R. c. Delaunière, 2010 QCCQ 5651 (CanLII)
[49] Trois éléments établissent l’agression sexuelle :
- des attouchements;
- la nature sexuelle des contacts;
- l’absence de consentement.
[51] Dans R. c. Ewanchuk la Cour suprême souligne que l’absence de consentement, en tant que l’un des éléments constitutifs de l’agression sexuelle, s’avère essentiellement un élément subjectif que détermine l’état d’esprit dans lequel se trouve la plaignante à l’égard des attouchements lorsqu’ils ont lieu.
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mardi 12 octobre 2010
L'état du droit relative à l'assistance effective et, donc, compétente d'un avocat / Analyse à laquelle la Cour doit se livrer afin de déterminer l'existence et la portée de la violation du droit à l'assistance effective de ce droit
Chevreuil c. R., 2008 QCCA 82 (CanLII)
[30] Tout accusé a droit à l'assistance effective et, donc, compétente d'un avocat : il s'agit là d'un principe de justice fondamentale, qui assure l'équité du procès pénal et qui est à ce titre protégé par les articles 7 et 11, paragr. d), de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme l'écrit la Cour suprême dans R. c. G.D.B. :
24 Aujourd’hui, tout inculpé a droit à l’assistance effective d’un avocat. Au Canada, ce droit est considéré comme un principe de justice fondamentale. Il découle de l’évolution de la common law, du par. 650(3) du Code criminel canadien ainsi que de l’art. 7 et de l’al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
25 L’importance de l’assistance effective d’un avocat est évidente, mais elle a été expliquée en détail par le juge Doherty dans R. c. Joanisse 1995 CanLII 3507 (ON C.A.), (1995), 102 C.C.C. (3d) 35 (C.A. Ont.), à la p. 57 :
[traduction] L’importance de l’assistance effective d’un avocat au procès est évidente. Nous faisons confiance au processus de débat contradictoire pour déterminer le bien-fondé des accusations criminelles. Ce processus repose sur la prémisse que le meilleur moyen de déterminer le bien-fondé des accusations criminelles est « la présentation partisane par les parties de leur thèse respective » : U.S. c. Cronic, 104 S. Ct. 2039 (1984), le juge Stevens, à la p. 2045. La représentation effective de l’accusé par un avocat rend l’issue du processus de débat contradictoire plus fiable puisque l’accusé a bénéficié de l’assistance d’un professionnel ayant acquis les compétences qui sont requises durant le procès. L’avocat compétent peut mettre à l’épreuve la preuve avancée par la poursuite en plus de rassembler des éléments de preuve et de présenter la thèse de la défense. Nous nous fions aussi aux diverses garanties procédurales pour assurer le niveau requis d’équité dans le cadre du processus de débat contradictoire. Le droit à l’assistance effective d’un avocat favorise également le caractère équitable du processus décisionnel en ce qu’il adjoint à l’accusé un défenseur possédant les mêmes compétences que le poursuivant, compétences qui peuvent servir à faire bénéficier l’accusé de toute la panoplie des mesures de protection procédurale disponibles.
Lorsque l’avocat ne représente pas l’accusé de façon effective, l’équité du procès en souffre, tant du point de vue de la fiabilité du verdict que du point de vue du caractère équitable du processus décisionnel menant à ce verdict. Dans certains cas, il en résulte une erreur judiciaire
[31] Renchérissant sur ces propos, la Cour, sous la plume du juge Gendreau, écrit ce qui suit dans Carignan c. R. :
[27] Le droit à une représentation adéquate est une composante à la garantie constitutionnelle du droit d'un accusé à une pleine défense dans un procès juste et équitable prévu aux articles 11d) et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est, sans doute, dans le contexte d'une poursuite pénale que la qualité de la représentation est la plus cruciale, car le prévenu « pourrait payer de sa liberté les impairs d'un avocat ayant mal assuré sa défense ». C'est pourquoi d'ailleurs le remède à une négligence professionnelle causant préjudice à l'accusé sera l'ordonnance d'un nouveau procès.
[32] Comme le souligne la Cour à la fin de ce passage, la violation du droit de l'accusé à l'assistance effective de l'avocat qui le représente sera généralement sanctionnée par l'ordonnance d'un nouveau procès.
[33] L'état du droit en la matière est assez clair. La Cour suprême du Canada, dans R. c. G.D.B., explique ainsi l'analyse en deux temps à laquelle on doit se livrer afin de déterminer l'existence et la portée de la violation du droit à l'assistance effective d'un avocat :
26 La façon d’envisager les allégations de représentation non effective est expliquée dans l’arrêt Strickland c. Washington, 466 U.S. 668 (1984), le juge O’Connor. Cette étude comporte un volet examen du travail de l’avocat et un volet appréciation du préjudice. Pour qu’un appel soit accueilli, il faut démontrer, dans un premier temps, que les actes ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté.
27 L’incompétence est appréciée au moyen de la norme du caractère raisonnable. Le point de départ de l’analyse est la forte présomption que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable. Il incombe à l’appelant de démontrer que les actes ou omissions reprochés à l’avocat ne découlaient pas de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable. La sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation.
28 Les erreurs judiciaires peuvent prendre plusieurs formes dans ce contexte. Dans certains cas, le travail de l’avocat peut avoir compromis l’équité procédurale, alors que dans d’autres, c’est la fiabilité de l’issue du procès qui peut avoir été compromise.
29 Dans les cas où il est clair qu’aucun préjudice n’a été causé, il n’est généralement pas souhaitable que les cours d’appel s’arrêtent à l’examen du travail de l’avocat. L’objet d’une allégation de représentation non effective n’est pas d’attribuer une note au travail ou à la conduite professionnelle de l’avocat. Ce dernier aspect est laissé à l’appréciation de l’organisme d’autoréglementation de la profession. S’il convient de trancher une question de représentation non effective pour cause d’absence de préjudice, c’est ce qu’il faut faire (Strickland, précité, à la p. 697).
[34] Notre Cour a elle-même reconnu et appliqué ces principes, notamment dans les arrêts Renaud c. R., Delisle c. R. et Carignan c. R. Dans ce dernier arrêt, le juge Gendreau expose comme suit les règles applicables :
[28] Dans l'arrêt Delisle (précité), le juge Proulx propose un examen selon l'approche des tribunaux du Commonwealth, suivant laquelle il convient d'abord d'examiner si les droits de l'accusé à un procès juste et équitable furent violés. En d'autres mots, il est préférable de rechercher d'abord le préjudice avant de s'attaquer à sa cause. Voici comment mon collègue s'exprime :
Il ne suffit donc pas d'établir simplement l'incompétence de l'avocat. Il faut en plus démontrer que celle-ci a dans la réalité brimé l'accusé dans ses droits. L'aspect causal de l'incompétence constitue donc l'élément fondamental de l'analyse.
En appel, puisque le rôle de la Cour consiste à s'assurer que l'appelant a subi un procès juste et équitable, toute allégation d'incompétence de l'avocat, même amplement démontrée, ne justifie une intervention que dans la mesure où l'appelant établit un lien entre cette incompétence et un déni de justice (art. 686(1)b)iii) C.cr.). En d'autres termes, en raison de la conduite blâmable de l'avocat, l'accusé doit avoir été privé de son droit à une défense pleine et entière ou à un procès juste et équitable. […]
Par voie de conséquence, il est logique pour la cour d'analyser d'abord le préjudice ou l'effet de la conduite de l'avocat sur l'équité du procès. Si la Cour arrive à la conclusion que ce préjudice est inexistant, toute discussion subséquente est superflue et inutile. Pourquoi alors discuter des motifs pour lesquels l'avocat de la défense n'a pas contre-interrogé la plaignante au sujet de ses antécédents judiciaires si, à la lumière de l'ensemble de la preuve et des plaidoiries, il s'avère qu'aucun préjudice n'a pu résulter de cette omission : R. c. Sauvé [1997 CanLII 12544 (BC C.A.), (1997), 121 C.C.C. (3d) 225 (C.A.C.-B.)]?
[29] L'avocat a, envers son client, une obligation de loyauté et de conseil. Ce dernier devoir porte sur l'existence, l'étendue et la réalisation des droits de son mandataire. Entre autres, « [l]'avocat doit exposer à son client de façon objective la nature et la portée du problème qui, à son avis, ressort de l'ensemble des faits qui ont été portés à sa connaissance et des risques inhérents aux mesures recommandées ». Dans le cadre de ses recommandations, l'avocat est évidemment soumis à une obligation de moyen et non de résultat. Cette distinction implique que lorsqu'il est saisi d'une situation factuelle dans laquelle l'application de certains principes juridiques est controversée, l'avocat ne peut garantir que son opinion est nécessairement la meilleure ou celle qui triomphera. Par contre, il doit exercer une diligence raisonnable et fonder sa position sur des bases légales acceptables. Le standard à appliquer est celui de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires. Chaque situation est particulière et la Cour doit en faire l'examen individuel et dans son contexte.
[30] Le devoir de conseil signifie aussi que l'avocat doit reconnaître les limites de ses connaissances et décliner le mandat pour lequel il n'est pas qualifié (art. 3.01.01 du Code de déontologie des avocats). Le praticien doit aussi refuser ou annuler son mandat s'il cesse de croire son client. Il ne doit pas « se constituer juge de son client », (art. 3.03.04 du Code de déontologie des avocats), écrit le juge Proulx dans Delisle (précité).
[31] En raison de ses connaissances et de son expérience, l'avocat doit évaluer l'affaire du justiciable qui le consulte, lui faire des recommandations et proposer des choix stratégiques et tactiques. Toutefois, l'accusé reste maître de sa défense et en particulier sur les décisions essentielles comme celles de se faire entendre ou d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Dans un commentaire, sur l'arrêt R. c. G.D.B., on peut lire au Kapoor's Criminal Appeals Review :
[para 28] As mentioned, there are fundamental matters upon which counsel should obtain instructions, such as whether the accused should testify. There should be a per se rule which deems a miscarriage of justice where those decisions were made without the clients instructions. After all, it is the accused's liberty that is at stake, not counsel's. Although counsel is presumptively skilled in law and litigation and, therefore, better able to assess tactical issues than an accused, the decisions to testify or plead guilty are the province of the client (decisions taken with the advice of counsel) and are not tactical decisions. When the client has no say in fundamental decisions the process cannot be said to be fair. It is hoped that the Court will endorse a per se rule in such circumstances, should the occasion arise.
[…]
[para 30] In GDB Justice Major notes that there are some instances where counsel must obtain instructions. The principle behind this requirement is that for certain matters litigants have the right to control their own litigation.
[para 31] Similarly where the client exerts control over the case by providing specific instructions, to not follow those instructions takes control away from the client. If counsel cannot live with the instructions (for example if the instructions are to conduct oneself in an unethical manner or in a manner which is at odds with counsel's advice on a fundamental issue) counsel should withdraw. In the era of representation of litigants by lawyers, the lawyer owes a duty of fidelity to the client that necessarily includes the obligation to follow instructions; that is, to not undermine the client's position. Therefore, once counsel has instructions and continues to act, those instructions must be faithfully followed. Anything less results in the client becoming a passive bystander who is unable to advance their desired position. This disenfranchisement of the client results in a process that is presumptively unfair. This is so regardless of the merits of the client's position. While the advice and talent of counsel is invaluable, ultimately it is the client's litigation. While the client may not always know best, it is the client who will go to jail if convicted and, therefore, their instructions must be respected. The client must have control over their own liberty.
[32] Je me permets en terminant de rappeler les trois principes qui doivent guider un tribunal saisi d'une question comme celle-ci, tels qu'exprimés par le juge Proulx dans Delisle :
En premier lieu, il n'est pas inutile de rappeler le principe bien connu de la stabilité des jugements, qui, tant en droit civil qu'en droit pénal, constitue une fin de non-recevoir, sauf circonstances exceptionnelles, à toute tentative d'une partie non satisfaite d'un jugement de vouloir obtenir une seconde chance en s'en prenant aux décisions ou aux conseils de son avocat en première instance.
En principe, la règle se retrouve dans plusieurs systèmes de droit qui reposent sur les mêmes valeurs fondamentales, « the State could not normally be held responsible for the actions or decisions of an accused's lawyer. It followed from the independence of the legal profession that the conduct of the defence was essentially a matter between the defendant and his representatives [La Cour Européenne des Droits de l'Homme dans Stanford c. U.K., Times Law Reports, March 8, 1994, cité dans Robert S. Shiels, «Current Topic: Blaming the Lawyer», [1997] Crim. L. R. 740, 744]».
En deuxième lieu, la moindre faute, la moindre maladresse, la plus petite erreur de jugement ou de stratégie ne saurait, en principe, permettre de faire réviser, ex post facto, la décision de l'avocat au bénéfice de la partie qui a échoué.
En troisième lieu, et je rejoins ici les considérations énumérées antérieurement, l'avocat dont la conduite est en cause doit avoir eu l'opportunité de s'expliquer. Une détermination judicieuse de la conduite d'un avocat requiert en effet de la cour d'appel de procéder avec déférence à un examen objectif et juste qui commande d'éviter le piège de l'« hindsight » de reconstituer le mieux possible les événements reliés à la conduite reprochée et enfin d'évaluer celle-ci dans la perspective de celui dont la conduite est en cause.
[35] Tant sur l'existence des erreurs de l'avocat que sur celle du préjudice, le fardeau de preuve, qui est celui de la prépondérance, repose sur les épaules de l'appelant.
[36] Cette approche comporte deux difficultés. La première, bien sûr, consiste à éviter l'écueil de la « sagesse rétrospective » contre laquelle la Cour suprême nous met en garde dans R. c. G.D.B., mais qui, dans une certaine mesure, est incontournable dès lors que l'on doit juger le comportement passé de l'avocat et évaluer son effet préjudiciable.
[37] L'autre difficulté réside dans l'analyse même à laquelle on doit procéder : il ne s'agit pas de se demander si l'avocat aurait pu faire mieux (ou si un autre avocat aurait fait mieux), mais plutôt de vérifier si sa conduite se situe dans la gamme des comportements répondant au standard « de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires », pour reprendre les mots du juge Gendreau dans l'affaire Carignan, précitée, cet examen devant se faire de manière individuelle et contextualisée.
[30] Tout accusé a droit à l'assistance effective et, donc, compétente d'un avocat : il s'agit là d'un principe de justice fondamentale, qui assure l'équité du procès pénal et qui est à ce titre protégé par les articles 7 et 11, paragr. d), de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme l'écrit la Cour suprême dans R. c. G.D.B. :
24 Aujourd’hui, tout inculpé a droit à l’assistance effective d’un avocat. Au Canada, ce droit est considéré comme un principe de justice fondamentale. Il découle de l’évolution de la common law, du par. 650(3) du Code criminel canadien ainsi que de l’art. 7 et de l’al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
25 L’importance de l’assistance effective d’un avocat est évidente, mais elle a été expliquée en détail par le juge Doherty dans R. c. Joanisse 1995 CanLII 3507 (ON C.A.), (1995), 102 C.C.C. (3d) 35 (C.A. Ont.), à la p. 57 :
[traduction] L’importance de l’assistance effective d’un avocat au procès est évidente. Nous faisons confiance au processus de débat contradictoire pour déterminer le bien-fondé des accusations criminelles. Ce processus repose sur la prémisse que le meilleur moyen de déterminer le bien-fondé des accusations criminelles est « la présentation partisane par les parties de leur thèse respective » : U.S. c. Cronic, 104 S. Ct. 2039 (1984), le juge Stevens, à la p. 2045. La représentation effective de l’accusé par un avocat rend l’issue du processus de débat contradictoire plus fiable puisque l’accusé a bénéficié de l’assistance d’un professionnel ayant acquis les compétences qui sont requises durant le procès. L’avocat compétent peut mettre à l’épreuve la preuve avancée par la poursuite en plus de rassembler des éléments de preuve et de présenter la thèse de la défense. Nous nous fions aussi aux diverses garanties procédurales pour assurer le niveau requis d’équité dans le cadre du processus de débat contradictoire. Le droit à l’assistance effective d’un avocat favorise également le caractère équitable du processus décisionnel en ce qu’il adjoint à l’accusé un défenseur possédant les mêmes compétences que le poursuivant, compétences qui peuvent servir à faire bénéficier l’accusé de toute la panoplie des mesures de protection procédurale disponibles.
Lorsque l’avocat ne représente pas l’accusé de façon effective, l’équité du procès en souffre, tant du point de vue de la fiabilité du verdict que du point de vue du caractère équitable du processus décisionnel menant à ce verdict. Dans certains cas, il en résulte une erreur judiciaire
[31] Renchérissant sur ces propos, la Cour, sous la plume du juge Gendreau, écrit ce qui suit dans Carignan c. R. :
[27] Le droit à une représentation adéquate est une composante à la garantie constitutionnelle du droit d'un accusé à une pleine défense dans un procès juste et équitable prévu aux articles 11d) et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est, sans doute, dans le contexte d'une poursuite pénale que la qualité de la représentation est la plus cruciale, car le prévenu « pourrait payer de sa liberté les impairs d'un avocat ayant mal assuré sa défense ». C'est pourquoi d'ailleurs le remède à une négligence professionnelle causant préjudice à l'accusé sera l'ordonnance d'un nouveau procès.
[32] Comme le souligne la Cour à la fin de ce passage, la violation du droit de l'accusé à l'assistance effective de l'avocat qui le représente sera généralement sanctionnée par l'ordonnance d'un nouveau procès.
[33] L'état du droit en la matière est assez clair. La Cour suprême du Canada, dans R. c. G.D.B., explique ainsi l'analyse en deux temps à laquelle on doit se livrer afin de déterminer l'existence et la portée de la violation du droit à l'assistance effective d'un avocat :
26 La façon d’envisager les allégations de représentation non effective est expliquée dans l’arrêt Strickland c. Washington, 466 U.S. 668 (1984), le juge O’Connor. Cette étude comporte un volet examen du travail de l’avocat et un volet appréciation du préjudice. Pour qu’un appel soit accueilli, il faut démontrer, dans un premier temps, que les actes ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté.
27 L’incompétence est appréciée au moyen de la norme du caractère raisonnable. Le point de départ de l’analyse est la forte présomption que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable. Il incombe à l’appelant de démontrer que les actes ou omissions reprochés à l’avocat ne découlaient pas de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable. La sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation.
28 Les erreurs judiciaires peuvent prendre plusieurs formes dans ce contexte. Dans certains cas, le travail de l’avocat peut avoir compromis l’équité procédurale, alors que dans d’autres, c’est la fiabilité de l’issue du procès qui peut avoir été compromise.
29 Dans les cas où il est clair qu’aucun préjudice n’a été causé, il n’est généralement pas souhaitable que les cours d’appel s’arrêtent à l’examen du travail de l’avocat. L’objet d’une allégation de représentation non effective n’est pas d’attribuer une note au travail ou à la conduite professionnelle de l’avocat. Ce dernier aspect est laissé à l’appréciation de l’organisme d’autoréglementation de la profession. S’il convient de trancher une question de représentation non effective pour cause d’absence de préjudice, c’est ce qu’il faut faire (Strickland, précité, à la p. 697).
[34] Notre Cour a elle-même reconnu et appliqué ces principes, notamment dans les arrêts Renaud c. R., Delisle c. R. et Carignan c. R. Dans ce dernier arrêt, le juge Gendreau expose comme suit les règles applicables :
[28] Dans l'arrêt Delisle (précité), le juge Proulx propose un examen selon l'approche des tribunaux du Commonwealth, suivant laquelle il convient d'abord d'examiner si les droits de l'accusé à un procès juste et équitable furent violés. En d'autres mots, il est préférable de rechercher d'abord le préjudice avant de s'attaquer à sa cause. Voici comment mon collègue s'exprime :
Il ne suffit donc pas d'établir simplement l'incompétence de l'avocat. Il faut en plus démontrer que celle-ci a dans la réalité brimé l'accusé dans ses droits. L'aspect causal de l'incompétence constitue donc l'élément fondamental de l'analyse.
En appel, puisque le rôle de la Cour consiste à s'assurer que l'appelant a subi un procès juste et équitable, toute allégation d'incompétence de l'avocat, même amplement démontrée, ne justifie une intervention que dans la mesure où l'appelant établit un lien entre cette incompétence et un déni de justice (art. 686(1)b)iii) C.cr.). En d'autres termes, en raison de la conduite blâmable de l'avocat, l'accusé doit avoir été privé de son droit à une défense pleine et entière ou à un procès juste et équitable. […]
Par voie de conséquence, il est logique pour la cour d'analyser d'abord le préjudice ou l'effet de la conduite de l'avocat sur l'équité du procès. Si la Cour arrive à la conclusion que ce préjudice est inexistant, toute discussion subséquente est superflue et inutile. Pourquoi alors discuter des motifs pour lesquels l'avocat de la défense n'a pas contre-interrogé la plaignante au sujet de ses antécédents judiciaires si, à la lumière de l'ensemble de la preuve et des plaidoiries, il s'avère qu'aucun préjudice n'a pu résulter de cette omission : R. c. Sauvé [1997 CanLII 12544 (BC C.A.), (1997), 121 C.C.C. (3d) 225 (C.A.C.-B.)]?
[29] L'avocat a, envers son client, une obligation de loyauté et de conseil. Ce dernier devoir porte sur l'existence, l'étendue et la réalisation des droits de son mandataire. Entre autres, « [l]'avocat doit exposer à son client de façon objective la nature et la portée du problème qui, à son avis, ressort de l'ensemble des faits qui ont été portés à sa connaissance et des risques inhérents aux mesures recommandées ». Dans le cadre de ses recommandations, l'avocat est évidemment soumis à une obligation de moyen et non de résultat. Cette distinction implique que lorsqu'il est saisi d'une situation factuelle dans laquelle l'application de certains principes juridiques est controversée, l'avocat ne peut garantir que son opinion est nécessairement la meilleure ou celle qui triomphera. Par contre, il doit exercer une diligence raisonnable et fonder sa position sur des bases légales acceptables. Le standard à appliquer est celui de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires. Chaque situation est particulière et la Cour doit en faire l'examen individuel et dans son contexte.
[30] Le devoir de conseil signifie aussi que l'avocat doit reconnaître les limites de ses connaissances et décliner le mandat pour lequel il n'est pas qualifié (art. 3.01.01 du Code de déontologie des avocats). Le praticien doit aussi refuser ou annuler son mandat s'il cesse de croire son client. Il ne doit pas « se constituer juge de son client », (art. 3.03.04 du Code de déontologie des avocats), écrit le juge Proulx dans Delisle (précité).
[31] En raison de ses connaissances et de son expérience, l'avocat doit évaluer l'affaire du justiciable qui le consulte, lui faire des recommandations et proposer des choix stratégiques et tactiques. Toutefois, l'accusé reste maître de sa défense et en particulier sur les décisions essentielles comme celles de se faire entendre ou d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Dans un commentaire, sur l'arrêt R. c. G.D.B., on peut lire au Kapoor's Criminal Appeals Review :
[para 28] As mentioned, there are fundamental matters upon which counsel should obtain instructions, such as whether the accused should testify. There should be a per se rule which deems a miscarriage of justice where those decisions were made without the clients instructions. After all, it is the accused's liberty that is at stake, not counsel's. Although counsel is presumptively skilled in law and litigation and, therefore, better able to assess tactical issues than an accused, the decisions to testify or plead guilty are the province of the client (decisions taken with the advice of counsel) and are not tactical decisions. When the client has no say in fundamental decisions the process cannot be said to be fair. It is hoped that the Court will endorse a per se rule in such circumstances, should the occasion arise.
[…]
[para 30] In GDB Justice Major notes that there are some instances where counsel must obtain instructions. The principle behind this requirement is that for certain matters litigants have the right to control their own litigation.
[para 31] Similarly where the client exerts control over the case by providing specific instructions, to not follow those instructions takes control away from the client. If counsel cannot live with the instructions (for example if the instructions are to conduct oneself in an unethical manner or in a manner which is at odds with counsel's advice on a fundamental issue) counsel should withdraw. In the era of representation of litigants by lawyers, the lawyer owes a duty of fidelity to the client that necessarily includes the obligation to follow instructions; that is, to not undermine the client's position. Therefore, once counsel has instructions and continues to act, those instructions must be faithfully followed. Anything less results in the client becoming a passive bystander who is unable to advance their desired position. This disenfranchisement of the client results in a process that is presumptively unfair. This is so regardless of the merits of the client's position. While the advice and talent of counsel is invaluable, ultimately it is the client's litigation. While the client may not always know best, it is the client who will go to jail if convicted and, therefore, their instructions must be respected. The client must have control over their own liberty.
[32] Je me permets en terminant de rappeler les trois principes qui doivent guider un tribunal saisi d'une question comme celle-ci, tels qu'exprimés par le juge Proulx dans Delisle :
En premier lieu, il n'est pas inutile de rappeler le principe bien connu de la stabilité des jugements, qui, tant en droit civil qu'en droit pénal, constitue une fin de non-recevoir, sauf circonstances exceptionnelles, à toute tentative d'une partie non satisfaite d'un jugement de vouloir obtenir une seconde chance en s'en prenant aux décisions ou aux conseils de son avocat en première instance.
En principe, la règle se retrouve dans plusieurs systèmes de droit qui reposent sur les mêmes valeurs fondamentales, « the State could not normally be held responsible for the actions or decisions of an accused's lawyer. It followed from the independence of the legal profession that the conduct of the defence was essentially a matter between the defendant and his representatives [La Cour Européenne des Droits de l'Homme dans Stanford c. U.K., Times Law Reports, March 8, 1994, cité dans Robert S. Shiels, «Current Topic: Blaming the Lawyer», [1997] Crim. L. R. 740, 744]».
En deuxième lieu, la moindre faute, la moindre maladresse, la plus petite erreur de jugement ou de stratégie ne saurait, en principe, permettre de faire réviser, ex post facto, la décision de l'avocat au bénéfice de la partie qui a échoué.
En troisième lieu, et je rejoins ici les considérations énumérées antérieurement, l'avocat dont la conduite est en cause doit avoir eu l'opportunité de s'expliquer. Une détermination judicieuse de la conduite d'un avocat requiert en effet de la cour d'appel de procéder avec déférence à un examen objectif et juste qui commande d'éviter le piège de l'« hindsight » de reconstituer le mieux possible les événements reliés à la conduite reprochée et enfin d'évaluer celle-ci dans la perspective de celui dont la conduite est en cause.
[35] Tant sur l'existence des erreurs de l'avocat que sur celle du préjudice, le fardeau de preuve, qui est celui de la prépondérance, repose sur les épaules de l'appelant.
[36] Cette approche comporte deux difficultés. La première, bien sûr, consiste à éviter l'écueil de la « sagesse rétrospective » contre laquelle la Cour suprême nous met en garde dans R. c. G.D.B., mais qui, dans une certaine mesure, est incontournable dès lors que l'on doit juger le comportement passé de l'avocat et évaluer son effet préjudiciable.
[37] L'autre difficulté réside dans l'analyse même à laquelle on doit procéder : il ne s'agit pas de se demander si l'avocat aurait pu faire mieux (ou si un autre avocat aurait fait mieux), mais plutôt de vérifier si sa conduite se situe dans la gamme des comportements répondant au standard « de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires », pour reprendre les mots du juge Gendreau dans l'affaire Carignan, précitée, cet examen devant se faire de manière individuelle et contextualisée.
La défense d’erreur provoquée par une personne en autorité
Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629-4470 Québec inc., 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420
24 Selon l’opinion du juge en chef Lamer, cette défense constituait une exception limitée, mais nécessaire, à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne saurait justifier la commission d’une infraction pénale :
L’erreur de droit provoquée par une personne en autorité existe à titre d’exception à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse. Comme il a été souligné dans plusieurs des affaires où cette règle a été analysée, la complexité des règlements actuels permet de présumer qu’un citoyen responsable ne peut raisonnablement avoir une connaissance approfondie du droit. Toutefois, cette complexité ne justifie pas le rejet d’une règle qui encourage les citoyens à devenir responsables et le gouvernement à rendre publiques les règles de droit, et qui constitue un fondement essentiel de la primauté du droit. La multiplicité des règlements est un motif qui permet de créer une exception limitée à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi n’est pas une excuse.
(Jorgensen, par. 25)
25 Le juge en chef Lamer a assimilé cette défense à une excuse qui opère comme le moyen basé sur la provocation policière. Le caractère répréhensible de l’acte est établi. Cependant, le droit pénal se refuse à en imputer la responsabilité à son auteur en raison des circonstances qui l’ont produit. Le prévenu a droit alors à un arrêt des procédures plutôt qu’à un acquittement (Jorgensen, par. 37).
26 Après son analyse de la jurisprudence, le juge en chef Lamer définit les éléments constitutifs et les conditions d’ouverture de la défense. Il impose au prévenu l’obligation de démontrer la présence de six éléments :
(1) la présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait;
(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli;
(3) le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière;
(4) le caractère raisonnable de l’avis;
(5) le caractère erroné de l’avis reçu;
(6) l’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis.
(Jorgensen, par. 28-35)
27 Ce cadre d’analyse me paraît s’être imposé, bien que notre Cour ne se soit pas exprimée à son sujet dans l’arrêt Jorgensen. Ainsi, cette méthode a été employée par des cours d’appel provinciales pour étudier et appliquer la défense d’erreur causée par une personne en autorité (R. c. Larivière 2000 CanLII 8295 (QC C.A.), (2000), 38 C.R. (5th) 130 (C.A. Qué.); Maitland Valley Conservation Authority c. Cranbrook Swine Inc. 2003 CanLII 41182 (ON C.A.), (2003), 64 O.R. (3d) 417 (C.A.)). (...)
24 Selon l’opinion du juge en chef Lamer, cette défense constituait une exception limitée, mais nécessaire, à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne saurait justifier la commission d’une infraction pénale :
L’erreur de droit provoquée par une personne en autorité existe à titre d’exception à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse. Comme il a été souligné dans plusieurs des affaires où cette règle a été analysée, la complexité des règlements actuels permet de présumer qu’un citoyen responsable ne peut raisonnablement avoir une connaissance approfondie du droit. Toutefois, cette complexité ne justifie pas le rejet d’une règle qui encourage les citoyens à devenir responsables et le gouvernement à rendre publiques les règles de droit, et qui constitue un fondement essentiel de la primauté du droit. La multiplicité des règlements est un motif qui permet de créer une exception limitée à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi n’est pas une excuse.
(Jorgensen, par. 25)
25 Le juge en chef Lamer a assimilé cette défense à une excuse qui opère comme le moyen basé sur la provocation policière. Le caractère répréhensible de l’acte est établi. Cependant, le droit pénal se refuse à en imputer la responsabilité à son auteur en raison des circonstances qui l’ont produit. Le prévenu a droit alors à un arrêt des procédures plutôt qu’à un acquittement (Jorgensen, par. 37).
26 Après son analyse de la jurisprudence, le juge en chef Lamer définit les éléments constitutifs et les conditions d’ouverture de la défense. Il impose au prévenu l’obligation de démontrer la présence de six éléments :
(1) la présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait;
(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli;
(3) le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière;
(4) le caractère raisonnable de l’avis;
(5) le caractère erroné de l’avis reçu;
(6) l’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis.
(Jorgensen, par. 28-35)
27 Ce cadre d’analyse me paraît s’être imposé, bien que notre Cour ne se soit pas exprimée à son sujet dans l’arrêt Jorgensen. Ainsi, cette méthode a été employée par des cours d’appel provinciales pour étudier et appliquer la défense d’erreur causée par une personne en autorité (R. c. Larivière 2000 CanLII 8295 (QC C.A.), (2000), 38 C.R. (5th) 130 (C.A. Qué.); Maitland Valley Conservation Authority c. Cranbrook Swine Inc. 2003 CanLII 41182 (ON C.A.), (2003), 64 O.R. (3d) 417 (C.A.)). (...)
Les éléments constitutifs de l'infraction d’abus de confiance par un fonctionnaire
R. c. Boulanger, 2006 CSC 32, [2006] 2 R.C.S. 49
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58 Je conclus qu’il y aura preuve d’abus de confiance par un fonctionnaire lorsque le ministère public aura prouvé hors de tout doute raisonnable les éléments suivants :
1. l’accusé est un fonctionnaire;
2. l’accusé agissait dans l’exercice de ses fonctions;
3. l’accusé a manqué aux normes de responsabilité et de conduite que lui impose la nature de sa charge ou de son emploi;
4. la conduite de l’accusé représente un écart grave et marqué par rapport aux normes que serait censé observer quiconque occuperait le poste de confiance de l’accusé;
5. l’accusé a agi dans l’intention d’user de sa charge ou de son emploi publics à des fins autres que l’intérêt public, par exemple dans un objectif de malhonnêteté, de partialité, de corruption ou d’abus.
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58 Je conclus qu’il y aura preuve d’abus de confiance par un fonctionnaire lorsque le ministère public aura prouvé hors de tout doute raisonnable les éléments suivants :
1. l’accusé est un fonctionnaire;
2. l’accusé agissait dans l’exercice de ses fonctions;
3. l’accusé a manqué aux normes de responsabilité et de conduite que lui impose la nature de sa charge ou de son emploi;
4. la conduite de l’accusé représente un écart grave et marqué par rapport aux normes que serait censé observer quiconque occuperait le poste de confiance de l’accusé;
5. l’accusé a agi dans l’intention d’user de sa charge ou de son emploi publics à des fins autres que l’intérêt public, par exemple dans un objectif de malhonnêteté, de partialité, de corruption ou d’abus.
lundi 11 octobre 2010
Les conditions d'application de la légitime défense
R. c. Hebert, [1996] 2 R.C.S. 272
23 En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec sa conclusion que les directives du juge du procès sur ce point étaient inadéquates. Le paragraphe 34(1) prévoit un moyen de défense particulier contre des voies de fait causant des lésions corporelles graves. Ce moyen de défense ne peut toutefois être employé que si toutes les conditions énumérées dans ce paragraphe sont remplies. Voir par exemple R. c. Kandola 1993 CanLII 774 (BC C.A.), (1993), 80 C.C.C. (3d) 481 (C.A.C.‑B.). Le jury doit en fait être convaincu que chaque élément du moyen de défense existe. Ainsi, pour que le moyen de défense soit accepté, le jury doit avoir un doute raisonnable quant à l'existence de tous les éléments du moyen de défense. C'est‑à‑dire (i) l'accusé a été attaqué illégalement; (ii) l'accusé n'a pas provoqué l'attaque; (iii) l'accusé a employé la force sans intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves; et (iv) l'accusé n'a employé que la force nécessaire pour repousser l'attaque. Le juge du procès a eu raison de dire que la défense ne réussirait que si un doute raisonnable était soulevé à l'égard de tous ces éléments.
23 En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec sa conclusion que les directives du juge du procès sur ce point étaient inadéquates. Le paragraphe 34(1) prévoit un moyen de défense particulier contre des voies de fait causant des lésions corporelles graves. Ce moyen de défense ne peut toutefois être employé que si toutes les conditions énumérées dans ce paragraphe sont remplies. Voir par exemple R. c. Kandola 1993 CanLII 774 (BC C.A.), (1993), 80 C.C.C. (3d) 481 (C.A.C.‑B.). Le jury doit en fait être convaincu que chaque élément du moyen de défense existe. Ainsi, pour que le moyen de défense soit accepté, le jury doit avoir un doute raisonnable quant à l'existence de tous les éléments du moyen de défense. C'est‑à‑dire (i) l'accusé a été attaqué illégalement; (ii) l'accusé n'a pas provoqué l'attaque; (iii) l'accusé a employé la force sans intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves; et (iv) l'accusé n'a employé que la force nécessaire pour repousser l'attaque. Le juge du procès a eu raison de dire que la défense ne réussirait que si un doute raisonnable était soulevé à l'égard de tous ces éléments.
Les principes généraux régissant la légalité, en common law, des perquisitions dans des bureaux d’avocats
Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général); White, Ottenheimer & Baker c. Canada (Procureur général); R. c. Fink, 2002 CSC 61, [2002] 3 R.C.S. 209
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49 Entre‑temps, je formule les principes généraux régissant la légalité, en common law, des perquisitions dans des bureaux d’avocats jusqu’à ce que le législateur juge bon d’adopter de nouvelles dispositions législatives sur la question. Ces principes généraux doivent aussi guider les choix législatifs que le législateur peut vouloir examiner à cet égard. Comme celles qui ont été formulées dans Descôteaux, précité, les lignes directrices qui suivent visent à refléter les impératifs constitutionnels actuels en matière de protection du secret professionnel de l’avocat et à régir à la fois l’autorisation des perquisitions et la manière générale dont elles doivent être effectuées; à cet égard, cependant, elles ne visent pas à privilégier une méthode procédurale particulière en vue de respecter ces normes. Enfin, je tiens à répéter que, si le législateur décide de nouveau d’adopter un régime procédural dont l’application se limite à la perquisition dans des bureaux d’avocats, les juges de paix auront, par voie de conséquence, l’obligation de protéger le secret professionnel de l’avocat en appliquant les principes suivants concernant la délivrance des mandats de perquisition :
1. Aucun mandat de perquisition ne peut être décerné relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l’avocat.
2. Avant de perquisitionner dans un bureau d’avocats, les autorités chargées de l’enquête doivent convaincre le juge saisi de la demande de mandat qu’il n’existe aucune solution de rechange raisonnable.
3. Lorsqu’il permet la perquisition dans un bureau d’avocats, le juge saisi de la demande de mandat doit être rigoureusement exigeant, de manière à conférer la plus grande protection possible à la confidentialité des communications entre client et avocat.
4. Sauf lorsque le mandat autorise expressément l’analyse, la copie et la saisie immédiates d’un document précis, tous les documents en la possession d’un avocat doivent être scellés avant d’être examinés ou de lui être enlevés.
5. Il faut faire tous les efforts possibles pour communiquer avec l’avocat et le client au moment de l’exécution du mandat de perquisition. Lorsque l’avocat ou le client ne peut être joint, on devrait permettre à un représentant du Barreau de superviser la mise sous scellés et la saisie des documents.
6. L’enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux.
7. S’il est impossible d’aviser les détenteurs potentiels du privilège, l’avocat qui a la garde des documents saisis, ou un autre avocat nommé par le Barreau ou par la cour, doit examiner les documents pour déterminer si le privilège devrait être invoqué et doit avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège.
8. Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance. L’autorité poursuivante peut examiner les documents uniquement lorsqu’un juge conclut qu’ils ne sont pas privilégiés.
9. Si les documents scellés sont jugés non privilégiés, ils peuvent être utilisés dans le cours normal de l’enquête.
10. Si les documents sont jugés privilégiés, ils doivent être retournés immédiatement au détenteur du privilège ou à une personne désignée par la cour.
Le secret professionnel de l’avocat constitue une règle de preuve, un droit civil important ainsi qu’un principe de justice fondamentale en droit canadien. Même si le public a intérêt à ce que les enquêtes criminelles soient menées efficacement, il a tout autant intérêt à préserver l’intégrité de la relation avocat‑client. Les communications confidentielles avec un avocat constituent un exercice important du droit à la vie privée et elles sont essentielles pour l’administration de la justice dans un système contradictoire. Les atteintes au privilège injustifiées, voire involontaires, minent la confiance qu’a le public dans l’équité du système de justice criminelle. C’est pourquoi il ne faut ménager aucun effort pour protéger la confidentialité de ces communications.
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49 Entre‑temps, je formule les principes généraux régissant la légalité, en common law, des perquisitions dans des bureaux d’avocats jusqu’à ce que le législateur juge bon d’adopter de nouvelles dispositions législatives sur la question. Ces principes généraux doivent aussi guider les choix législatifs que le législateur peut vouloir examiner à cet égard. Comme celles qui ont été formulées dans Descôteaux, précité, les lignes directrices qui suivent visent à refléter les impératifs constitutionnels actuels en matière de protection du secret professionnel de l’avocat et à régir à la fois l’autorisation des perquisitions et la manière générale dont elles doivent être effectuées; à cet égard, cependant, elles ne visent pas à privilégier une méthode procédurale particulière en vue de respecter ces normes. Enfin, je tiens à répéter que, si le législateur décide de nouveau d’adopter un régime procédural dont l’application se limite à la perquisition dans des bureaux d’avocats, les juges de paix auront, par voie de conséquence, l’obligation de protéger le secret professionnel de l’avocat en appliquant les principes suivants concernant la délivrance des mandats de perquisition :
1. Aucun mandat de perquisition ne peut être décerné relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l’avocat.
2. Avant de perquisitionner dans un bureau d’avocats, les autorités chargées de l’enquête doivent convaincre le juge saisi de la demande de mandat qu’il n’existe aucune solution de rechange raisonnable.
3. Lorsqu’il permet la perquisition dans un bureau d’avocats, le juge saisi de la demande de mandat doit être rigoureusement exigeant, de manière à conférer la plus grande protection possible à la confidentialité des communications entre client et avocat.
4. Sauf lorsque le mandat autorise expressément l’analyse, la copie et la saisie immédiates d’un document précis, tous les documents en la possession d’un avocat doivent être scellés avant d’être examinés ou de lui être enlevés.
5. Il faut faire tous les efforts possibles pour communiquer avec l’avocat et le client au moment de l’exécution du mandat de perquisition. Lorsque l’avocat ou le client ne peut être joint, on devrait permettre à un représentant du Barreau de superviser la mise sous scellés et la saisie des documents.
6. L’enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux.
7. S’il est impossible d’aviser les détenteurs potentiels du privilège, l’avocat qui a la garde des documents saisis, ou un autre avocat nommé par le Barreau ou par la cour, doit examiner les documents pour déterminer si le privilège devrait être invoqué et doit avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège.
8. Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance. L’autorité poursuivante peut examiner les documents uniquement lorsqu’un juge conclut qu’ils ne sont pas privilégiés.
9. Si les documents scellés sont jugés non privilégiés, ils peuvent être utilisés dans le cours normal de l’enquête.
10. Si les documents sont jugés privilégiés, ils doivent être retournés immédiatement au détenteur du privilège ou à une personne désignée par la cour.
Le secret professionnel de l’avocat constitue une règle de preuve, un droit civil important ainsi qu’un principe de justice fondamentale en droit canadien. Même si le public a intérêt à ce que les enquêtes criminelles soient menées efficacement, il a tout autant intérêt à préserver l’intégrité de la relation avocat‑client. Les communications confidentielles avec un avocat constituent un exercice important du droit à la vie privée et elles sont essentielles pour l’administration de la justice dans un système contradictoire. Les atteintes au privilège injustifiées, voire involontaires, minent la confiance qu’a le public dans l’équité du système de justice criminelle. C’est pourquoi il ne faut ménager aucun effort pour protéger la confidentialité de ces communications.
Le droit de consulter de nouveau un avocat lors de l'interrogatoire policier
R. c. Sinclair, 2010 CSC 35
[43] Il ressort de la jurisprudence que normalement l’al. 10b) accorde au détenu une seule consultation avec un avocat. Toutefois, il est également reconnu que, dans certaines circonstances, la Constitution exige qu’on accorde au détenu une nouvelle possibilité de consulter un avocat. Comme nous l’expliquerons davantage plus loin, il s’agit généralement des cas où se produit un changement important de la situation du détenu après la consultation initiale.
[44] L’interprétation selon laquelle l’al. 10b) prévoit une seule consultation avec un avocat a été clairement exposée dans R. c. Logan (1988), 46 C.C.C. (3d) 354 (C.A. Ont.). Après avoir examiné la jurisprudence, la cour a déclaré :
[traduction] Il ressort clairement de la décision du juge Lamer dans Manninen que l’al. 10b) confère le droit, en cas d’arrestation ou de détention, d’avoir recours à l’assistance d’un avocat et d’être informé par l’avocat, avant qu’on puisse soutirer des déclarations de l’accusé. L’expression « en cas d’arrestation ou de détention » indique un moment en particulier et non un continuum. Il ne porte pas sur le droit continu de consulter un avocat chaque fois que la police risque d’obtenir une déclaration de l’accusé. Il est vrai que le mot « retain » donne une idée de continuité (The Shorter Oxford English Dictionary (1973), p. 1813), mais il concerne la fourniture de services, c.‑à‑d. la disponibilité de ces services et leur utilisation par la suite, au moment voulu. Il ne crée pas une condition préalable à toute obtention de renseignements subséquente. [p. 381.]
[46] Bien qu’elle ait reconnu qu’une deuxième consultation s’impose lorsqu’un changement de situation la rend nécessaire, la Cour ne s’est pas prononcée de façon définitive sur la question : voir Evans; R. c. Burlingham, [1995] 2 R.C.S. 206; Black; R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236. Nous examinons maintenant ces arrêts.
[47] Il faut interpréter l’alinéa 10b) de manière à respecter pleinement son objet d’étayer le droit du détenu, prévu par l’art. 7, de choisir de coopérer ou non à l’enquête policière. Normalement, une seule consultation, au moment de la mise en détention ou peu après celle‑ci, suffit pour atteindre cet objectif. Le détenu peut ainsi obtenir les renseignements dont il a besoin pour faire un choix utile quant à savoir s’il coopérera ou non à l’enquête. Toutefois, comme il ressort de la jurisprudence, il peut se produire des faits nouveaux qui rendent nécessaire une deuxième consultation pour permettre à l’accusé d’obtenir les conseils dont il a besoin pour exercer son droit de choisir dans la nouvelle situation.
[48] Selon l’idée générale qui se dégage des arrêts où la Cour a reconnu un deuxième droit de consulter un avocat, le changement de circonstances tend à indiquer qu’une nouvelle consultation s’impose pour permettre au détenu d’obtenir les renseignements dont il a besoin pour choisir de coopérer ou non à l’enquête policière. On craint, en effet, que les conseils reçus initialement ne soient plus adéquats par suite du changement de situation ou des faits nouvellement révélés.
[49] Il est évident que la police est libre de faciliter toute consultation supplémentaire avec un avocat. Il arrive parfois que l’interrogateur considère même comme une technique utile de rassurer le détenu sur la possibilité pour celui-ci de consulter de nouveau, au besoin, un avocat. Par exemple, dans le pourvoi connexe R. c. Willier, 2010 CSC 37, un interrogateur habile a commencé l’entretien en indiquant clairement au détenu qu’il était libre d’arrêter et d’appeler un avocat au cours de l’entretien. Il s’agit en l’espèce de se demander quand une consultation supplémentaire est requise aux termes de l’al. 10b) de la Charte. Il est utile d’indiquer à l’intention des interrogateurs de la police les situations où il ne fait aucun doute qu’une deuxième consultation s’impose. Les catégories ne sont pas limitatives. Toutefois, il ne faudrait ajouter que les cas où il est nécessaire d’accorder une autre consultation pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b).
1. Application de nouveaux procédés
[50] Les conseils donnés initialement par l’avocat seront orientés en fonction de ses attentes, à savoir que la police cherche à poser des questions au détenu. L’avocat chargé de conseiller le détenu au moment de la consultation initiale ne s’attend généralement pas à des procédés peu habituels, comme la séance d’identification ou le test polygraphique. Il s’ensuit qu’une nouvelle consultation est nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir au détenu les renseignements dont il a besoin pour choisir, de façon éclairée, de coopérer ou non à ces nouveaux procédés : R c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3.
2. Changement du risque
[51] Le détenu est informé dès le début de sa détention des raisons qui l’ont motivée : art. 10a). Viennent ensuite les conseils juridiques et la possibilité de consulter un avocat dont il est question à l’al. 10b). Les conseils donnés seront en fonction de la situation, telle que le détenu et son avocat la comprennent à ce stade. Si l’enquête prend une tournure nouvelle et plus grave au fur et à mesure du déroulement des événements, il se peut que ces conseils ne soient plus adéquats compte tenu de la situation ou du risque réels auxquels est confronté le détenu. Pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b), le détenu doit avoir la possibilité de consulter de nouveau un avocat et d’obtenir des conseils au sujet de la nouvelle situation. Voir Evans et Black.
3. Raisons de se demander si le détenu comprend le droit que lui confère l’alinéa 10b)
[52] S’il ressort des événements que le détenu qui a renoncé à son droit à l’assistance d’un avocat n’a peut-être pas compris son droit, la police doit l’en informer de nouveau pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) : Prosper. En termes généraux, cela peut vouloir dire que, si les circonstances indiquent que le détenu n’a peut‑être pas compris les conseils reçus initialement en vertu de l’al. 10b) au sujet de son droit à l’assistance d’un avocat, la police a l’obligation de lui accorder de nouveau la possibilité de parler à un avocat. De même, si la police dénigre les conseils juridiques reçus par le détenu, cela peut avoir pour effet de les dénaturer ou de les réduire à néant, ce qui mine l’objet de l’al. 10b). Pour faire contrepoids à cet effet, on a estimé nécessaire d’accorder de nouveau au détenu le droit de consulter un avocat. Voir Burlingham.
[53] Le principe général sur lequel reposent les arrêts examinés ci‑dessus est le suivant : si le détenu a déjà reçu des conseils juridiques, la police a, dans le cadre de la mise en application, notamment l’obligation prévue à l’al. 10b) de lui fournir une possibilité raisonnable de consulter de nouveau un avocat si, par suite d’un changement de circonstances, cette mesure est nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de la Charte de fournir au détenu des conseils juridiques quant à son choix de coopérer ou non à l’enquête policière.
[54] La jurisprudence jusqu’à maintenant offre des exemples de situations où intervient le droit à une autre consultation. Toutefois, les catégories ne sont pas limitatives. Lorsque les circonstances ne correspondent pas à une situation reconnue à ce jour, il s’agit de se demander s’il faut accorder une nouvelle possibilité de consulter un avocat pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir au détenu des conseils dans sa situation nouvelle ou émergente.
[55] D’après la jurisprudence, le changement de circonstances doit être objectivement observable pour donner naissance à de nouvelles obligations pour la police en matière de mise en application. Il ne suffit pas que l’accusé affirme, après coup, qu’il n’avait pas bien compris ou qu’il avait besoin d’aide alors qu’il n’existe aucun élément objectif indiquant qu’une nouvelle consultation juridique était nécessaire pour lui permettre d’exercer un choix utile pour ce qui est de coopérer ou non à l’enquête policière.
[56] Selon notre interprétation de ses motifs, le juge Binnie reconnaît que la Constitution exige que l’on accorde d’autres consultations avec un avocat si de nouvelles circonstances rendent cette mesure nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b). Cependant, il irait jusqu’à étendre la catégorie des cas où ce droit prend naissance, de manière à englober toutes les situations où le détenu fait une demande raisonnable à cet effet dans le cadre d’un entretien sous garde. Il établit ensuite à l’intention de la police et des tribunaux de révision une liste non exhaustive de facteurs qui peuvent fournir des motifs raisonnables pour accorder une autre consultation (par. 106).
[57] Pour autant que nous puissions en juger, la thèse selon laquelle il faut suspendre les questions jusqu’à ce que le détenu ait une possibilité raisonnable de consulter de nouveau un avocat — s’il existe un « fondement objectif » pour penser que le détenu peut avoir besoin d’autres conseils juridiques — n’est pas suffisamment liée à l’objectif de veiller à ce que le détenu demeure bien informé de la façon d’exercer ses droits. On suppose que les conseils juridiques reçus initialement sont suffisants et bons quant à la façon dont le détenu devrait exercer ses droits dans le cadre de l’enquête policière. Le fait de ne pas accorder une nouvelle consultation constitue une violation de l’al. 10b) seulement s’il devient clair, par suite d’un changement de circonstances ou de faits nouveaux, que les conseils reçus au départ, compte tenu du contexte, ne suffisent plus ou ne sont plus bons. Cette façon de voir est compatible avec l’objet de l’al. 10b) de veiller à ce que la décision du détenu de coopérer ou non avec la police soit à la fois informée et libre. (...)
[58] (...) Les détenus ont le droit absolu de garder le silence et, par conséquent, l’ultime contrôle de l’interrogatoire. Ils ont le droit de ne rien dire, de décider de ce qu’ils veulent dire et quand le dire. Il ne faut pas oublier que la possibilité de consulter de nouveau un avocat va de pair avec l’obligation pour la police de suspendre les questions jusqu’à ce que le détenu ait consulté un avocat ou qu’on lui ait accordé une possibilité raisonnable de le faire. Il se peut fort bien qu’on ait à attendre longtemps avant de pouvoir poursuivre l’interrogatoire. Les droits garantis par la Charte « doivent être exercés d’une façon qui soit conciliable avec les besoins de la société » : R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 368, p. 385. Le droit à l’assistance d’un avocat ne vise pas à permettre aux suspects, surtout les personnes bien avisées et sûres d’elles, de « retarder inutilement et impunément une enquête et même, dans certains cas, de faire en sorte qu'une preuve essentielle soit perdue, détruite ou impossible à obtenir » : Smith, p. 385. C’est pourtant le résultat que risque, à notre avis, d’entraîner la démarche proposée par le juge Binnie.
[60] La meilleure démarche consiste à continuer d’examiner selon la règle des confessions les allégations d’incapacité ou d’intimidation subjectives. Par exemple, dans R. c. Oickle, 2000 CSC 38, [2000] 2 R.C.S. 3, par. 61, la Cour a reconnu que l’utilisation d’éléments de preuve inexistants pour soutirer des aveux risque de créer une atmosphère oppressive et de rendre les déclarations non volontaires. Dans Singh, la Cour a souligné que la persistance à poursuivre l’entretien, surtout devant les affirmations répétées du détenu qu’il souhaite garder le silence, permet de « faire valoir sérieusement que toute déclaration obtenue par la suite ne résult[e] pas d’une libre volonté de parler aux autorités » (par. 47). Toutefois, la jurisprudence jusqu’à maintenant n’appuie pas le point de vue selon lequel la tactique, souvent utilisée par la police, de révéler petit à petit des éléments de preuve (réels ou faux) au détenu pour démontrer ou exagérer la solidité de la preuve contre lui donne automatiquement naissance au droit à une deuxième consultation avec un avocat en faisant renaître les droits garantis à l’al. 10b).
[62] Nous ne pouvons souscrire à la prétention que notre interprétation de l’al. 10b) donnera carte blanche à la police. Cet argument ne tient pas compte de l’exigence selon laquelle les confessions doivent être volontaires dans le sens large maintenant reconnu en droit. La police doit non seulement respecter les obligations qui lui incombent selon l’al. 10b), mais aussi conduire l’entretien en se conformant strictement à la règle des confessions. (...) Comme il est expliqué plus en détail dans Singh, la règle des confessions est de nature générale et englobe manifestement le droit au silence. Loin de restreindre le droit au silence garanti aux détenus par la Constitution, sa reconnaissance en tant que composante de la règle de common law le renforce, car tout doute raisonnable au sujet du caractère volontaire entraîne obligatoirement l’exclusion automatique de la déclaration. (...) On ne peut déterminer le caractère volontaire qu’en tenant compte de l’ensemble des circonstances. Comme l’a indiqué la majorité dans Singh (par. 53) :
Là encore, il faut souligner que ces situations dépendent fortement des faits de chaque affaire et que le juge du procès doit tenir compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer si le ministère public a établi que la confession de l’accusé est volontaire. Dans certains cas, la preuve permettra de conclure que la poursuite de l’interrogatoire de la police, malgré que l’accusé ait invoqué, à maintes reprises, son droit de garder le silence, a privé ce dernier de la possibilité de faire un choix utile de parler ou de garder le silence : voir l’arrêt Otis. Le nombre de fois que l’accusé invoque son droit de garder le silence entre dans l’appréciation de l’ensemble des circonstances, mais il n’est pas déterminant en soi. En définitive, la question est de savoir si l’accusé a usé de son libre arbitre en choisissant de faire une déclaration : Otis, par. 50 et 54.
(...) Comme l’a fait observer la majorité, « en fait, son analyse de la jurisprudence applicable et son examen des faits pertinents sont impeccables, particulièrement en ce qui concerne le droit de garder le silence » (par. 50). De l’avis de la majorité, il n’y avait pas lieu de modifier sa décision.
[63] (...) À notre avis, pour définir la portée du droit au silence reconnu à l’art. 7 et celle des droits connexes garantis par la Charte, il faut tenir compte non seulement de la protection des droits de l’accusé, mais aussi de l’intérêt de la société à ce que les crimes fassent l’objet d’une enquête et soient résolus. La police a l’obligation d’enquêter sur les crimes présumés et, dans l’exercice de cette fonction, elle doit nécessairement interroger des sources d’information pertinentes, y compris les personnes soupçonnées ou même accusées d’avoir commis le crime présumé. Certes, la police doit respecter les droits que la Charte garantit à un individu, mais la règle selon laquelle elle doit automatiquement battre en retraite dès que le détenu déclare qu’il n’a rien à dire ne permet pas, à notre avis, d’établir le juste équilibre entre l’intérêt public à ce que les crimes fassent l’objet d’une enquête et l’intérêt du suspect à ne pas être importuné.
[64] (...) Au contraire, comme nous l’avons déjà expliqué, nous prenons la position bien établie selon laquelle le droit à l’assistance d’un avocat s’applique essentiellement une seule fois, sauf quelques exceptions reconnues, et développons la jurisprudence existante en reconnaissant le droit à une nouvelle consultation lorsqu’un changement de circonstances rend cette mesure nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir au détenu des conseils dans sa situation nouvelle ou émergente. Nos motifs élargissent plutôt la protection dont disposent les suspects et restreignent le champ des questions de la police. (...)
[65] Nous concluons que ni les principes applicables ni la jurisprudence n’appuient la thèse selon laquelle une demande, à elle seule, suffit à redonner naissance au droit à l’assistance d’un avocat et au droit d’être informé de ce droit, qui sont prévus à l’al. 10b). Il faut qu’il y ait un changement de circonstances tendant à indiquer que le choix qui s’offre à l’accusé a considérablement changé, de sorte qu’il a besoin d’autres conseils sur la nouvelle situation pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir à l’accusé des conseils juridiques lui permettant de décider de coopérer ou non à l’enquête policière. Si les tactiques policières n’entraînent pas un tel changement, il est possible que le ministère public ne puisse pas établir hors de tout doute raisonnable qu’une déclaration subséquente était volontaire, ce qui la rendrait inadmissible. Mais il ne s’ensuit pas qu’il y a eu atteinte aux droits procéduraux conférés par l’al. 10b).
[43] Il ressort de la jurisprudence que normalement l’al. 10b) accorde au détenu une seule consultation avec un avocat. Toutefois, il est également reconnu que, dans certaines circonstances, la Constitution exige qu’on accorde au détenu une nouvelle possibilité de consulter un avocat. Comme nous l’expliquerons davantage plus loin, il s’agit généralement des cas où se produit un changement important de la situation du détenu après la consultation initiale.
[44] L’interprétation selon laquelle l’al. 10b) prévoit une seule consultation avec un avocat a été clairement exposée dans R. c. Logan (1988), 46 C.C.C. (3d) 354 (C.A. Ont.). Après avoir examiné la jurisprudence, la cour a déclaré :
[traduction] Il ressort clairement de la décision du juge Lamer dans Manninen que l’al. 10b) confère le droit, en cas d’arrestation ou de détention, d’avoir recours à l’assistance d’un avocat et d’être informé par l’avocat, avant qu’on puisse soutirer des déclarations de l’accusé. L’expression « en cas d’arrestation ou de détention » indique un moment en particulier et non un continuum. Il ne porte pas sur le droit continu de consulter un avocat chaque fois que la police risque d’obtenir une déclaration de l’accusé. Il est vrai que le mot « retain » donne une idée de continuité (The Shorter Oxford English Dictionary (1973), p. 1813), mais il concerne la fourniture de services, c.‑à‑d. la disponibilité de ces services et leur utilisation par la suite, au moment voulu. Il ne crée pas une condition préalable à toute obtention de renseignements subséquente. [p. 381.]
[46] Bien qu’elle ait reconnu qu’une deuxième consultation s’impose lorsqu’un changement de situation la rend nécessaire, la Cour ne s’est pas prononcée de façon définitive sur la question : voir Evans; R. c. Burlingham, [1995] 2 R.C.S. 206; Black; R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236. Nous examinons maintenant ces arrêts.
[47] Il faut interpréter l’alinéa 10b) de manière à respecter pleinement son objet d’étayer le droit du détenu, prévu par l’art. 7, de choisir de coopérer ou non à l’enquête policière. Normalement, une seule consultation, au moment de la mise en détention ou peu après celle‑ci, suffit pour atteindre cet objectif. Le détenu peut ainsi obtenir les renseignements dont il a besoin pour faire un choix utile quant à savoir s’il coopérera ou non à l’enquête. Toutefois, comme il ressort de la jurisprudence, il peut se produire des faits nouveaux qui rendent nécessaire une deuxième consultation pour permettre à l’accusé d’obtenir les conseils dont il a besoin pour exercer son droit de choisir dans la nouvelle situation.
[48] Selon l’idée générale qui se dégage des arrêts où la Cour a reconnu un deuxième droit de consulter un avocat, le changement de circonstances tend à indiquer qu’une nouvelle consultation s’impose pour permettre au détenu d’obtenir les renseignements dont il a besoin pour choisir de coopérer ou non à l’enquête policière. On craint, en effet, que les conseils reçus initialement ne soient plus adéquats par suite du changement de situation ou des faits nouvellement révélés.
[49] Il est évident que la police est libre de faciliter toute consultation supplémentaire avec un avocat. Il arrive parfois que l’interrogateur considère même comme une technique utile de rassurer le détenu sur la possibilité pour celui-ci de consulter de nouveau, au besoin, un avocat. Par exemple, dans le pourvoi connexe R. c. Willier, 2010 CSC 37, un interrogateur habile a commencé l’entretien en indiquant clairement au détenu qu’il était libre d’arrêter et d’appeler un avocat au cours de l’entretien. Il s’agit en l’espèce de se demander quand une consultation supplémentaire est requise aux termes de l’al. 10b) de la Charte. Il est utile d’indiquer à l’intention des interrogateurs de la police les situations où il ne fait aucun doute qu’une deuxième consultation s’impose. Les catégories ne sont pas limitatives. Toutefois, il ne faudrait ajouter que les cas où il est nécessaire d’accorder une autre consultation pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b).
1. Application de nouveaux procédés
[50] Les conseils donnés initialement par l’avocat seront orientés en fonction de ses attentes, à savoir que la police cherche à poser des questions au détenu. L’avocat chargé de conseiller le détenu au moment de la consultation initiale ne s’attend généralement pas à des procédés peu habituels, comme la séance d’identification ou le test polygraphique. Il s’ensuit qu’une nouvelle consultation est nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir au détenu les renseignements dont il a besoin pour choisir, de façon éclairée, de coopérer ou non à ces nouveaux procédés : R c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3.
2. Changement du risque
[51] Le détenu est informé dès le début de sa détention des raisons qui l’ont motivée : art. 10a). Viennent ensuite les conseils juridiques et la possibilité de consulter un avocat dont il est question à l’al. 10b). Les conseils donnés seront en fonction de la situation, telle que le détenu et son avocat la comprennent à ce stade. Si l’enquête prend une tournure nouvelle et plus grave au fur et à mesure du déroulement des événements, il se peut que ces conseils ne soient plus adéquats compte tenu de la situation ou du risque réels auxquels est confronté le détenu. Pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b), le détenu doit avoir la possibilité de consulter de nouveau un avocat et d’obtenir des conseils au sujet de la nouvelle situation. Voir Evans et Black.
3. Raisons de se demander si le détenu comprend le droit que lui confère l’alinéa 10b)
[52] S’il ressort des événements que le détenu qui a renoncé à son droit à l’assistance d’un avocat n’a peut-être pas compris son droit, la police doit l’en informer de nouveau pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) : Prosper. En termes généraux, cela peut vouloir dire que, si les circonstances indiquent que le détenu n’a peut‑être pas compris les conseils reçus initialement en vertu de l’al. 10b) au sujet de son droit à l’assistance d’un avocat, la police a l’obligation de lui accorder de nouveau la possibilité de parler à un avocat. De même, si la police dénigre les conseils juridiques reçus par le détenu, cela peut avoir pour effet de les dénaturer ou de les réduire à néant, ce qui mine l’objet de l’al. 10b). Pour faire contrepoids à cet effet, on a estimé nécessaire d’accorder de nouveau au détenu le droit de consulter un avocat. Voir Burlingham.
[53] Le principe général sur lequel reposent les arrêts examinés ci‑dessus est le suivant : si le détenu a déjà reçu des conseils juridiques, la police a, dans le cadre de la mise en application, notamment l’obligation prévue à l’al. 10b) de lui fournir une possibilité raisonnable de consulter de nouveau un avocat si, par suite d’un changement de circonstances, cette mesure est nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de la Charte de fournir au détenu des conseils juridiques quant à son choix de coopérer ou non à l’enquête policière.
[54] La jurisprudence jusqu’à maintenant offre des exemples de situations où intervient le droit à une autre consultation. Toutefois, les catégories ne sont pas limitatives. Lorsque les circonstances ne correspondent pas à une situation reconnue à ce jour, il s’agit de se demander s’il faut accorder une nouvelle possibilité de consulter un avocat pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir au détenu des conseils dans sa situation nouvelle ou émergente.
[55] D’après la jurisprudence, le changement de circonstances doit être objectivement observable pour donner naissance à de nouvelles obligations pour la police en matière de mise en application. Il ne suffit pas que l’accusé affirme, après coup, qu’il n’avait pas bien compris ou qu’il avait besoin d’aide alors qu’il n’existe aucun élément objectif indiquant qu’une nouvelle consultation juridique était nécessaire pour lui permettre d’exercer un choix utile pour ce qui est de coopérer ou non à l’enquête policière.
[56] Selon notre interprétation de ses motifs, le juge Binnie reconnaît que la Constitution exige que l’on accorde d’autres consultations avec un avocat si de nouvelles circonstances rendent cette mesure nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b). Cependant, il irait jusqu’à étendre la catégorie des cas où ce droit prend naissance, de manière à englober toutes les situations où le détenu fait une demande raisonnable à cet effet dans le cadre d’un entretien sous garde. Il établit ensuite à l’intention de la police et des tribunaux de révision une liste non exhaustive de facteurs qui peuvent fournir des motifs raisonnables pour accorder une autre consultation (par. 106).
[57] Pour autant que nous puissions en juger, la thèse selon laquelle il faut suspendre les questions jusqu’à ce que le détenu ait une possibilité raisonnable de consulter de nouveau un avocat — s’il existe un « fondement objectif » pour penser que le détenu peut avoir besoin d’autres conseils juridiques — n’est pas suffisamment liée à l’objectif de veiller à ce que le détenu demeure bien informé de la façon d’exercer ses droits. On suppose que les conseils juridiques reçus initialement sont suffisants et bons quant à la façon dont le détenu devrait exercer ses droits dans le cadre de l’enquête policière. Le fait de ne pas accorder une nouvelle consultation constitue une violation de l’al. 10b) seulement s’il devient clair, par suite d’un changement de circonstances ou de faits nouveaux, que les conseils reçus au départ, compte tenu du contexte, ne suffisent plus ou ne sont plus bons. Cette façon de voir est compatible avec l’objet de l’al. 10b) de veiller à ce que la décision du détenu de coopérer ou non avec la police soit à la fois informée et libre. (...)
[58] (...) Les détenus ont le droit absolu de garder le silence et, par conséquent, l’ultime contrôle de l’interrogatoire. Ils ont le droit de ne rien dire, de décider de ce qu’ils veulent dire et quand le dire. Il ne faut pas oublier que la possibilité de consulter de nouveau un avocat va de pair avec l’obligation pour la police de suspendre les questions jusqu’à ce que le détenu ait consulté un avocat ou qu’on lui ait accordé une possibilité raisonnable de le faire. Il se peut fort bien qu’on ait à attendre longtemps avant de pouvoir poursuivre l’interrogatoire. Les droits garantis par la Charte « doivent être exercés d’une façon qui soit conciliable avec les besoins de la société » : R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 368, p. 385. Le droit à l’assistance d’un avocat ne vise pas à permettre aux suspects, surtout les personnes bien avisées et sûres d’elles, de « retarder inutilement et impunément une enquête et même, dans certains cas, de faire en sorte qu'une preuve essentielle soit perdue, détruite ou impossible à obtenir » : Smith, p. 385. C’est pourtant le résultat que risque, à notre avis, d’entraîner la démarche proposée par le juge Binnie.
[60] La meilleure démarche consiste à continuer d’examiner selon la règle des confessions les allégations d’incapacité ou d’intimidation subjectives. Par exemple, dans R. c. Oickle, 2000 CSC 38, [2000] 2 R.C.S. 3, par. 61, la Cour a reconnu que l’utilisation d’éléments de preuve inexistants pour soutirer des aveux risque de créer une atmosphère oppressive et de rendre les déclarations non volontaires. Dans Singh, la Cour a souligné que la persistance à poursuivre l’entretien, surtout devant les affirmations répétées du détenu qu’il souhaite garder le silence, permet de « faire valoir sérieusement que toute déclaration obtenue par la suite ne résult[e] pas d’une libre volonté de parler aux autorités » (par. 47). Toutefois, la jurisprudence jusqu’à maintenant n’appuie pas le point de vue selon lequel la tactique, souvent utilisée par la police, de révéler petit à petit des éléments de preuve (réels ou faux) au détenu pour démontrer ou exagérer la solidité de la preuve contre lui donne automatiquement naissance au droit à une deuxième consultation avec un avocat en faisant renaître les droits garantis à l’al. 10b).
[62] Nous ne pouvons souscrire à la prétention que notre interprétation de l’al. 10b) donnera carte blanche à la police. Cet argument ne tient pas compte de l’exigence selon laquelle les confessions doivent être volontaires dans le sens large maintenant reconnu en droit. La police doit non seulement respecter les obligations qui lui incombent selon l’al. 10b), mais aussi conduire l’entretien en se conformant strictement à la règle des confessions. (...) Comme il est expliqué plus en détail dans Singh, la règle des confessions est de nature générale et englobe manifestement le droit au silence. Loin de restreindre le droit au silence garanti aux détenus par la Constitution, sa reconnaissance en tant que composante de la règle de common law le renforce, car tout doute raisonnable au sujet du caractère volontaire entraîne obligatoirement l’exclusion automatique de la déclaration. (...) On ne peut déterminer le caractère volontaire qu’en tenant compte de l’ensemble des circonstances. Comme l’a indiqué la majorité dans Singh (par. 53) :
Là encore, il faut souligner que ces situations dépendent fortement des faits de chaque affaire et que le juge du procès doit tenir compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer si le ministère public a établi que la confession de l’accusé est volontaire. Dans certains cas, la preuve permettra de conclure que la poursuite de l’interrogatoire de la police, malgré que l’accusé ait invoqué, à maintes reprises, son droit de garder le silence, a privé ce dernier de la possibilité de faire un choix utile de parler ou de garder le silence : voir l’arrêt Otis. Le nombre de fois que l’accusé invoque son droit de garder le silence entre dans l’appréciation de l’ensemble des circonstances, mais il n’est pas déterminant en soi. En définitive, la question est de savoir si l’accusé a usé de son libre arbitre en choisissant de faire une déclaration : Otis, par. 50 et 54.
(...) Comme l’a fait observer la majorité, « en fait, son analyse de la jurisprudence applicable et son examen des faits pertinents sont impeccables, particulièrement en ce qui concerne le droit de garder le silence » (par. 50). De l’avis de la majorité, il n’y avait pas lieu de modifier sa décision.
[63] (...) À notre avis, pour définir la portée du droit au silence reconnu à l’art. 7 et celle des droits connexes garantis par la Charte, il faut tenir compte non seulement de la protection des droits de l’accusé, mais aussi de l’intérêt de la société à ce que les crimes fassent l’objet d’une enquête et soient résolus. La police a l’obligation d’enquêter sur les crimes présumés et, dans l’exercice de cette fonction, elle doit nécessairement interroger des sources d’information pertinentes, y compris les personnes soupçonnées ou même accusées d’avoir commis le crime présumé. Certes, la police doit respecter les droits que la Charte garantit à un individu, mais la règle selon laquelle elle doit automatiquement battre en retraite dès que le détenu déclare qu’il n’a rien à dire ne permet pas, à notre avis, d’établir le juste équilibre entre l’intérêt public à ce que les crimes fassent l’objet d’une enquête et l’intérêt du suspect à ne pas être importuné.
[64] (...) Au contraire, comme nous l’avons déjà expliqué, nous prenons la position bien établie selon laquelle le droit à l’assistance d’un avocat s’applique essentiellement une seule fois, sauf quelques exceptions reconnues, et développons la jurisprudence existante en reconnaissant le droit à une nouvelle consultation lorsqu’un changement de circonstances rend cette mesure nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir au détenu des conseils dans sa situation nouvelle ou émergente. Nos motifs élargissent plutôt la protection dont disposent les suspects et restreignent le champ des questions de la police. (...)
[65] Nous concluons que ni les principes applicables ni la jurisprudence n’appuient la thèse selon laquelle une demande, à elle seule, suffit à redonner naissance au droit à l’assistance d’un avocat et au droit d’être informé de ce droit, qui sont prévus à l’al. 10b). Il faut qu’il y ait un changement de circonstances tendant à indiquer que le choix qui s’offre à l’accusé a considérablement changé, de sorte qu’il a besoin d’autres conseils sur la nouvelle situation pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de fournir à l’accusé des conseils juridiques lui permettant de décider de coopérer ou non à l’enquête policière. Si les tactiques policières n’entraînent pas un tel changement, il est possible que le ministère public ne puisse pas établir hors de tout doute raisonnable qu’une déclaration subséquente était volontaire, ce qui la rendrait inadmissible. Mais il ne s’ensuit pas qu’il y a eu atteinte aux droits procéduraux conférés par l’al. 10b).
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