Rechercher sur ce blogue

dimanche 4 mars 2018

Revue des principes en matière de divulgation de la preuve

R. c. Antoine, 2017 QCCS 1325 (CanLII)

Lien vers la décision


[151]     Dans l’arrêt R. c. Dixon, la Cour suprême reconnait que « [l]a nature même du processus de divulgation l’expose à l’erreur humaine et à la contestation ».
[152]     Le processus de communication de la preuve était imparfait dans la présente affaire, mais le dossier ne révèle pas que la poursuite ait été négligente ou insouciante à cet égard.
[153]     Certes, le Tribunal a dû prononcer une ordonnance pour rendre la communication de la preuve facilement accessible de manière électronique.
[154]     Cependant, les imperfections ou erreurs dans la communication de la preuve ne paraissent pas avoir été la source de quelques délais que ce soit à l’enquête préliminaire ou dans la gestion de l’instance en préparation du procès.
[155]     La communication de la preuve s’est réalisée, jusqu’à maintenant, d’une manière soutenue et le rythme de celle-ci n’entrave pas la gestion efficace et équitable de l’instance.
[156]     De plus, compte tenu des délais institutionnels importants auxquels les parties sont confrontées, on ne peut conclure que les problèmes entourant la communication de la preuve expliquent ou constituent la source des délais dans la présente affaire.
[157]     Cette question fait l’objet de l’attention de la Cour d’appel dans l’arrêt Gariépy c. Autorité des marchés financiers.
[158]     Le juge Mainville aborde la question de la manière suivante :
[62]      Avec respect, la question n’est pas de savoir si une communication de preuve tardive est un manquement ou non à l’obligation de divulguer, mais plutôt si les délais qui résultent d’une communication tardive doivent être qualifiés de délais inhérents, institutionnels ou imputables à des actes du ministère public aux fins de l’analyse sous le paragraphe 11b) de la Charte.
[63]      Tel que le juge Sopinka le signalait dans R. c. Morin, les délais de communication de la preuve propres à chaque affaire sont des délais inhérents :
Outre la complexité d'une affaire, il existe des délais inhérents qui sont communs à presque toutes les affaires. L'intimée a décrit ces activités comme des [TRADUCTION] « délais préparatoires ». Peu importe la manière dont on désigne ces délais, ils sont constitués d'éléments comme le recours aux services d'un avocat, les audiences en matière de cautionnement, les documents de la police et de l'administration, les communications de la preuve, etc. Tous ces éléments peuvent ou non être nécessaires dans une affaire en particulier mais chacun d'entre eux prend un certain tempsSi le nombre et la complexité de ces éléments augmentent, la longueur du délai raisonnable augmente également. De même, moins il y a d'éléments nécessaires et plus chacun d'entre eux est simple, le délai devrait être court.
[64]      Toutefois, le juge Sopinka souligne aussi que les délais résultant des défauts ou des retards en matière de communication de preuve incombent au ministère public. Ces délais « comprennent les demandes d'ajournement par le ministère public, le défaut ou le retard en matière de communication de la preuve, les requêtes en renvoi devant une autre cour, etc. ».
[65]      D’ailleurs, la juge en chef McLachlin s’exprime comme suit dans R. c. MacDougall :
Le ministère public a la responsabilité de traduire les accusés en justice: [R. c.] Askov, [1990 CanLII 45 (CSC)[1990] 2 R.C.S. 1199]. Cette responsabilité inclut l'obligation de veiller à ce que, une fois engagées, les procédures judiciaires ne soient pas indûment retardées. […] Les demandes d'ajournement faites par le ministère public et le temps mis à communiquer la preuve sont des exemples de délais qui sont reprochés au ministère publicdans l'appréciation du caractère raisonnable du délai global: voir [R. c.] Morin, [1992 CanLII 89 (CSC)[1992] 1 R.C.S. 771].
[66]      Si cet extrait de R. c. MacDougall laisse entendre que tous les délais de communication de la preuve incombent au ministère public, il faut nuancer ces propos en tenant compte de la référence faite par la juge McLachlin à l’affaire R. c. Morin et les propos qu’y tient le juge Sopinka, lesquels sont reproduits ci-dessus.
[67]      Dans R. c. Godin, le juge Cromwell s’exprime comme suit quant à la qualification d’un délai à la suite d’un retard important à communiquer une preuve pertinente :
[6] Des échantillons ont été prélevés sur la victime par écouvillonnage vaginal le lendemain des infractions reprochées, soit en mai 2005. Cependant, ce n'est que près de neuf mois plus tard, seulement quatre jours avant la date fixée pour le début du procès à la mi-février 2006, que le ministère public a reçu un rapport du Centre des sciences judiciaires (« CSJ ») révélant les résultats de l'analyse génétique. La raison pour laquelle il a fallu neuf mois pour obtenir et communiquer les résultats de l'analyse n'a jamais été expliquée.
[11] Vu les incompatibilités possibles entre les déclarations de la plaignante et la preuve criminalistique, le ministère public s'est abstenu, avec raison, de mettre en doute l'importance potentielle de la preuve ou d'insister pour que le procès débute malgré la communication tardive. Rien ne laisse croire que l'avocat du ministère public ait retardé la communication ou qu'il ait provoqué ce retard par sa faute de quelque façon que ce soit. Le retard demeure néanmoins attribuable au ministère public. C'est en effet au ministère public qu'il incombe de mener un accusé à son procès et de fournir les installations et le personnel nécessaires pour que les inculpés soient jugés dans un délai raisonnable : R. c. Askov1990 CanLII 45 (CSC)[1990] 2 R.C.S. 1199, p. 1225. Il lui incombe en outre d'expliquer les retards inhabituels attribuables aux experts en criminalistique. En l'espèce, il n'a offert aucune explication.
[68]      Des propos similaires sont tenus par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans R. v. Pidskalny :
Now, the Crown submits that not every single piece of disclosure needs to be provided to an accused before the preliminary hearing. I agree with this as a general proposition and in no way do I mean to say here that the Crown's disclosure obligations must be fully satisfied before a matter may proceed to the preliminary hearing. That is neither the state of the law nor, indeed, what occurred in this case. Nevertheless, the Crown will bear the consequences where its late or inadequate disclosure directly results in the postponement or interruption of the preliminary hearing and thereby adds to the delay (see:R. v. Thomson, at paras. 16-18). On the facts of this case, I am simply not persuaded that the judge erred in finding that the Crown's inaction with respect to timely and adequate disclosure had led to the adjournment of the preliminary hearing and, therefore, that that delay ought to be attributed to the Crown. I say this simply because I have before me the fact that a judge found Mr. Pidskalny's disclosure concerns to have been well-founded considering the nature of the case and the nature of the requested disclosure. Having no reason to look behind this finding, it would appear that Mr. Pidskalny's adjournment request was prudent and possibly staved off even further delay.
[69]      Dans l’affaire R. c. Cyr-Beauchemin, le juge Chapdelaine de la Cour du Québec s’exprime, avec raison, comme suit :
C'est pourquoi le Tribunal retient qu'à partir du moment où, dans ce dossier, la poursuite refuse, à tort, de divulguer la documentation entourant la certification de l'alcool type et des registres d'entretien (tous des renseignements raisonnablement disponibles), les délais ne peuvent être imputés au requérant en tentant de soutenir qu'il n'était pas prêt à procéder vu sa demande de divulgation. De l'avis du Tribunal, à partir de ce moment les délais engendrés par une divulgation tardive ou tatillonne doivent être imputés à la poursuite.
[70]      Ainsi, la communication de la preuve peut engendrer deux types de délais :
(a)        des délais inhérents à la communication de la preuve qui sont évalués à la lumière des circonstances de chaque cas; et
(b)        s’il y a défaut de communiquer la preuve ou s’il y a retard à communiquer celle-ci au-delà de ce qui peut être considéré comme étant les délais inhérents à l’affaire, les délais additionnels qui en résultent peuvent être qualifiés d’actes du ministère public.
de sorte que l’analyse des circonstances de chaque affaire est importante pour qualifier correctement les délais de communication de la preuve.
[Les soulignements sont ceux du juge Mainville]
[159]     Dans la présente affaire, les problèmes ou erreurs liés à la communication de la preuve ne peuvent être considérés comme la source des délais qui sont principalement institutionnels.
[160]     Pour les affaires en cours d’instance avant l’arrêt Jordan, si la communication de la preuve s’avère la source de délais, il faut considérer, selon l’arrêt Gariépy, si les délais relatifs à la communication de la preuve se trouvent attribuables à la poursuite et s’ils sont justifiés. 
[161]     Lorsqu’une date de procès éloignée a été fixée en raison des délais institutionnels chroniques, le processus de communication de la preuve qui ne conduit pas à des délais supplémentaires dans le déroulement d’une enquête préliminaire ou du procès ne peut donner lieu à une critique à l’égard de la poursuite qui se verrait alors inéquitablement attribuer la responsabilité de délais sans conséquence sur la progression d’un dossier.
[162]     En effet, dans le cadre d’une demande fondée sur l’alinéa 11 b) de la Charte, la poursuite ne peut être tenue responsable des délais entourant la communication de la preuve seulement s’ils entrainent des délais identifiables qui empêchent ou retardent la fixation d’une date d’une enquête préliminaire ou du procès et qui ralentissent le déroulement de l’instance.

La préparation d’un cahier de procès

R. c. Antoine, 2017 QCCS 1325 (CanLII)

Lien vers la décision

[165]     La préparation d’un cahier d’un procès fait l’objet de discussions lors des conférences de gestion présidées par le juge coordonnateur.
[166]     Aucun délai ne semble avoir été fixé pour le dépôt de ce cahier de procès.
[167]     Certes, il aurait pu être préparé avant que sa confection ne soit ordonnée lors de la gestion de l’instance.
[168]     Il convient de rappeler la finalité d’un cahier de procès.
[169]     Le cahier de procès est un outil pour faciliter la gestion de l'instance.
[170]     Il facilite la préparation du procès pour le juge de gestion de l’instance et du procès. 
[171]     Il favorise aussi le droit à une défense pleine et entière de l’accusé qui peut mieux se préparer en vue du procès.
[172]     Selon l'art. 551.2 C. cr., la gestion de l'instance vise, dans la mesure du possible, à ce que la preuve sur le fond soit présentée sans interruption.
[173]     À cette fin, la poursuite et les accusés doivent identifier les questions qui doivent être résolues avant le début du procès et la présentation de la preuve.
[174]     Le cahier de procès facilite la gestion de l'instance en ce qu'il identifie la preuve qui sera présentée par la poursuite : l'identité des témoins et la teneur du témoignage qu'ils rendront, la durée de ce témoignage, tel qu'évalué par la poursuite (interrogatoire chef et contre-interrogatoire), les documents, pièces ou expertises qui seront déposés et la pertinence de la preuve (testimoniale, documentaire ou autre) à l'égard des différents chefs d'accusation, des éléments essentiels de ces accusations, des différents accusés ou de certains moyens de défenses.
[175]     Sans un cahier de procès qui lui fournit une connaissance précise de la preuve qu'entend présenter la poursuite, le juge responsable de la gestion de l'instance ne peut jouer le rôle que lui confèrent les articles 551.1 et suivants du Code criminel.
[176]     Dans une telle situation, le juge de gestion d'instance ne peut : 1) aider les parties à déterminer les témoins à entendre, en tenant compte de la situation et des besoins de ceux-ci; 2) les encourager à admettre des faits ou à conclure des accords; 3) les encourager à examiner toute question qui favoriserait la tenue d'un procès équitable et efficace; 4) trancher toute question qui peut l'être avant le stade de la présentation de la preuve sur le fond ou identifier celles qui peuvent l'être à ce stade.
[177]     Sans un cahier de procès, le juge de gestion de l'instance peut difficilement établir des horaires, imposer des échéances et fixer la durée de la présentation des différentes requêtes et la durée du procès lui-même.
[178]     Le cahier de procès constitue un outil privilégié pour l’évaluation de la durée du procès.
[179]     À cet égard, sa préparation à l’aube ou au début de la gestion de l’instance s’avère préférable. Sa disponibilité au moment de fixer la date et la durée d’un procès représente un atout considérable, même il ne s’agit pas d’un préalable incontournable.
[180]     Il faut se rappeler que la poursuite possède le droit d’avoir une stratégie de procès et de la modifier en cours de route, pourvu que la modification n’entraîne aucune iniquité pour l’accusé.
[181]     La durée anticipée et révisée du procès des accusés se situe autour de 4 mois. Les accusés considèrent qu’une évaluation plus réaliste de la durée du procès aurait permis la fixation d’une date de procès plus rapprochée.
[182]     Encore une fois, il faut rappeler que l’évaluation de la durée du procès n’a pas fait l’objet de contestation lors de sa fixation.
[183]     La suggestion que la production plus contemporaine d’un cahier de procès aurait permis la fixation d’une date plus rapprochée en raison d’une durée plus courte relève une fois de plus, d’un révisionnisme spéculatif.

Le privilège relatif au litige et sa portée

R. c. Antoine, 2016 QCCS 5047 (CanLII)

Lien vers la décision

[24]        Dans l’arrêt Blank c. Canada (Ministre de la Justice), la Cour suprême examine la portée du privilège relatif au litige que les tribunaux américains désignent comme le attorney work product.
[25]        Selon le juge Fish, le privilège relatif au litige et le privilège de la consultation juridique servent une cause commune : l’administration sûre et efficace de la justice conformément au droit. En outre, ils sont complémentaires et n’entrent pas en concurrence l’un avec l’autre. Le privilège relatif au litige crée une « zone de confidentialité » à l’occasion ou en prévision d’un litige. Le privilège relatif au litige prend naissance et produit ses effets même en l’absence d’une relation avocat-client et il s’applique sans distinction à toutes les parties, qu’elles soient ou non représentées par un avocat. La partie qui se défend seule a autant besoin d’une « zone de confidentialité » qu’une partie représentée par avocat; elle devrait donc y avoir droit.
[26]        Dans l’arrêt R. c. Daveyla Cour suprême examine la question de savoir si les opinions formulées par les policiers au sujet de candidats jurés doivent être communiquées à l’accusé.
[27]        La juge Karakatsanis résume ainsi l’argumentation présentée par la poursuite :
[44]      L’intimée répond que l’obligation de communication ne s’est jamais appliquée aux opinions et aux connaissances générales des poursuivants et de la police (à l’exception des opinions pouvant constituer des éléments de preuve). De simples opinions exprimées par des personnes liées à la poursuite que la Couronne consulte en vue du procès, relativement à des décisions de nature tactique ou discrétionnaire, ne sont pas assujetties à l’obligation de communication. Le seul fait que ces opinions pourraient être utiles à la défense ne fait pas naître une obligation de communication. L’intimée assimile les annotations en cause aux analyses, opinions et stratégies protégées par le privilège relatif au litige ou le privilège relatif au produit du travail de l’avocat.
[28]        Ainsi, comme le fait voir ce passage, le privilège relatif au litige protège les analyses, opinions et stratégies de la poursuite et des corps policiers.
[29]        Les auteurs de l’ouvrage The Law of Evidence, Fourth Edition, décrivent la règle en ces termes :
§14.198 Litigation privilege applies to the work product of the Crown in a criminal case and includes the work produced by the police for the preparation of the trial. It would not include similar work produced by the police during the investigation stages leading up to the prosecution of the accused, which would be subject to disclosure obligations.
[30]        Les principes formulés dans l’arrêt R. c. Davey sont utiles à l’identification des principes qui devraient recevoir application en l’espèce.
[31]        Voici comment la juge Karakatsanis formule ses observations :
[46]      Il me semble que des impressions générales, des faits possédant un caractère notoire dans la communauté ou relevant d’une connaissance personnelle, des rumeurs ou des intuitions n’ont pas à être communiqués : voir Yumnu, par. 64. Dans la mesure où l’information à la base de tels renseignements peut être aisément trouvée par des membres de la communauté, elle n’est pas liée au rôle que joue la poursuite en qualité d’agent de l’État ou à l’accès disproportionné de la Couronne à certaines ressources, et cette dernière n’est pas tenue de communiquer de l’information qu’il est facile d’obtenir autrement. La même logique s’applique aux renseignements concernant un candidat juré qui sont aisément accessibles sur Internet. De plus, les sentiments subjectifs, les intuitions ou les soupçons des membres de l’équipe chargée des poursuites au sujet de candidats jurés ne suscitent pas « la crainte prépondérante que la non-divulgation n’empêche l’accusé de présenter une défense pleine et entière » : Stinchcombe, p. 336. Par exemple, la Couronne n’aurait donc pas à communiquer des observations concernant le comportement d’une personne en salle d’audience ou encore des opinions basées sur l’expérience générale, le jugement ou des renseignements publics.
[47]      Lorsque la Couronne obtient des renseignements susceptibles d’avoir une incidence sur le processus de sélection du jury, elle doit les communiquer à la défense. Comme l’a reconnu notre Cour dans McNeil, par. 24 : « . . . le ministère public ne peut justifier la non-communication de renseignements pertinents en faisant valoir que le service de police chargé de l’enquête a omis de les lui communiquer ». Bien que cette déclaration ait été faite dans le contexte de l’obligation de la police de communiquer des renseignements pertinents découverts durant une enquête sur un crime, elle s’applique tout autant dans le contexte des recommandations que formule un policier à propos de la composition d’un jury sur la foi d’informations recueillies dans le cours d’activités d’application de la loi. La Couronne doit s’enquérir du fondement des opinions qui lui sont fournies et déterminer si ces opinions reposent sur de l’information raisonnablement exacte et émanant de sources fiables.
[48]      Cela ne veut pas dire que la Couronne a l’obligation de communiquer les opinions exprimées par les policiers en plus de l’information sur laquelle ces opinions sont fondées. Tant que l’information à la base des opinions est communiquée, la défense a alors accès aux éléments sur lesquels repose l’opinion et elle pourra en tirer ses propres inférences en vue de l’utilisation de ses récusations péremptoires.
[49]      Toutefois, lorsqu’une policière possède des renseignements pertinents pour le processus de sélection du jury — qu’elle les ait obtenus dans son rôle de policière ou en tant que membre de la communauté concernée —, elle doit les communiquer. Lorsque des policiers font partie de l’équipe chargée de la poursuite, ils ont eux aussi l’obligation d’appuyer l’administration de la justice en communiquant de tels renseignements.
[Le soulignement est ajouté]
[32]        Les accusés soutiennent que les éléments de preuve recherchés sont raisonnablement utiles pour : 1) réfuter la preuve de la poursuite; 2) procéder à une contre-expertise de la traduction des communications privées que la poursuite souhaite présenter en preuve; 3) attaquer la crédibilité du policier qui a traduit ces communications du créole au français; 4) attaquer la force probante de la traduction préparée par ce policier.
[33]        En matière de communication de la preuve, l’arrêt Stinchcombe rejette l’adoption d’une approche restrictive, car la poursuite doit pêcher par inclusion. Bien que l'obligation de la poursuite ne soit pas absolue, elle admet peu d’exceptions. Cette approche s'applique à plusieurs égards : la définition de la pertinence, la portée de la notion « des fruits de l’enquête », les autres renseignements qui se rapportent manifestement à la poursuite engagée contre l’accusé, la détermination de la preuve sous le contrôle ou en possession de la poursuite, la réduction de l’écart entre la communication de la preuve et la preuve en possession des tiers (bridging the gap between first party disclosure and third party production) et l’application des privilèges.

La divulgation électronique est permise si l'information est raisonnablement accessible

R. c. Antoine, 2016 QCCS 5047 (CanLII)

Lien vers la décision

[39]        La poursuite a admis que même si la communication de la preuve est complétée, le support numérique actuel est inadéquat. En effet, la jurisprudence pose le principe que la divulgation électronique est utile si l'information est raisonnablement accessible. Ce n’est pas le cas pour l’instant.

L’obligation des policiers de rédiger des notes


R. c. Antoine, 2016 QCCS 5047 (CanLII)

Lien vers la décision


[20]        Dans l’arrêt Wood c. Schaeffer, la Cour suprême examine la question de l’obligation des policiers de rédiger des notes.
[21]        Selon le juge Moldaver, les policiers ont l'obligation de rédiger des notes exactes, détaillées et exhaustives dès que possible après l'enquête. L'obligation de rédiger des notes constitue, à tout le moins, un aspect implicite de l'obligation qu'a tout policier de faciliter le dépôt d'accusations et le déroulement des poursuites. L'importance que revêtent les notes prises par un policier aux yeux du système de justice pénale est évidente. Les notes de l'enquêteur constituent souvent la toute première source d'éléments de preuve concernant la perpétration d'un crime. Leur teneur se rapproche possiblement le plus de ce que le témoin a effectivement vu ou vécu. Comme elles représentent le premier constat dressé, les notes sont susceptibles d'être le compte rendu le plus fidèle.
[22]        Dans l’arrêt R. c. Vu, le juge Cromwell souligne l’importance pour les policiers de prendre des notes lors de l’exécution d’un mandat de perquisition, particulièrement lors de la fouille d’un ordinateur. Il écrit :
[70]      Cela dit, la fouille des ordinateurs en l’espèce présente toutefois deux aspects assez troublants. Premièrement, le sergent Wilde a admis dans son témoignage qu’il avait intentionnellement omis de prendre des notes durant cette fouille afin de ne pas avoir à témoigner sur les détails de celle-ci. Il s’agit là d’une conduite clairement répréhensible, qui ne saurait être tolérée. Bien que je ne décide pas, en l’espèce, que de telles notes sont requises sur le plan constitutionnel, les policiers devraient à mon avis prendre des notes sur la façon dont la fouille est effectuée, sauf en cas de situations pressantes ou inhabituelles. La prise de notes est particulièrement souhaitable lors de la fouille d’ordinateurs, étant donné que les policiers pourraient ne pas être en mesure de se rappeler en détail comment ils y ont procédé. Deuxièmement, tout comme la juge de première instance, je suis préoccupé par le fait que le sergent Wilde a obtenu des éléments de preuve en fouillant, après l’expiration de l’ordonnance de détention, l’un des ordinateurs qui avaient été saisis. Cette fouille visait toutefois l’ordinateur de sécurité, et la preuve ainsi recueillie n’est pas contestée en vertu du par. 24(2), comme je l’ai expliqué précédemment.
[Le soulignement est ajouté]
[23]        Compte tenu des arrêts Michaud et Wood c. Schaeffer, l’exigence formulée dans l’arrêt Vu requiert la prise de notes sur la manière dont la surveillance électronique est effectuée, car les policiers (ou les agents civils, le cas échéant) pourraient ne pas se rappeler en détail comment ils y ont procédé. Il va de soi que ces notes doivent être communiquées aux accusés à moins qu’une règle de droit, tel qu’un privilège, ne s’y oppose.

L'ampleur de la divulgation de la preuve et son organisation (intelligibilité)

R. c. Quan, 2016 QCCQ 170 (CanLII)

Lien vers la décision

[58]        Or, rien au dossier ne permet d’inférer que les droits constitutionnels des accusés, que ce soit en raison de l’ampleur insurmontable de la divulgation de la preuve ou de son incapacité à comprendre la preuve à venir, ont été violés.
[59]        Le dossier ne contient aucune demande de la défense visant à faire circonscrire la preuve divulguée, ou demandant des précisions ou des éclaircissements quant à la preuve qui sera déposée au procès ou encore la confection d’un cahier de procès.
[60]        La défense plaide qu’elle ne croit pas avoir d’obligation de faire de telles demandes. Le Tribunal n’est pas d’accord. Si pour quelque raisons que ce soit, la défense considère que la divulgation de la preuve est inadéquate, que ce soit parce qu’elle est incomplète ou qu’au contraire elle est tellement volumineuse qu’elle ne sera utile que si elle est circonscrite ou organisée de façon à pouvoir être efficacement consultée (voir par exemple R. c. Oszenaris (2008), 2008 NLCA 53 (CanLII)62 C.R. (6th) 47), elle doit agir de façon diligente pour assurer d’obtenir une divulgation adéquate (R. c. Bramwell 1996 CanLII 156 (CSC)[1996] 3  R.C.S. 1126R. c. Girimonte (1997), 1997 CanLII 1866 (ON CA)12 C.R. (5th) 332).
[61]        Lors de son témoignage, la gendarme Gagné a démontré au Tribunal de quelle façon est organisée la preuve divulguée, laquelle est offerte sur format informatique.
[62]        Le Tribunal fut à même de constater que la présentation de la preuve est conviviale, qu’elle permet de repérer relativement facilement les documents recherchés, que plusieurs résumés ou sommaires expliquent ce que démontrent les éléments de preuves qui y sont joints.
[63]        Le Tribunal note également qu’en aucun temps la défense n’a prétendu ne pouvoir procéder en raison de son incapacité à préparer le procès, le jury ayant même été choisi.
[64]        Le Tribunal note également que lors de l’exercice de gestion fait en utilisant la liste des témoins de la poursuite, la défense fut à même d’évaluer la durée prévue de ses contre-interrogatoires ainsi que celle d’une possible défense.
[65]        De plus, les discussions en salle d’audience quant aux admissions sollicitées par la poursuite révèlent un niveau étendu de compréhension de la preuve.

La requête en cassation de l’acte d’accusation direct


R. c. Quan, 2016 QCCQ 170 (CanLII)

Lien vers la décision


[39]        Il y a lieu dans un premier temps de rappeler la norme d’intervention lorsqu’on demande à un tribunal d’examiner le comportement de la poursuite dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.
[40]        À cet effet, récemment, dans l’arrêt Anderson, la Cour suprême du Canada vient justement de préciser ce qu’englobe le pouvoir discrétionnaire de la poursuite et les circonstances pouvant en justifier l’examen et le contrôle.
[41]        Parlant pour la Cour, le juge Moldaver mentionne spécifiquement que le pouvoir de procéder par voie de mise en accusation directe fait partie de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la poursuite (para. 44).
[42]        Il rappelle cependant que l’exercice de ce pouvoir ne permet pas au poursuivant de se libérer de ses obligations constitutionnelles (para. 45).
[43]        Bien que ce pouvoir ne soit pas à l’abri de toute surveillance, le juge Moldaver rappelle que les tribunaux doivent faire preuve de grande déférence envers l’exercice de celui-ci et s’abstenir de le remettre en cause systématiquement. Cette déférence permet le respect du principe du partage des pouvoirs de notre système démocratique et garantit l’efficacité du système de justice criminelle et pénale, ce pouvoir se prêtant particulièrement mal à l’exercice du contrôle judiciaire (para. 46).
[44]        Pour ces raisons, le pouvoir discrétionnaire de la poursuite ne doit faire l’objet d’une intervention judiciaire que dans les seuls cas où il y a abus, c'est-à-dire lorsqu’il est démontré que la conduite du poursuivant est inacceptable et compromet sérieusement l’équité ou l’intégrité du système de justice (para. 50 et 51). Le fardeau de faire la preuve d’un tel comportement par prépondérance, reposant sur les épaules du requérant (para. 52).
[45]        Qu’en est-il en l’espèce?
[46]        La défense a bien précisé qu’elle ne reproche aucune mauvaise foi ou malhonnêteté au poursuivant, plaidant plutôt que le motif invoqué par la poursuite pour justifier le dépôt d’un acte d’accusation direct n’étant pas l’un des motifs énoncés dans la ligne directrice du SPPC, elle a donc été illégitimement privée de l’enquête préliminaire, ce qui amène une violation de ses droits justifiant la réparation demandée.
[47]        Le Tribunal n’est pas de cet avis. La ligne directrice du SPPC mentionne dans la section Énoncé de principe qu’il pourra y avoir dépôt d’un acte d’accusation direct que dans des circonstances impliquant des violations graves de la loi et lorsqu’il est dans l’intérêt public de procéder ainsi.
[48]        Elle énonce, entre autres circonstances, qu’il est dans l’intérêt public de déposer un acte d’accusation direct lorsque le droit de l’accusé d’être jugé dans un délai raisonnable pourrait être compromis ou lorsqu’il est nécessaire d’accélérer les procédures afin de maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice.
[49]        À première vue, les circonstances du présent dossier en mai 2013 pouvaient permettre à la poursuivante de considérer qu’il était dans l’intérêt public de procéder par acte d’accusation direct. Les procédures avaient commencé deux ans auparavant, la question des honoraires retardait toujours le dossier, les délais s’étiraient.
[50]        Il n’y a donc pas lieu, en l’absence de preuve prépondérante d’abus, de pousser plus loin l’examen de l’exercice de la discrétion de la poursuivante.
[51]        Lors de ses représentations, la défense a mis beaucoup d’emphase sur l’utilité de l’enquête préliminaire, ce qui n’est pas contesté en l’instance.
[52]        Elle a abondamment plaidé la décision de Guimond de la Cour supérieure par laquelle l’acte d’accusation direct avait été cassé. Cependant, cette décision fut renversée en appel, justement parce que la preuve d’abus de la part de la poursuivante n’avait pas été faite.
[53]        Accepter la proposition de la défense, que même en l’absence d’abus, de mauvaise foi ou de malhonnêteté, lorsqu’un acte d’accusation direct ne respecte pas les lignes directrices il doit être cassé car privant alors de façon illégitime la défense de l’enquête préliminaire, serait aller à l’encontre des enseignements de la Cour suprême dans Anderson.
[54]        Dans un premier temps, il faut se rappeler qu’en soi, l’utilisation d’un acte d’accusation direct ne contrevient pas à l’article 7 de la Charte (R. c. Ertel (1987) 1987 CanLII 183 (ON CA)35 C.C.C.(3d) 398 (OCA)) et que le droit à la tenue d’une enquête préliminaire n’est pas un principe de justice fondamentale (R. c. Arviv (1985) 1985 CanLII 161 (ON CA)19 C.C.C.(3d) 395 (OCA)). Simplement plaider qu’une enquête préliminaire aurait été utile n’est pas un argument suffisant.
[55]        Au surplus, en l’instance, la démonstration de l’atteinte aux droits constitutionnels des accusés est insuffisante.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...