’un a demandé à voir le mandat.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...