Rechercher sur ce blogue

vendredi 15 septembre 2023

L’exigence des « meilleurs délais » fait partie des conditions relatives à la légalité de l’obtention des échantillons

Peters c. R., 2023 QCCS 2577

Lien vers la décision


[59]      Soulignons d’abord, en ce qui concerne cette question, que l’Appelant et l’Intimé divergent fondamentalement d’opinions en ce qui concerne le fardeau de la preuve à ce sujet.

[60]      L’Appelant plaide que ce fardeau de démontrer que le prélèvement des échantillons d’haleine s’est effectué dans les « meilleurs délais » repose sur les épaules du ministère public.

[61]      L’Intimé réplique qu’en raison des modifications apportées par le législateur en 2018 aux anciens articles 254 (3) et 258 (1) c) du Code criminel et la mise en vigueur des nouveaux articles 320.28 et 320.31 (1) C.Cr, l’exigence des « meilleurs délais » fait partie des conditions relatives à la légalité de l’obtention des échantillons. L’Intimé conclut ainsi que cela doit être soulevé dans le cadre d’une requête en exclusion de preuve, de sorte que les règles, quant au fardeau de la preuve lors d’une telle demande, établissent qu’il s’agit du fardeau de celui qui la présente.

[62]      Il ne semble pas, tout au moins aucune des parties n’en a fait la mention au Tribunal, que les tribunaux d’appel se soient penchés spécifiquement sur cette question récemment. La seule autorité citée par l’Intimé consiste dans une décision de la Cour municipale de la ville de Québec qui contient l’analyse suivante :

« [93]        Selon les articles 254(3) et 258(1) c) C.cr., antérieurs aux amendements de 2018 apportés au C.cr., les expressions « dans les meilleurs délais » et « dès que matériellement possible » avaient le même sens et la même portée. D'ailleurs, la version anglaise des dispositions utilisait l'expression « as soon as practicable » pour l'une et l'autre des expressions françaises.

[94]            Depuis les amendements de 2018, l'exigence visant à ce que les échantillons d'haleine soient obtenus « dans les meilleurs délais » ne se retrouve qu'au paragraphe (1) de l'article 320.28 C.cr. On ne retrouve pas cette exigence comme condition d'application de la présomption d'exactitude de l'actuel article 320.31(1). Cette exigence ne faisait pas partie des conditions de la présomption d'exactitude antérieure prévue à l'alinéa 258(1) g), mais plutôt de la présomption d'identité de l'ancien alinéa 258(1) c). Or, la présomption d'identité n'existe plus : elle a été remplacée par une nouvelle infraction qui sanctionne le fait d'avoir une alcoolémie égale ou supérieure à 80 mg par 100 millilitres de sang dans les deux heures qui suivent le moment où une personne a cessé de conduire.

[95]            Par conséquent, l'exigence des « meilleurs délais » fait maintenant partie des conditions législatives relatives à la légalité de l'obtention des échantillons d'haleine. Elle relève donc aussi du caractère abusif ou non de la fouille que constitue la procédure d'alcootest eu égard à la garantie constitutionnelle de l'article 8 de la Charte qui se lit comme suit :

8.   Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

[96]            Ainsi, le moyen de faire valoir un argument fondé sur le non-respect de cette exigence est la requête en exclusion de preuve. La défenderesse avait donc raison de procéder par le biais de l'article 24(2) de la Charte pour soulever la question relative au délai entourant l'obtention des échantillons d'haleine. Ceci signifie que les enseignements de l'arrêt récent Falcon de la Cour d'appel du Québec ne s'appliquent plus depuis les amendements de 2018. »[5]

[63]      Le Tribunal est d’accord avec cette application du fardeau de la preuve. En invoquant une violation de ses droits garantis par la Charte, l’Appelant a le fardeau de démontrer, de manière prépondérante, une telle violation.

L'inopérabilité de l'article 636 Ccr

R. c. Maxwell, 2022 QCCQ 9020

Lien vers la décision


[16]      Luamba is a young black man who was randomly stopped by police officers while driving, on three occasions, within a period of fourteen months. On each of these occasions, Luamba did not receive a statement of offence. Luamba filed suit against the state, alleging that the common law rule articulated in the Supreme Court Ladouceur decision and the provision of the HSC that authorized random stops of motorists violated his constitutional rights[22] and could not be justified in a free and democratic society, within the meaning of s. 1 of the Charter. According to Luamba, the common law rule and the HSC provision at issue in this case have been diverted from their main purpose, highway safety, to allow for racial profiling. Thus, Luamba asked the Superior Court to invalidate both the common law rule and the HSC provision at issue in this case, pursuant to s. 52(1) of the Constitution Act of 1982[23].

[17]      In its analysis, the Superior Court acknowledged that the question raised by Luamba regarding the violation of his right not to be arbitrary detained, guaranteed by s. 9 of the Charter, had already been decided by the Supreme Court in the 1990 Ladouceur decision. In such circumstances, the vertical stare decisis rule requires that the lower court examine the decision rendered by the higher court to determine if the rationale adopted by the higher court (its ratio decidendi) is binding or distinguishable from the matter to be decided by the lower court. If the rationale adopted by the higher court is binding, the lower court must apply that rationale[24]. A lower court is, however, entitled to depart from the rationale adopted by a higher court if a new legal issue is raised, or if there is a significant change in the circumstances or evidence[25]. With that said, in the Luamba decision, the Superior Court found that the rationale adopted by the Supreme Court in the Ladouceur decision was binding. However, the Superior Court found that it was entitled to depart from that rationale because a new legal issue had been raised[26] and because the evidence adduced established a significant change of circumstances[27]. In Short, the Superior Court concluded that it could decide “anew” the issue raised by Luamba regarding the alleged violation of his right not to be arbitrary detained.

[18]      After reviewing the evidence, the Superior Court decided that the common law rule and the HSC provision at issue in this case resulted in an arbitrary detention and therefore violated s. 9 of the Charter[28], a finding which is consistent with the Supreme Court decision in Ladouceur. However, the Superior Court found that the common law rule and the HSC provision at issue in this case could not be justified in a free and democratic society, within the meaning of s. 1 of the Charter, a finding that departs from the Supreme Court decision in Ladouceur[29]. Consequently, the Superior Court invalidated the common law rule articulated in the Ladouceur decision and the provision of the HSC that authorized random stops of motorists[30].

[19]      A declaration of invalidity made pursuant to s. 52(1) of the Constitution Act of 1982, such as to one made by the Superior Court in the Luamba decision, means that the law, whether it be a common law rule or a statutory provision, is of no force nor effect to the full extent of its inconsistency with the Constitution[31]. Such a declaration has impacts beyond the case in which it was made. As stated by the Supreme Court: “to the extent that the law is unconstitutional, it is not merely inapplicable for the purposes of the case at hand. It is null and void and is effectively removed from the statute books”[32]. In a nutshell, if it were to be applicable to the matter at hand, the declaration of invalidity made in the Luamba decision would mean that the common law rule articulated in the Ladouceur decision and s. 636 of the HSC would no longer exist. Otherwise said, police officers would no longer have the authority to randomly stop motorists outside an organized “spot-check” or “checkpoint” program.

[20]      The Luamba decision was however appealed, and its conclusions are suspended pending the appeal. This means that as of today, the common law rule articulated in the Ladouceur decision and s. 636 of the HSC are still in force. Otherwise said, the law still authorises police officers to perform random stops of motorists, even if they are not participating in an organized “spot-check” or “checkpoint” program.

Application du Code criminel sur un terrain privé

R. c. Noori, 2023 CanLII 67513 (QC CM)

Lien vers la décision


[22]        L’article 8 du Code criminel (C.cr.)[6] prévoit son application partout au Canada, sauf certaines exceptions spécifiquement prévues. Par exemple, l’article 320.24(8)[7] énonce qu’une interdiction de conduire un véhicule à moteur ne s’applique qu’à la conduite dans une rue, sur un chemin public ou une grande route ou dans tout autre lieu public. De telles restrictions n’ont pas été prévues par le législateur en lien avec l’article 320.14.

[23]        Le requérant plaide que puisque la garde ou le contrôle a eu lieu exclusivement sur un terrain privé, le Code criminel ne s’applique pas. Conséquemment, les policiers n’avaient pas les motifs raisonnables de procéder à l’arrestation. Le Tribunal ne partage pas cet avis et voici pourquoi.

[24]        Tout d’abord, afin d’appuyer ses prétentions, le requérant soumet les décisions Ramshaw[8] et Bossé[9] qui concernent des accusations de conduite pendant interdiction[10]. Les interdictions de conduire en vigueur en vertu du Code criminel, dans les deux dossiers, prévoyaient leur application sur une rue, un chemin ou une grande route ou dans tout autre lieu public. Les lieux privés sont exclus de ce type d’infraction, contrairement à notre dossier.

[25]        Il soumet également la décision M.F. c. Québec (Société de l’assurance automobile)[11], laquelle doit également être distinguée de notre affaire. Il s’agit d’une contestation d’une suspension de permis de conduire en vertu du Code de la sécurité routière (CSR)[12], à la suite d’une arrestation pour conduite avec capacités affaiblies et un taux d’alcool de plus de 80 mg par 100 ml de sang, alors que le conducteur se trouvait à l’arrière d’un terrain privé. Le CSR prévoit explicitement les lieux visés pour l’application d’une telle mesure[13].

[26]        Le Tribunal est plutôt d’opinion que les infractions de garde et contrôle avec les capacités de conduire affaiblies par l’alcool, comme dans le dossier à l’étude, peuvent se dérouler sur les terrains privés[14].

[27]        La jurisprudence reconnaît que le lieu de l’infraction peut avoir un impact lorsqu’il s’agit de déterminer la présence ou l’absence de garde et contrôle[15]. La décision Toews[16], de la Cour suprême du Canada, en est un exemple. Dans les circonstances qui nous occupent, le requérant avait effectivement la garde et le contrôle et cet élément est admis. Cette conclusion factuelle ne s’écarte pas sous prétexte que l’infraction s’est déroulée sur un terrain privé. Son intention était claire, il a pris la place du conducteur afin de tenter de déprendre le véhicule et de le remettre sur la voie publique, en circulation.

[28]        Conséquemment, les policiers avaient les motifs raisonnables de croire à la commission de l’infraction, l’arrestation était valide et la prise des échantillons par la suite également.

lundi 11 septembre 2023

Empêcher le contre-interrogatoire d'un expert lors du procès quant aux dossiers où il a agi antérieurement constitue une limite raisonnable

Marier c. R., 2014 QCCA 1113

Lien vers la décision


[20]      Pendant qu’il s’affairait à contre-interroger le docteur Faucher, l’avocat de l’appelant a voulu le questionner relativement à l’affaire Marshall, dans laquelle il avait eu à se prononcer à l’égard de la peine. L’intimée s’est aussitôt opposée en plaidant que cela ne pouvait avoir quelque pertinence au regard du procès.

[23]      Le juge a choisi d’appliquer à la situation les principes dégagés dans l’arrêt Karaibrahimovic[4] où le juge Fraser y explique en effet que :

9      The difficulty is that there is no effective way of determining with certainty the factual foundation for credibility findings in other trials. Nor could one necessarily determine if the evidence, including expert evidence, had been rejected and if so, for what reasons. Reviewing all the evidence in a prior case would not assist since this would not reveal the reasons why a trier of fact might have accepted or rejected a witness's evidence. Nor would a review of the decision in the earlier case necessarily prove determinative. If a jury verdict were involved, no reasons would have been given. And if the prior case had been a trial by judge alone, the reasons may not reveal the rationale for accepting or rejecting a witness's evidence. And even if the judgment did so, there may be compelling reasons why those considerations would not in any event apply to the present case.

10   When a decision is made which is inconsistent with an expert's opinion, it does not follow that the expert's opinion was rejected by the trier of fact on the basis that it lacked merit. Expert opinions may be rejected for several reasons, a number of which could legitimately affect a subsequent assessment of the worth of that expert's opinion, and a number of which clearly do not. A trier of fact may well have decided that an expert's opinion was not as compelling as the contrary opinion of an expert for the other side. Or that the expert was not as accomplished or experienced as another expert witness. Or that the expert was not diligent enough in the investigatory work he or she did in assessing whether the required evidentiary foundation for his or her opinion existed. All of these considerations may rightly affect the relative worth of one expert's opinion over another's. On the other hand, the trier of fact may have found that the Crown had proven the existence of other more compelling facts implicating the accused and rendering the expert's opinion redundant; or that the underlying factual foundation for the opinion had not been proven.

11   Similarly, investigating facts and issues that are collateral to a trial is precisely what the collateral evidence rule seeks to avoid: The Law of Evidence in Canada, supra, at 963. The rationale for the collateral evidence rule, that is to avoid mini-trials within trials on collateral issues, applies with equal force to cross-examining experts about the treatment of their testimony in prior cases.

[24]      L’appelant ne fait pas voir d’erreur déterminante dans la décision du juge. Le contre-interrogatoire du docteur Faucher ne pouvait porter sur la méthode qu’il y avait utilisée et les opinions émises puisque son intervention dans l’affaire Marshall ne portait pas sur l’état d’esprit de celui-ci au moment des événements. Il s’agissait plutôt d’être en mesure d’individualiser la peine qui devait être adéquate tant pour l’accusé que pour la société.

[25]      Le refus du juge du procès de permettre le contre-interrogatoire de l’expert sur un aspect collatéral ne lui a causé aucun préjudice.

vendredi 8 septembre 2023

Les circonstances inhabituelles permettant une interprétation souple du mot « immédiatement »

R. c. Breault, 2023 CSC 9

Lien vers la décision

[53]                          La Cour d’appel du Québec se dirige bien en droit lorsqu’elle indique que des circonstances inhabituelles liées à l’utilisation de l’ADA ou à la fiabilité du résultat qui sera généré peuvent justifier une interprétation souple du mot « immédiatement » figurant à l’al. 254(2)b) C. cr.

[54]                          Comme je l’ai mentionné, pour les besoins du présent pourvoi, il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’identifier dans l’abstrait et exhaustivement les circonstances pouvant être qualifiées d’inhabituelles et pouvant justifier une interprétation souple de l’exigence d’immédiateté. Il est préférable que celles‑ci soient identifiées au cas par cas, à la lumière des faits propres à chaque affaire. Cependant, afin de guider les tribunaux d’instance inférieure dans cet examen, il importe de tracer des lignes directrices.

[55]                          Premièrement, le fardeau de démontrer l’existence de circonstances inhabituelles repose sur le ministère public.

[56]                          Deuxièmement, comme dans l’arrêt Bernshaw, les circonstances inhabituelles doivent être identifiées eu égard au texte de la disposition (Piazza, par. 82). Ceci permet de préserver l’intégrité constitutionnelle de la disposition en faisant en sorte que les tribunaux n’élargissent pas indûment le sens ordinaire strictement réservé au mot « immédiatement ».

[57]                          Tout comme la disposition en cause dans l’arrêt Bernshaw, l’al. 254(2)b) C. cr. prévoit que l’échantillon recueilli doit être nécessaire à la réalisation d’une « analyse convenable », ce qui ouvre la porte à des délais causés par des circonstances inhabituelles relatives à l’utilisation de l’appareil ou à la fiabilité du résultat.

[58]                          Ceci dit, les tribunaux pourraient reconnaître des circonstances inhabituelles autres que celles directement liées à l’utilisation de l’ADA ou à la fiabilité du résultat qui sera généré. Par exemple, dans l’optique où la procédure de détection d’alcool au volant vise d’abord et avant tout à assurer la sécurité de tous, des circonstances relatives à l’urgence d’assurer la sécurité du public ou celle des agents de la paix pourraient être reconnues.

[59]                          Troisièmement, les circonstances inhabituelles ne peuvent être le résultat de considérations budgétaires ou d’efficacité pratique. Une interprétation souple de l’exigence d’immédiateté ne peut être justifiée par l’importance des fonds publics devant être affectés à l’approvisionnement des forces policières en ADA, ou par le temps requis pour former des agents à leur utilisation. De telles considérations utilitaires n’ont rien d’inhabituel. Le lot quotidien de tout gouvernement consiste à allouer des ressources budgétaires limitées (Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, par. 153).

[60]                          Quatrièmement, l’absence d’un ADA sur les lieux au moment de la formulation de l’ordre ne constitue pas en soi une circonstance inhabituelle.

[66]                          Rien dans l’al. 254(2)b) C. cr. n’indique que le Parlement avait l’intention de créer la présomption de validité que propose le ministère public. Cela étant dit, les agents de la paix qui n’ont pas d’ADA avec eux lorsqu’ils interceptent un automobiliste soupçonné d’avoir de l’alcool dans son organisme ne sont pas entièrement dépourvus de moyens. En effet, ils peuvent requérir de l’automobiliste qu’il effectue des tests de coordination comme le permet l’actuel al. 320.27(1)a) C. cr. De même, ces agents disposent des pouvoirs de common law en matière de vérification de sobriété. Lorsque cela est raisonnable et nécessaire, ils peuvent notamment questionner un conducteur légalement intercepté sur sa consommation préalable d’alcool ou lui demander de se soumettre à des épreuves physiques autres que celles prévues dans le Code criminel (R. c. Orbanski2005 CSC 37, [2005] 2 R.C.S. 3, par. 43‑49Leclerc c. R.2022 QCCA 365, par. 45‑48 (CanLII)).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...