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dimanche 19 octobre 2025

En règle générale, la médiatisation d’une affaire ne constitue pas en soi un facteur atténuant

Fruitier c. R., 2022 QCCA 1225

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[67]      En règle générale, la médiatisation d’une affaire ne constitue pas en soi un facteur atténuant. Cela ressortait déjà des propos de la juge L’Heureux-Dubé, alors de la Cour d’appel, dans l’arrêt Marchessault c. R, où elle place le statut social d’un délinquant et la médiatisation d’un procès au rang de « circonstances non aggravantes »[61], c’est-à-dire neutres.

[68]      Cette proposition appelle cependant certaines nuances, bien illustrées dans le récent arrêt Harbour c. R.[62] Le juge Vauclair, qui rédige les motifs de la Cour d’appel, y note que « [l]’impact médiatique, pris comme le simple dévoilement du crime et de son auteur, n’autorise pas en soi à inférer, dans la plupart des cas, des conséquences qui en feraient un facteur atténuant »[63]. Cela dit, les circonstances particulières de cette affaire Harbour[64] en faisaient un cas où la médiatisation avait eu des effets concrets et préjudiciables, allant bien au-delà du seul dommage infligé à la réputation d’un accusé, d’où une pondération attentive par la Cour des divers impacts possibles de la médiatisation selon la jurisprudence et à la lumière des faits de l’espèce[65]. Condamné en première instance à six mois d’emprisonnement dans la collectivité, l’appelant voyait sa peine réduite par la Cour d’appel à une ordonnance d’absolution conditionnelle, soit à une probation de 12 mois assortie de quelques autres conditions. Le juge Vauclair commentait : « Trois ans après les faits, alors qu’il avait réussi à réintégrer le marché du travail, [l’appelant] perd ses emplois [deux fois de suite] en raison de la médiatisation des accusations. Des lettres non contredites le confirment. Toujours selon la preuve, une condamnation met à risque son emploi actuel. L’appelant vit maintenant une situation financière précaire. Clairement, la réinsertion sociale de l’appelant passe principalement par la possibilité de réintégrer le marché du travail. »[66] En d’autres termes, la situation particulière de l’intéressé avait eu pour conséquence dans son cas que la médiatisation lui avait causé un préjudice distinct du dévoilement public de ses agissements et qu’elle faisait anormalement obstacle à sa réhabilitation et sa réinsertion sociale. Mais encore faut-il le démontrer, et non simplement avancer une vague hypothèse dans ce sens.

[69]      En l’absence d’une telle démonstration, la médiatisation ne pourra se qualifier comme circonstance atténuante que si la couverture médiatique a été « démesurée, abusive ou oppressive »[67].

[70]      Qu’en est-il ici? Le juge de première instance a estimé à ce sujet que la médiatisation du dossier n’était pas en l’occurrence un facteur « permettant à lui seul d’imposer une peine qui soit inférieure à la fourchette établie »[68]. S’appuyant sur un arrêt de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador, il a jugé que l’appelant « devra non seulement subir la peine imposée mais il devra aussi en subir les sanctions sociales, lesquelles seront plus importantes compte tenu de sa notoriété »[69]. Cette conclusion comporte-t-elle une erreur réformable en appel?

[71]      L’appelant n’ayant pas témoigné au procès, il n’y a au dossier aucune preuve directe de sa part sur les conséquences de la couverture médiatique de l’affaire, conséquences que l’appelant qualifie néanmoins dans son argumentation de définitives et de disproportionnées. Certes, son voisin Gobeil, qui est à la fois son ami et un de ses aidants naturels, a témoigné que depuis le dépôt des accusations, l’appelant se comportait en reclus. Il aurait été dévasté par la tournure des événements. Mais le juge n’a pas tiré une impression favorable de ce témoignage, qu’il qualifie de complaisant et d’offert par un témoin « qui avait un message à passer »[70]. Il est difficile de revenir en appel sur une détermination de ce genre, qui touche à la crédibilité du témoin.

[72]      Par ailleurs, il ne s’agit pas ici d’un cas où la preuve étayait une conclusion selon laquelle la médiatisation de l’affaire avait entraîné la déchéance de l’appelant. Il ne s’agit pas non plus d’un cas où la preuve démontrait que la couverture médiatique de l’affaire avait été « démesurée, abusive ou oppressive » – d’autant que le dossier ne recèle aucune preuve de l’ampleur de la couverture médiatique. Vu l’ensemble de ce qui s’y trouve, on en déduit que le juge n’était certainement pas tenu de considérer la médiatisation comme une circonstance militant en faveur d’un allègement de la peine. En somme, sur ce point, rien n’établit l’existence d’une erreur réformable en appel.

Comment apprécier l’âge et l’état de santé d’un accusé lors de la détermination de la peine?

Fruitier c. R., 2022 QCCA 1225

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[61]      L’appelant est né le [...] 1930. Il avait donc 90 ans au moment de l’audience sur la peine, il en avait 91 au moment du jugement sur la peine et il en a 92 aujourd’hui.

[62]      Les tribunaux reconnaissent que l’âge avancé d’un contrevenant peut être pris en considération dans l’application des principes et objectifs de la détermination de la peine, « mais uniquement dans des circonstances […] limitées »[46]. Il s’agit d’un facteur d’individualisation et d’harmonisation de la peine, mais non pas d’un facteur atténuant à proprement parler[47]. Comme l’explique la Cour d’appel, sous la plume du juge Levesque[48] :

Lorsque l’expectative de vie du délinquant est limitée, les objectifs de détermination de la peine perdent leur valeur fonctionnelle. Dans une telle situation, la discrétion du juge appelé à prononcer la peine doit être utilisée avec circonspection afin « de se garder d’imposer des peines d’une durée déterminée qui dépassent tellement le nombre d’années qu’il reste de façon prévisible au contrevenant à vivre […] .

L’âge du contrevenant est donc un facteur dont le juge chargé de prononcer la peine peut tenir compte afin de s’assurer que celle-ci ne dépasse pas « toute estimation raisonnable du temps qu’il reste normalement à vivre au délinquant »[49].

[63]      En règle générale, cependant, ce facteur doit être évalué à la lumière de l’état de santé du contrevenant en regard de son expectative de vie[50]. Ainsi, le fait qu’il soit d’un âge avancé ne constitue pas en soi un facteur d’allégement de la peine dans l’établissement d’une peine d’incarcération, « à moins qu’il ne ressorte de la preuve que ce dernier n’a que peu de perspectives de compléter sa peine avant son décès »[51]. En l’absence d’une telle preuve, les principes usuels de la détermination de la peine s’appliquent[52]. Le juge chargé de la peine ne doit pas spéculer sur la possibilité que l’état de santé du délinquant se détériore à la suite du prononcé de la peine.

[64]      En ce qui concerne plus spécifiquement l’état de santé du contrevenant considéré en tant que tel, les professeurs Parent et Desrosiers synthétisent en ces termes l’état actuel de la jurisprudence[53] :

Indépendante de toutes considérations relatives à la gravité de l’infraction ou au degré de responsabilité du délinquant, la clémence parfois affichée par certains tribunaux à l’égard de la santé précaire de l’accusé repose à la fois sur des motifs pratiques et humanitaires. Pratiques, tout d’abord, puisque l’administration d’un prisonnier nécessitant un suivi médical constant ponctué de nombreuses visites à l’hôpital pose de sérieux problèmes d’ordre organisationnel. Humanitaires, ensuite, car la présence d’une maladie qui est sur le point de sceller le destin d’une personne en phase terminale ou qui fragilise sa capacité à purger sa peine au point de la rendre insupportable doit être prise en considération par un tribunal.

[65]      Le juge de première instance a tenu compte en l’occurrence de l’âge avancé de l’appelant mais il a conclu que, malgré ses 91 ans, celui-ci était « relativement en bonne santé ». Selon lui, les problématiques soulevées par la preuve médicale au dossier « remont[ai]ent soit à plusieurs années ou encore sembl[ai]ent inhérentes à son âge »[54]. Conformément à l’arrêt O’Reilly, il n’a pas voulu spéculer sur l’évolution future de la condition médicale de l’appelant. Il a néanmoins pris soin de situer la condition de ce dernier au regard de la jurisprudence qu’on lui citait, y compris les affaires R.P.[55] (délinquant souffrant d’une maladie dégénérative neurologique, présentant de nombreuses limitations et se dirigeant vers la mort à court ou moyen terme), A.E.S.[56] (délinquant atteint d’un cancer de la prostate de stade 4 et présentant une espérance de vie d’environ 13 mois) et J.E.B.[57] (délinquant affligé de plusieurs maladies, incluant une maladie pulmonaire obstructive chronique [« MPOC »], laquelle rendait son incarcération dangereuse[58]).

[66]      En Cour du Québec, la preuve relative à l’état de santé de l’appelant consistait en deux éléments : une lettre signée par la Dre Suzanne Côté[59] et le témoignage de M. Jean Gobeil, un voisin de l’appelant. Ces éléments de preuve font bien état de la fragilité de l’appelant — tant sur le plan de sa santé physique que de sa santé psychique — et des risques pour sa santé qui pourraient potentiellement se matérialiser en raison du stress lié à son emprisonnement. Mais, rappelons-le, le fait que l’état de santé d’un contrevenant soit douteux ou précaire et que l'emprisonnement puisse constituer pour lui un fardeau additionnel ne suffit pas à justifier un allègement de la peine[60]. La jurisprudence exige la preuve d’une maladie grave et incurable; d’une maladie ou d’une condition médicale à laquelle les services carcéraux ne seront pas en mesure de répondre; ou encore d’un état de santé très grave qui comporte, au moment du prononcé de la peine, une très lourde déchéance permanente et débilitante. Aucune telle preuve n’a été offerte en l’espèce. De même, toute considération de connaissance d’office mise à part, aucune preuve n’a été produite quant à l’espérance de vie de l’appelant. Dans ces conditions, il est impossible de conclure que sous ce rapport le jugement entrepris est entaché d’une erreur justifiant sa réformation en appel.

[97]      Au moment où l’avocat de l’appelant demandait le report de l’audience au fond et annonçait son intention de déposer une preuve nouvelle au dossier, l’appelant avait déjà subi son procès, au cours duquel il était représenté par avocat, le verdict avait été rendu à l’issue de ce procès, il n’avait pas été porté en appel, et la peine avait été prononcée plus d’un an après le verdict, en août 2021. Cela étant, toute prétention que l’appelant, à ce stade et en appel, était « inapte à subir son procès / unfit to stand trial » au sens de l’article 2 C.crdoit être écartée parce que dénuée d’assise en fait en première instance et parce qu’elle est juridiquement inapplicable à l’appel[87]. Et en l’occurrence, une quelconque analogie avec le régime de l’article 672.11 C.cr. est de nature à brouiller les pistes et à lancer le débat dans la mauvaise direction, comme on peut le déduire de certains arrêts de cours d’appel[88]. Toute confusion de ce genre[89] doit maintenant être dissipée pour recadrer le pourvoi et l’aborder sous l’angle approprié : quel peut être l’effet, juridiquement parlant, de la condition de l’appelant, au stade où nous en sommes?

[98]      J’ai déjà considéré en termes généraux et aux paragraphes [60] à [66] quelle importance peut acquérir au moment du prononcé de la peine la condition ou l’état de santé d’une personne déclarée coupable d’une infraction criminelle. Mais la question mérite d’être approfondie pour deux raisons. Premièrement, le juge qui a prononcé la peine ignorait tout de la preuve additionnelle maintenant versée au dossier. Deuxièmement, à la différence du juge de première instance, nous ne sommes pas ici avant le prononcé de la peine, mais après, au stade de la mise en application de la peine. Et en l’absence d’une erreur de principe commise par le juge, la Cour ne peut intervenir. Or, je crois qu’une jurisprudence récente peut nous éclairer sur la meilleure façon d’aborder la question.

[99]      Le problème qui se pose ici s’est posé dans O’Reilly c. R.[90], un pourvoi qui s’est soldée par un arrêt unanime de la Cour. L’appelant, dans ce dossier, avait 84 ans. Il éprouvait des ennuis de santé (quoiqu’au moment de son procès en 2014, un certificat médical le décrivait comme étant « generally in good health » – ce qui ressemble à la remarque faite ici par le juge et évoquée plus haut au paragraphe [65]). Il avait été condamné à une peine globale de cinq ans d’emprisonnement sur des chefs de fraude, de complot, de gangstérisme et de recyclage des produits de la criminalité dans une affaire de contrebande de cigarettes sur une grande échelle : la perte pécuniaire des gouvernements pour taxes non perçues était évaluée à plus de 5 000 000,00 $. L’essentiel de cette peine fut confirmé en appel.

[100]   La question d’un allègement d’une peine à ce stade du processus pénal doit être abordée sous l’angle qu’identifie le juge Mainville dans les motifs de la Cour :

[42]      Ainsi, si au moment du prononcé d’une peine, l’état de santé d’un contrevenant âgé ne permet pas de croire qu’il a peu de perspectives de compléter sa peine d’incarcération avant son décès, le juge dispose alors de toute la discrétion requise pour prononcer la peine qu’il estime appropriée selon les facteurs et critères habituels. C’est le cas en l’espèce, vu l’état de santé de Gérald O’Reilly (« [g]enerally in good health ») lors du prononcé de sa peine le 2 juillet 2014. Il [y a lieu] d’ailleurs de noter que, vu les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, Gérald O’Reilly ne serait probablement plus aujourd’hui en milieu carcéral si l’exécution de sa peine n’avait pas été suspendue pendant l’instance d’appel.

[43]      Il est possible que l’état de santé d’un contrevenant se détériore après le prononcé de sa peine. Cette possibilité s’accroît d’autant plus avec l’âge du contrevenant. Le juge de la peine ne peut cependant spéculer à ce sujet et doit déterminer la peine en fonction de la preuve dont il dispose lors du prononcé de celle-ci. Si la santé du contrevenant se détériore par la suite, il ne s’agit plus alors d’une question de détermination de la peine, mais plutôt de sa mise en œuvre. Il appartient alors aux autorités carcérales compétentes de prendre les mesures qui s’imposent, tenant compte notamment de l’article 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition […].

La disposition de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition[91] à laquelle renvoie cite le juge Mainville est sans application en l’occurrence car, contrairement à l’appelant, O’Reilly devait purger sa peine dans un établissement de détention fédéral.

[101]   Cela dit, des dispositions parallèles existent dans la Loi sur le système correctionnel du Québec[92]. Servent notamment aux mêmes fins les articles suivants :


42.
 Le directeur de l’établissement peut, en tout temps, permettre à une personne incarcérée une sortie à des fins médicales lorsque, notamment:

 

1°  elle est malade en phase terminale;

 

2°  son état de santé nécessite une hospitalisation immédiate;

 

3°  elle doit subir une évaluation ou des examens médicaux en milieu spécialisé;

 

 

4°  elle nécessite des soins ou un traitement qui ne peuvent lui être prodigués dans l’établissement.

 

 

42. The facility director may, at all times, authorize the temporary absence of an inmate for medical purposes, in particular where

 

(1)  the inmate is terminally ill;

 

(2)  the inmate’s state of health requires immediate hospitalization;

 

(3)  the inmate must undergo an evaluation or medical examinations in a specialized environment; or

 

(4)  the inmate requires care or treatment that cannot be provided in the correctional facility.


149. Malgré les articles 145 à 148, une personne contrevenante peut bénéficier de la libération conditionnelle dans les cas suivants:

 

1°  elle est malade en phase terminale;

 

2°  sa santé physique ou mentale risque d’être gravement compromise si la détention se poursuit;

 

3°  l’incarcération constitue pour elle une contrainte excessive difficilement prévisi­ble au moment de sa condamnation;

 

[…]

 


149.
 Notwithstanding sections 145 to 148, conditional release may be granted to an offender

 

 

(1)  who is terminally ill;

 

(2)  whose physical or mental health is likely to suffer serious damage if he or she continues to be held in confinement;

 

(3)  for whom continued confinement would constitute an excessive hardship that was not reasonably foreseeable at the time the offender was sentenced;

[…]

[102]   C’est selon ces règles, et sur le plan de l’administration ou de la mise en application de la peine, plutôt que sur celui du prononcé de la peine, que devra se résoudre, le cas échéant, le problème graduel mais irréversible que pose la condition de l’appelant.

[103]   Il convient cependant d’ajouter que le dépôt au dossier d’une preuve nouvelle et digne de foi permet à la Cour de porter à l’attention des autorités compétentes la gravité potentielle de la situation. Selon un principe primordial et déjà ancien en cette matière, la peine prononcée en première instance doit être, et devait être ici, une peine « juste et appropriée »[93]. Elle l’était. Mais les choses évoluent et il ne saurait être question à l’avenir, par le seul effet d’une détérioration de l’état de santé de l’appelant, d’accabler un grand vieillard[94], quelqu’un qui, en raison d’une maladie incurable, sent s’alourdir de jour en jour le fardeau de la sanction initiale imposée en 2021. Il n’appartient pas à la Cour de suivre et de jauger cette évolution, mais elle peut souligner la nécessité de le faire en formulant comme ici une recommandation en ce sens auprès des autorités compétentes[95]. Cela explique les lignes qui précèdent.

Un juge doit considérer l’âge avancé de l’accusé pour en arriver à une peine juste

R. c. P.M., 2020 QCCA 786

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[12]      Il est vrai que la peine d’un an d’emprisonnement est clémente, mais, compte tenu de l’âge de l’intimé, elle n’est pas manifestement non indiquée. Comme le souligne le juge Wagner dans R. c. Lacasse2015 CSC 64, paragr. 57, les fourchettes de peines donnent un portrait des peines infligées et peuvent servir de guide, mais elles ne constituent pas des carcans. De plus, une peine qui déroge à une fourchette de peines n’est pas pour autant manifestement non indiquée ou entachée d’une erreur de droit ou de principe : Lacasse, paragr. 58-60.

[13]      En l’espèce, le juge a tenu compte, avec raison, de la prédominance des objectifs de dénonciation et de dissuasion ainsi que des peines généralement infligées en matière de crimes sexuels perpétrés sur des enfants. Comme le souligne la Cour suprême, « [l]e choix du législateur [à l’article 718.01 C.cr.] de privilégier la dénonciation et la dissuasion pour les infractions d’ordre sexuel contre des enfants est une réponse sensée au caractère répréhensible de ces infractions et aux préjudices graves qu’elles causent » : R. c. Friesen2020 CSC 9, paragr. 105.

[14]      Cela étant, dans l’exercice de sa discrétion, le juge pouvait considérer l’âge avancé de l’intimé pour en arriver à une peine juste, en conformité avec le principe général de proportionnalité. Bien que cette circonstance n’atténue en rien la gravité des infractions ou le degré de responsabilité de l’intimé, elle se rapporte à sa situation personnelle. Ainsi, à l’instar des conséquences indirectes, l’expectative de vie de l’intimé pouvait être prise en compte dans l’application des principes d’individualisation et d’harmonisation : R. c. Suter2018 CSC 34, paragr. 48R. c. G.G.2019 QCCA 1345, paragr. 11. C’est ce que le juge a fait ici en considérant qu’une « période d’emprisonnement ferme équivaudrait en pratique à la perpétuité ».

[15]      Enfin, contrairement à ce que plaide la requérante, le juge a considéré l’écoulement du temps non pas comme une circonstance atténuante, mais pour étayer sa conclusion d’absence de danger pour la collectivité.

[16]      Il n’y a donc pas lieu de réviser la durée de la peine. Pour reprendre les propos du juge en chef Lamer dans l’arrêt R. c. M. (C.A.)1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, paragr. 74, repris dans O’Reilly c. R.2017 QCCA 1286, paragr. 38, une peine plus longue risquerait bien de dépasser toute estimation raisonnable du temps qu’il reste normalement à vivre à l’intimé.

vendredi 17 octobre 2025

L’expérience judiciaire enseigne que les trafiquants de drogue ont pour habitude de se munir d’armes à feu afin de se protéger ou de protéger leurs butins

St-Antoine c. R., 2017 QCCA 2044

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[59]        D’abord, il faut reconnaître que l’expérience judiciaire enseigne que les trafiquants de drogue ont pour habitude de se munir d’armes à feu afin de se protéger ou de protéger leurs butins[10]. La Cour suprême du Canada le soulignait déjà en 1995 dans l’arrêt Silveira[11] en écrivant :

[…]      Nonobstant les dispositions précises de la Loi sur les stupéfiants qui interdisent l'entrée dans une maison d'habitation, et l'importance historique qui a toujours été accordée à une maison d'habitation, on ne saurait oublier qu'il existe un lien malencontreux entre le trafic illicite de stupéfiants et l'usage d'armes à feu. […]

[Je souligne]

Le plaidoyer de culpabilité d’un tiers, même un complice, n’a aucune valeur relativement à la culpabilité ou l’innocence d’un accusé

R. c. Gordon Gray, 2018 QCCA 1104

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[18]        Une décision sur l’admissibilité d’une preuve, dont l’analyse de sa force probante et de son effet préjudiciable, exige la déférence de la part des tribunaux d’appel : R. c. Shearing2002 CSC 58 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 33, par. 73R. c. Araya2015 CSC 11 (CanLII), [2015] 1 RCS 581, par. 38.

[19]        Il est indéniable que le plaidoyer de culpabilité d’un tiers, même un complice, n’a aucune valeur relativement à la culpabilité ou l’innocence d’un accusé : R. c. Simpson1988 CanLII 89 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 3. Sa valeur est souvent limitée à mettre en cause la crédibilité du témoin, notamment lorsqu’il est apparent qu’il est un complice et ceci afin d’informer le jury qu’il n’est pas demeuré impuni : R. c. Lévesque2016 QCCA 760, par. 16R. c. C.G., 2016 ONCA 316, par. 7R. c. P.C.2015 ONCA 30, par. 40, 44-45; R. c. Chow2011 BCCA 338, par. 43-47.

[20]        Cela ne veut pas dire que cette preuve n’est jamais admissible, tant pour servir la poursuite que la défense : R. c. Caesar2016 ONCA 599, par. 54. Cependant, comme le rappelait la Cour suprême dans l’arrêt Simpson, il y a toujours une crainte que le jury commette l'erreur, bien naturelle, de considérer que, puisque le complice a plaidé coupable, l’accusé doit l’être aussi : R. c. Simpson1988 CanLII 89 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 3, p. 17. Lorsque le plaidoyer est effectivement porté à la connaissance du jury, le juge doit en principe donner une directive lui indiquant l’usage qu’il peut et ne peut pas faire de cet élément de preuve, notamment qu’il n’a aucune valeur pour déterminer la culpabilité de l’accusé, bien que l’absence d’une telle directive ne soit pas toujours fatale : R. c. P.C., 2015 ONCA 30, par. 45-46.

Les policiers ont l’autorité, en common law, de fouiller d’autres lieux, dans le cadre de l’exécution d’un mandat de perquisition, lorsqu’il est raisonnablement nécessaire de le faire pour assurer leur sécurité ou celle d’autres personnes

Tassé c. R., 2022 QCCA 1391 

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[13]      Une fouille et une perquisition sans mandat sont considérées, à première vue, abusives et donc contraires à l’article 8 de la Charte. Il revient à la poursuite de démontrer, selon la balance des probabilités, qu’elles ne le sont pas[9]. Il arrive de manière exceptionnelle qu’une fouille/perquisition sans mandat soit justifiable, mais seulement devant une situation d’urgence. Par exemple, lorsqu’il existe un risque imminent que des éléments de preuve soient détruits, les policiers peuvent fouiller/perquisitionner sans mandat. Il en va de même lorsque la situation exige d’assurer la sécurité des policiers ou du public. En tout cas, il faut que les circonstances soient telles que l’obtention d’un mandat soit difficilement réalisable[10].

[14]      L’appelant soutient que le second mandat est également invalide, et ce, pour deux raisons. D’abord, puisque le premier mandat l’est, les éléments découverts lors de cette première perquisition ne peuvent permettre de délivrer un deuxième mandat; ensuite, en raison de la fouille sans mandat du garage qui a mené aux motifs raisonnables de croire à une plantation de cannabis dans le sous-sol. Pour l’appelant, il n’y avait aucune urgence au moment de fouiller le garage. La sécurité des policiers n’était pas mise en péril et rien ne laissait croire que la preuve pouvait être détruite.

[15]      Comme l’écrit la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Chuhaniuk, les policiers ont l’autorité, en common law, de fouiller d’autres lieux, dans le cadre de l’exécution d’un mandat de perquisition, lorsqu’il est raisonnablement nécessaire de le faire pour assurer leur sécurité ou celle d’autres personnes. Il est évident qu’ils ne peuvent le faire sur la base d’une crainte générique, ils doivent nécessairement avoir des motifs raisonnables de croire que leur sécurité est mise à risque[11].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...