R. c. Savaresse-Belapatino, 2007 QCCQ 1251 (CanLII)
«De façon générale, le complot peut être défini comme étant l’existence simultanée, chez au moins deux personnes, d’une entente pour réaliser un objet et de l’intention véritable d’atteindre cette fin.
L’Honorable juge Jean-Guy Boilard, Manuel de preuve pénal, Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, mis-à-jour au 30 mars 2006, para. 7.010.
Il n’est pas nécessaire que tous les membres du complot connaissent l’identité et le rôle joué par tous les autres membres du complot. Il suffit que les membres du complot aient la connaissance de la nature du complot général. À cet égard, la Cour d’appel d’Ontario mentionne dans l’arrêt R. c. McNamara :
« …It was not, of course, necessary for the Crown to prove that the appellants knew the identities of other parties to the common design, or the precise details of the agreement. If the jury found that the requisite guilty knowledge was brought home to the appellants, the jury could readily draw the ultimate conclusion that the appellants were participants in the conspiracy.”
R. c. McNamara reflex, (1981) 56 C.C.C. (2d) 193, p. 453, (Ont. C.A.), p. 209 sur 244 de la version imprimée de Quicklaw, confirmé par la Cour suprême. 1985 CanLII 32 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 662.
L’arrêt R. c. Carter propose la démarche d’analyse suivante pour déterminer la culpabilité d’un accusé à un complot :
(1) Premièrement, existe-t-il une preuve hors de tout doute raisonnable de l’existence d’un complot?
(2) Deuxièmement, si oui, existe-t-il une preuve directement recevable (i.e. exception faite des actes ou des déclarations des co-conspirateurs) contre l’accusé qui rend probable la participation de l’accusé au complot?
(3) Troisièmement, si oui, l’ensemble de la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé à l’infraction qui lui est reprochée ?
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938, para. 11.
1. L’existence d’un complot hors de tout doute raisonnable.
À la première étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable, l’existence du complot tel qu’énoncé au chef d’accusation. Toute preuve pertinente est admissible en preuve pour démontrer l’existence du complot, incluant les actes manifestes et les déclarations des conspirateurs.
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938.
L’existence de l’entente peut être inférée de cette preuve, tel que le déclare madame le juge Charron dans R. c. Gassyt :
"[…] I would think it would have been the rare case where direct evidence would be available that the conspirators met, discussed and actually agreed to carry out a common unlawful purpose. A conspiracy is more likely to be proven by evidence of overt acts and statements by the conspirators from which the prior agreement can be logically inferred.”
R. c. Gassyt, 1998 CanLII 5976 (ON C.A.), (1998) 127 C.C.C. (3d) 546 (Ont. C.A), para. 17, permission d’appeler à la Cour suprême refusée.
À cette étape, il n’est pas nécessaire de connaître l’identité de tous les conspirateurs. À cet effet, le juge McIntyre, pour la Cour suprême mentionne dans l’arrêt R. c. Barrow :
"[…] Il est tout à fait possible et loin d’être rare que l’on soit convaincu hors de tout doute raisonnable, d’après l’ensemble de la preuve soumise, qu’un complot, pour les fins alléguées dans l’acte d’accusation, a existé, tout en demeurant dans l’incertitude quant à l’identité de toutes les personnes qui y ont participé. Une fois qu’on a compris cela il devient évident que l’argument de l’appelant est sans fondement. Au cours de cette première étape, ce qui est examiné, c’est l’existence du complot, et non pas l’identité de ceux qui y ont participé. […]”
R. c. Barrow, 1987 CanLII 11 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 694, para. 74; décision des juges McIntyre et LeDain, dissidents sur d’autres points.
(2) La participation de l’accusé au complot.
À la seconde étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver la participation probable de l’accusé au complot. Le fardeau de preuve est celui de la balance de probabilité.
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938.
La participation probable de l’accusé est déterminée en regardant la preuve recevable contre l’accusé-même; cette preuve doit être examinée en considérant le contexte. À cet effet, la cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard affirme dans l’arrêt R. c. Doucette :
«[…]It is also important to bear in mind that the words and actions of the accused ought to be interpreted and considered in the context of the surrounding circumstances in which they occur. Although an accused can only become a member of a conspiracy by his own acts or declarations, that does not mean that what he says or does is to be viewed in isolation or without reference to the milieu in which they occur or that they cannot be interpreted against the picture provided by the acts of the alleged co-conspirators. In order to give meaning or to gain a proper appreciation of an accused’s own acts and declarations, it is permissible for the tier of fact to consider them in the context of the interaction with and among others.”
R. c. Doucette, (2003) P.E.I.J. No. 27, para. 13
Voir aussi R. c. Filiault and Kane, reflex, (1981) 63 C.C.C. (2d) 321 (Ont. C.A.), p. 5 et 6 de la version imprimée de Quicklaw, confirmé par la Cour suprême 1984 CanLII 72 (S.C.C.), [1984] 1 S.C.R. 387.
(3)L'ensemble de la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé
À la troisième étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable la participation de l’accusé au complot. A cette étape, l’exception à la règle du ouï-dire s’applique et les actes posés et les déclarations faites par les co-conspirateurs en vue de réaliser les objets du complot sont recevables contre l’accusé. Il s’agit de l’exception communément connue sous le nom « l’exception au ouï-dire, les actes manifestes ».
R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938, para. 11
Règles précises quant à l’admissibilité de documents et/ou de communications interceptées
À la deuxième étape de l’analyse Carter, le contenu d’un document est admissible contre son auteur. Par ailleurs, la connaissance du contenu du document est admissible contre la personne l’ayant en sa possession.
L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19:4130.
À la troisième étape de l’analyse Carter, un document, s’il est fait en vue de réaliser un ou des objets du complot, est recevable contre tous les conspirateurs.
L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19:4130.
De la même façon, dans le cadre de la deuxième étape de l’arrêt Carter, le contenu d’une communication interceptée est admissible contre le déclarant alors que la connaissance de son contenu peut être imputée au récepteur. Ce n’est qu’à la troisième étape de l’analyse Carter que la communication interceptée est admissible contre les conspirateurs n’ayant pas participé à la communication en tant que tel, pourvu que la communication soit faite en vue de réaliser un ou des objets du complot.
L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19 : 4130.
Les gestes et déclarations des conspirateurs non-accusés
Un geste ou une déclaration fait par un conspirateur non-accusé, appelé ou non comme témoin au procès, est admissible à la troisième étape de l’analyse Carter uniquement s’il est probable que ce dernier ait participé au complot tel qu’exigé par la deuxième étape de l’analyse Carter.
R. v. Cloutier, [1940] S.C.R. 131, p. 5 de la version imprimée de Quicklaw.
R. v. Gassyt, 1998 CanLII 5976 (ON C.A.), (1998) 127 C.C.C. (3d) 546 (Ont. C.A.), para. 22, permission d’appeler à la Cour suprême refusée
Droit quant à la participation d’un conspirateur se joignant à un complot existant
Si une personne adhère à un complot existant, elle devra avoir la connaissance de la nature du complot et l’intention de réaliser l’objet illégal. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’elle connaisse toutes les modalités d’exécution du projet.
Les États-Unis d’Amérique c. Tavormina, 1996 CanLII 5995 (QC C.A.), (1996) 112 C.C.C. (3d) 563 (C.A. Qué.), para. 13
Voir aussi R. c. Lamontagne, (1999) J.Q. no 5416 (C.A. Qué.), para. 41.
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samedi 25 septembre 2010
vendredi 24 septembre 2010
L'état du droit sur l’interpellation d’une personne pour des motifs reliés à la conduite automobile
R. c. Élie, 2010 QCCQ 7630 (CanLII)
[9] Dans une décision rendue le 16 février 2010, dans R. c. Vinet, 2010 QCCQ 1095 (CanLII), 2010 QCCQ 1095, mon collègue le juge S. Mascia, aux paragr. 12 à 17, résume bien l’état du droit sur l’interpellation d’une personne pour des motifs reliés à la conduite automobile. En voici quelques extraits :
[12] L'article 636 du Code de la sécurité routière (ci-après, C.s.r.) se lit comme suit :
Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent Code, (…), exiger que le conducteur d'un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.
[13] Les tribunaux d'instance supérieure sont venus, à maintes reprises, affirmer le fait que les policiers ont le droit d'intercepter au hasard des véhicules automobiles. Par ailleurs, les agents de la paix doivent avoir un motif précis pour procéder à cette interception, lequel doit obligatoirement être relié à la sécurité routière. La vérification de la sobriété des conducteurs, de la validité du permis de conduire, de l'immatriculation, des assurances ainsi que de l'état mécanique du véhicule sont des motifs considérés comme étant valables.
[14] […]
[15] Par la suite, dans R. c. Ladouceur, le plus haut tribunal du pays a entendu une affaire similaire, mais contrairement à Hufsky où il était question d'un programme de contrôle routier structuré, il s'agissait ici de vérification de routine au hasard. La Cour [suprême] a reconnu, à l'unanimité, qu'il y avait eu violation de l'article 9 de la Charte. Cependant, les juges majoritaires ont considéré que l'article premier de ladite Charte justifiait la disposition ontarienne autorisant les policiers à intercepter les véhicules automobiles au hasard.
[16] Le Juge Cory, expliquant la légitimité du but poursuivi, indiquait :
La preuve révèle également une préoccupation urgente et réelle plus spécifique en ce qui concerne des aspects particuliers et précis de la conduite automobile.
[…] Le bon état mécanique du véhicule, la possession d'un permis de conduire valide et d'une preuve d'assurance appropriée ainsi que la sobriété du conducteur constituent les trois principaux sujets de préoccupation particuliers.
[…] Il s'agit donc d'un but très légitime à atteindre par voie législative de manière à contrôler et à éliminer ces facteurs dangereux et à réduire ainsi le nombre effroyable des victimes d'accidents de la route (paragraphe 44).
[17] Selon les principes émis dans Ladouceur, les policiers ne peuvent interpeller des personnes que pour des motifs fondés sur la loi, en l'espèce des motifs relatifs à la conduite d'une automobile comme la vérification du permis de conduire, des assurances et de la sobriété du conducteur ainsi que de l'état mécanique du véhicule.
[10] Dans R. c. Soucisse, [1994] J.Q. no 544, la Cour d’appel du Québec a reconnu la validité constitutionnelle de l’art. 636 du Code de la sécurité routière. L’auteur Karl-Emmanuel Harrison, dans son volume Capacités affaiblies : Principes et application, 2e éd., 2009, chap. 1, p. 4, au paragr. 7, résume la substance de cet arrêt de la façon suivante :
[7] […] [E]lle [La Cour d’appel] a indiqué que, pour procéder à une interception, il n’est pas nécessaire que l’agent de la paix ait des motifs de croire qu’une infraction à ce code [CSR] a été commise ou est sur le point de l’être. Bien que le pouvoir général d’interception, sans motif et en dehors de programmes structurés, entraîne une détention arbitraire, l’atteinte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
[9] Dans une décision rendue le 16 février 2010, dans R. c. Vinet, 2010 QCCQ 1095 (CanLII), 2010 QCCQ 1095, mon collègue le juge S. Mascia, aux paragr. 12 à 17, résume bien l’état du droit sur l’interpellation d’une personne pour des motifs reliés à la conduite automobile. En voici quelques extraits :
[12] L'article 636 du Code de la sécurité routière (ci-après, C.s.r.) se lit comme suit :
Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent Code, (…), exiger que le conducteur d'un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.
[13] Les tribunaux d'instance supérieure sont venus, à maintes reprises, affirmer le fait que les policiers ont le droit d'intercepter au hasard des véhicules automobiles. Par ailleurs, les agents de la paix doivent avoir un motif précis pour procéder à cette interception, lequel doit obligatoirement être relié à la sécurité routière. La vérification de la sobriété des conducteurs, de la validité du permis de conduire, de l'immatriculation, des assurances ainsi que de l'état mécanique du véhicule sont des motifs considérés comme étant valables.
[14] […]
[15] Par la suite, dans R. c. Ladouceur, le plus haut tribunal du pays a entendu une affaire similaire, mais contrairement à Hufsky où il était question d'un programme de contrôle routier structuré, il s'agissait ici de vérification de routine au hasard. La Cour [suprême] a reconnu, à l'unanimité, qu'il y avait eu violation de l'article 9 de la Charte. Cependant, les juges majoritaires ont considéré que l'article premier de ladite Charte justifiait la disposition ontarienne autorisant les policiers à intercepter les véhicules automobiles au hasard.
[16] Le Juge Cory, expliquant la légitimité du but poursuivi, indiquait :
La preuve révèle également une préoccupation urgente et réelle plus spécifique en ce qui concerne des aspects particuliers et précis de la conduite automobile.
[…] Le bon état mécanique du véhicule, la possession d'un permis de conduire valide et d'une preuve d'assurance appropriée ainsi que la sobriété du conducteur constituent les trois principaux sujets de préoccupation particuliers.
[…] Il s'agit donc d'un but très légitime à atteindre par voie législative de manière à contrôler et à éliminer ces facteurs dangereux et à réduire ainsi le nombre effroyable des victimes d'accidents de la route (paragraphe 44).
[17] Selon les principes émis dans Ladouceur, les policiers ne peuvent interpeller des personnes que pour des motifs fondés sur la loi, en l'espèce des motifs relatifs à la conduite d'une automobile comme la vérification du permis de conduire, des assurances et de la sobriété du conducteur ainsi que de l'état mécanique du véhicule.
[10] Dans R. c. Soucisse, [1994] J.Q. no 544, la Cour d’appel du Québec a reconnu la validité constitutionnelle de l’art. 636 du Code de la sécurité routière. L’auteur Karl-Emmanuel Harrison, dans son volume Capacités affaiblies : Principes et application, 2e éd., 2009, chap. 1, p. 4, au paragr. 7, résume la substance de cet arrêt de la façon suivante :
[7] […] [E]lle [La Cour d’appel] a indiqué que, pour procéder à une interception, il n’est pas nécessaire que l’agent de la paix ait des motifs de croire qu’une infraction à ce code [CSR] a été commise ou est sur le point de l’être. Bien que le pouvoir général d’interception, sans motif et en dehors de programmes structurés, entraîne une détention arbitraire, l’atteinte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Ce que le tribunal doit évaluer pour apprécier la crédibilité et la fiabilité d’un témoin
R. c. J.C., 2010 QCCQ 7735 (CanLII)
[64] L’analyse de la version de la défense ne doit pas se faire dans l’abstrait, en ne considérant que cette version, mais à la lumière de l’ensemble de la preuve.
[65] En tentant d’apprécier la crédibilité et la fiabilité d’un témoin le Tribunal examine l’intégrité générale et l’intelligence du témoin ainsi que ses facultés d’observation, la capacité de sa mémoire et l’exactitude de sa déposition. Le témoin essaie-t-il de bonne foi de dire la vérité, est-il sincère et franc? A-t-il des préjugés? Est-il réticent, évasif ou répond-il de façon spontanée, sans calcul? Ses énoncés sont-ils improbables ou déraisonnables? S’est-il contredit ou existe-t-il des faits qui le contredisent? Sa crédibilité a-t-elle été attaquée? Sa conduite devant le Tribunal apporte-t-elle des indices pour croire qu’il dit des faussetés? Est-il hésitant, ses réponses sont-elles précises ou vagues, complètes ou parcellaires? Le témoin admet-il sans difficulté des éléments qui peuvent le discréditer ou son témoignage n’est-il qu’une attaque ininterrompue de la partie adverse? Y a-t-il des preuves qui confirment ou corroborent sa version?
[64] L’analyse de la version de la défense ne doit pas se faire dans l’abstrait, en ne considérant que cette version, mais à la lumière de l’ensemble de la preuve.
[65] En tentant d’apprécier la crédibilité et la fiabilité d’un témoin le Tribunal examine l’intégrité générale et l’intelligence du témoin ainsi que ses facultés d’observation, la capacité de sa mémoire et l’exactitude de sa déposition. Le témoin essaie-t-il de bonne foi de dire la vérité, est-il sincère et franc? A-t-il des préjugés? Est-il réticent, évasif ou répond-il de façon spontanée, sans calcul? Ses énoncés sont-ils improbables ou déraisonnables? S’est-il contredit ou existe-t-il des faits qui le contredisent? Sa crédibilité a-t-elle été attaquée? Sa conduite devant le Tribunal apporte-t-elle des indices pour croire qu’il dit des faussetés? Est-il hésitant, ses réponses sont-elles précises ou vagues, complètes ou parcellaires? Le témoin admet-il sans difficulté des éléments qui peuvent le discréditer ou son témoignage n’est-il qu’une attaque ininterrompue de la partie adverse? Y a-t-il des preuves qui confirment ou corroborent sa version?
jeudi 23 septembre 2010
Description du crime de parjure par la Cour d'appel du Québec, sous la plume du juge Rothman
R. c. Harouya, 2009 QCCS 6074 (CanLII)
[16] La Cour d'appel du Québec, sous la plume du juge Rothman, décrit ainsi le crime de parjure (Éthier c. La Reine):
« No one can doubt the seriousness of conspiracy, incitement to commit perjury, to fabricate evidence and to obstruct justice. These offences go to the very heart of the criminal justice system and threaten to subvert the means by which society is empowered to protect itself from criminal wrong-doing. The gravity with which Parliament views perjury is reflected in the maximum penalty of 14 years of imprisonment provided under Sec. 132. – Obstruction of justice, under Sec. 139, provides for a maximum penalty of 10 years ».
[17] Il ajoute ceci :
« Because of the seriousness of these crimes and the necessity for protecting the justice system, the emphasis in sentencing persons convicted of offenses against the administration of justice must be on general deterrence. For that reason, custodial sentences have usually been imposed in these cases, even on first offenders with good backgrounds ».
[19] Tel que mentionné dans le livre intitulé Sentencing :
« Using false testimony to bring the weighty powers of the state to bear against the liberty of innocent individuals is a particularly heinous abuse, and, more generally, the offence of perjury is seen to strike at the very root of a justice system that is designed to protect society ».
[16] La Cour d'appel du Québec, sous la plume du juge Rothman, décrit ainsi le crime de parjure (Éthier c. La Reine):
« No one can doubt the seriousness of conspiracy, incitement to commit perjury, to fabricate evidence and to obstruct justice. These offences go to the very heart of the criminal justice system and threaten to subvert the means by which society is empowered to protect itself from criminal wrong-doing. The gravity with which Parliament views perjury is reflected in the maximum penalty of 14 years of imprisonment provided under Sec. 132. – Obstruction of justice, under Sec. 139, provides for a maximum penalty of 10 years ».
[17] Il ajoute ceci :
« Because of the seriousness of these crimes and the necessity for protecting the justice system, the emphasis in sentencing persons convicted of offenses against the administration of justice must be on general deterrence. For that reason, custodial sentences have usually been imposed in these cases, even on first offenders with good backgrounds ».
[19] Tel que mentionné dans le livre intitulé Sentencing :
« Using false testimony to bring the weighty powers of the state to bear against the liberty of innocent individuals is a particularly heinous abuse, and, more generally, the offence of perjury is seen to strike at the very root of a justice system that is designed to protect society ».
L’expression « cours de la justice » contenue à l’article 139 (2) du Code criminel comprend les enquêtes
R. c. Paradis, 2007 QCCQ 5368 (CanLII)
[129] La Cour suprême du Canada dans l’affaire de R. vs Wijesinha 1995 3 RCS 422 a eu à se prononcer si l’expression « cours de la justice » contenue à l’article 139 (2) du Code criminel comprenait les enquêtes. Le tribunal ne citera que les paragraphes 27 et 34 de cette décision qui sont éloquents et qui se lisent comme suit :
« Le “cours de la justice” comprend‑il les enquêtes?
27 Les procédures d'une cour, ou celles de la plupart des tribunaux administratifs, commencent presque invariablement par une enquête. L'enquête sert à déterminer s'il y a eu perpétration d'un crime ou d'une injustice. C'est la première étape essentielle de toute procédure judiciaire ou quasi judiciaire qui peut donner lieu à une poursuite. Dans le cours normal des choses, celui qui détourne le cours d'une enquête se trouve aussi à détourner le cours de la justice. Il ne fait aucun doute, par exemple, que la personne qui ment à la police chargée d'enquêter sur un accident d'automobile quant à l'identité du conducteur, se trouve, par ce mensonge, à détourner le cours de la justice (…)
34 En résumé, puisqu'une fausse déclaration à l'étape de l'enquête peut empêcher l'institution de poursuites et, partant, détourner le cours de la justice, le par. 139 (2) doit comprendre des procédures d'enquête. »
[130] Quant au type d’infraction, les procureurs soumettent à bon droit qu’il s’agit d’une infraction d’intention spécifique. La Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Beaudry, jugement rendu le 31 janvier 2007 le réitère comme suit :
« 52 Deuxièmement, l’infraction d’entrave au cours de la justice, dont les paramètres sont bien établis par la jurisprudence, a-t-elle été commise? Pour résumer, l’élément matériel de l’infraction ne sera établi que si l’acte tendait à contrecarrer ou à entraver le cours de la justice (R. c. May reflex, (1984), 13 C.C.C. (3d) 257 (C.A. Ont.), le juge Martin, voir aussi R. c. Hearn reflex, (1989), 48 C.C.C (3d) 376 (C.A.T.-N.), le juge en chef Goodridge, conf. par 1989 CanLII 14 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1180). En ce qui concerne la mens rea, nul ne conteste qu’il s’agit d’une infraction requérant une intention spécifique (R. c. Charbonneau 1992 CanLII 2979 (QC C.A.), (1992), 13 C.R. (4th) 191 (C.A. Qué.)). La poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait bel et bien l’intention d’adopter une conduite tendant à entraver, détourner ou contrecarrer le cours de la justice. Une simple erreur de jugement ne suffit pas (…) »
[129] La Cour suprême du Canada dans l’affaire de R. vs Wijesinha 1995 3 RCS 422 a eu à se prononcer si l’expression « cours de la justice » contenue à l’article 139 (2) du Code criminel comprenait les enquêtes. Le tribunal ne citera que les paragraphes 27 et 34 de cette décision qui sont éloquents et qui se lisent comme suit :
« Le “cours de la justice” comprend‑il les enquêtes?
27 Les procédures d'une cour, ou celles de la plupart des tribunaux administratifs, commencent presque invariablement par une enquête. L'enquête sert à déterminer s'il y a eu perpétration d'un crime ou d'une injustice. C'est la première étape essentielle de toute procédure judiciaire ou quasi judiciaire qui peut donner lieu à une poursuite. Dans le cours normal des choses, celui qui détourne le cours d'une enquête se trouve aussi à détourner le cours de la justice. Il ne fait aucun doute, par exemple, que la personne qui ment à la police chargée d'enquêter sur un accident d'automobile quant à l'identité du conducteur, se trouve, par ce mensonge, à détourner le cours de la justice (…)
34 En résumé, puisqu'une fausse déclaration à l'étape de l'enquête peut empêcher l'institution de poursuites et, partant, détourner le cours de la justice, le par. 139 (2) doit comprendre des procédures d'enquête. »
[130] Quant au type d’infraction, les procureurs soumettent à bon droit qu’il s’agit d’une infraction d’intention spécifique. La Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Beaudry, jugement rendu le 31 janvier 2007 le réitère comme suit :
« 52 Deuxièmement, l’infraction d’entrave au cours de la justice, dont les paramètres sont bien établis par la jurisprudence, a-t-elle été commise? Pour résumer, l’élément matériel de l’infraction ne sera établi que si l’acte tendait à contrecarrer ou à entraver le cours de la justice (R. c. May reflex, (1984), 13 C.C.C. (3d) 257 (C.A. Ont.), le juge Martin, voir aussi R. c. Hearn reflex, (1989), 48 C.C.C (3d) 376 (C.A.T.-N.), le juge en chef Goodridge, conf. par 1989 CanLII 14 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1180). En ce qui concerne la mens rea, nul ne conteste qu’il s’agit d’une infraction requérant une intention spécifique (R. c. Charbonneau 1992 CanLII 2979 (QC C.A.), (1992), 13 C.R. (4th) 191 (C.A. Qué.)). La poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait bel et bien l’intention d’adopter une conduite tendant à entraver, détourner ou contrecarrer le cours de la justice. Une simple erreur de jugement ne suffit pas (…) »
mercredi 22 septembre 2010
Exposé exhaustif du juge Ferguson sur la définition de maison d’habitation au sens du Code criminel
R. c. Sappier, 2005 NBCP 37 (CanLII)
[15] La signification juridique unique qui est donnée à une maison d’habitation est profondément enracinée dans notre droit criminel. Du point de vue des biens personnels, la maison d’habitation se situe au sommet du paradigme de la vie privée comme un endroit ayant une signification particulière, non seulement dans le contexte du droit à la vie privée accordé à ses occupants en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés mais également d’un point de vue sociétal général. Dans R. c. Tessling, 2004 CSC 67 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 432 (C.S.C.), le juge Binnie a décrit de façon judicieuse la place particulière qu’elle occupe dans notre droit, au paragraphe 14 :
L’arrivée des policiers en pleine nuit est la plus sombre illustration de l’État policier. C’est ainsi que, dans un discours célèbre prononcé en 1763 devant le Parlement britannique, William Pitt (le Premier Pitt) a prôné le droit de chacun d’interdire aux forces de Sa Majesté l’accès à son domaine privé :
[TRADUCTION] Dans sa chaumière, l’homme le plus pauvre peut défier toutes les forces de la Couronne. Sa chaumière peut bien être frêle, son toit peut branler, le vent peut souffler à travers, la tempête peut y entrer, la pluie peut y pénétrer, mais le roi d’Angleterre, lui, ne peut pas entrer! Toute sa force n’ose pas franchir le seuil du logement délabré.
(Lord H. Brougham, Historical Sketches of Statesmen Who Flourished in the Time of George III (1855), vol. I, p. 42)
[16] Toutefois, les toits ne font pas tous des chez‑soi et il est établi en droit qu’il existe une distinction entre ce qui, du point de vue de l’apparence matérielle, constitue un chez‑soi ou une demeure et ce qui est catégorisé comme tel en droit.
[17] Au lieu d’aborder la question du seul point de vue de l’objet de la construction, le droit exige qu’une [TRADUCTION] « perspective globale » soit adoptée pour déterminer si la construction est en fait celle d’une maison d’habitation ou tenue comme telle.
[18] Par conséquent, un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération pour déterminer si, au moment de l’infraction reprochée, la maison en question était une maison d’habitation. Dans R. c. McKerness reflex, (1983), 4 C.C.C. (3d) 233 (C.S.P.Q.), le juge Grenier s’est inspiré d’un arrêt de la Cour suprême du Canada, Springman c. La Reine, 1964 CanLII 69 (S.C.C.), [1964] R.C.S. 267, 3 C.C.C. 105 (C.S.C.), un cas d’incendie criminel, pour déterminer si une boutique de style petit comptoir au milieu d’un mail était un « endroit » pour les besoins de l’infraction d’introduction par effraction prévue à l’alinéa 306(1)a) du Code. En concluant qu’il s’agissait d’un « endroit », il s’est appuyé dans une certaine mesure sur l’intention du constructeur :
Il ressort également de l’arrêt Springman que l’intention qui animait le constructeur doit être prise en considération pour décider s’il y a « construction » ou « bâtiment ». C’est ainsi que dans l’arrêt London County Council c. Pearce, [1892] 2 Q.B. 109 aux pp. 112-13, la Cour d’appel d’Angleterre affirmait ce qui suit :
[TRADUCTION] Dans tous les cas, nous devons être guidés par ce que j’appelle les buts de la construction et chercher dans quelle intention elle a été faite. Cela semble ressortir clairement de l’arrêt Hall c. Smallpiece (59 L.J (M.C.) 97), où il a été jugé qu’un manège à vapeur n’était pas une construction ni une édification en bois au sens de la Loi. Pourquoi le tribunal a‑t‑il conclu ainsi? Non pas parce qu’un objet sur roues ne peut être visé par l’article, mais bien parce que, lorsque l’on considère le but dans lequel l’objet a été fabriqué, il devient évident qu’il a été fabriqué pour la locomotion et pour l’édification dans tout endroit où il pourrait être requis.
[19] Toutefois, il arrive souvent que l’intention du constructeur ne soit pas suffisante pour trancher la question. C’est ce qui est ressorti de l’arrêt Johnson c. La Reine, 1977 CanLII 229 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 646, 34 C.C.C. (2d) 12 (C.S.C.), où l’intention du constructeur était claire, mais où la nature de la maison en construction ne correspondait pas encore à la désignation de « maison d’habitation ». Les faits ont été résumés par le juge Dickson (tel était alors son titre) comme suit :
L’accusé s’est introduit dans une maison d’habitation en cours d’oeuvre et inoccupée, à 3 h 30, par le cadre d’une porte entre l’abri d’auto et la maison. La porte n’avait pas encore été installée. Le propriétaire avait temporairement cloué une feuille de contre‑plaqué sur l’ouverture, mais il appert que quelqu’un l’avait enlevée puisqu’elle se trouvait par terre au moment où l’accusé et un compagnon se sont introduits dans la maison. L’accusé a été déclaré coupable d’introduction par effraction en un endroit, à savoir une maison d’habitation en construction, et d’y avoir commis un acte criminel, en l’occurrence un vol. Les parties conviennent que le bâtiment était, par définition, un « endroit » mais non une maison d’habitation. [C’est moi qui souligne.]
[20] Même si la Cour n’a pas conclu que la maison n’était pas une maison d’habitation en droit, il importe de noter qu’aucune question n’a été soulevée concernant la nature juridique de la maison. Il a été convenu qu’il s’agissait d’un endroit, et non d’une maison d’habitation, parce que, au moment de l’infraction, elle n’avait pas encore la nature juridique d’une maison d’habitation.
[21] Si l’intention du constructeur n’est pas le seul facteur déterminant pour établir ce qui constitue une maison d’habitation, quels sont les autres facteurs déterminants de l’évaluation? L’utilisation traditionnelle, temporaire, saisonnière ou courante, suivant les circonstances, peut faire partie de l’équation. La force du lien temporel entre l’un de ces facteurs et le moment de l’évaluation de la nature de la maison où a eu lieu l’infraction peut également être pertinente.
[22] L’usage auquel la construction est destinée détermine très souvent sa nature. Dans certains cas, une habitation très rudimentaire peut avoir la qualité d’une maison d’habitation. Il a été établi qu’une tente utilisée comme résidence temporaire répondait à la définition d’une maison d’habitation. (Voir R. c. Howe (No. 2), [1983] N.S.J. No. 398; 57 N.S.R. (2d) 325 (C.A.N.‑É.).) Aux paragraphes 11, 12 et 16, le juge d’appel Morrison a exposé comme suit les motifs de ses conclusions :
[TRADUCTION]
La tente était située, selon Jerome Basque, sur la propriété appartenant à la grand‑mère de Frances Marr. Elle faisait environ 10 pi sur 8 pi et elle était conçue pour quatre personnes. Elle contenait quatre matelas et avait environ 5 pi de haut. Elle était en nylon et avait une porte avant et une fenêtre arrière. La porte avant était apparemment une ouverture pourvue d’une fermeture à glissière. Il y avait des matelas et des couvertures dans la tente et, selon Jerome Basque, il y avait également une radio.
La preuve me convainc que la tente en question a été utilisée et occupée comme une résidence entre le 12 juillet et le 13 juillet 1982. La tente était pourvue de matelas et de couvertures. Il y avait une radio pour le divertissement et la commodité de ceux qui y résidaient et les parties l’ont utilisée effectivement pour dormir le soir du 12 juillet et dans les premières heures du matin le 13 juillet 1982.
À mon avis, la tente est une unité conçue pour être mobile et elle était utilisée comme résidence temporaire pour les quatre personnes qui y ont dormi et, en conséquence, elle correspond à la définition de « maison d’habitation », énoncée à l’article 2 du Code criminel. L’alinéa 306(4)a) du Code criminel prévoit que « [a]ux fins du présent article, l’expression « endroit » signifie […] une maison d’habitation ». Je suis d’avis que la tente était un « endroit » au sens de l’article 306 du Code criminel.
[23] De plus, il a été établi qu’une habitation très temporaire, telle qu’un motel loué pour la nuit, constituait une résidence temporaire. (Voir R. c. Henderson, [1974] B.C.J. No. 796 (C. prov.).)
[24] Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que la maison n’était pas occupée ou n’avait jamais été occupée comme une maison d’habitation. L’analyse peut donc être circonscrite à la question de savoir si, au moment de l’introduction par effraction, la maison était « tenue » comme une maison d’habitation.
[25] Dans R. c. DeWolfe (N.S.C.A.), reflex, [1988] N.S.J. No. 27, 82 N.S.R. (2d) 175 (C.A.N.-É.), la maison en question n’était pas occupée au moment de l’infraction et elle ne l’avait pas été pendant au moins un mois. Toutefois, elle a conservé la qualité ou la nature d’une maison d’habitation :
[TRADUCTION]
L’éminent juge de procès a conclu que, même si la maison n’était pas occupée à ce moment‑là, elle était néanmoins « tenue » comme une résidence. La preuve démontrait que la propriétaire habitait la maison voisine et que son fils occupait la maison un mois avant l’introduction par effraction. Dans la définition de maison d’habitation, le mot « tenu » est utilisé comme variante du mot « occupé ». Nous souscrivons à l’opinion du juge en chef Palmeter qui a estimé que, compte tenu des faits en l’espèce, la maison était en fait tenue comme une résidence.
[26] Il est facile de concevoir que, dans DeWolfe, l’utilisation traditionnelle de la construction prédominait dans la détermination de sa nature. À cela s’ajoutait la preuve selon laquelle la maison avait été occupée comme maison d’habitation jusqu’à un mois avant l’infraction. Le lien temporel de l’usage de la maison comme habitation si peu de temps avant la perpétration de l’infraction a aidé à établir la nature juridique de la maison au moment pertinent comme étant celui d’une maison d’habitation.
[27] Dans certains cas, la maison peut avoir été utilisée traditionnellement comme une maison d’habitation et avoir ensuite perdu cette caractérisation parce qu’elle a cessé d’être utilisée à cette fin pendant une certaine période de temps. Cette période de non‑utilisation peut, dans certaines circonstances, briser le lien temporel entre son utilisation traditionnelle comme habitation et sa nature juridique au moment de l’infraction. La décision R. c. Paquet, [1978] O.J. No. 980, 43 C.C.C. (2d) 23 (C.A. Ont.) est un exemple de pareil cas. Dans cette affaire, la maison avait été utilisée traditionnellement comme une maison d’habitation. Toutefois, le juge Martin a fait remarquer ce qui suit aux paragraphes 2 et 3 :
[TRADUCTION]
La maison n’avait pas été occupée pendant une période d’environ trois ans, et elle était tombée dans un état assez délabré à la suite d’un incendie survenu quelque deux ans avant l’incident à l’origine de la présente accusation. Plusieurs fenêtres étaient fracassées et l’une d’elles était condamnée. L’endroit était sale et les mauvaises herbes étaient abondantes autour de la galerie.
Les appelants ont témoigné qu’ils étaient passés devant la maison le jour précédant les événements en question et avaient conclu qu’elle avait été abandonnée. Ils s’y sont rendus le soir suivant en camion et y ont pris une cuisinière, deux téléviseurs, des tapis et des photos. La cuisinière avait environ vingt ans et l’un de ses foyers était brûlé et elle avait besoin d’un nouveau revêtement. L’un des téléviseurs fonctionnait, mais il manquait des pièces dans l’autre.
[28] En concluant que, à l’époque pertinente, la maison n’était pas tenue ou occupée comme une maison d’habitation, le juge d’appel Martin a formulé les observations suivantes aux paragraphes 8 à 10 :
[TRADUCTION]
Me Lundy, représentant le ministère public, a reconnu, assez justement à notre avis, que la maison en question n’était pas une maison d’habitation.
En common law, il n’était pas nécessaire pour qu’une maison soit une maison d’habitation que quelqu’un y habite au moment de l’introduction par effraction, pourvu que l’occupant ait l’intention de revenir y habiter. Dans l’ouvrage Stephen’s Commentaries on the Laws of England, 21e éd. à la page 107, on peut lire le commentaire suivant :
[TRADUCTION]
La maison doit généralement être utilisée comme demeure. Un cambriolage [au sens propre] ne peut être perpétré dans des locaux servant uniquement à des activités commerciales. La maison doit être une maison où quelqu’un a l’habitude de résider. La simple absence temporaire du propriétaire ne privera toutefois pas la maison de la protection accordée par la loi; et, même si personne ne s’y trouvait en réalité, pourvu que le propriétaire ait l’intention d’y revenir, l’introduction par effraction constituera un cambriolage.
Une personne pourrait avoir deux maisons dans lesquelles elle résiderait à différentes saisons et les deux seraient des maisons d’habitation même lorsqu’elles sont temporairement inoccupées. Si, toutefois, une personne quittait sa maison sans avoir l’intention de revenir y vivre, la maison cesserait d’être une maison d’habitation jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau occupée comme une maison d’habitation : Russell on Crime, 12e éd., Vol. II, à la page 829.
Bien que la définition d’une maison d’habitation dans le Code criminel soit plus large que la définition de la common law, s’entendant de « l’ensemble ou toute partie d’un bâtiment ou d’une construction tenu ou occupé comme résidence permanente ou temporaire », nous sommes convaincus que la preuve n’établit pas que la maison en question au moment de l’introduction par effraction était « tenue ou occupée » comme une résidence permanente ou temporaire.
[29] Par conséquent, on ne pouvait dire que la preuve établissait hors de tout doute raisonnable que la maison était tenue à l’époque comme une maison d’habitation. Une condamnation pour introduction par effraction dans un endroit a été substituée à une condamnation pour introduction par effraction dans une maison d’habitation.
[30] En examinant la preuve en l’espèce, il ne fait aucun doute que le constructeur voulait que la maison devienne sa demeure. L’état avancé de la construction effectuée par M. Levi fait nettement en sorte que la maison se caractérise comme une maison d’habitation tant sur le plan de la conception que sur le plan de l’intention.
[31] Toutefois, il n’avait pas remplacé les portes et les fenêtres de la maison après la perpétration des actes de vandalisme pendant son incarcération. Il restait considérablement de travail à faire à l’intérieur, notamment l’installation de la plomberie et des luminaires, ainsi que des panneaux de gypse sur les divisions intérieures. Même si cela n’a pas beaucoup d’importance, les revêtements de plancher n’avaient pas été posés. En outre, il n’y avait pas de lien temporel entre la nature apparente de la maison au moment de l’infraction et une utilisation antérieure qui justifierait sa caractérisation comme maison d’habitation, car elle n’avait jamais été habitée, temporairement ou en permanence, avant la date de l’infraction reprochée.
[32] À la lumière de la preuve, est‑il possible de dire que la maison était « tenue » comme une maison d’habitation? Il est évident que ce n’était pas le cas. Le mot anglais kept [tenu] est défini comme suit dans l’ouvrage The Collins English Dictionary, deuxième édition, 1986, Collins London & Glasgow :
[TRADUCTION]
Temps passé ou participe passé du verbe tenir.
[33] Par conséquent, il semblerait évident que, pour qu’une maison d’habitation soit « tenue » comme maison d’habitation, elle doit avoir revêtu cette nature à un certain point dans le passé. Cela ne signifie pas que la maison doit avoir déjà été habitée comme une maison d’habitation et avoir conservé ce titre dans un lien temporel étroit ou par son utilisation à cette fin.
[34] Ainsi, si la construction d’une maison a été confiée à des entrepreneurs locaux par un propriétaire absent et que les clés de la maison ont été envoyées au propriétaire une fois les travaux terminés, la maison pourrait avoir la nature d’une maison d’habitation si ceux qui étaient chargés du bâtiment au moment où il était simplement une maison en construction avaient fini leurs travaux et que le propriétaire en avait pris possession en se faisant envoyer les clés. On pourrait alors dire que, une fois que la construction a été terminée et que la possession en droit a été transférée au propriétaire, la maison était, à partir de ce moment‑là, « tenue » comme une maison d’habitation même si personne n’y avait jamais passé une nuit.
[35] Toute la preuve fait clairement ressortir que, même si cette maison était destinée à devenir la future demeure de M. Levi, elle n’avait pas encore cette nature au moment où l’infraction a été commise. Elle n’avait jamais non plus été une maison d’habitation par le passé. Compte tenu de cette réalité, il n’est pas possible de dire avec certitude que, au moment où le défendeur s’est introduit par effraction dans l’endroit avec l’intention d’y commettre un acte criminel, il s’est introduit dans un endroit autre qu’une maison.
[36] Il n’est pas contesté et, en fait, les parties s’entendent pour dire, qu’une allégation d’introduction par effraction dans une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel comprend une infraction d’introduction par effraction dans un endroit autre qu’une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel. Voir généralement R. c. R. (G.) 2005 SCC 45 (CanLII), (2005), 198 C.C.C. (3d) 161 (C.S.C.).
[15] La signification juridique unique qui est donnée à une maison d’habitation est profondément enracinée dans notre droit criminel. Du point de vue des biens personnels, la maison d’habitation se situe au sommet du paradigme de la vie privée comme un endroit ayant une signification particulière, non seulement dans le contexte du droit à la vie privée accordé à ses occupants en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés mais également d’un point de vue sociétal général. Dans R. c. Tessling, 2004 CSC 67 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 432 (C.S.C.), le juge Binnie a décrit de façon judicieuse la place particulière qu’elle occupe dans notre droit, au paragraphe 14 :
L’arrivée des policiers en pleine nuit est la plus sombre illustration de l’État policier. C’est ainsi que, dans un discours célèbre prononcé en 1763 devant le Parlement britannique, William Pitt (le Premier Pitt) a prôné le droit de chacun d’interdire aux forces de Sa Majesté l’accès à son domaine privé :
[TRADUCTION] Dans sa chaumière, l’homme le plus pauvre peut défier toutes les forces de la Couronne. Sa chaumière peut bien être frêle, son toit peut branler, le vent peut souffler à travers, la tempête peut y entrer, la pluie peut y pénétrer, mais le roi d’Angleterre, lui, ne peut pas entrer! Toute sa force n’ose pas franchir le seuil du logement délabré.
(Lord H. Brougham, Historical Sketches of Statesmen Who Flourished in the Time of George III (1855), vol. I, p. 42)
[16] Toutefois, les toits ne font pas tous des chez‑soi et il est établi en droit qu’il existe une distinction entre ce qui, du point de vue de l’apparence matérielle, constitue un chez‑soi ou une demeure et ce qui est catégorisé comme tel en droit.
[17] Au lieu d’aborder la question du seul point de vue de l’objet de la construction, le droit exige qu’une [TRADUCTION] « perspective globale » soit adoptée pour déterminer si la construction est en fait celle d’une maison d’habitation ou tenue comme telle.
[18] Par conséquent, un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération pour déterminer si, au moment de l’infraction reprochée, la maison en question était une maison d’habitation. Dans R. c. McKerness reflex, (1983), 4 C.C.C. (3d) 233 (C.S.P.Q.), le juge Grenier s’est inspiré d’un arrêt de la Cour suprême du Canada, Springman c. La Reine, 1964 CanLII 69 (S.C.C.), [1964] R.C.S. 267, 3 C.C.C. 105 (C.S.C.), un cas d’incendie criminel, pour déterminer si une boutique de style petit comptoir au milieu d’un mail était un « endroit » pour les besoins de l’infraction d’introduction par effraction prévue à l’alinéa 306(1)a) du Code. En concluant qu’il s’agissait d’un « endroit », il s’est appuyé dans une certaine mesure sur l’intention du constructeur :
Il ressort également de l’arrêt Springman que l’intention qui animait le constructeur doit être prise en considération pour décider s’il y a « construction » ou « bâtiment ». C’est ainsi que dans l’arrêt London County Council c. Pearce, [1892] 2 Q.B. 109 aux pp. 112-13, la Cour d’appel d’Angleterre affirmait ce qui suit :
[TRADUCTION] Dans tous les cas, nous devons être guidés par ce que j’appelle les buts de la construction et chercher dans quelle intention elle a été faite. Cela semble ressortir clairement de l’arrêt Hall c. Smallpiece (59 L.J (M.C.) 97), où il a été jugé qu’un manège à vapeur n’était pas une construction ni une édification en bois au sens de la Loi. Pourquoi le tribunal a‑t‑il conclu ainsi? Non pas parce qu’un objet sur roues ne peut être visé par l’article, mais bien parce que, lorsque l’on considère le but dans lequel l’objet a été fabriqué, il devient évident qu’il a été fabriqué pour la locomotion et pour l’édification dans tout endroit où il pourrait être requis.
[19] Toutefois, il arrive souvent que l’intention du constructeur ne soit pas suffisante pour trancher la question. C’est ce qui est ressorti de l’arrêt Johnson c. La Reine, 1977 CanLII 229 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 646, 34 C.C.C. (2d) 12 (C.S.C.), où l’intention du constructeur était claire, mais où la nature de la maison en construction ne correspondait pas encore à la désignation de « maison d’habitation ». Les faits ont été résumés par le juge Dickson (tel était alors son titre) comme suit :
L’accusé s’est introduit dans une maison d’habitation en cours d’oeuvre et inoccupée, à 3 h 30, par le cadre d’une porte entre l’abri d’auto et la maison. La porte n’avait pas encore été installée. Le propriétaire avait temporairement cloué une feuille de contre‑plaqué sur l’ouverture, mais il appert que quelqu’un l’avait enlevée puisqu’elle se trouvait par terre au moment où l’accusé et un compagnon se sont introduits dans la maison. L’accusé a été déclaré coupable d’introduction par effraction en un endroit, à savoir une maison d’habitation en construction, et d’y avoir commis un acte criminel, en l’occurrence un vol. Les parties conviennent que le bâtiment était, par définition, un « endroit » mais non une maison d’habitation. [C’est moi qui souligne.]
[20] Même si la Cour n’a pas conclu que la maison n’était pas une maison d’habitation en droit, il importe de noter qu’aucune question n’a été soulevée concernant la nature juridique de la maison. Il a été convenu qu’il s’agissait d’un endroit, et non d’une maison d’habitation, parce que, au moment de l’infraction, elle n’avait pas encore la nature juridique d’une maison d’habitation.
[21] Si l’intention du constructeur n’est pas le seul facteur déterminant pour établir ce qui constitue une maison d’habitation, quels sont les autres facteurs déterminants de l’évaluation? L’utilisation traditionnelle, temporaire, saisonnière ou courante, suivant les circonstances, peut faire partie de l’équation. La force du lien temporel entre l’un de ces facteurs et le moment de l’évaluation de la nature de la maison où a eu lieu l’infraction peut également être pertinente.
[22] L’usage auquel la construction est destinée détermine très souvent sa nature. Dans certains cas, une habitation très rudimentaire peut avoir la qualité d’une maison d’habitation. Il a été établi qu’une tente utilisée comme résidence temporaire répondait à la définition d’une maison d’habitation. (Voir R. c. Howe (No. 2), [1983] N.S.J. No. 398; 57 N.S.R. (2d) 325 (C.A.N.‑É.).) Aux paragraphes 11, 12 et 16, le juge d’appel Morrison a exposé comme suit les motifs de ses conclusions :
[TRADUCTION]
La tente était située, selon Jerome Basque, sur la propriété appartenant à la grand‑mère de Frances Marr. Elle faisait environ 10 pi sur 8 pi et elle était conçue pour quatre personnes. Elle contenait quatre matelas et avait environ 5 pi de haut. Elle était en nylon et avait une porte avant et une fenêtre arrière. La porte avant était apparemment une ouverture pourvue d’une fermeture à glissière. Il y avait des matelas et des couvertures dans la tente et, selon Jerome Basque, il y avait également une radio.
La preuve me convainc que la tente en question a été utilisée et occupée comme une résidence entre le 12 juillet et le 13 juillet 1982. La tente était pourvue de matelas et de couvertures. Il y avait une radio pour le divertissement et la commodité de ceux qui y résidaient et les parties l’ont utilisée effectivement pour dormir le soir du 12 juillet et dans les premières heures du matin le 13 juillet 1982.
À mon avis, la tente est une unité conçue pour être mobile et elle était utilisée comme résidence temporaire pour les quatre personnes qui y ont dormi et, en conséquence, elle correspond à la définition de « maison d’habitation », énoncée à l’article 2 du Code criminel. L’alinéa 306(4)a) du Code criminel prévoit que « [a]ux fins du présent article, l’expression « endroit » signifie […] une maison d’habitation ». Je suis d’avis que la tente était un « endroit » au sens de l’article 306 du Code criminel.
[23] De plus, il a été établi qu’une habitation très temporaire, telle qu’un motel loué pour la nuit, constituait une résidence temporaire. (Voir R. c. Henderson, [1974] B.C.J. No. 796 (C. prov.).)
[24] Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que la maison n’était pas occupée ou n’avait jamais été occupée comme une maison d’habitation. L’analyse peut donc être circonscrite à la question de savoir si, au moment de l’introduction par effraction, la maison était « tenue » comme une maison d’habitation.
[25] Dans R. c. DeWolfe (N.S.C.A.), reflex, [1988] N.S.J. No. 27, 82 N.S.R. (2d) 175 (C.A.N.-É.), la maison en question n’était pas occupée au moment de l’infraction et elle ne l’avait pas été pendant au moins un mois. Toutefois, elle a conservé la qualité ou la nature d’une maison d’habitation :
[TRADUCTION]
L’éminent juge de procès a conclu que, même si la maison n’était pas occupée à ce moment‑là, elle était néanmoins « tenue » comme une résidence. La preuve démontrait que la propriétaire habitait la maison voisine et que son fils occupait la maison un mois avant l’introduction par effraction. Dans la définition de maison d’habitation, le mot « tenu » est utilisé comme variante du mot « occupé ». Nous souscrivons à l’opinion du juge en chef Palmeter qui a estimé que, compte tenu des faits en l’espèce, la maison était en fait tenue comme une résidence.
[26] Il est facile de concevoir que, dans DeWolfe, l’utilisation traditionnelle de la construction prédominait dans la détermination de sa nature. À cela s’ajoutait la preuve selon laquelle la maison avait été occupée comme maison d’habitation jusqu’à un mois avant l’infraction. Le lien temporel de l’usage de la maison comme habitation si peu de temps avant la perpétration de l’infraction a aidé à établir la nature juridique de la maison au moment pertinent comme étant celui d’une maison d’habitation.
[27] Dans certains cas, la maison peut avoir été utilisée traditionnellement comme une maison d’habitation et avoir ensuite perdu cette caractérisation parce qu’elle a cessé d’être utilisée à cette fin pendant une certaine période de temps. Cette période de non‑utilisation peut, dans certaines circonstances, briser le lien temporel entre son utilisation traditionnelle comme habitation et sa nature juridique au moment de l’infraction. La décision R. c. Paquet, [1978] O.J. No. 980, 43 C.C.C. (2d) 23 (C.A. Ont.) est un exemple de pareil cas. Dans cette affaire, la maison avait été utilisée traditionnellement comme une maison d’habitation. Toutefois, le juge Martin a fait remarquer ce qui suit aux paragraphes 2 et 3 :
[TRADUCTION]
La maison n’avait pas été occupée pendant une période d’environ trois ans, et elle était tombée dans un état assez délabré à la suite d’un incendie survenu quelque deux ans avant l’incident à l’origine de la présente accusation. Plusieurs fenêtres étaient fracassées et l’une d’elles était condamnée. L’endroit était sale et les mauvaises herbes étaient abondantes autour de la galerie.
Les appelants ont témoigné qu’ils étaient passés devant la maison le jour précédant les événements en question et avaient conclu qu’elle avait été abandonnée. Ils s’y sont rendus le soir suivant en camion et y ont pris une cuisinière, deux téléviseurs, des tapis et des photos. La cuisinière avait environ vingt ans et l’un de ses foyers était brûlé et elle avait besoin d’un nouveau revêtement. L’un des téléviseurs fonctionnait, mais il manquait des pièces dans l’autre.
[28] En concluant que, à l’époque pertinente, la maison n’était pas tenue ou occupée comme une maison d’habitation, le juge d’appel Martin a formulé les observations suivantes aux paragraphes 8 à 10 :
[TRADUCTION]
Me Lundy, représentant le ministère public, a reconnu, assez justement à notre avis, que la maison en question n’était pas une maison d’habitation.
En common law, il n’était pas nécessaire pour qu’une maison soit une maison d’habitation que quelqu’un y habite au moment de l’introduction par effraction, pourvu que l’occupant ait l’intention de revenir y habiter. Dans l’ouvrage Stephen’s Commentaries on the Laws of England, 21e éd. à la page 107, on peut lire le commentaire suivant :
[TRADUCTION]
La maison doit généralement être utilisée comme demeure. Un cambriolage [au sens propre] ne peut être perpétré dans des locaux servant uniquement à des activités commerciales. La maison doit être une maison où quelqu’un a l’habitude de résider. La simple absence temporaire du propriétaire ne privera toutefois pas la maison de la protection accordée par la loi; et, même si personne ne s’y trouvait en réalité, pourvu que le propriétaire ait l’intention d’y revenir, l’introduction par effraction constituera un cambriolage.
Une personne pourrait avoir deux maisons dans lesquelles elle résiderait à différentes saisons et les deux seraient des maisons d’habitation même lorsqu’elles sont temporairement inoccupées. Si, toutefois, une personne quittait sa maison sans avoir l’intention de revenir y vivre, la maison cesserait d’être une maison d’habitation jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau occupée comme une maison d’habitation : Russell on Crime, 12e éd., Vol. II, à la page 829.
Bien que la définition d’une maison d’habitation dans le Code criminel soit plus large que la définition de la common law, s’entendant de « l’ensemble ou toute partie d’un bâtiment ou d’une construction tenu ou occupé comme résidence permanente ou temporaire », nous sommes convaincus que la preuve n’établit pas que la maison en question au moment de l’introduction par effraction était « tenue ou occupée » comme une résidence permanente ou temporaire.
[29] Par conséquent, on ne pouvait dire que la preuve établissait hors de tout doute raisonnable que la maison était tenue à l’époque comme une maison d’habitation. Une condamnation pour introduction par effraction dans un endroit a été substituée à une condamnation pour introduction par effraction dans une maison d’habitation.
[30] En examinant la preuve en l’espèce, il ne fait aucun doute que le constructeur voulait que la maison devienne sa demeure. L’état avancé de la construction effectuée par M. Levi fait nettement en sorte que la maison se caractérise comme une maison d’habitation tant sur le plan de la conception que sur le plan de l’intention.
[31] Toutefois, il n’avait pas remplacé les portes et les fenêtres de la maison après la perpétration des actes de vandalisme pendant son incarcération. Il restait considérablement de travail à faire à l’intérieur, notamment l’installation de la plomberie et des luminaires, ainsi que des panneaux de gypse sur les divisions intérieures. Même si cela n’a pas beaucoup d’importance, les revêtements de plancher n’avaient pas été posés. En outre, il n’y avait pas de lien temporel entre la nature apparente de la maison au moment de l’infraction et une utilisation antérieure qui justifierait sa caractérisation comme maison d’habitation, car elle n’avait jamais été habitée, temporairement ou en permanence, avant la date de l’infraction reprochée.
[32] À la lumière de la preuve, est‑il possible de dire que la maison était « tenue » comme une maison d’habitation? Il est évident que ce n’était pas le cas. Le mot anglais kept [tenu] est défini comme suit dans l’ouvrage The Collins English Dictionary, deuxième édition, 1986, Collins London & Glasgow :
[TRADUCTION]
Temps passé ou participe passé du verbe tenir.
[33] Par conséquent, il semblerait évident que, pour qu’une maison d’habitation soit « tenue » comme maison d’habitation, elle doit avoir revêtu cette nature à un certain point dans le passé. Cela ne signifie pas que la maison doit avoir déjà été habitée comme une maison d’habitation et avoir conservé ce titre dans un lien temporel étroit ou par son utilisation à cette fin.
[34] Ainsi, si la construction d’une maison a été confiée à des entrepreneurs locaux par un propriétaire absent et que les clés de la maison ont été envoyées au propriétaire une fois les travaux terminés, la maison pourrait avoir la nature d’une maison d’habitation si ceux qui étaient chargés du bâtiment au moment où il était simplement une maison en construction avaient fini leurs travaux et que le propriétaire en avait pris possession en se faisant envoyer les clés. On pourrait alors dire que, une fois que la construction a été terminée et que la possession en droit a été transférée au propriétaire, la maison était, à partir de ce moment‑là, « tenue » comme une maison d’habitation même si personne n’y avait jamais passé une nuit.
[35] Toute la preuve fait clairement ressortir que, même si cette maison était destinée à devenir la future demeure de M. Levi, elle n’avait pas encore cette nature au moment où l’infraction a été commise. Elle n’avait jamais non plus été une maison d’habitation par le passé. Compte tenu de cette réalité, il n’est pas possible de dire avec certitude que, au moment où le défendeur s’est introduit par effraction dans l’endroit avec l’intention d’y commettre un acte criminel, il s’est introduit dans un endroit autre qu’une maison.
[36] Il n’est pas contesté et, en fait, les parties s’entendent pour dire, qu’une allégation d’introduction par effraction dans une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel comprend une infraction d’introduction par effraction dans un endroit autre qu’une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel. Voir généralement R. c. R. (G.) 2005 SCC 45 (CanLII), (2005), 198 C.C.C. (3d) 161 (C.S.C.).
L'infraction de méfait peut, dans certaines circonstances, être moindre et incluse à celle d’introduction par effraction avec commission d’un acte criminel
R. c. Laurin, 2007 QCCQ 10788 (CanLII)
[12 ] Il va donc de soi que « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) est celle de s’être introduit soit « en brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose », soit en « ouvrant toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure ».
[21] À mon tour, je conclus que l’infraction d’introduction par effraction avec commission d’un acte criminel [ art. 348.(1)b)d) ] ne constitue qu’une seule infraction dont la composante « effraction » peut être commise de plusieurs façons. Tout comme d’ailleurs, soit dit en passant, l’infraction de méfait prévue à l’art. 430.(1)a) ne constitue qu’une seule infraction qui peut être commise de plusieurs façons, à savoir soit en détruisant ou en détériorant un bien.
[22] L’une des façons de commettre une « effraction » étant, au terme de la définition d‘ « effraction » précité à l’art. 321, « en brisant » quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose (to break any part, internal or external), je conclus également que l’infraction prévue à l’art. 430.(1)a) est nécessairement comprise à l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) du C. cr.: en effet, nécessairement qu’en « brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose» [art 321.a)] l’on « détruit ou détériore un bien » [art. 430.(1)a)]. Tel que mentionné ci-dessus, tel est le critère applicable en matière d’infraction comprise « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » [ arrêt Beyo (précité)]:
¶ 30 A way to determine whether one offence is included in another as it is described in the Criminal Code is to ask whether the main offence may be committed without committing the "included" offence.
[12 ] Il va donc de soi que « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) est celle de s’être introduit soit « en brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose », soit en « ouvrant toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure ».
[21] À mon tour, je conclus que l’infraction d’introduction par effraction avec commission d’un acte criminel [ art. 348.(1)b)d) ] ne constitue qu’une seule infraction dont la composante « effraction » peut être commise de plusieurs façons. Tout comme d’ailleurs, soit dit en passant, l’infraction de méfait prévue à l’art. 430.(1)a) ne constitue qu’une seule infraction qui peut être commise de plusieurs façons, à savoir soit en détruisant ou en détériorant un bien.
[22] L’une des façons de commettre une « effraction » étant, au terme de la définition d‘ « effraction » précité à l’art. 321, « en brisant » quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose (to break any part, internal or external), je conclus également que l’infraction prévue à l’art. 430.(1)a) est nécessairement comprise à l’infraction prévue à l’art. 348.(1)b)d) du C. cr.: en effet, nécessairement qu’en « brisant quelque partie intérieure ou extérieure d'une chose» [art 321.a)] l’on « détruit ou détériore un bien » [art. 430.(1)a)]. Tel que mentionné ci-dessus, tel est le critère applicable en matière d’infraction comprise « telle qu'elle est décrite dans la disposition qui la crée » [ arrêt Beyo (précité)]:
¶ 30 A way to determine whether one offence is included in another as it is described in the Criminal Code is to ask whether the main offence may be committed without committing the "included" offence.
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