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mardi 5 août 2014

La commission d'un crime par plusieurs personnes n'emporte pas nécessairement une conclusion de l'existence d'un complot

Valcourt c. R., 2007 QCCA 59 (CanLII)


[43]           L'infraction de complot est une infraction distincte du crime substantif que l'on a tenté de commettre ou commis. Conspirer, c'est s'entendre pour commettre un crime et l'entente est l'élément déterminant. Il faut de plus que la poursuite établisse l'intention de l'accusé de conclure une entente, d'y participer et de réaliser l'objet de cette entente : R. c. Giguère2002 CanLII 21050 (QC CA), [2002] R.J.Q. 888 (C.A.);R. c. Lacoursière2002 CanLII 41284 (QC CA), [2003] R.J.Q. 12 (C.A.); R. c. Comeau1991 CanLII 3541 (QC CA), [1992] R.J.Q. 339 confirmé à 1992 CanLII 47 (CSC), [1992] 3 R.C.S. 473; Lamontagne c. R., J.E. 99-2308 (C.A.).

[44]           Le juge du procès devait donc décider si l'ensemble de la preuve le convainquait hors de tout doute raisonnable de l'existence du complot visé à l'acte d'accusation et de la participation de l'appelant à ce complot.

[45]           En l'espèce, même en acceptant uniquement le témoignage de la victime, la preuve établit qu'au moment où il rencontre au restaurant « La Belle Province » les deux individus dans la salle de toilettes, l'appelant n'est pas présent. De plus, lorsque la victime se rend au véhicule en compagnie de Rabie, l'appelant n'est pas non plus à la voiture, mais il arrive par la suite pour monter dans le véhicule à l'arrière, côté du conducteur.

[46]           Cet aspect du témoignage de l'appelant est donc entièrement confirmé par la victime.

[47]           Outre la présence de l'appelant dans le véhicule, rien dans la preuve, à ce stade, ne laisse deviner une quelconque entente pour voler la victime. Aucun élément de preuve n'établit une entente; seule la conclusion, par le juge du procès, de la participation de l'appelant au vol commis dans le véhicule lui permet de conclure à une aventure commune.

[48]           Or, la commission d'un crime par plusieurs personnes n'emporte pas nécessairement une conclusion de l'existence d'une entente. Comme le mentionnait l'honorable Dickson dans l'arrêt R. c. Cotroni :
L'enquête importante ne porte pas sur les actes accomplis conformément à l'entente, mais plutôt sur la question de savoir s'il existe vraiment une entente.

[49]           Il faut se garder de confondre l'infraction de complot des modalités de la participation criminelle qui peuvent engendrer la responsabilité criminelle d'un complice (article 21 (1) C.cr.).

[51]           On ne retrouve dans la preuve :
-         aucune déclaration de coconspirateurs nommés à l'accusation faites dans le cadre de la réalisation de l'entente alléguée;
-         aucun acte manifeste pour sa réalisation;
-         aucune preuve de ouï-dire admissible selon l'exception à la règle en matière de complot pour établir la probabilité de la participation de l'appelant à un complot;
-         aucune preuve directement recevable contre l'appelant pour établir qu'il ait participé à un complot existant;
-         aucune preuve que l'appelant connaissait l'existence d'un complot pour voler la victime.

Les critères établis par la Cour suprême quant au caractère suffisant des motifs d'un jugement

Valcourt c. R., 2007 QCCA 59 (CanLII)


[39]           Les critères établis par la Cour suprême quant au caractère suffisant des motifs d'un jugement peuvent se résumer ainsi :
-         les motifs seront considérés insuffisants lorsque la décision ne permet pas dans le cadre d'un examen valable en appel d'en apprécier la justesse : R. c. Sheppard2002 CSC 26 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 869, 894;
-         l'absence de motifs ou leur insuffisance ne justifie pas en soi la réformation du jugement, encore faut-il que l'examen du dossier révèle que le verdict est manifestement mal fondé ou qu'il y a eu une erreur judiciaire : R. c. Braich, 2002 CSC 27 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 903, 915;
-         dans le cadre de l'analyse de la décision, l'approche globale s'impose, soit de pendre en compte toute la preuve soumise au juge du procès : R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 474;
-         dans cette démarche, de savoir si les motifs se prêtent à l'examen en appel, il faut se garder de substituer sa propre appréciation de la crédibilité des témoins à celle du premier juge : R. c. Gagnon2006 CSC 17 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 621.

[41]           Cela dit, le rejet du témoignage d'un accusé ne termine pas l'exercice du juge puisqu'il doit considérer la preuve pour déterminer la culpabilité de l'accusé : R. c. W. (D.), précité. C'est à la poursuite d'établir la culpabilité de l'accusé, et ce, hors de tout doute raisonnable. Le fait d'écarter la thèse de la défense n'équivaut pas à l'acceptation automatique de la thèse de la poursuite.

[42]           Outre sa conclusion d'une aventure commune, le juge du procès ne donne pas de motifs permettant l'examen de la justesse de sa décision en appel. Bien que les motifs d'un jugement n'aient pas à être aussi précis et détaillés que des directives à un jury, il n'en demeure pas moins que l'on doit comprendre le cheminement juridique qui a conduit à la déclaration de culpabilité : R. c. McMaster1996 CanLII 234 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 740.

lundi 4 août 2014

La preuve circonstancielle

R. c. De Vito, 2012 QCCQ 1299 (CanLII)


[73]        La preuve circonstancielle repose sur des faits qui, pris dans leur ensemble, conduisent l'esprit logique à conclure que la seule conclusion logique à en tirer est la culpabilité de l'accusé.

[74]        La preuve de la connaissance de l'accusé peut se faire au moyen d'une preuve circonstancielle.
Knowledge is a state of mind and short of an admission by a person of that state of mind, it must be found to exist in the same way as intent, by proper inferences from facts proved.

Kelly 1967 1 CCC 215 BCCA p. 222

[75]        Le juge doit donc tirer des inférences par rapport aux faits prouvés. Ces inférences doivent logiquement découler de la preuve et ne peuvent se réduire à de simples hypothèses, conjectures, suppositions ou soupçons.

White 1994 N.S.J. no 149, au para. 57, (NSCA)

[76]        Le poursuivant doit établir que la culpabilité de l'accusé est la seule inférence logique qui puisse découler des faits prouvés. Si d'autres inférences peuvent résulter de la preuve, l'accusé doit être acquitté.
Morrissey 1995 97 CCC 3d 193 (ONCA)
Griffin 2009 2 R.C.S. 42
Marc 2006 QCCA 57 (CanLII), 2006 QCCA 57

[77]        Même en matière de preuve circonstancielle, la Couronne a le fardeau de présenter une preuve, hors de tout doute raisonnable, sur l'ensemble de la preuve.

Mitchell 1964 R.C.S. 472
Cooper 1978 1 R.C.S. 860
Fleet 1998 120 CCC 3d 457, à la p. 464
Morin 1988 2 R.C.S. 345

Les règles de preuve du complot

R. c. De Vito, 2012 QCCQ 1299 (CanLII)


[64]        Lorsqu'un accusé fait face à une accusation de complot, la Poursuite peut, à certaines conditions, mettre en preuve contre celui‑ci des paroles et des gestes émanant de coconspirateurs, réalisés dans la poursuite du but commun.

[65]        La preuve par ouï-dire est admissible à l'encontre des coconspirateurs et vise les « actes manifestes ». C'est une exception traditionnelle de Common Law.

[66]        L'acte manifeste se définit comme une action, un geste ou des paroles émanant d'un coconspirateur dans la poursuite du but commun.
Koufis 1941 R.C.S. 481

[67]        La Cour suprême a précisé les conditions permettant l'utilisation de cette exception au ouï‑dire.
Carter 1982 1 R.C.S. 938
Mapara 2005 1 R.C.S. 358

[68]        À cette enseigne, le juge Robert Marchi, dans la cause de Thomas Nittolo (500‑01‑005100‑067), résume bien la méthode élaborée par la Cour suprême :
« [69]   La première étape de Carter : le juge doit d'abord décider si, en tenant compte de toute la preuve, y compris des éléments de preuve qui ne seraient pas admissibles contre certains des coaccusés, la poursuite a fait la preuve hors de tout doute raisonnable de l'infraction alléguée, sans égard à l'identité des accusés. À cette première étape, tous les éléments de preuve sont pris en compte, sans tenir compte de leur admissibilité ou de leur inadmissibilité à l'égard de l'un ou l'autre des accusés. En fait, lors de cette première étape, le juge ne tient pas compte de l'identité des membres du complot (ou de l'infraction substantive). Il s'agit en fait à cette première étape d'une infraction « anonyme ».
[70]      À la deuxième étape, le Tribunal doit décider si l'accusé est probablement membre du complot ou qu'il a probablement commis l'infraction, et ce, à partir de la seule preuve directement admissible contre l'accusé. À ce stade, les règles de l'exception au ouï‑dire relative aux coconspirateurs ne s'appliquent pas. Seule la preuve directement admissible contre l'accusé doit être prise en compte. Par contre, cette preuve directement admissible contre l'accusé ne doit pas être considérée isolément. Dans R. c. Filiault and Kane, 63 CCC (2d) 321, le juge Martin de la Cour d'appel d'Ontario écrivait, référant à l'arrêt Baron and Wertman, (1976) 31 CCC (2d) 525 :
The decision in that case does not say that a defendant's conduct or utterances must be viewed in isolation, divorced from the context in which they occured or that they cannot be interpreted against the picture provided by the acts of the alleged co‑conspirators.
[71]      La Cour d'appel écrivait essentiellement la même chose dans R. c. Langille2007 QCCA 74 (CanLII), 2007 QCCA 74, para. 9 :
It is common ground that with respect to the second stage of the test, the trier of fact may also consider evidence emanating from co‑conspirators as a backdrop, or, to put it another way, for contextual purposes. […]
[72]      Pour ce qui est de la dernière étape, le Tribunal doit alors décider de la culpabilité de l'accusé. Il doit alors décider si la poursuite a fait la preuve hors de tout doute raisonnable des éléments essentiels des infractions. À cette dernière étape, non seulement la preuve directement admissible contre l'accusé est prise en compte, mais à ce stade, l'exception à la règle du ouï‑dire s'applique à l'égard des faits et gestes posés et des paroles prononcées par les coconspirateurs dans la poursuite du but commun, pour « faire avancer le complot » (R. c. Baron & Wertman, 31 CCC (2d) 525, R. c. Paradis & Koufis, précités). Encore une fois, cette exception à la règle du ouï-dire s'applique aussi aux infractions substantives qui résultent d'une aventure commune. 

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...