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mercredi 28 mai 2025

L’article 650 du Code criminel du Canada

Dedam c. R., 2018 NBCA 52 

Lien vers la décision


[15]                                                           Voici le texte actuel du paragraphe 650(1) du Code criminel :

 

650(1) Subject to subsections (1.1) to (2) and section 650.01, an accused, other than an organization, shall be present in court during the whole of his or her trial.

650(1) Sous réserve des paragraphes (1.1) à (2) et de l’article 650.01, l’accusé, autre qu’une organisation, doit être présent au tribunal pendant tout son procès.

 

[16]                                                           Les paragraphes (1.1) et (1.2) énoncent les circonstances dans lesquelles un accusé pourrait être amené à comparaître par l’entremise d’un avocat ou en utilisant la télévision en circuit fermé, alors que le par. (2) prévoit les cas dans lesquels le juge du procès peut ordonner ou permettre qu’un accusé soit exclu lors de l’instruction de l’instance.  En voici le texte :

 

650(2) The court may

 

(a) cause the accused to be removed and to be kept out of court, where he misconducts himself by interrupting the proceedings so that to continue the proceedings in his presence would not be feasible;

 

(b) permit the accused to be out of court during the whole or any part of his trial on such conditions as the court considers proper; or

 

(c) cause the accused to be removed and to be kept out of court during the trial of an issue as to whether the accused is unfit to stand trial, where it is satisfied that failure to do so might have an adverse effect on the mental condition of the accused.

650(2) Le tribunal peut, selon le cas :

 

a) faire éloigner l’accusé et le faire garder à l’extérieur du tribunal lorsqu’il se conduit mal en interrompant les procédures, au point qu’il serait impossible de les continuer en sa présence;

 

b) permettre à l’accusé d’être à l’extérieur du tribunal pendant la totalité ou toute partie de son procès, aux conditions qu’il juge à propos;

 

c) faire éloigner et garder l’accusé hors du tribunal pendant l’examen de la question de savoir si l’accusé est inapte à subir son procès, lorsqu’il est convaincu que l’omission de ce faire pourrait avoir un effet préjudiciable sur l’état mental de l’accusé.

 

[17]                                                           En somme, sous réserve de certaines modifications et exceptions, le par. 650(1) du Code prévoit que « l’accusé […] doit être présent au tribunal pendant tout son procès » (je souligne). En l’espèce, aucune des modifications ou exceptions n’était applicable.

 

[18]                                                           Le paragraphe 650(1) repose sur deux principes importants : en premier lieu, l’exigence garantit que l’accusé sera présent pour entendre la preuve qui pèse contre lui, et il est ainsi en mesure d’opposer une défense; en second lieu, l’accusé assiste au déroulement de l’ensemble de la procédure suivie pour le juger et il peut veiller à ce qu’elle soit correcte et à ce que le procès soit équitable.

 

[19]                                                           Dans l’arrêt R. c. Barrow, 1987 CanLII 11 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 694[1987] A.C.S. no 84 (QL), le juge en chef Dickson, au nom des juges majoritaires, affirme que le second principe « revêt une importance considérable pour la perception que l’on peut avoir de l’impartialité de la justice criminelle canadienne » (par. 20). Pour décider si l’exclusion d’un accusé porte atteinte au par. 650(1), il faut répondre à la question suivante : L’exclusion est-elle survenue pendant le procès? La Cour suprême a fourni certaines lignes directrices quant aux procédures qui constituent « le procès » pour l’application du par. 650(1). Citant les propos du juge Lamer (tel était alors son titre) dans l’arrêt Vézina et Côté c. La Reine, 1986 CanLII 93 (CSC)[1986] 1 R.C.S. 2[1986] A.C.S. n2 (QL), le juge en chef Dickson (tel était alors son titre) affirme dans l’arrêt Barrow que « le par. 577(1) [l’actuel par. 650(1)] s’applique chaque fois que les “intérêts vitaux” de l’accusé sont en jeu » (par. 21).

 

[20]                                                           Le juge en chef Dickson reprend la déclaration faite par le juge d’appel Martin dans R. c. Hertrich, 1982 CanLII 3307 (ON CA)[1982] O.J. No. 496 (C.A. Ont.) (QL), et fait sienne la définition portant qu’une procédure fait « partie intégrante du procès », pour l’application du par. 650(1), « lorsqu’une décision [qui y sera rendue] a un effet sur [TRADUCTION] “la conduite du procès en soi” ».

 

[21]                                                           Dans Hertrich, le juge d’appel Martin affirme ce qui suit :

 

[TRADUCTION] En règle générale, le procès d’un accusé ne commence qu’après le plaidoyer : voir Giroux v. The King (1917), 1917 CanLII 81 (SCC), 29 C.C.C. 258, à la p. 268.  Toutefois, le terme « procès », aux fins du principe selon lequel un accusé a le droit d’être présent à son procès, inclut manifestement les procédures qui font partie intégrante du processus normal du procès en vue de décider de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé, comme l’interpellation et le plaidoyer, la formation du juryla réception des éléments de preuve (y compris les procédures de voir‑dire concernant l’admissibilité d’éléments de preuve)les décisions au sujet des éléments de preuve, les plaidoiries des avocats, dont celles au jury, l’exposé du juge au jury, y compris les demandes de directives supplémentaires du juryle prononcé du verdict et de la sentence si l’accusé est reconnu coupable. [par. 50]

[C’est moi qui souligne.]

 

[22]                                                           La décision rendue dans l’affaire R. c. E. (F.E.)2011 ONCA 783[2011] O.J. No. 5738 (QL), donne aussi des indications précises sur les procédures qui font partie intégrante du procès pour l’application du par. 650(1) :

 

[TRADUCTION]
Lorsqu’un débat survient au sujet du bien-fondé d’une stratégie effective ou proposée en vue du contre-interrogatoire d’un témoin à la barre des témoins, il arrive fréquemment que les deux parties ou l’une d’elles demandent, et que le juge du procès ordonne, le retrait du jury et du témoin pendant que le différend est débattu et tranché. Du point de vue du témoin ordinaire, les exclusions ne sont pas assimilables à une irrégularité de procédure. Cependant, l’accusé qui témoigne pour son compte n’est pas un témoin ordinaire. L’accusé qui assume le rôle de témoin demeure un accusé qui doit être présent pendant tout le procès en application du par. 650(1) du Code criminel. Malgré le consentement d’un avocat à l’exclusion d’un témoin, les juges de première instance doivent rester vigilants pour veiller à ce que le témoin qu’ils excluent ne soit pas un accusé. [par. 39]

[C’est moi qui souligne.]

 

Le juge d’appel Watt a ajouté :

 

[TRADUCTION]
En l’espèce, l’exclusion intentionnelle et compréhensible d’un témoin a entraîné l’exclusion de l’appelant et la violation du par. 650(1) du Code criminel. Cela n’aurait pas dû se produire. Un accusé a le droit d’être présent pendant tout son procès, y compris pendant les discussions concernant le contre-interrogatoire. [par. 44]

 

[23]                                                           Les passages soulignés des extraits précédents sont d’une pertinence particulière dans le cadre du présent appel. Sur le fondement de l’arrêt Hertrich, les avocats sont d’accord pour dire que l’exclusion de M. Dedam pendant que les avocats et la juge discutaient de questions d’établissement du calendrier ne constituait pas une exclusion survenue pendant « une partie intégrante du procès ». Sauf dans ces cas précis d’exclusion, M. Dedam aurait dû être présent. Son exclusion dans les cas où son témoignage a été interrompu était particulièrement grave. Il semble que les avocats et la juge aient estimé à tort que M. Dedam doit être traité comme n’importe quel autre témoin. Par conséquent, M. Dedam a été exclu et n’a pas entendu les discussions concernant le témoignage tenues en l’absence du jury. À mon avis, les « intérêts vitaux » de M. Dedam étaient en jeu lorsque ces questions ont été débattues en son absence. Ainsi, il y a eu des violations évidentes du par. 650(1) du Code criminel.

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