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jeudi 30 septembre 2010

Les obligations du juge d'instance, lorsque l’accusé n’est pas représenté par avocat

Deneault c. R., 2010 QCCS 4234 (CanLII)

[52] Il faut souligner que « la perspective d'entreprendre ou de poursuivre un procès sans que l'accusé ne soit représenté par avocat n'est guère réjouissante tant pour le juge que pour l'avocat de la Couronne, mais c'est une perspective qui existe ».

[53] Le défi est ainsi décrit par la juge Michelle Fuerst :

Whatever the reason for his or her status, the self-represented accused is usually ill‑equipped to conduct a criminal trial. He or she comes to court with a rudimentary understanding of the trial process, often influenced by misleading depictions from television shows and the movies. His or her knowledge of substantive legal principles is limited to that derived from reading an annotated Criminal Code. He or she is unaware of procedural and evidentiary rules. Even once made aware of the rules, he or she is reluctant to comply with them, or has difficulty doing so. The limitations imposed by the concept of relevance are not understood or are ignored, and the focus of the trial is often on tangential matters. Questions, whether in examination-in-chief or cross-examination, are not framed properly. Rambling, disjointed or convoluted questions are the norm. The opportunity to make submissions is viewed as an opportunity to give evidence without entering the witness box.

[54] Toutefois, lorsqu'on examine le caractère équitable d’un procès impliquant un accusé non représenté, il est utile de garder à l'esprit les remarques de Lord Woolf dans son rapport intitulé Access to Justice même s’il est question dans ce rapport des règles qui s'appliquent lors d'un procès civil :

Only too often the litigant in person is regarded as a problem for judges and for the court system rather than the person for whom the system of civil justice exists. The true problem is the court system and its procedures, which are still too often inaccessible and incomprehensible to ordinary people.

[55] Ces remarques peuvent certainement être appliquées à la justice criminelle.

[56] Les obligations du juge d'instance, lorsque l’accusé n’est pas représenté, ont été résumées ainsi par le juge Chamberland dans R. c. Guénette:

La situation des justiciables qui se présentent seuls à leur procès, sans l'assistance d'un avocat, est toujours délicate et ce, peu importe le stade du processus judiciaire. Au stade du procès, le juge a le devoir de s'assurer que l'accusé ne soit pas privé de son droit à un procès juste et équitable en raison de son ignorance des règles de la procédure criminelle. Il expliquera donc sommairement à l'accusé le déroulement de la procédure pour que ce dernier puisse faire des choix éclairés en temps utile; il prêtera aussi à cet accusé une aide raisonnable pour qu'il puisse faire valoir toute défense qu'il peut avoir, tout en évitant d'agir comme son avocat, au risque de perdre l'impartialité essentielle à l'exercice de ses fonctions. (Pierre BÉLIVEAU et Martin VAUCLAIR, Traité général de preuve et des procédures pénales, 8e éd., Éditions Thémis, 2001, par. 389; voir également R. c. McGibbon, 1988 CanLII 149 (ON C.A.), (1988) 45 C.C.C. (3d) 334, à la page 347 (C.A. Ontario); Verdun (Ville de) c. Sureau, C.A. Montréal 500-10-001660-990, le 16 janvier 2001, les juges Proulx, Fish et Chamberland)).

Ce devoir a toutefois ses limites, le juge ne pouvant jouer à la fois le rôle de l'avocat et celui de l'arbitre impartial du débat qui se déroule devant lui. L'accusé qui se présente seul à la cour ne jouit cependant pas de privilèges particuliers (R. c. Fabrikant, 1995 CanLII 5384 (QC C.A.), (1995) 97 C.C.C. (3d) 544, à la page 574 (C.A. Québec)). Le juge n'est pas tenu de conseiller l'accusé à toutes les étapes du procès, comme un avocat l'aurait fait (R. c. Taubler, reflex, (1987) 20 O.A.C. 64, à la page 71 (C.A. Ontario) et R. c. Rain, 1998 ABCA 315 (CanLII), (1998) 130 C.C.C. (3d) 167 (C.A. Alberta)). Le juge ne peut pas prendre de décisions stratégiques en faveur, et à la place, de l'accusé; par exemple, la décision de poursuivre un contre-interrogatoire ou celle de témoigner (Pierre BÉLIVEAU et Martin VAUCLAIR, Traité général de preuve et des procédures pénales, précité, par. 1126).

Tout est donc question de mesure, d'équilibre. Il faut reconnaître au juge du procès une bonne mesure de discrétion en cette matière. Chaque cas doit être étudié à la lumière des circonstances qui lui sont propres afin de déterminer s'il y a eu atteinte au droit de l'accusé à un procès juste et équitable (R. c. Hardy, 1991 CanLII 2720 (AB C.A.), (1991) 69 C.C.C. (3d) 190 (C.A. Alberta)).

[62] La question qui se pose n’est pas de savoir si l’appelant a indiqué qu’il souhaitait se représenter seul, mais plutôt de savoir si on l’a informé d’une manière appropriée, du désavantage que cela constituait, afin qu’il prenne une décision éclairée quant à la question de savoir s’il voulait se représenter seul.

[63] Dans R. c. Torres, la Cour d’appel écrit ce qui suit :

Dans la présente affaire, le juge de première instance s'est contenté, au début du procès, d'expliquer à l'appelant comment serait effectué l'interrogatoire des témoins. Il aurait été bon de souligner aussi à l'appelant qu'il serait en situation désavantageuse en procédant sans l'aide d'un avocat et qu'il avait droit à une telle assistance. Le juge aurait dû, en outre, expliquer que c'est la Couronne qui avait le fardeau d'établir une preuve hors de tout doute raisonnable et que l'appelant pouvait en conséquence décider de ne pas produire de défense, s'il jugeait que la Couronne ne s'était pas déchargée de son fardeau. Dans le même cadre, le cas échéant, le juge aurait dû souligner à l'appelant qu'il n'était pas tenu de répondre à des questions de la Couronne (de fait, celle-ci n'a pas interrogé l'appelant). Enfin, le juge aurait dû indiquer à ce dernier que s'il décidait de faire une preuve, celle-ci devait normalement viser à fournir une excuse légitime expliquant pourquoi il ne s'était pas conformé à la promesse qu'il avait faite, d'autant plus que l'acte d'accusation ne contenait pas les mots "sans excuse légitime" que l'on trouve à l'alinéa 145 (5.1) a) du Code criminel.

[64] Dans l’arrêt McKibbon, le juge Carthy écrit ce qui suit :

The trial judge, of course, has a duty to the accused to see that he or she has a fair hearing and that duty will generally cast upon the judge an obligation to point out to the accused that he or she would be at a distinct disadvantage in proceeding without the assistance of competent counsel and that the accused is entitled to have such counsel. Where the accused expressly desires counsel, it is clear that unless the accused has deliberately failed to retain counsel, or has discharged counsel, with the intent of delaying the process of the court, the trial judge should afford the accused an opportunity to retain counsel either at his expense or through the services of Legal Aid. If Legal Aid will not fund counsel it may be necessary at least in long complicated trials to stay the proceedings until counsel is funded

[65] Bien entendu, on peut affirmer que la remarque du juge qui invite l’appelant à consulter un avocat est une manière d’informer l’appelant qu’il sera désavantagé. Le juge qui fixe la date du procès de l'appelant est certainement animé de cette préoccupation lorsqu’il formule sa suggestion à l’appelant.

[66] De l’avis du Tribunal, c’est une chose que d’inviter un accusé à faire des démarches pour parler à un avocat, cela en est une autre de lui dire qu’il sera en situation désavantageuse s’il procède sans avocat. Il n’y a pas là qu’une distinction sémantique ou un formalisme procédural sans conséquence. Il s’agit d’une simple obligation d’information qui est substantielle et qui n’est pas onéreuse pour l’administration de la justice.

[67] En l’espèce, l’appelant n’a donc jamais été informé, contrairement à une jurisprudence constante, qu’il serait dans une situation désavantageuse en procédant seul.

[68] Dans R. c. Persaud, le juge Hill énonce les éléments de procédure criminelle qui devraient être expliqués à l’accusé:

While it may not be necessary in every case, the appellant was not informed by the court, prior to the start of trial, as to some of the rudiments of criminal procedure, including:

(1) The elements of the offence charged which the Crown was required to prove beyond a reasonable doubt in order to establish guilt.

(2) The nature of the Crown's production of its case including the calling of witnesses with in-chief examination without leading questions, the accused's right to cross‑examine, and the Crown's right to re-examine.

(3) The purpose of cross-examination with the accused cautioned not to give evidence in the asking of questions.

(4) The authority of the accused to object to prosecution questions as not relevant or as inadmissible according to the laws of evidence.

(5) The mechanics of entering exhibits.

At the conclusion of the prosecution case, in asking the appellant whether he planned on testifying on his own behalf, the court quite properly informed him that he was not obliged to but could if he wished. The appellant was not informed, however, that he would be subject to cross-examination and that his evidence could be considered for or against him in the determination of guilt and innocence. Further, the appellant was not informed that a defence might be given less weight where witnesses for the defence were called to testify in advance of the appellant himself. Indeed, in this case, the appellant's alibi witness was called to testify prior to the appellant himself.

[69] La liste des éléments énoncés par le juge Hill n’est ni limitative ni obligatoire. Une jurisprudence constante confirme cependant la sagesse de fournir ces explications préliminaires.

[70] Le procès d’un accusé non représenté qui débute, sans les explications de base sur le fonctionnement d’un procès, est bien mal amorcé. Une telle omission n’est pas nécessairement fatale en soi dans l’évaluation du caractère équitable du procès mais elle doit s'apprécier dans le contexte de l'ensemble du procès.

mercredi 29 septembre 2010

Les échantillons d’haleine du défendeur doivent être prélevés dès que cela est matériellement possible

R. v. Vanderbruggen, 2006 CanLII 9039 (ON C.A.)

[12] That leaves the question that is at the heart of this appeal—the meaning of as soon as practicable. Decisions of this and other courts indicate that the phrase means nothing more than that the tests were taken within a reasonably prompt time under the circumstances. See R. v. Phillips 1988 CanLII 198 (ON C.A.), (1988), 42 C.C.C. (3d) 150 (Ont. C.A.) at 156; R. v. Ashby reflex, (1980), 57 C.C.C. (2d) 348 (Ont. C.A.) at 351; and R. v. Mudry, R. v. Coverly reflex, (1979), 50 C.C.C. (2d) 518 (Alta. C.A.) at 522. There is no requirement that the tests be taken as soon as possible. The touchstone for determining whether the tests were taken as soon as practicable is whether the police acted reasonably. See R. v. Payne reflex, (1990), 56 C.C.C. (3d) 548 (Ont. C.A.) at 552; R. v. Carter reflex, (1981), 59 C.C.C. (2d) 450 (Sask. C.A.) at 453; R. v. Van Der Veen reflex, (1988), 44 C.C.C. (3d) 38 (Alta. C.A.) at 47; R. v. Clarke, [1991] O.J. No. 3065 (C.A.); and R. v. Seed, [1998] O.J. No. 4362 (C.A.).

[16] To conclude, these provisions, which are designed to expedite trials and aid in proof of the suspect’s blood alcohol level, should not be interpreted so as to require an exact accounting of every moment in the chronology. We are now far removed from the days when the breathalyser was first introduced into Canada and there may have been some suspicion and scepticism about its accuracy and value and about the science underlying the presumption of identity. These provisions must be interpreted reasonably in a manner that is consistent with Parliament’s purpose in facilitating the use of this reliable evidence.

mardi 28 septembre 2010

L'application de la défense d'apparence de droit

R. c. Paré, 2010 QCCQ 2032 (CanLII)

[18] Le débat consiste tout simplement à définir les mots «sans apparence de droit».

[19] Dans R. c. Lilly , la Cour suprême mentionne que l'application de la défense d'apparence de droit à un cas de vol dépend de la capacité d'un accusé de démontrer une croyance honnête qu'il avait droit au bien.

[20] Dans R. c. Investissements Contempra Ltée , la Cour d'appel définit la notion d'apparence de droit sous deux volets:

1) soit à la croyance honnête à un état de fait qui, s'il eu existé, aurait, en droit, justifié ou excusé l'acte reproché;

2) une croyance honnête mais erronée à un droit légal (et non moral).

[21] L'apparence de droit peut donc découler d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit.

[22] Ainsi, un accusé qui croit sincèrement à un droit légal dans la chose, agit avec apparence de droit. L'accusé n'a pas à établir, par prépondérance de preuve, l'apparence de droit. Il s'agit uniquement de soulever un doute raisonnable.

[23] Dans R. c. Howson , la Cour d'appel de l'Ontario déclare que l'expression «apparence de droit» réfère généralement à une situation où il y a revendication d'un droit de propriété sur la chose qui est l'objet du présumé vol.

[24] Celui qui, honnêtement, soutient ce qu'il croit être une juste revendication n'agit pas sans apparence de droit, même s'il s'avère que sa croyance est non-fondée en droit ou en faits.

La défense d’apparence de droit exposée par le juge Cournoyer

R. c. Gaudreau, 2010 QCCS 4351 (CanLII)

[22] La question de l’apparence de droit a été examinée par la Cour d'appel du Québec dans R. c. Investissements Contempra Ltée, qui mettait en cause l'entreprise Remorquage québécois à vos frais, accusée de vol et de méfait.

[23] Dans cette affaire, le juge Proulx écrit ce qui suit :

Avec beaucoup d'égard pour le premier juge, je ne crois pas qu'il était essentiel pour la solution du litige de déterminer si l'appelante avait réussi à démontrer qu'en droit civil elle pouvait prétendre non seulement à un droit de remorquage mais de rétention. En premier lieu, la question ultime à trancher était celle de la responsabilité pénale de l'appelante en regard des éléments essentiels de l'accusation et cette cour, dans le cadre de cet appel, n'est pas plus justifiée de se prononcer sur cette question quand ce n'est pas le forum approprié. En second lieu, comme j'entends le développer ci-après, la notion de l'apparence de droit ne s'appuie pas sur la prémisse que le droit, dont on veut se prévaloir, a été démontré mais plutôt sur la croyance honnête en un droit, fut-elle mal fondée en droit.

Une prise de position par le juge du procès était d'autant plus à éviter que, comme nous le verrons plus loin, il y avait en Cour provinciale (division des Petites créances) des jugements contradictoires sur la question du droit de rétention.

i) L'apparence de droit

En matière de vol, l'apparence de droit se situe au niveau de l'actus reus de l'infraction, qui est ainsi libellée :

(...)

D'une part, l'actus reus du vol consiste dans la prise ou le détournement, acte qui doit être posé à la fois frauduleusement et sans apparence de droit. La mens rea du vol, d'autre part, se distingue par la volonté de poser l'acte constituant l'actus reus, mais en plus par l'intention spécifique ou additionnelle décrite à l'un des sous-paragraphes a), b), c) ou d) de cet art. 322.

Je dois insister au départ sur cet aspect car le premier juge, comme je l'ai souligné ci‑haut, a limité le débat à la seule question de l'apparence de droit, sans s'interroger en plus sur l'intention spécifique, qui constitue également un élément essentiel de l'accusation qui doit être établi par la poursuite.

Il en est autrement quant à l'infraction de méfait (art. 430 C.cr.), dont l'appelante était également inculpée. En effet, le méfait défini à l'art. 430 C.cr. n'exige comme élément intentionnel que l'aspect "volontaire" de l'acte tandis qu'au par. (2) de l'art. 429 C.cr., il est expressément prévu que nul ne peut être déclaré coupable de méfait « s'il prouve qu'il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit ». Cet élément constitue donc ici un moyen de défense à la charge d'un inculpé tandis qu'en matière de vol, c'est le poursuivant qui doit établir, au niveau de l'actus reus, l'absence de l'apparence de droit au moment de la prise ou du détournement.

La notion d'apparence de droit se présente sous deux volets, soit (1) la croyance honnête en un état de fait qui, s'il eût existé, aurait en droit justifié ou excusé l'acte reproché et (2) une croyance honnête mais erronée en un droit légal (et non moral). Le professeur Stuart, dans son traité, exprime son accord avec cette nuance faite par le juge Martin dans l'arrêt R. c. Demarco (arrêt qui incidemment fait maintenant jurisprudence sur la question) :

One who is honestly asserting what he believes to be an honest claim cannot be said to act 'without colour of right', even though it may be unfounded in law or in fact. ...The term 'colour of right' is also used to denote an honest belief in a state of facts which, if it actually existed would at law justify or excuse the act done. ...The term when used in the latter sense is merely a particular application of the doctrine of mistake of fact.

L'apparence de droit peut donc découler d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit et là-dessus, le premier juge a bien fait ressortir cette distinction. Toutefois, et je reviens sur ce que j'ai amorcé antérieurement, il s'agira d'une croyance en un droit sincère et honnête, et peu importe donc que ce droit soit fondé ou non, il suffira que le droit invoqué ait une vraisemblance, une apparence, soit un "honest claim". Ce serait assez paradoxal d'exiger, quant à l'"apparence" de droit, la "reconnaissance" de ce droit[5].

[24] La Cour d'appel de Terre-Neuve examine la même question dans R. c. Watson. Le juge Cameron écrit ce qui suit :

The parties are agreed: (1) that s. 429(2) does not place a burden of proof upon the accused but rather it is for the Crown to establish the absence of legal justification or excuse and colour of right; and (2) that the section creates two (perhaps three) separate defences "legal justification or excuse" and "colour of right." In other words the "and" which precedes the words "colour of right" is read as "or." (See: R. v. Creaghan reflex, (1982), 1 C.C.C. (3rd) 449 (Ont C.A.) and R. v. Gamey reflex, (1993), 80 C.C.C. (3d) 117 (Man C.A.).) Neither party objects to the trial judge's instructions to the jury on these points.

Parenthetically, the trial judge also instructed the jury - as a matter of law - that the World Charter for Nature, did not constitute legal justification or excuse under s. 429(2). That instruction is not challenged in this appeal. A legal justification or excuse makes legal what would otherwise be a crime.

The most commonly used definition of colour of right is "an honest belief in a state of facts which, if it existed, would be a legal justification or excuse. (See: R. v. Johnson (1904), 8 C.C.C. 123 (Ont. H.C.)) As will be seen, this definition of colour of right, while accurate as far as it goes, does not really address whether colour of right extends to mistake of law which is at the heart of this appeal. However, certain characteristics of colour of right are well established and are not disputed by the parties. Those aspects are:

(1) that the defence is based on the honest belief of the accused that, at the time the offence was committed, he had a colour of right (Creaghan);

(2) that the test is a subjective one (R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 (Ont. C.A.));

(3) that while the belief does not have to be a reasonable one the reasonableness of the belief is a factor for consideration by the jury in determining if there is an honest belief (R. v. Ninos and Walker, [1964] 1 C.C.C. 326 (N.S.S.C); see also Laskin J.A. in Howson); and

(4) that it is not sufficient that the accused had a moral belief in a colour of right (R. v. Hemmerly (1976), 30 C.C.C. (2d) 141 (Ont. C.A.) R. v. Cinq-Mars reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 248 (Que. C.A.) and Gamey).

[25] Dans R. c. Manuel, la Cour d’appel de Colombie-Britannique applique les décisions de Howson et DeMarco, citées par le juge Proulx dans Investissements Contempra, de même que l'arrêt Watson. La juge Levine résume le critère en ces termes :

Both parties' arguments on appeal focused on the application of the defence of colour of right. There is no dispute concerning the definition of the defence: it is an honest belief in a state of facts or civil law which, if it existed, would negate the mens rea for the offence: see R. v. Watson 1999 CanLII 13906 (NL C.A.), (1999), 137 C.C.C. (3d) 422 at para. 23 (Nfld. C.A.); R. v. DeMarco (1973), 13 C.C.C. (2d) 369 at 372 (Ont. C.A.); R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 at 356-57 (Ont. C.A.).

Section 429(2) of the Code provides that the defence of colour of right applies to offences under ss. 430 to 446. The Code does not expressly provide, however, that the defence applies to the charge of intimidation under s. 423, of which the appellants were convicted.

In written submissions following the hearing of the appeal, both parties clarified their positions on the defence claimed. They agree that the appellants' defence to the intimidation charge was "mistake of fact", and that for the purposes of this case, the definition of the defences of colour of right and mistake of fact are the same.

Mistake of fact is a common law defence preserved by s. 8(3) of the Code: see R. v. Roche reflex, (1985), 20 C.C.C. (3d) 524 at 532 (Ont. C.A.); R. v. Tolson (1889), 23 Q.B.D. 168 at 181, quoted in R. v. Pappajohn, 1980 CanLII 13 (S.C.C.), [1980] 2 S.C.R. 120 at 147.

The defence of mistake of fact is established if the accused has an honest belief in the existence of circumstances which, if true, would negate the mens rea of the offence: Pappajohn at 147-148; R. v. Davidson (1971), 3 C.C.C. (2d) 509 at 515 (B.C.C.A.). One aspect of the mens rea for intimidation is that the accused acted "for the purpose of compelling another person to abstain from doing anything that he or she has a lawful right to do" (s. 423(1)). The appellants argued that if they acted under the honest belief that they were entitled to block the road because the land belongs exclusively to their people, they would not have the required mens rea. They would not have been acting with the intent to compel the motorists to abstain from doing something the motorists had a lawful right to do.

[26] Dans son traité, le professeur Stuart décrit la défense d'apparence de droit en ces termes :

In the case of offences in which the colour of right defence operates, the requirements of the defence are now reasonably clear. There must be a mistake rather than simple ignorance, advertence rather than not thinking at all. It is accepted that the belief must be as to a legal rather than a moral right. Since the offences for which the defence is available are full mens rea offences and none of the colour of right clauses import reasonableness, it is not surprising that the courts have, at least recently consistently required that the mistake be honest and not necessarily reasonable. Mistakes grounding successful claims of right have indeed involved mistakes as to civil law or, as it has been put, mistakes of private rather than public rights. This has been suggested to be a requirement of the English law of colour of right, and there are recent decisions to this effect in Canada. It has never been explained why this distinctions should be made. It is not sef‑evident why a belief based on an out‑of‑date criminal law text that it is not stealing to take another's title deeds without permission will not ground a claim of right, whereas a belief based on a misunderstanding of the law of property that another is witholding your title deeds, will. Greater receptivity to excusing mistakes as to private law might nevertheless account for the historical tendency in England, reflected in our Code, to allow colour of right defences almost exclusively in the area of property offences.

[27] Dans la quatrième édition de l'ouvrage Criminal Law par Manning, Mewett et Sankoff, les auteurs énoncent le critère subjectif qui doit être utilisé :

After this judgment, it became common to assert that there were two prerequisites for any successful claim of mistake: honesty and reasonableness. A bona fide or honest mistake merely means that it must be a mistake that the accused was actually labouring under. The reasonableness of the mistake is a totally different concern since it imposes an objective standard that deprives the accused of the ability to rely upon the mistake where it was an unreasonable one to make. As we discussed in an earlier chapter, this standard is highly objectionable, as it judges the accused's mental state on an objective basis, and has the potential to convict the accused in the absence of subjective knowledge of the relevant facts. It is now clear that, whatever the older cases said, a reasonableness test is not required. In Pappajohn, six of seven judges in the Supreme Court concurred in the view that while a mistake of fact had to be honest, there was no requirement for it to be reasonable.

This does not mean that the reasonableness of the accused's mistake is an irrelevant concern. As Cartwright J. stated in Beaver, it is for the trier of fact to determine whether the accused was honestly mistaken, which involves drawing inferences from all the evidence presented and considering one's experience, common sense and logic. The more unreasonable the inference the trier of fact is asked to draw, the less likely it is that it will be drawn. As a result, if the mistake is one that the ordinary reasonable person would not have made it is less likely that the jury will believe that the accused was mistaken. As a matter of law, however, it remains open for the jury to find that the accused was unreasonably mistaken, or at least have a doubt about the matter. What is essential is that jurors not be left with the impression that they cannot find of the accused unless they conclude that the mistake was reasonable.

It is not an error, however, to instruct the jury that the reasonableness of the mistake be taken into consideration. Indeed, section 265(4), which applies to all cases of assault, though it seems clear that it is directed specifically to sexual assault, mandates the following:

Where an accused alleges that he believed that the complainant consented to the conduct that is the subject‑matter of the charge, a judge, if satisfied that there is sufficient evidence and that, if believed by the jury, the evidence would constitute a defence, shall instruct the jury, when reviewing all the evidence relating to the determination of the honesty of the accused's belief, to consider the presence or absence of reasonable grounds for that belief.

samedi 25 septembre 2010

Les éléments constitutifs de l'infraction de leurre et certains paramètres à considérer

R. c. Levigne, 2010 CSC 25 (CanLII)

[23] L’article 172.1 interdit l’utilisation d’un ordinateur pour communiquer avec une personne n’ayant pas atteint l’âge fixé ou que l’accusé croit telle en vue de faciliter la perpétration à son égard des infractions sexuelles énumérées. Rappelons‑le, il est ici question des al. 172.1(1)a) et c), qui comportent tous deux trois éléments : (1) une communication intentionnelle au moyen d’un ordinateur; (2) avec une personne n’ayant pas atteint l’âge fixé « ou qu’il croit telle », (3) dans le dessein précis de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction secondaire énumérée.

[32] Voici quel devrait être le résultat de l’effet combiné des par. (3) et (4), pris ensemble et interprétés à la lumière de l’objet général de l’art. 172.1 :

1. Lorsque la personne avec laquelle l’accusé communique au moyen d’un ordinateur (l’« interlocuteur ») lui a été présentée comme n’ayant pas atteint l’âge fixé, l’accusé est présumé l’avoir cru telle.

2. Cette présomption est réfutable : elle sera écartée par une preuve contraire établissant notamment que l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge réel de l’interlocuteur. Les mesures prises, considérées objectivement, doivent être raisonnables dans les circonstances.

3. La poursuite échouera si l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge de son interlocuteur et croyait que celui‑ci avait atteint l’âge fixé. À cet égard, le fardeau de présentation de la preuve incombe à l’accusé, mais le fardeau de persuasion repose sur le ministère public.

4. Ces éléments de preuve vont à la fois constituer une « preuve contraire » au sens du par. 172.1(3) et établir que les « mesures raisonnables » exigées au par. 172.1(4) ont été prises.

5. Lorsque l’accusé s’est déchargé de son fardeau, il doit être acquitté s’il subsiste un doute raisonnable dans l’esprit du juge des faits quant à savoir si l’accusé croyait en réalité que son interlocuteur avait atteint l’âge fixé.

Certaines décisions relatives à la détermination de la peine concernant l'infraction de leurre

R. c. Stone, 2010 QCCQ 7926 (CanLII)

[67] R. c. Jarvis 2006 CanLII 27300 (ON C.A.), [2006] O.J. No. 3242, 211 C.C.C. (3d) 20 (C.A.O.)

- Infraction à l'article 172.1(2) du Code criminel.

- Accusé 22 ans et jeune fille de 13 ans (policière under-cover).

- Plaidoyer de culpabilité.

- Discussions sur internet. Envoie de ses photos à caractère pornographique. Arrête une rencontre à laquelle il se rend muni d'un condom dans ses poches.

- Le juge a imposé une peine de six mois d'emprisonnement ferme et une probation de trois ans.

- Sentence maintenue en appel.

[68] R. v. Horeczy [2006] M.J. No. 444

- Infraction à l'article 172.1(2) du Code criminel. Sept chefs d'accusation.

- Accusé 42 ans et sept enfants entre 13 et 15 ans.

- L'accusé a menti sur son âge. Il a organisé des rencontres avec deux victimes.

- Plaidoyer de culpabilité. Absence d'antécédents judiciaires.

- Manque d'introspection face à ses problèmes personnels et prédisposition à la déviance.

- Le juge a imposé une peine de 15 mois d'emprisonnement et 3 ans de probation.

[69] R. c. Jepson [2004] O.J. No. 5521 (Cour supérieure de l'Ontario)

- Infraction à l'article 172.1 du Code criminel.

- Accusé 44 ans et jeune fille de 13 ans (policière under-cover).

- Discussions sur Internet pendant trois semaines. L'accusé donne un rendez-vous à un restaurant où il est arrêté.

- Absence d'antécédents judiciaires. Faible risque de récidive.

- Pédophilie légère. Thérapie entreprise.

- Le juge impose 12 mois d'emprisonnement ferme et une probation de trois ans.

[70] R. v. Folino 2005 CanLII 40543 (ON C.A.), [2005] O.J. No 4737, 202 C.C.C. (3d) 353 (Cour d'appel d'Ontario)

- Infraction à l'article 172.1 du Code criminel.

- Accusé 35 ans. Communication pendant trois semaines avec une jeune fille de 13 ans (policière under-cover).

- Envoie par l'accusé d'une de ses photos à caractère pornographique par Internet. Il fixe un rendez-vous où il est arrêté.

- Absence d'antécédents judiciaires. Démarche thérapeutique pour le stress, était en dépression majeure. Aucune déviance sexuelle notée. Risque de récidive négligeable.

- Peine de 9 mois d'emprisonnement ferme modifiée en appel à 18 mois à être purgée dans la collectivité.

[71] R. c. Gurr [2007] B.C.J. No. 2325 (British Columbia Supreme Court)

- Possession de pornographie juvénile (art. 163.1(4) C.cr.);

- leurre (art. 172.1(1)c) C.cr.);

- au moment de la sentence, l'accusé était âgé de 33 ans;

- l'accusé produisait et distribuait des "prospectus" à des jeunes filles dans lesquels il leur proposait de devenir mannequin;

- les jeunes filles pouvaient par la suite communiquer avec l'accusé par courriel;

- un des « prospectus » est tombé entre les mains de la police;

- une des policières s'est fait passer pour une jeune fille de 13 ans, a envoyé un courriel à l'accusé, lequel lui a demandé de le rencontrer dans une chambre de motel afin qu'il prenne des photos d'elle;

- à son arrivée au motel, l'accusé fut arrêté par la police en possession des clés de la chambre, de contrats de mannequin, une caméra, 3 condoms et du lubrifiant.

Le tribunal ordonne la sentence suivante :

- 3 mois d'emprisonnement pour possession de pornographie juvénile;

- 12 mois d'emprisonnement pour leurre, concurrents.

[72] R. c. Aubut [2008] J.Q. no 8647

- L'accusé a plaidé coupable à deux chefs d'accusation de leurre avec une personne de 15 ans sur une période de deux jours et un chef de contacts sexuels avec cette même personne.

- L'accusé se fait passer pour une fille de 20 ans et propose de travailler dans le domaine de la pornographie pour 800 $ à 2 000 $ par semaine.

- Il informe l'adolescente qu'elle devra rencontrer son patron soit lui-même.

- Lors de la rencontre dans un motel, il a deux relations sexuelles complètes et une fellation avec l'adolescente.

- Le Tribunal lui impose 12 mois d'emprisonnement sur le chef de leurre et 18 mois consécutifs sur le chef de contacts sexuels.

[73] Il s'agit d'une énumération non limitative des décisions en semblable matière. Chacune comporte son unicité comme cela doit être le cas de la présente décision puisqu'elle s'applique à la fois à des faits particuliers et à un individu particulier.

L'état du droit concernant la tentative

R. c. Savaresse-Belapatino, 2007 QCCQ 1251 (CanLII)

La tentative pour commettre une infraction peut se définir comme un acte criminel interrompu. C’est une infraction qui précède la perpétration réelle d’un crime.

L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 20 :001.

L’intention criminelle de la tentative est expressément énoncée à l’article 24(1) du Code criminel. L’article 24(1) C.cr. exige une intention spécifique de commettre une infraction.

L’article 24(1) C.cr. prévoit qu’une personne commet une tentative si elle « fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but ». Le deuxième paragraphe de l’article précise que les actes préparatifs ou trop éloignés de la perpétration de l’infraction ne seront pas suffisants pour constituer l’actus reus de la tentative.

Dans l’arrêt États-Unis d’Amérique c. Dynar, la Cour suprême définie la tentative comme le suivant :

« À notre avis, le par. 24(1) est clair: le crime de tentative consiste en l'intention de commettre l'infraction, constituée dans tous ses éléments, jointe à l'accomplissement d'actes dépassant le stade des actes simplement préparatoires à l'infraction. Cette proposition s'appuie sur de nombreuses décisions. Voir, p. ex., R. c. Cline (1956), 115 C.C.C. 18 (C.A. Ont.), à la p. 29; R. c. Ancio, 1984 CanLII 69 (C.S.C.), [1984] 1 R.C.S. 225, à la p. 247; R. c. Deutsch, 1986 CanLII 21 (C.S.C.), [1986] 2 R.C.S. 2, aux pp. 19 à 26; R. c. Gladstone, 1996 CanLII 160 (C.S.C.), [1996] 2 R.C.S. 723, au par. 19. En l'espèce, suffisamment d'éléments de preuve ont été produits pour établir que M. Dynar avait l'intention de commettre l'infraction de recyclage des produits de la criminalité et qu'il a pris des moyens, qui ne sont pas simplement des actes préparatoires, pour concrétiser son intention. Cela suffit pour établir qu'il a tenté de recycler des produits de la criminalité en contravention du par. 24(1) du Code criminel. »

États-Unis d’Amérique c. Dynar, 1997 CanLII 359 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 462, para. 50.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...