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lundi 13 octobre 2025

La fourchette des peines en matière de complot de meurtre

R. c. Denis, 2019 QCCS 5633

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[45]        Dans R. v. Carty, la juge Fuerst de la Cour supérieure de justice de l’Ontario souligne que les décisions en matière de peine pour le complot de meurtre ne sont pas nombreuses et s’étalent sur un large spectre[34].

[46]        Les peines peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité. Ainsi dans R. v. Grewall, les accusés ont été condamnés pour meurtre au premier degré et complot de meurtre. Concernant ce deuxième chef, ils ont été condamnés à la prison à perpétuité et n’ont pas pu demander de libération conditionnelle avant dix ans en vertu de l’article 743.6(1) du Code criminel[35].

[47]        Dans R. v. MacDonald, le juge Boswell écrit que depuis Grewall, la fourchette des peines est de dix à vingt ans[36]. Cet arrêt est soumis par les deux parties.

[48]        Dans R. v. Lee, la fourchette retenue est de cinq à dix-huit ans, avec des peines plus lourdes quand des armes à feu sont impliquées[37].

[49]        Dans R. v. Holden, c’est une fourchette allant de huit à quatorze ans qui est retenue. La juge Arnold-Bailey relève que les peines les plus lourdes visent les cas « where there were criminal gang connections, multiple victims, and/or prior criminal records, or the accused faced sentencing for other offences that accompanied the offence of conspiracy to commit murder ». Aussi, la juge retient que le niveau d’implication est un facteur important[38].

[50]        Plusieurs arrêts de jurisprudence sont soumis par la défense. La majorité fait état de peines dans un contexte de plaidoyer de culpabilité ou lorsque les faits, ou sa responsabilité, sont reconnus par l’accusé[39].

[51]        Pour ce qui est de la jurisprudence où ces facteurs atténuants n’existent pas, des peines allant de cinq ans d’incarcération à une peine de perpétuité sont imposées[40].

[52]        De sa propre lecture de la jurisprudence, le Tribunal constate que le spectre des peines en matière de complot de meurtre est très large. Cependant, lorsque l’objet du complot de meurtre se réalise, les peines sont à l’extrémité supérieure de la fourchette, avec des peines de très longue durée reflétant la gravité objective de l’infraction[41].

On ne peut s’attendre à ce qu’une personne qui se défend contre une attaque, raisonnablement appréhendée, évalue avec précision la mesure exacte de l’action défensive nécessaire

Toussaint c. R., 2025 QCCA 1155

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[14]      Le fardeau repose sur le poursuivant de prouver hors de tout doute raisonnable que la défense ne s’applique pas. Ainsi, un doute raisonnable sur chacune des trois exigences de base mènera à un acquittement.

[15]      Ces exigences sont les suivantes :

1)   le catalyseur (34(1)a) C.cr.) – la personne accusée doit croire, pour des motifs raisonnables, qu’on emploie la force ou qu’on menace de l’employer contre elle ou quelqu’un d’autre;

2)   le mobile (34(1)b) C.cr.) – le but subjectif de la réaction à l’emploi de la force (ou à la menace d’emploi de la force) doit être de se protéger soi-même ou de protéger autrui;

3)   la réaction (34c) C.cr.) – la personne accusée doit agir de façon raisonnable dans les circonstances.[5]

[16]      En l’espèce, le poursuivant concède le catalyseur, soit que l’appelant croyait raisonnablement que la force était employée contre Roussin-Bizier, et le mobile, soit que le coup porté à la victime avait pour but de défendre ou de protéger Roussin-Bizier. La juge note correctement que seule la troisième exigence, soit la raisonnabilité de la réaction de l’appelant, est en litige[6].

[36]      La juge conclut que « [les facteurs] favorables à l’accusé, principalement celui en lien avec son rôle de pacificateur et le peu de temps dont il disposait pour réagir, ne font pas le poids devant la force excessive et disproportionnée qu’il a utilisée »[18]. La nature de la menace ne justifiait aucunement d’utiliser, avec force, une canne comme arme pour frapper la tête de la victime, d’autant plus que l’appelant connaissait les conséquences possibles d’une commotion cérébrale : il s’agit d’un comportement « hautement dangereux et complètement disproportionné en réaction à la menace d’un coup au visage »[19].

[37]      En résumé, malgré la violence du premier coup porté par la victime et la menace sérieuse et imminente que la violence se poursuive, deux éléments retenus dans le jugement font échec au troisième critère du moyen de défense[20] : premièrement, l’existence d’autres moyens pour parer l’emploi éventuel de la force (par. 34(2)b) C.cr.), et deuxièmement, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force (par. 34(2)g) C.cr.). La défense de légitime défense est repoussée, selon la juge, précisément parce que l’appelant a choisi i) de frapper la victime à la tête plutôt que de la frapper ailleurs ou d’user d’un autre moyen pour protéger son cousin, comme une diversion, et ii) d’utiliser une arme, ce qui rend la force utilisée par l’appelant excessive et disproportionnée.

[38]      Une revue des motifs de la juge quant à ces deux éléments met en évidence des erreurs qui résultent de l’application d’une norme juridique aux faits. Il s’agit donc d’une question de droit susceptible de contrôle par la Cour au regard de la norme de la décision correcte[21].

[39]      Premièrement, la conclusion de la juge selon laquelle l’appelant a fait le « choix de frapper [la victime] à la tête »[22] est une inférence dégagée de la preuve vidéo, que la juge a visionné au ralenti et qu’elle décortique seconde par seconde dans le jugement[23]. Or, l’analyse doit porter sur les circonstances telles qu’elles se présentaient à l’appelant. De plus, bien que la vidéo démontre clairement que la victime a été atteinte à la tête par le coup porté par l’appelant, la juge omet de considérer le « choix » de ce dernier, en l’occurrence comment et où frapper, dans le contexte précis d’un geste défensif et immédiat, destiné à faire cesser l’agression contre son cousin.

[40]      Rappelons que deux secondes s’écoulent entre le moment où la victime frappe violemment le cousin de l’appelant et le coup de canne qu’elle reçoit à la tête[24]. L’appelant disposait donc d’une fraction de seconde pour réagir à la « menace sérieuse »[25] qui pesait sur son cousin. Néanmoins, la juge conclut qu’un autre choix s’offrait à lui pour repousser l’attaque. Elle écrit :

[304]   Toutefois, le peu de temps qu’il avait pour réfléchir ne justifie pas que T ait choisi de frapper F... B. à la tête. Son choix de le frapper à la tête plutôt que sur une autre partie de son corps n’a rien à voir avec le temps dont il disposait pour choisir la façon de faire cesser l’attaque. Il n’avait qu’à créer une diversion pour détourner l’attention de F... B..., ce qui aurait permis à R-B de se sauver ou de se défendre. D’ailleurs, au moment où T donne le coup de canne, R-B est déjà en train de se sauver.

[Soulignements ajoutés]

[41]      Ce raisonnement fait abstraction d’un principe cardinal du cadre analytique en matière de légitime défense qui ne permet pas d’imposer rétroactivement à l’accusé le devoir de mener une réflexion approfondie avant d’agir.

[42]      Ce principe, énoncé il y a plus de 50 ans dans l’arrêt Baxter[26], demeure fondamental dans l’évaluation de la raisonnabilité d’un geste posé en légitime défense. La Cour suprême le souligne de nouveau dans Khill[27] :

[205]   Premièrement, la réalité pratique est que [traduction] « les personnes en situation de danger, ou même de danger perçu, n’ont pas le temps de réfléchir de façon approfondie, et que des erreurs d’interprétation et de jugement seront commises » (Paciocco, p. 36). Vu cette réalité, l’analyse relative à la légitime défense a toujours reconnu qu’on [traduction] « ne peut s’attendre à ce qu’une personne qui se défend contre une attaque, raisonnablement appréhendée, évalue avec précision la mesure exacte de l’action défensive nécessaire » (R. c. Baxter (1975), 1975 CanLII 1510 (ON CA)27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.), p. 111; R. c. Hebert, 1996 CanLII 202 (CSC)[1996] 2 R.C.S. 272, par. 18). […]

[43]      Le juge qui examine la proportionnalité de la réponse défensive d’un accusé ne doit pas remettre en question une réaction qui ne pouvait être mesurée avec précision dans le feu de l’action. Dans Deslauriers c. R., le juge Chamberland note ceci[28] :

[27]      Dans son évaluation du caractère raisonnable, ou non, des gestes posés par la personne qui se défend en réaction à la force qu’on emploie, ou menace d’employer, contre elle, le juge doit se rappeler que les personnes confrontées à des situations stressantes et dangereuses n’ont pas le luxe d’une réflexion approfondie et elles commettront inévitablement des erreurs de jugement et de fait, par exemple dans l’évaluation de la force requise pour contrer la menace. Leurs actes ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection.

[Renvois omis]

[44]      Dans Robitaille Drouin c. R., le juge Ruel, s’exprimant pour la Cour, explique fort bien le principe[29] :

[35]      Le droit de repousser une attaque comprend celui de répliquer physiquement. En ce qui concerne l’ampleur de la réplique, la personne qui agit en légitime défense ne peut être tenue de mesurer, et peut de toute manière ne pas être capable de calibrer avec précision dans le feu de l’action le degré de force requis pour repousser une agression imminente. Il faut éviter d’évaluer la proportionnalité de la réponse en rétrospective et de manière non contextualisée, en se fondant uniquement ou exagérément sur la gravité des blessures qui ont été occasionnées au plaignant.

[Renvois omis]

[45]      En reprochant à l’appelant de ne pas avoir choisi de frapper ailleurs afin de minimiser les dommages (puisqu’il « connaissait les conséquences possibles d’une commotion cérébrale »[30]) et de ne pas avoir plutôt créé une diversion, la juge procède à une évaluation en rétrospective, possiblement exacerbée par le visionnement de la vidéo au ralenti[31]. Cette revue de la preuve néglige de prendre en compte la réalité d’une réaction instinctive et immédiate au danger, bien qu’elle reconnaisse que l’appelant n’avait « pas eu beaucoup de temps pour réfléchir à d’autres moyens pour faire cesser l’attaque »[32]. La juge commet ainsi une erreur en exigeant une réaction mesurée et réfléchie dans les fractions de seconde suivant l’agression par la victime envers son cousin.

[46]      Quant au « choix » de l’appelant « d’utiliser une arme », la juge omet de le considérer dans le contexte qu’elle avait pourtant résumé, soit que l’appelant avait déjà sa canne en main lorsqu’il a réagi à l’attaque contre son cousin[33].

[47]      À ne point en douter, les conséquences de ce coup sont dévastatrices. Toutefois, la raisonnabilité de la réaction de l’appelant ne peut s’analyser en fonction de la gravité des blessures occasionnées à la victime. Au contraire, un juge doit bien se garder de ne pas être influencé par les conséquences tragiques – malheureusement souvent présentes dans des dossiers mettant en cause une légitime défense.

Conclusion

[48]      Malgré une revue soignée des principes de droit applicables, la juge a commis une erreur de droit dans l’application du cadre d’analyse du caractère raisonnable de la force utilisée. Sa conclusion, à savoir que la force utilisée était « excessive et disproportionnée »[34], résulte d’une analyse en rétrospective du seul coup porté par l’appelant.

La possession d'une arme et la violence sont considérées comme des circonstances aggravantes lors de la détermination de la peine en matière de possession en vue de trafic de stupéfiants

R. v. Oickle, 2015 NSCA 87


[24]        I am satisfied the sentencing judge was wrong to interpret s. 10 of the CDSA as she did, finding that the presence of the weapons did not trigger s. 10(2) of the Act so that the weapons were an aggravating factor in the sentencing. The respondent had pleaded guilty to possession of a replica gun for a purpose dangerous to the public peace, contrary to s. 88(2) of the Code. There were other weapons in his immediate proximity. It appears the sentencing judge felt that he had to actually have weapons in hand to trigger the operation of s. 10(2) of the CDSA. The sentencing judge failed to acknowledge the presence of the replica handgun, baton and knife in close proximity to the driver in a vehicle driven by a person in possession of Schedule 1 drugs, for the purpose of trafficking.  As noted in R. v. Greencorn2014 NSPC 10:

[6 ]   The combination of drugs with firearms, particularly prohibited firearms -- such as Mr. Greencorn's sawed-off 12 gauge -- is emblematic of the level of danger that this sort of trade poses to the public. It is not at all uncommon to find those who traffic in cocaine and other illegal substances armed with illegal firearms. The risks of this trade are obvious. Someone's going to try to rip you off or you try to rip someone else off or someone's not getting paid on time, …

[25]        Section 10(2) of the CDSA makes it clear that if a weapon is carried, used or threatened to be used in relation to the commission of an offence under s. 5(2) of the CDSA, that it is an aggravating factor.  The presence of weapons in the motor vehicle in immediate proximity and readily accessible by the person who possessed narcotics in cases such as this, I am satisfied, constitutes the carrying of a weapon envisaged by s. 10(2) of the CDSA whether those weapons are in hand or simply in his immediate proximity. I am satisfied that the presence of the weapons should have been considered an aggravating circumstance in this case. (See Hanabury v. The Queen1970 CanLII 1091 (PE SCTD), [1970] P.E.I.J. No. 9 (S.C.) ¶ 15 and 16R. v. Crawford1980 CanLII 2889 (ON CA), [1980] O.J. No. 1047 (C.A.) ¶6).

[26]        I cite with approval R. v. Myroon2011 ABPC 36:

[52]     Carrying and possessing are related terms. Indeed, the Dictionary of Canadian Law (3rd edition) defines the word carry as including "to store or to possess." Other dictionary definitions differentiate between the two terms. Possess is a transitive verb which is used in many contexts. Carry is also used in different contexts. For example, in the Canadian Oxford Dictionary (2nd Edition) sets out the three primary meanings of "carry" as follows:

"carry - verb (-ries, -ried)

1 - transitive support or hold up, esp. while moving.

2 - transitive convey with one from one place to another.

3 - transitive have on one's person (should the police carry guns?; I never carry much money with me)."

 

[53]     The courts have also recognized that offence of carrying an offensive weapon can be committed when the item is hidden in a vehicle that is in the care or control of the accused.

 

[54]     In R. v. Hanabury (1971), 1970 CanLII 1091 (PE SCTD), 1 C.C.C.(2d) 438 (P.E.I.S.C.) (Hanabury) the police found a bayonet under the front seat on the driver's side. The accused argued that he was not carrying a concealed weapon. Nicholson J. disagreed and wrote at p. 444:

"The main argument advanced by the appellant on this appeal was that the appellant was not carrying the weapon in question. As is said in the ground of appeal, "the evidence showed that the accused did not carry a weapon, but showed that the accused had a weapon in his motor vehicle." I am unable to accept this contention, and I am of the opinion that a person could be convicted under s. 85 of the Criminal Code on a charge of "carrying a concealed weapon" if he is carrying a weapon in an automobile of which he has the care and control. In this modern day, with the use of automobiles so widespread, it cannot be seriously contended that the section of the Code relating to the carrying of weapons is restricted to carrying the weapon on or about the person of the accused."

 

[55]     Hanabury was cited with approval by the Ontario Court of Appeal in R. v. Crawford (1980), 1980 CanLII 2889 (ON CA), 54 C.C.C. (2d) 412 (Ont. C.A.).

 

[56]     Both these cases involved circumstances where the accused was the driver and the knife was under the driver's floor mat.

 

[57]     The ordinary grammatical meaning of the word "carries" in the section must be considered in light of the other terminology in the section. Included in that consideration is the object of the section.

 

[58]     In Felawka the Court explained the object of the s. 90(1) as follows:

"Perhaps a solution can be arrived at by considering the aim or object of the section itself. There is something extremely menacing and intimidating about the presence of a naked weapon. There is something even more sinister in the presence of a concealed weapon. No doubt the legislators enacting s. 89 believed that weapons are usually concealed by persons on the way to commit crimes or after leaving the scene. Clearly then one of the goals of the section is to discourage the prospective bank robber who might be apprehended on the way to the bank with a sawed-off shotgun concealed in his pant leg. Yet, I think the section has a wider aim. All Canadians have the right to feel protected from the sinister menace of a concealed weapon. If it was ever thought that it was lawful to carry concealed weapons more and more Canadians might come to believe it would be prudent for them to carry concealed weapons in order to defend themselves and their families. This might lead to a vigilante attitude that could all too readily result in an increase in violence in Canadian society. Canadians are well satisfied with the security provided by the close regulation of the ownership and use of firearms. They have every right to expect the concealment of weapons would also be prohibited or properly regulated. To fulfil the aim and object of s. 89, it would then appear that the requisite intent or mental element should be that the accused intended to hide from others an object he knew to be a weapon."

 

[59]     Applying the object of the section, the jurisprudence and the ordinary grammatical meaning of "carry" it is clear that it is meant to apply to situations where movement of an object is taking place or might take place. It can also apply to situations where a concealed weapon is readily handy.

 

[60]     In this case, the accused had the knife on his person and was conveying the weapon in a motor vehicle. There could be little doubt that he was "carrying" that weapon.

[27]        The meaning of the word “carry” in s. 10 of the CDSA should be given the same meaning as set out in Myroon above in relation to s. 85 of the Criminal Code.

[28]        The sentencing judge should have considered the presence of the weapons including the replica handgun, and the close proximity of those items to the driver as an aggravating factor.

Le demandeur a le fardeau de démontrer, par prépondérance de probabilités, l’abus de procédure allégué

Longchamps c. R., 2021 QCCA 700


[23]      Dans l’arrêt Kreiger c. Law Society of Alberta[9], la Cour suprême a examiné l’évolution et la nature de la charge de procureur général du Canada. Elle a confirmé que son indépendance constitue un principe constitutionnel[10]. Cela exige que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire soit protégé contre l’ingérence des tribunaux, sauf en cas d’abus de procédure[11]. La Cour suprême a défini le « pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites » et précisé qu’il comprend non seulement le pouvoir d’intenter des poursuites criminelles, mais aussi celui d’ordonner un arrêt des procédures :

43  L’expression « pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites » est une expression technique. Elle ne désigne pas simplement la décision discrétionnaire d’un procureur du ministère public, mais vise l’exercice des pouvoirs qui sont au cœur de la charge de procureur général et que le principe de l’indépendance protège contre l’influence de considérations politiques inappropriées et d’autres vices.

[…]

46  Sans vouloir être exhaustifs, nous croyons que le pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites comprend essentiellement les éléments suivants : a) le pouvoir discrétionnaire d’intenter ou non des poursuites relativement à une accusation portée par la police; b) le pouvoir discrétionnaire d’ordonner un arrêt des procédures dans le cadre de poursuites privées ou publiques, au sens des art. 579 et 579.1 du Code criminel; c) le pouvoir discrétionnaire d’accepter un plaidoyer de culpabilité relativement à une accusation moins grave; d) le pouvoir discrétionnaire de se retirer complètement de procédures criminelles; e) le pouvoir discrétionnaire de prendre en charge des poursuites privées. Même s’il existe d’autres décisions discrétionnaires, celles‑ci constituent l’essentiel du pouvoir souverain délégué qui caractérise la charge de procureur général.[12]

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[24]      Lorsqu’il est question du « pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites », les tribunaux interviennent seulement en cas d’abus de procédure[13]. Dans R. c. Anderson[14], la Cour suprême note que l’abus de procédure a été décrit de diverses façons et elle observe qu’« [i]ndépendamment des termes employés, l’abus de procédure s’entend essentiellement d’une conduite du ministère public qui est inacceptable et qui compromet sérieusement l’équité du procès ou l’intégrité du système de justice »[15].

[25]      Le demandeur a le fardeau de démontrer, par prépondérance de probabilités, l’abus de procédure allégué[16]. Avant qu’une allégation d’abus de procédure soit examinée par un tribunal, le demandeur doit établir l’existence d’une preuve suffisante, car « les tribunaux ne doivent pas examiner les motifs qui sous‑tendent les actes résultant de l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites s’ils ne peuvent s’appuyer sur une preuve suffisante »[17]. Cette exigence assure le bon fonctionnement du système de justice en autorisant le juge du procès à refuser de procéder à l’audition de la preuve lorsque la partie qui le demande est incapable de démontrer « qu’il est raisonnablement probable que cette audience aidera à résoudre les questions soumises au tribunal »[18]. Cette exigence « respecte la présomption selon laquelle ce pouvoir est exercé de bonne foi »[19].

[26]      À la suite des arrêts Nixon et Anderson, la Cour d’appel de l’Ontario a décrit les deux avenues qui s’offrent au demandeur pour satisfaire son fardeau initial de preuve de la façon suivante :

51  While it is clear from Nixon that a "bare allegation" on its own will not meet the requisite threshold, it does not follow that an accused must produce extrinsic evidence (i.e. evidence extrinsic from the settlement offer itself) in order to meet the burden. A requirement for extrinsic evidence would be irreconcilable with the Supreme Court's conclusion in Nixon that repudiation of a plea agreement in and of itself is not a bare allegation and meets the evidentiary burden. The impugned act of prosecutorial discretion may be sufficient on its own to meet the threshold burden.

52  Two avenues to meeting the threshold emerge from the Supreme Court's decisions in Nixon and AndersonFirst, the threshold evidentiary burden will be met if the accused adduces evidence that the prosecutor exercised its discretion in bad faith or for improper motives: see Anderson, at para. 55.

53  Second, as in Nixon, the threshold may also be met where a discretionary decision is so rare and exceptional in nature that it demands an explanation[…]

54  Justice Charron did not set out criteria for determining what else might qualify as a "rare and exceptional event". In my view, the sole criteria cannot be that the decision or type of decision is infrequently made, as unusual decisions may result simply from the nature of a particular prosecution. I would infer from Nixon that a Crown discretionary decision may qualify as a rare and exceptional event when the decision itself raises the court's concern about the Crown's exercise of discretion. As quoted above, Charron J. noted that repudiation of a plea agreement was more than a bare allegation because it was evidence that the Crown had gone back on its word. A second important aspect of a rare and exceptional event is, in my view, that the Crown's decision must implicate interests that are of "crucial importance to the proper and fair administration of justice". In Nixon, this interest was that plea agreements be honoured.

55  Meeting the threshold evidentiary burden is of course only the first step that an accused faces in proving an abuse of process. If the threshold burden is met, the Crown is given an opportunity to explain the reasons behind its exercise of discretion. If no explanation is forthcoming, an adverse inference may be made against the Crown. The burden remains on the accused to establish an abuse of process on a balance of probabilities. Even if an accused establishes an abuse of process, a stay will only be warranted in "the clearest of cases".[20]

[Soulignements ajoutés]

[27]        L’ordre de l’intimée d’arrêter les procédures n’est pas une décision rare ni exceptionnelle. Le juge ne commet aucune erreur de droit relativement au fardeau de la preuve nécessaire en pareille situation. Au paragraphe 60 de son jugement, il écrit, à bon droit, qu’il incombe au demandeur de prouver l’abus de procédure par prépondérance des probabilités[21]. Il exige correctement la satisfaction d’un fardeau initial de faire une preuve suffisante avant d'examiner « les motifs qui sous-tendent les actes résultant du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites »[22]. La notion et l’étendue du fardeau initial ont été expliquées par le juge Cournoyer dans l’affaire R. c. Antoine :

[21]  Selon les principes formulés dans l’arrêt Anderson, la poursuite ne sera pas tenue de fournir une explication ou de faire connaître ses motifs au sujet de la présentation d’un acte d’accusation direct à moins que les accusés ne satisfassent un critère préliminaire de preuve, un fardeau initial (« threshold burden »), soit une preuve suffisante, c’est-à-dire, une preuve vraisemblable de la mauvaise foi de la poursuite ou du caractère inapproprié de ce qui l’a animée lorsque cette décision a été prise.

[22]  La preuve suffisante requise pour ordonner la communication de la preuve des raisons justifiant la présentation d’un acte d’accusation direct doit rendre vraisemblable l’abus de procédure selon une probabilité raisonnable.

[23]  Une simple allégation d’abus de procédure ne justifie pas la tenue d’un examen de cette question ni la communication d’éléments de preuve à cet égard.[23]

[28]        Au paragraphe 75 de son jugement, le juge écrit « rien dans la preuve du requérant ne rend vraisemblable l’abus de procédure allégué selon le critère de la probabilité raisonnable qui empêche les recherches à l’aveuglette et assure une utilisation efficace des ressources judiciaires ».

[29]        Selon son évaluation, les allégations de l’appelant reposent entièrement sur des hypothèses et des conjectures, ce qui n’est pas suffisant pour justifier l’examen du pouvoir discrétionnaire du ministère public[24]. En réalité, l’appelant conteste l’appréciation par le juge de la suffisance des éléments soumis pour satisfaire son fardeau initial. En pareille matière, la Cour ne peut intervenir sans l’identification d’une erreur manifeste et déterminante[25], ce que n’a pas démontré l’appelant.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...