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dimanche 3 octobre 2010

Le profilage ne peut être source assumée ou présumée de motifs précis au sens des arrêts Simpson et Mann

R. c. Marcoux, 2005 CanLII 43638 (QC C.Q.)

[36] Enfin, à titre de commentaire additionnel, le tribunal ne peut objectivement mettre de côté que la présente détention s'est faite à la simple vue d'un véhicule "de jeunes" occupée par deux jeunes dans un stationnement de cour d'école où des jeunes doivent avoir l'habitude de se retrouver.

[37] On parle beaucoup aujourd'hui de "profilage" qui peut être une formule visant à permettre aux policiers de s'intéresser à une situation potentiellement criminelle. Par contre, cette norme (profilage) ne peut être à notre avis source assumée ou présumée de motifs précis au sens des arrêts Simpson et Mann déjà cités.

Dans une société aussi réglementée, où les méthodes d'enquête se sont raffinées, une arrestation et une détention au hasard ne peuvent trouver place

R. c. Marcoux, 2005 CanLII 43638 (QC C.Q.)

[33] Dans une société aussi réglementée, où les méthodes d'enquête se sont raffinées, une arrestation et une détention au hasard ne peuvent trouver place.

[34] Donner une absolution à ce genre de conduite – même faite sans malice – accréditerait une forme d'absolutisme policier où par sa seule intuition ou intention, un policier pourrait contrôler l'identité des personnes, leurs allées et venues et leurs motivations.

[35] De plus, les policiers réalisaient une "fouille préventive" équivalent à une cueillette de preuve: il eut fallu certainement des motifs raisonnables pour s'exécuter dans de telles circonstances.

Selon le principe de Coke, une personne ne peut être déclarée coupable d’une troisième infraction avant d’avoir été déclarée coupable de la deuxième, ni déclarée coupable de la deuxième avant de l’avoir été de la première

R. c. Côté-Gaudreault, 2010 QCCQ 3931 (CanLII)

[17] Dans son analyse, la Cour suprême expose les principes de common law tirés des Institutes de Sir Edward Coke. Notamment :

[…] l’accusé ne peut cependant être déclaré coupable de la troisième [infraction] avant d’être déclaré coupable de la deuxième, ni de la deuxième avant d’être déclaré coupable de la première; la deuxième infraction doit avoir été commise après la première déclaration de culpabilité et la troisième après la deuxième déclaration de culpabilité et des jugements distincts rendus; parce qu’il faut ainsi interpréter les autres lois du Parlement où il y a une gradation des peines imposées pour la première, la deuxième et la troisième infraction etc., il doit y avoir plusieurs déclarations de culpabilité, c’est-à-dire des jugements prononcés par suite de procédures judiciaires visant chacune des infractions différentes, car il ressort qu’il n’y a pas d’infraction tant que jugement n’a pas été rendu contre lui conformément à la loi.

[18] En somme, « […] un accusé ne peut être déclaré coupable d’une infraction qualifiée de deuxième infraction ou d’infraction subséquente à moins que celle-ci n’ait été commise après une première déclaration de culpabilité relativement à une première infraction ou à une infraction antérieure ».

Le délai acceptable pour la police d'apprendre les développements jurisprudentiels relatifs à l'exercice de leurs fonctions

R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3

Je ne veux pas que l'on pense que j'impose à la police l'obligation d'interpréter instantanément les décisions judiciaires. La question du délai qui devrait être alloué après un jugement pour que la police soit censée avoir pris connaissance de son contenu, aux fins de déterminer sa bonne foi, est une question intéressante, mais elle ne se pose pas en l'espèce. La police a bénéficié d'un peu plus de douze ans pour étudier l'arrêt Eccles, d'un peu moins de six ans pour examiner l'arrêt Colet, et d'un peu plus de deux ans pour comprendre l'exigence du mandat énoncée dans l'arrêt Hunter. Tout doute qu'elle aurait pu avoir quant à sa capacité de commettre une intrusion en l'absence d'un pouvoir expressément prévu par la loi à cette fin était manifestement déraisonnable et ne saurait, en droit, être invoqué pour justifier sa bonne foi aux fins du par. 24(2).

Il y a, à mon avis, toute la différence du monde entre la conduite policière qui est censée être de bonne foi en l'espèce et la conduite policière acceptée par notre Cour dans les arrêts R. c. Sieben, 1987 CanLII 85 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 295; R. c. Hamill, 1987 CanLII 86 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 301; R. c. Duarte, 1990 CanLII 150 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 30; et R. c. Wiggins, 1990 CanLII 151 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 62. Dans chacun de ces cas, la police a agi conformément à un pouvoir expressément prévu par la loi qui légitimait la perquisition effectuée. Elle a le droit, et même l'obligation, de présumer que les pouvoirs de perquisition qui lui sont conférés par le Parlement sont constitutionnels, et d'agir en conséquence. On ne peut pas s'attendre à ce que la police prédise le résultat des contestations judiciaires en vertu de la Charte de pouvoirs de perquisition qui lui sont conférés par la loi, et le succès de la contestation d'un tel pouvoir n'enlève rien à la bonne foi des policiers qui ont effectué une perquisition en vertu de ce pouvoir. Mais, lorsque les pouvoirs de la police sont déjà limités par une loi ou par des décisions judiciaires, il n'est pas loisible à un agent de police de tester ces limites en n'en tenant pas compte et en prétendant par la suite avoir été "dans l'exercice de ses fonctions". Cette excuse ne peut plus être invoquée depuis au moins la décision de notre Cour dans l'arrêt Colet (voir le juge Ritchie à la p. 9).

Voici quatre raisons pour lesquelles l’enregistrement des interrogatoires sur bande vidéo est une mesure importante

R. c. Oickle, 2000 CSC 38, [2000] 2 R.C.S. 3

46 Avant de voir comment la règle des confessions répond à ces dangers, j’aimerais commenter brièvement la pratique, de plus en plus répandue, qui consiste à enregistrer les interrogatoires policiers, de préférence sur bande vidéo. Comme l’ont souligné J. J. Furedy et J. Liss dans «Countering Confessions Induced by the Polygraph: Of Confessionals and Psychological Rubber Hoses» (1986), 29 Crim. L.Q. 91, à la p. 104, même si [traduction] «des notes rapportent avec précision la teneur de ce qui a été dit [. . .], ces notes ne peuvent refléter le ton des propos de même que le langage corporel qui a pu être utilisé» (en italique dans l’original). De même, White, loc. cit., aux pp. 153 et 154, avance quatre raisons pour lesquelles l’enregistrement des interrogatoires sur bande vidéo est une mesure importante:

[traduction] Premièrement, une telle mesure donne aux tribunaux un moyen de contrôler les pratiques en matière d’interrogatoire et, ainsi, de faire respecter les autres garanties. Deuxièmement, elle dissuade les autorités policières d’utiliser des méthodes d’interrogatoire susceptibles de donner lieu à des confessions qui ne sont pas dignes de foi. Troisièmement, elle permet aux tribunaux de rendre des jugements plus éclairés sur la question de savoir si des pratiques particulières en matière d’interrogatoire étaient susceptibles d’entraîner une confession qui n’est pas digne de foi. Enfin, le fait d’imposer cette garantie constitue une politique d’intérêt général judicieuse puisque, en plus de réduire le nombre de confessions qui ne sont pas dignes de foi, elle aura d’autres effets salutaires y compris des avantages nets pour les responsables de l’application de la loi.

Cela ne veut pas dire que les interrogatoires qui ne sont pas enregistrés sont intrinsèquement suspects, mais simplement que, de toute évidence, l’existence d’un enregistrement peut grandement aider le juge des faits à apprécier la confession.

La Cour devrait refuser l'admissibilité en preuve d'une déclaration qui ne contenait pas tout ce que l'accusé a dit

R. c. Paquette, 1988 CanLII 1305 (QC C.A.)

Ce même policier ajoute dans son témoignage que le reçu soumis à la compagnie d'assurance de Lemieux fut le premier sujet de la discussion. Cependant, rien n'a été pris par écrit. Le deuxième sujet fut les relations de l'accusé avec un Monsieur François Tousignant qui faisait aussi l'objet d'une enquête dans le présent dossier. Encore une fois, rien n'a été pris par écrit (M.A. p. 95).

Il est donc clair que les policiers n'ont pris aucune note des conversations qui ont eu lieu durant la première heure, nonobstant la référence à l'enquête en cours.

Dans la cause de R. c. Rosik, (1971) 13 C.R.N.S. 129, Monsieur le juge MacKay de la Cour d'Appel d'Ontario, en parlant de l'obligation de la Couronne de produire en preuve toute la déclaration de l'accusé, s'est prononcé comme suit à la page 137:

There is authority that if a statement is partly inculpatory and partly exculpatory and the Crown elects to adduce evidence of the statement, the whole of the statement must be put in and, in such case, it is received as evidence of its truth as to the exculpatory part as well as the inculpatory part.

Mon collègue Monsieur le juge Kaufman, dans son livre The Admissibility of Confessions, 3ième édition, 1979, à la page 139, en parlant d'une déclaration à la fois incriminante et disculpatoire, écrit:

When questions are asked, it is of the utmost importance to keep a complete record of all questions and answers, and to resist the temptation to reduce to writing only that part which inculpates the accused. Indeed, failure to recollect the complete conversation may jeopardize an otherwise acceptable confession, but once again this is a matter of appreciation for the judge.

Madame le juge Barrette Joncas de la Cour supérieure dans Regina v. Smith reflex, (1981) 60 C.C.C. (2d) 327, a refusé d'accepter une déclaration qui ne contenait pas tout ce que l'accusé avait dit.

Il appartient au juge du procès et non pas aux policiers de décider de la pertinence des questions et réponses. Dans le présent cas, les policiers auraient dû prendre par écrit tout ce qui touchait le sujet de leur enquête.

samedi 2 octobre 2010

Il n’est pas permis de tenir pour acquis que l’accusé va mentir pour obtenir son acquittement pour la simple raison que, en tant qu’accusé, son intérêt dans l’issue dicte cette action

R. c. Laboucan, 2010 CSC 12, [2010] 1 R.C.S. 397

[11] Le bon sens veut que l’intérêt d’un témoin dans l’issue de l’instance soit un élément pertinent à prendre en compte, parmi d’autres, dans l’évaluation de la crédibilité de son témoignage. Le juge des faits ne devrait cependant pas accorder un poids exagéré à la situation d’une personne dans l’instance comme facteur de crédibilité. Il serait erroné, par exemple, de faire reposer une conclusion relative à la crédibilité du témoignage d’un parent ou d’un conjoint uniquement sur la relation entre ce témoin et le plaignant ou l’accusé. Il faut tenir compte de tous les éléments pertinents lorsqu’on évalue la crédibilité.

[12] La proposition de bon sens suivant laquelle l’intérêt d’un témoin dans l’instance peut influer sur la crédibilité vaut aussi pour l’accusé qui témoigne pour sa propre défense. Le fait que le témoin soit l’accusé suscite toutefois une difficulté particulière, tenant au fait que l’accusé innocent et l’accusé coupable ont tous deux intérêt à ne pas être déclarés coupables. L’accusé innocent a même davantage intérêt à obtenir un acquittement. Par conséquent, le fait de tenir pour acquis qu’un accusé va mentir pour obtenir son acquittement porte nécessairement atteinte à la présomption d’innocence, puisque la personne innocente peut vraisemblablement se contenter de dire la vérité pour atteindre ce résultat. Dans R. c. B. (L.) reflex, (1993), 13 O.R. (3d) 796 (C.A.), la juge Arbour (alors juge à la Cour d’appel de l’Ontario) a décrit d’une façon concise le danger inhérent de prendre en considération les raisons de l’accusé découlant de son intérêt dans l’issue du procès. Dans un passage fréquemment cité, elle a écrit ceci (p. 798‑799) :

[traduction] Il n’est pas permis de tenir pour acquis que l’accusé va mentir pour obtenir son acquittement pour la simple raison que, en tant qu’accusé, son intérêt dans l’issue dicte cette action. Cela porterait atteinte à la présomption d’innocence et imposerait un désavantage presque insurmontable à l’accusé. Ce dernier a de toute évidence intérêt à être acquitté. Pour atteindre ce résultat, il pourrait devoir témoigner pour répondre à la preuve de la poursuite. Cependant, on ne peut tenir pour acquis que l’accusé doit mentir pour être acquitté, à moins que sa culpabilité ne fasse plus de doute. Si le juge du procès arrive à la conclusion que l’accusé n’a pas dit la vérité lors de son témoignage, l’intérêt qu’a l’accusé à obtenir son acquittement peut constituer l’explication la plus plausible de ce mensonge. On ne peut cependant pas, à partir de l’explication d’un mensonge, tenir pour acquis qu’il y aura un mensonge.

[13] L’avocate de M. Laboucan soutient qu’il est intrinsèquement erroné, dans tous les cas, de prendre en considération l’intérêt de l’accusé dans l’issue du procès, parce qu’aucune inférence utile ne peut être tirée de ce fait. Elle presse donc la Cour d’interdire de manière absolue la prise en considération des raisons qu’a l’accusé de mentir dans l’évaluation de sa crédibilité en tant que témoin.

[14] Dans la plupart des cas, je serais d’accord avec l’avocate de l’accusé pour dire que ce facteur est carrément inutile et que, en règle générale, le juge des faits ferait bien de ne pas s’engager du tout dans cette voie, de crainte de se tromper involontairement en tenant pour acquis, ce qu’il n’a pas le droit de faire, que l’accusé mentira pour obtenir un acquittement. Je n’adopterais cependant pas la règle absolue qui est proposée, pour les raisons suivantes.

[15] Une règle absolue interdisant au juge des faits de prendre en considération le fait qu’un accusé peut avoir des raisons de mentir afin d’obtenir un acquittement, quelles que soient les circonstances, immuniserait artificiellement l’accusé d’une façon incompatible avec les autres règles de preuve qui lui offrent une protection spéciale. Les tribunaux ont constamment rejeté les règles prohibitives ayant pour résultat d’amener le juge des faits à rendre une décision en fonction d’une vision trompeuse de l’affaire dont il est saisi. Il existe par exemple une règle générale interdisant au ministère public de présenter des éléments de preuve concernant la mauvaise moralité de l’accusé. Or, dans McMillan c. La Reine, 1977 CanLII 19 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 824, où l’accusé avait présenté des éléments de preuve tendant à montrer que sa femme était psychopathe, ce qui en faisait la meurtrière probable d’un enfant, la Cour a conclu que le ministère public pouvait présenter des preuves relatives à l’existence d’un état similaire chez l’accusé. Sinon, le jury aurait eu une image entièrement faussée de la situation. De même, dans R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, où la défense avait attaqué avec vigueur la crédibilité des témoins cités par le ministère public, faisant grand cas de leur casier judiciaire, le juge en chef Dickson a conclu qu’« un grave déséquilibre aurait résulté » si le jury n’avait pas été informé du casier judiciaire de l’accusé (p. 690). Cela rendait possible la tenue d’un contre‑interrogatoire plus poussé sur le casier judiciaire de l’accusé, qui autrement aurait pu être jugé trop préjudiciable. Par conséquent, la question de savoir s’il est opportun ou non que le juge des faits prenne en considération le fait que l’accusé peut avoir une raison de mentir en raison de son intérêt dans le procès dépendra de la preuve et des questions soulevées lors du procès.

[16] Une règle absolue comme celle qui est proposée serait en outre contraire aux principes établis en matière d’examen en appel. Il devrait maintenant être considéré comme allant de soi que les motifs du juge du procès doivent être lus comme un tout, dans le contexte de la preuve, des questions en litige et des arguments présentés lors du procès, et « en tenant compte des buts ou des fonctions de l’expression des motifs » : R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), 2008 CSC 51, [2008] 3 R.C.S. 3, par. 16. Conformément à ces principes, les juridictions d’appel ont refusé de conclure que le juge du procès commet une erreur de droit simplement en faisant mention ou en tenant compte des raisons de mentir qu’a un accusé. Tout dépend du contexte : (références omises)

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...