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samedi 13 novembre 2010

L'analyse de la privation par la Cour suprême de Colombie-Britannique au sujet de l'infraction de fraude

R. v. Wilson, 2003 BCSC 99 (CanLII)

[22] Deprivation need not be actual loss. It is sufficient if there is a potential for loss, that is that it imperils the economic interest of the person towards whom the accused has acted in a dishonest manner. Some of the leading cases on this issue are R. v. Olan, Hudson and Hartnett (1978), 41 C.C.C. (2d) 145 (S.C.C.); R. v. Théroux reflex, (1993), 79 C.C.C. (3d) 449 (S.C.C.) at pp.456-7; R. v. Knelson and Baran (1962), 133 C.C.C. 210 (B.C.C.A.); R. v. Wagman reflex, (1981), 60 C.C.C. (2d) 23 (Ont.C.A.) at pp.29-30. In Olan Dickson J., as he then was, giving the judgment for the court, stated at pp.150-1:

Courts, for good reason, have been loath to attempt anything in the nature of an exhaustive definition of "defraud" but one may safely say, upon the authorities, that two elements are essential, "dishonesty" and "deprivation". To succeed, the Crown must establish dishonest deprivation.

[23] The element of deprivation is satisfied on proof of detriment, prejudice, or risk of prejudice to the economic interests of the victim. It is not essential that there be actual economic loss as the outcome of the fraud. The following passages from the English Court of Appeal judgment in R. v. Allsop (1976), 64 Cr. App.R. 29, in my view correctly state the law on the role of economic loss in fraud, pp.31-2:

Generally the primary objective of fraudsmen is to advantage themselves. The detriment that results to their victims is secondary to that purpose and incidental. It is "intended" only in the sense that it is a contemplated outcome of the fraud that is perpetrated. If the deceit which is employed imperils the economic interest of the person deceived, this sufficient to constitute fraud even though in the event no actual loss is suffered and notwithstanding that the deceiver did not desire to bring about an actual loss.

We see nothing in Lord Diplock's speech [in Scott] [sic: [1975] A.C. 819] to suggest a different view. "Economic loss" may be ephemeral and not lasting, or potential and not actual; but even a threat of financial prejudice while it exists it may be measured in terms of money.

Interests which are imperilled are less valuable in terms of money than those same interests when they are secure and protected. Where a person intends by deceit to induce a course of conduct in another which puts that other's economic interests in jeopardy he is guilty of fraud even though he does not intend or desire that actual loss should ultimately be suffered by that other in this context.

[24] There must be a clear causal link between the use of fraudulent means and the deprivation: R. v. Émond, supra.

L'investisseur à qui on promet faussement des profits est victime d'une privation

R. c. J.E., 1997 CanLII 10605 (QC C.A.)

Comme on le sait, la privation n'a pas besoin d'être réelle. Il suffit qu'elle soit potentielle, c'est-à-dire qu'elle puisse mettre en péril les intérêts pécuniaires des personnes envers lesquelles on a agi de façon malhonnête.

Dans l'arrêt Olan précité, en effet, la Cour pose en effet la règle suivante:

On établit la privation si l'on prouve que les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard. Il n'est pas essentiel que la fraude mène à une perte pécuniaire réelle.

Comme l'écrivent J. GAGNÉ et P. RAINVILLE dans l'ouvrage précité, en citant d'ailleurs à ce propos l'arrêt de notre Cour dans l'affaire R. c. Rodrigue, Ares et Nantel, (1973) 17 C.C.C. (2d) 252:

L'investisseur à qui on promet faussement des profits est également victime d'une privation. La création d'une fausse certitude quant aux profits réalisables occasionne une privation du fait que la victime se dépossède en vain d'un bien qu'elle aurait pu faire fructifier ailleurs.

vendredi 12 novembre 2010

Fraude par les administrateurs d’une compagnie

R. c. Auclair, 2005 CanLII 49593 (QC C.Q.)

[196] Enfin, les administrateurs d’une compagnie commettent une fraude s’ils exposent sciemment cette dernière à un péril financier en utilisant ses actifs pour des mobiles personnels, au détriment des intérêts de la compagnie. Elle est également victime d’une fraude si elle est dépossédée clandestinement de ses avoirs sans que tous les actionnaires y aient souscrit.

La négligence de la victime, qui n’a pas su déceler à temps les manœuvres dolosives dont elle faisait l’objet, ne constitue en aucun cas un moyen disculpatoire en faveur de l’inculpé

R. c. Auclair, 2005 CanLII 49593 (QC C.Q.)

[194] En outre, la négligence de la victime, qui n’a pas su déceler à temps les manœuvres dolosives dont elle faisait l’objet, ne constitue en aucun cas un moyen disculpatoire en faveur de l’inculpé. La négligence de la victime ne contribue pas à rompre le lien de causalité requis. La responsabilité d’un délit incombe à son auteur et non pas à la victime qui a négligé de se prémunir contre une éventuelle infraction.

[195] Toujours selon les auteurs Rainville et Gagné, la fraude nécessite, à l’instar du vol, un élément de malhonnêteté. Or, la négligence ne participe pas à la malhonnêteté. La négligence est une conduite empreinte d’inadvertance. La malhonnêteté, au contraire, présuppose de la part de l’accusé un comportement adopté en toute connaissance de cause. La fraude de nature criminelle renferme un élément de turpitude morale indispensable.

Il n’est pas nécessaire que l’inculpé ait tiré profit de son geste. La fraude n’a pas à se traduire par une perte monétaire pour la victime

R. c. Auclair, 2005 CanLII 49593 (QC C.Q.)

[192] Il n’est pas nécessaire que l’inculpé ait tiré profit de son geste. La fraude n’a pas à se traduire par une perte monétaire pour la victime. La seule existence d’un risque de préjudice pécuniaire, d’une dévalorisation de son patrimoine satisfait au critère de privation. De plus, une privation n’est pas inexistante du seul fait que la victime reçoit de l’accusé une prestation d’une certaine valeur.

[193] Par contre, la privation ressentie par la victime doit lui avoir été imposée. Elle ne doit pas résulter de son accord exprès ou tacite. De fait, le risque de préjudice pécuniaire doit être de ceux que la victime n’a pas voulu courir. Tout individu a le droit d’assujettir son patrimoine à des risques.

Il faut nuancer les notions de comportement déloyal et de comportement malhonnête

R. c. Auclair, 2005 CanLII 49593 (QC C.Q.)

[190] Selon les auteurs Rainville et Gagné, le crime de fraude a pour objet de prescrire une norme d’honnêteté qui se veut minimale et uniforme. Le droit criminel n’a pas pour mission de susciter l’émulation. Il se doit d’être plus modeste et réaliste. Il se contente donc de sévir à l’encontre des comportements qui dénotent une malhonnêteté avérée. Dans la jurisprudence, on constate que les tribunaux refusent de sanctionner les écarts les plus minimes par rapport à la norme idéale d’honnêteté.

[191] Selon la Cour suprême, il faut nuancer les notions de comportement déloyal et de comportement malhonnête. Le premier est une affaire de conscience tandis que le second constitue un acte criminel. Plusieurs comportements qui enfreignent la norme des gens scrupuleux ne sont pas pour autant assujettis aux sanctions du droit criminel.

Le délit de détournement

Boma Manufacturing Ltd. c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, [1996] 3 R.C.S. 727

31. Le délit de détournement comporte une ingérence illégitime dans les objets appartenant à autrui, comme le fait de prendre, utiliser ou détruire ces objets d’une façon incompatible avec le droit de possession de leur propriétaire. Ce délit est de responsabilité stricte et l’on ne peut donc opposer, comme moyen de défense, que l’acte illégitime a été accompli en toute innocence. Le lord juge Diplock a invoqué ce principe dans l’arrêt Marfani & Co. c. Midland Bank, Ltd., [1968] 2 All E.R. 573, aux pp. 577 et 578:

[traduction] . . . que ce soit dans le sens de la connaissance par l’auteur d’un acte que cet acte est susceptible de causer un préjudice, une perte ou un dommage à autrui, ou dans le sens de l’omission de faire preuve de diligence raisonnable pour éviter de causer un préjudice, une perte ou un dommage à autrui, le concept moral de la faute ne joue aucun rôle.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...