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samedi 23 octobre 2010

Le nouvel article 258 Ccr, découlant des modifications législatives de C-2, est d'application rétrospective

R. c. Loiseau, 2010 QCCA 1872 (CanLII)

[26] Les divergents points de vue révélés par la jurisprudence contradictoire et la doctrine citées de part et d'autre démontrent clairement que les deux thèses qui s'affrontent se défendent bien et sont à maints égards persuasives. Cependant, j’estime que la meilleure approche consiste à qualifier les amendements du Code criminel comme étant de nature procédurale, avec pour conséquence que leur application est immédiate à compter de 2 juillet 2008.

[27] En effet, le nouvel article 258 C.cr., s'il peut frustrer les expectatives de certains accusés par rapport à l'ancienne formulation, n'a certes pas pour effet de les priver d'un droit substantiel. Or, le concept des droits acquis ne trouve pas application en matière de procédure. Contrairement à ce qu'on a pu prétendre, il ne s'agit pas ici de l'abolition d'un moyen de défense. La présomption d'identité entre les résultats des alcootests et le taux d'alcoolémie existait déjà et demeure; ce sont les possibilités, pour un accusé, de renverser cette présomption qui se sont vues restreintes. Cette restriction, si elle n'est pas sans compliquer la tâche des avocats de la défense, ne saurait toutefois être considérée comme les privant de toute forme de preuve contraire : le législateur entrevoit toujours la possibilité de renverser la présomption d'identité des résultats, bien qu'il ajuste le fardeau de présentation requis pour ce faire en fonction de la fiabilité qu'il accorde désormais aux appareils modernes.

[28] Sans être lié par l'arrêt de la Cour d'appel d'Ontario dans Dineley, et sans vouloir présumer du sort de la demande en autorisation de pourvoi à la Cour suprême, je suis d'avis qu'il est dans l'intérêt du public canadien que le droit criminel pour une infraction de cette nature soit appliqué de manière uniforme au pays.

[29] Cela dit, il y a lieu de préciser qu'un accusé qui subit un procès dans les mêmes circonstances que celles de M. Loiseau doit impérativement avoir la possibilité, dans les faits, de faire valoir la défense que la loi actuelle lui accorde. Les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Wildman c. La Reine, sous la plume du juge Lamer, alors juge puîné, demeurent d'actualité :

Cette disposition [l’article 36 d) de la Loi d’interprétation énonce la règle de common law selon laquelle il n’existe pas de droit acquis en procédure, pour autant que la mise en oeuvre de la nouvelle procédure soit, en pratique, possible.

vendredi 22 octobre 2010

L'expectative de vie privée du conducteur et du passager d'un véhicule automobile

R. c. Belnavis, [1997] 3 R.C.S. 341

La conductrice de l’automobile, qui avait apparemment obtenu du propriétaire la permission de la conduire, pouvait raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule. Fouiller le véhicule sans mandat constituait une violation de l’art. 8 de la Charte.

La passagère n’avait aucune attente en matière de vie privée que ce soit à l’égard de l’automobile ou à l’égard des articles saisis, et elle ne pouvait donc pas alléguer qu’il y avait eu violation de ses droits garantis par l’art. 8. La question de savoir si un passager peut raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans un véhicule dépend de l’ensemble des circonstances. Tous les faits pertinents entourant la présence d’un passager dans le véhicule doivent être pris en considération. En l’espèce, il est ressorti des faits que la passagère ne pouvait pas raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule. Son lien avec le véhicule était extrêmement ténu. Elle n’exerçait aucun contrôle sur le véhicule et n’en régissait pas l’accès, et elle n’a pas démontré qu’elle avait, avec le propriétaire ou la conductrice, une relation qui établirait l’existence d’un accès spécial au véhicule ou d’un privilège s’y rapportant. Il n’y avait aucune preuve qu’elle pouvait s’attendre subjectivement au respect de sa vie privée dans le véhicule. Il peut bien y avoir d’autres cas où un passager pourrait établir qu’il pouvait raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule où il prenait place.

L'état du droit concernant l'infraction de menace

R. c. Doré, 2010 QCCQ 4568 (CanLII)

[55] L'arrêt de base dans l'interprétation du texte de l'article 264.1 (1) a) est la décision de la Cour suprême du Canada dans la Reine c. Clemente (1994, 2 R.C.S. 758). Le juge Cory, au nom de la Cour, résume ainsi les deux éléments de base, l'actus reus et la mens rea de ce crime:

« Sous le régime de la présente disposition, l'actus reus de l'infraction est le fait de proférer des menaces de mort ou de blessures graves. La mens rea est l'intention de faire en sorte que les paroles prononcées ou les mots écrits soient perçus comme une menace de causer la mort ou des blessures graves, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux. » (p. 763)

[56] Quant à la nature de la menace, elle doit être examinée de façon objective et dans le contexte de l'ensemble de la conversation dans lequel elle fut prononcée. Le juge Cory reprend les propos de la Cour dans R. c. McGraw, [1991] 3 R.C.S, pour expliquer la méthode d'analyse objective :

Alors, de quelle façon un tribunal devrait-il aborder cette question? La structure et le libellé de l'al. 264.1 (1) a) indiquent que la nature de la menace doit être examinée de façon objective; c'est-à-dire comme le ferait une personne raisonnable ordinaire. Les termes qui constitueraient une menace doivent être examinés en fonction de divers facteurs. Ils doivent être examinés de façon objective et dans le contexte de l'ensemble du texte ou de la conversation dans lequel ils s'inscrivent. De même, il faut tenir compte de la situation dans laquelle se trouve le destinataire de la menace. (p. 762 dans Clemente)

[57] En somme, la question à se poser est la suivante : est-ce que les paroles prononcées par un accusé constituent une menace de blessures graves pour une personne raisonnable?

[58] Pour le juge Cory, les paroles prononcées à la blague ou de manière telle qu'elles ne pouvaient être prises au sérieux ne pourraient mener une personne raisonnable à conclure qu'elles constituaient une menace.

[59] Lorsqu'il est évident qu'une menace ne peut être exécutée par son auteur, on peut inférer que celui-ci a lancé ces propos à la blague ou tout simplement que ses paroles ont dépassé sa pensée[17]. Selon le test objectif énoncé dans Clemente, ces propos ne constitueraient pas une menace de mort ou de blessures graves pour une personne raisonnable[18].

[60] Selon le texte de l'article 264.1, la Poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que la menace soit proférée sciemment. Une menace est proférée sciemment lorsque son auteur a l'intention qu'elle soit perçue comme visant à intimider ou à être prise au sérieux. Dans l'arrêt Clemente, le juge Cory explique la méthode pour décider si une menace fut prononcée sciemment par un accusé:

[L]a question de savoir si l'accusé avait l'intention d'intimider ou si les termes qu'il a employés visaient à être pris au sérieux sera habituellement tranchée, en l'absence d'explication de la part de l'accusé, en fonction des mots utilisés, du contexte dans lequel ils s'inscrivent et de la personne à qui ils étaient destinés. (p.762)

[61] Le contexte dans lequel les mots menaçants sont exprimés peut susciter un doute quant à l'intention d'un accusé d'intimider. La cause de R. v. Dyckow, 1995 CanLII 4920 (QC C.A.), 1995 CanLII 4920 (QC C.A.) illustre bien ce principe. Dans cette cause, l'accusé, alors qu'il venait de consommer de l'alcool, entra au poste de police pour y déposer une plainte contre des policiers. Dans ce contexte, les policiers mirent alors l'appelant dehors. Enragé par cette expulsion, l'appelant aurait dit à un agent qui se trouvait alors à la porte du poste : « Je suis troisième dan en karaté, je vais te tuer. » À la suite de ces paroles, il fut ramené au poste, sans résistance et mis en état d'arrestation. Peu de temps après, l'appelant a offert ses excuses à l'agent en question. La Cour d'appel précise qu'ici, le contexte dans lequel les paroles ont été prononcées est très important. L'appelant a agi sous le coup de la colère et sous l'influence de l'alcool. Il a présenté ses excuses à deux reprises à la personne visée par les menaces et il n'y a aucune preuve que l'appelant a prononcé ces paroles en ayant l'intention d'être pris au sérieux. Considérant ceci, la Cour d'appel a annulé le jugement de première instance et a acquitté l'appelant.

mercredi 20 octobre 2010

Les peines pour importation de quantité significative d'héroïne

R. c. Debo, 2010 QCCQ 8663 (CanLII)

[22] R. v. Sidhu:

A 21 year old drug courrier pleaded guilty to importing 9.6 kilograms of heroin. It had a purity of 61 to 77 %. He had no prior convictions. The Ontario Court of Appeal found that the 8 year sentence imposed by the trial judge was inadequate and modified the sentence, after an extensive review of the jurisprudence, to 14 years and 9 months.

[23] La Reine c. Jose Elmer Rayes Vigil:

The accused was 27 years old and was found guilty of conspiracy to import and attempting to import 1.6 kilograms of heroin with a purity of 100 %. The accused had no prior convictions and the sentence imposed was 11 years and 11 months.

[24] R. c. Chetrit:

The accused was 54 years old without any prior convictions. He was convicted of importing of 2.6 kilograms of heroin. Although the first instance judge sentenced him to 19 years this was reduced to 17 years because of his collaboration with the authorities, which led to the arrest of his accomplices in Europe.

[25] R. v. Yazdani:

A 25 year sentence imposed for 2 co-accused for importing heroin was confirmed by the Quebec Court of Appeal. Both appellants were sophisticated drug dealers who were not involved in an isolated incident. In the case of Mr. Yazdani, he was on parole following a sentence of 4 1/2 years imprisonment for possession for the purpose of trafficking when he was arrested. The Court set the range for this type of crime between 15 and 25 years depending on the participation of the offender and the collaboration offered after his arrest, the accused's attitude, the quantity of drugs, his prior convictions and the nature of the prior convictions.

[26] R. c. Hooter:

A 25 year old accused was found guilty of importing 3 kilograms of heroin. His involvement was more than that of a simple courrier as he was in fact involved in obtaining heroin from its producers or wholesalers. He received a 20 year sentence after serving 6 months of preventative custody.

[27] R. v. Murugesu:

The accused was 50 years old. He was found guilty of importing 4.7 kilograms of heroin. He had prior convictions but not in similar matters. He acted as a courrier and received a sentence of 20 years.

[28] R. v. El Kassem:

The accused was 20 years old and pleaded guilty to importing 7.1 kilograms of heroin with 88 % of purity. He had one conviction unrelated to drug offences and received a sentence of 20 years.

[29] R. v. Adekolu:

The accused was found guilty of importing 1.5 kilograms of heroin. She was a 31 year old mother of 5 children with no prior convictions. She acted as a courrier. She received a sentence of 13 years.

[30] R. v. Kwok:

The accused was found guilty of importing 3.5 kilograms of heroin. He was not a simple a courrier but an overseer, who had the responsibility of supervising the courriers and ensuring that the delivery of the drugs was carried out. The Ontario Court of Appeal reduced an 18 year sentence to 15 years, in order to render the sentence commensurate with that of his co-accused, a courrier who received a sentence of 13 years.

[31] R. v. Huang:

Two co-accused were found guilty of conspiracy to import 7 kilograms of heroin with a purity of between 90 and 96%. They were both 34 years old and had no criminal record. The sentence imposed was 15 years.

[32] R. v. Soufi:

The accused was found guilty of importing almost 5 kilograms of heroin. His role was that of a courrier and he was sentenced to 13 years.

Lorsque la poursuite consent à la mise en liberté, il est inapproprié pour celle-ci de réclamer par la suite une peine de détention ferme

R. c. Dufort, 2010 QCCQ 8662 (CanLII)

[40] Lorsque la poursuite consent à la mise en liberté dans un tel cas alors qu’elle avait toutes les raisons de s’y opposer, il est inapproprié de réclamer par la suite une peine de détention ferme après une aussi longue période durant laquelle un changement drastique de comportement s’est produit chez l’accusé.

[43] Après autant d’efforts considérables pour reprendre sa vie en main, est-il juste et équitable d’infliger une peine de détention ferme à un individu qui a tenté de faire pénétrer des stupéfiants à l’intérieur d’une institution carcérale? Étant donné la situation exceptionnelle et les circonstances particulières de cette affaire, il faut répondre par la négative à cette question. Le processus de mise en mise en accusation, le consentement à sa mise en liberté et la démonstration particulièrement convaincante de sa réhabilitation permettent de conclure à une situation justifiant une peine dans la collectivité. Cette inférence n’a pas pour effet d’occulter l’importance des objectifs de dénonciation et dissuasion générale en matière de trafic de drogue dans une institution carcérale lesquels requièrent habituellement, dans un tel cas, l’imposition d’une peine d’emprisonnement ferme.

[44] Dans le cadre d’un processus d’individualisation de la peine, il y a lieu, dans ce cas particulier, de s’écarter des peines d’emprisonnement ferme généralement octroyées en pareille matière sinon, pour paraphraser l’énoncé de la Cour d’appel du Québec dans un dossier de voies de fait graves et autres, cela « équivaudrait à infliger de façon automatique une peine de pénitencier [en l’espèce, une peine de détention inférieure à 2 ans], quelque soit la situation personnelle de l’accusé, lorsque de telles infractions sont commises » : R. c. Garceau, 2010 QCCA 326 (CanLII), 2010 QCCA 326, paragr. 7.

dimanche 17 octobre 2010

En matière de drogues dures, les tribunaux ont depuis longtemps privilégié les objectifs de dénonciation et de dissuasion dans l'imposition des peines

R. c. Albert, 2009 QCCQ 6279 (CanLII)

[9] Les principes de détermination de la peine sont codifiés aux articles 718 et suivant du Code criminel de même qu'à l'article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

[10] En matière de drogues dures, telles que la cocaïne et la méthamphétamine, les tribunaux ont depuis longtemps privilégié les objectifs de dénonciation et de dissuasion dans l'imposition des peines.

[11] Dans R. c. Smith, 1987 CanLII 64 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 1045, monsieur le juge Lamer écrit :

« Ceux qui cèdent à l'appât du gain en important et en vendant des drogues dures sont responsables de la dégénérescence progressive, mais inexorable d'un bon nombre de leurs semblables, en raison de l'état de dépendance vis-à-vis de la drogue qui se crée chez ces derniers. Du fait qu'ils constituent la cause directe des épreuves que subissent leurs victimes et leurs familles, on doit faire en sorte que ces importateurs assument eux aussi leur juste part de culpabilité pour toutes les sortes de crimes graves innombrables que commettent les toxicomanes en vue de satisfaire à leur besoin de drogue. Avec égards, j'estime que de telles personnes, à quelques rares exceptions près (par exemple la culpabilité des toxicomanes qui s'adonnent à l'importation non seulement pour répondre à leurs propres besoins, mais aussi pour les défrayer, n'est pas nécessairement aussi grande que celle des non-utilisateurs insensibles), si elles sont déclarées coupables, devraient être condamnées et purger effectivement de longues périodes d'incarcération. »

[12] Dans R. c. Houle, [1991] A.Q. no 1405, repris dans Lebœuf c. R., [2006] J.Q. no 10869, monsieur le juge Proulx écrivait au nom de la Cour d'appel :

« Sans vouloir fixer un point de départ dans l'application des peines en matière de trafic de stupéfiants, cette Cour a spécifié à maintes reprises les critères généraux et particuliers qui doivent guider les tribunaux dans l'imposition de la peine. Dans le cas de celui qui, comme dans le cas présent, se livre au commerce d'une drogue dure comme la cocaïne, par appât du gain, et qui au surplus, démontre par la durée de ses activités et par sa façon d'agir qu'il est prêt à encourir le risque de son aventure si néfaste, cette Cour, comme d'ailleurs tous les tribunaux du pays, n'a pas hésité à ne privilégier finalement que l'aspect exemplaire et dissuasif de la peine, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles. »

Les éléments constitutifs de l'infraction de traite de personnes prévue par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (article 118) et certaines remarques pertinentes

Pour pouvoir accuser quelqu’un de cette infraction, la preuve doit indiquer que le suspect a :

* sciemment organisé l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes (organisé étant défini comme le fait d’avoir recruté, transporté, reçu ou hébergé la ou les victimes);
* procédé de la sorte par fraude, tromperie, enlèvement, menace ou par l’usage de la force ou de toute autre forme de coercition.

REMARQUES :

* Cette infraction ne s’applique que dans les cas où les victimes ont franchi une frontière du Canada (donc, elle ne s’applique pas aux cas de traite de personnes à l’intérieur du Canada).
* Cette infraction insiste sur la manière dont se fait l’entrée au Canada plutôt que sur le but ultime de cette entrée (c’est-à-dire l’exploitation); par conséquent, il faut qu’il y ait une preuve d’une certaine forme de recrutement trompeur, frauduleux, contraignant ou autrement irrégulier.
* Cette infraction peut s’appliquer dans des cas où les victimes n’ont pas accompli leur travail ni fourni leurs services ou ne sont pas venues dans ce but, par exemple lorsque des suspects ont amené des enfants au Canada en prétendant qu’ils étaient les leurs afin d’obtenir des prestations d’aide sociale.
* Il peut s’avérer justifié d’ajouter aux accusations prévues à l’art. 118 des accusations portées en vertu du Code criminel, comme des accusations relatives aux voies de fait, aux agressions sexuelles et au fait de proférer des menaces.

Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...