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mardi 22 juillet 2025

Est-ce qu'un accroc à la Politique à l’égard de la désignation des techniciens qualifiés en éthylomètre entraîne la perte de la qualification du technicien qualifié?

R. c. Bourbonnière, 2025 QCCM 32

Lien vers la décision


[29]        La question à trancher pour déterminer l’issue du litige : l’agent De Melo est-il un technicien qualifié lorsqu’il opère l’éthylomètre le 10 mars 2023, lors des tests avec l’accusé Bourbonnière? Ou, autrement dit, la défense réussit-elle à susciter un doute raisonnable quant à sa qualification?

[30]        Avant de résoudre cette question, le Tribunal abordera brièvement la question de l’objection.

 

L’OBJECTION

Le droit

[31]        Il est de jurisprudence constante qu’une partie ne saurait, au moment des plaidoiries, s’objecter au dépôt d’une preuve si elle a fait défaut de s’y objecter en temps opportun[15]. Ce moment opportun : « […] should be taken at the time the evidence is tendered. […]. »[16].

[32]        Cependant, la défense n’a pas l’obligation de s’opposer au dépôt du certificat du technicien qualifié puisqu’il revient à la poursuite, si elle souhaite bénéficier de la présomption d’exactitude, d’en établir les prérequis. Comme le souligne la Cour d’appel dans Falcon : « […] “[…] [t]he defence [has] no obligation to review and point the missteps in the Crown’s strategy. […]” […]  »[17]La défense a donc eu l’obligeance d’annoncer ses couleurs, malgré son absence d’obligation à le faire.

[33]        Dans Neault, la Cour d’appel précise que : « […] L’on ne saurait inférer du seul silence d’un accusé ou de l’absence d’arguments sur tel ou tel point qu’il renonce à exiger que la poursuite établisse tous les éléments essentiels de l’infraction portée contre lui. […] »[18]. L’accusé n’a donc pas à « […] réfuter les conditions d’application d’une présomption. L’application d’une présomption ne se présume pas »[19]C’est à la poursuite à présenter une preuve complète[20].

[34]        Selon les auteurs Karen Jokinen et Peter Keen, l’article 320.31 du C.cr. ne concerne pas l’admissibilité d’une preuve, mais comment cette preuve doit être analysée après son admission[21].

[35]        En considération de ce qui précède, bien que le Tribunal doive obligatoirement trancher l’objection soulevée, cette détermination peut être reportée au moment du dispositif final, après l’analyse complète de la preuve.

LA PRÉSOMPTION DE L’ARTICLE 320.31 DU CODE CRIMINEL

Le droit

[36]        L’article 320.31 du Code criminel prévoit une présomption d’exactitude dont le poursuivant peut se prévaloir, sous réserve que les conditions énoncées aux paragraphes 320.31(1)a), b) et c) soient rencontrées, hors de tout doute raisonnable[22]. Lorsque cette preuve est établie, les résultats de l’éthylomètre font foi de l’alcoolémie de la personne au moment des analyses. Un de ces prérequis est que l’éthylomètre doit être manipulé par un technicien qualifié.

[37]        Selon l’article 320.11 du C.cr., un technicien qualifié signifie : « […] a) S’agissant d’échantillons d’haleine, toute personne désignée par le procureur général en vertu de l’alinéa 320.4a); […] »[23].

[38]        L’article 320.4 C.cr. se lit comme suit :

« 320.4 Le procureur général peut désigner :

a) pour l’application de la présente partie, toute personne comme étant qualifiée pour manipuler un éthylomètre approuvé;

[…] »[24]

[39]        Un technicien qualifié doit donc être désigné par le Procureur général pour manipuler l’éthylomètre. La poursuite doit prouver que : « […] the technician is qualified and designated as such by the Attorney General. »[25].

[40]        La poursuite bénéficie de plusieurs moyens pour établir que le technicien est un technicien qualifié. La Cour d’appel de Saskatchewan, dans Lange, en dénombre quatre :

« [19] […]

(a) by relying on the special rule of evidence prescribed in the equivalent of s. 258(1)(g); [(maintenant 320.31(1))]

(b) by calling the Attorney General or his deputy, which, of course, is not practicable;

(c) by relying on s. 22(1) of the Canada Evidence Act, RSC 1985, c C-5, and filing a copy of the official Gazette or a copy of the appointment or certified copy of the appointment; or

(d) by relying on certain presumptions of law and rules of evidence developed by the common law including the maxim omnia praesumuntur rite esse acta; »[26] (soit la doctrine de présomption de régularité)

[41]        La poursuite peut aussi prouver le statut du technicien qualifié par le témoignage de ce dernier[27], mais n’a pas l’obligation, pour les fins de l’article 320.31 du C.cr., de le faire entendre pour déposer son certificat[28] et peut invoquer la présomption en s’appuyant sur le certificat d’un technicien qualifié, si ce certificat fait état de la valeur cible de l’alcool type certifiée par l’analyste[29].

 

 

[42]        Si la défense souhaite contre-interroger l’analyste ou le technicien qualifié, et ainsi susciter un doute raisonnable quant au statut du technicien qualifié, elle doit en faire la demande en vertu de l’article 320.32(3) du C.cr.[30], et se conformer aux critères prévus à l’article 320.32(4) du C.cr. Le Tribunal tient alors une audition pour déterminer s’il rend ou non l’ordonnance demandée[31].

[43]        Cela n’exempte pas la poursuite de son obligation d’aviser de son intention de produire le certificat, conformément à 320.32(2) C.cr.

[44]        Selon Betts :

« The validity and admissibility of a certificate of a "qualified technician" does not depend on evidence proving the qualifications to operate an approved instrument other than a designation by order of the Attorney-General of a Province. The truth of any statement made by a qualified technician may be attacked by evidence to the contrary but his qualification to give the certificate and have it admitted in evidence cannot be attacked except on the ground that he had not been designated by the Attorney-General. […] »[32]

[45]        Cependant, rien, dans le libellé de l’article 320.31 du C.cr., ne permet d’inférer qu’une preuve contraire soit nécessaire et la Cour, dans Falcon, mentionne, au sujet des présomptions d’identité et d’exactitude (ancien article 258 du C.cr.) :

« [23] […] les règles habituelles du droit criminel s’appliquent. Contrairement à une requête constitutionnelle où un accusé fait valoir un droit, rien dans la loi n’impose à l’accusé de réfuter les conditions d’application des présomptions; il n’y a pas de présomption que les conditions sont satisfaites à moins d’une preuve contraire. […] »[33]

[46]        La défense peut donc plaider, c’est-à-dire soulever un doute raisonnable, que la poursuite n’établit pas, hors de tout doute raisonnable, les prérequis de l’article 320.31(1) du C.cr. Les auteurs Karen Jokinen et Peter Keen en viennent à la même conclusion[34].

[47]        Si la poursuite n’établit pas tous les prérequis de l’article 320.31(1) du C.cr., la preuve demeure néanmoins admissible[35]. Ce qui signifie qu’un accusé peut quand même être déclaré coupable, si un juge est convaincu, hors de tout doute raisonnable, qu’il a commis l’infraction[36]. Ce qui n’était pas possible sous l’ancien régime (article 258(1)c) du C.cr.) où, si la poursuite ne faisait pas la preuve de tous les prérequis, elle perdait le bénéfice de la présomption[37].

 

 

Application aux faits de la cause

[48]        La défense plaide que De Melo n’est plus technicien qualifié au moment des tests parce qu’il n’a pas respecté l’article 21b) de la Politique en ne retournant pas sa carte, alors qu’il n’avait pas effectué un Moodle dans les 12 derniers mois.

[49]        Avant de procéder à l’interprétation de la Politique, le Tribunal a posé la question suivante à la défense : quelle est la force de loi d’une politique administrative?

[50]        La défense répond en référant le Tribunal au concept de délégation de pouvoir, invoquant l’article 2 de la Politique sur lequel s’appuierait cette délégation de pouvoir, donnant ainsi force de la loi à la politique administrative du maintien des compétences et s’en remet à l’arrêt Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie-Britannique[38].

[51]        La poursuite considère que la Politique n’a pas force de loi et réfère la Cour à de nombreuses autorités jurisprudentielles.

FORCE DE LOI D’UNE POLITIQUE ADMINISTRATIVE

La délégation de pouvoir

[52]        Une délégation de pouvoir, sans entrer dans des considérations de droit administratif, signifie qu’une autorité délègue, à un tiers, ladite autorité pour agir en son nom. Cette délégation identifie le délégant et le délégataire. Pour reprendre les termes de l’auteur Patrice Garant : « L’attribution d’une compétence à une autorité administrative est généralement précisée par la désignation du titulaire. […] »[39].

[53]        La délégation administrative se désigne sous le vocable de « […] sous‑désignation […] »[40] qui se divise en deux catégories : l’explicite, expressément autorisée par la loi, donc clairement formulée; et l’implicite, découlant du contexte et pouvant exister à certaines conditions[41].

[54]        La lecture de l’article 2 de la Politique ne donne aucun indice d’une délégation quelconque, ne mentionne que les références légales sur lesquelles la Politique s’appuie, mais aucune de ces références ne semble contenir de dispositions prévoyant que le Procureur général, ou son équivalent, puissent réglementer la formation et le maintien des compétences d’un TQE. Du moins, aucune n’a été portée à l’attention du Tribunal.

[55]        Si le législateur avait voulu encadrer le maintien des compétences d’un technicien qualifié, et en faire une obligation légale relevant du gouverneur en conseil, il l’aurait prévu, comme il l’a fait dans le cas des agents-évaluateurs à l’article 320.38a) du C.cr. Et, puisqu’il ne semble pas y avoir de politique unifiée à travers le Canada[42] quant au maintien des compétences, la jurisprudence des autres provinces à ce sujet est de peu d’assistance.

[56]        Selon l’auteur Garant, pour avoir force de loi, un texte législatif doit être le résultat d’un exercice de sous-délégation expresse de pouvoirs législatifs en accord avec le principe de la primauté du droit[43]. La Politique n’établit pas une telle délégation. Le Tribunal en conclut qu’il n’y a pas de délégation expresse de pouvoirs.

[57]        La politique administrative s’apparente à un acte pararéglementaire[44]. Selon Garand, ces textes : « […] ont une grande utilité, mais n’ont surtout qu’une valeur incitative ou interprétative […] »[45]. Ces textes n’ont pas force de loi et ne sont pas des règles de droit[46].

[58]        La défense évoque, mais sans élaborer à son sujet, l’arrêt Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie‑Britannique[47] et a transmis, durant le délibéré, la décision de Pichette[48] qui traite de cet arrêt.

[59]        Dans Greater Vancouver Transportation Authority, la Cour réfère à la force de loi d’une politique dans un contexte de Charte et d’examen de la légitimité de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Ce qui ne s’applique pas à notre dossier. Deux passages paraissent pertinents à notre analyse :

« [64] La politique qui n’est pas administrative par nature et qui satisfait à certaines exigences peut constituer une “règle de droit”. Pour qu’elle soit de nature législative, la politique doit établir une norme d’application générale adoptée par une entité gouvernementale en vertu de son pouvoir de réglementation. Un tel pouvoir existe lorsque le législateur fédéral ou provincial a délégué un pouvoir à l’entité gouvernementale aux fins précisément d’adopter des règles obligatoires d’application générale établissant les droits et les obligations des personnes qui y sont assujetties […]. Point n’est besoin, pour l’application de l’article premier de la Charte, que ces règles revêtent la forme de textes réglementaires. Dans la mesure où leurs lois habilitantes permettent aux entités d’adopter des règles obligatoires, où leurs politiques établissent des droits et des obligations d’application générale plutôt que particulière et où elles sont suffisamment accessibles et précises, alors ces politiques sont réputées constituer des “règles de droit” susceptibles de restreindre un droit garanti par la Charte.

[65] Ainsi, lorsqu’une politique gouvernementale est autorisée par la loi, qu’elle établit une norme générale se voulant obligatoire et qu’elle est suffisamment accessible et précise, il s’agit d’une règle de nature législative qui constitue une “règle de droit”. »[49] (nos caractères gras)

[60]        Le Tribunal constate l’absence d’autorisation législative et de délégation de pouvoirs d’établir la politique sur le maintien des compétences.

[61]        Le Tribunal note d’ailleurs que l’abolition de l’article 21 dans la politique subséquente, entrée en vigueur le 7 mars 2024 (P-8), à celle en vigueur au moment des infractions alléguées (P‑17), ne semble avoir apporté aucune modification au Code criminel, ou à ses lois connexes, concernant la désignation du technicien qualifié ni sur les critères requis au sujet du maintien des compétences et de son impact sur l’application de la présomption d’exactitude.

[62]        De plus, selon la jurisprudence recensée, les directives ou politiques émanant des services de police ou du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), entité gouvernementale, ne semblent pas avoir force de loi.

[63]        Dans Bacon, la Cour mentionne :

« [51] […] While policies and police manuals may often be considered as expressing best practices, or at least good practices, unless they bear the imprimatur of law through the statutory processes of subordinate legislation, jurisprudence consistently declines to give them binding force. »[50]

[64]        Dans Beaudry, la Cour mentionne : « Le juge Doyon semble attribuer aux directives administratives du Guide de pratiques policières une valeur normative qu’elles n’ont pas. Il faut se rappeler que ces directives n’ont pas force de loi. »[51]. La Cour poursuit en citant le juge Doherty : « […] [TRADUCTION] Les devoirs d’un policier, et partant, ses obligations, ne sauraient se confondre avec les directives sur la manière de s’y conformer. Les politiques de l’Administration policière ont trait aux modalités d’exécution de ces devoirs et obligations, et non à leur définition ou délimitation. […] »[52].

[65]        Dans St-Pierrela Cour d’appel du Québec, se référant à Beaudry :

« [25] Contrairement à ce que prétend l’appelant, en principe, la non‑observance d’une directive administrative ne peut pas, en soi, constituer un abus de procédure. La Cour est d’avis que les remarques de la Cour suprême dans l’arrêt Beaudry sont transposables aux directives en cause en ce qu’elles n’ont qu’une valeur normative relative, qu’elles n’ont pas force de loi et, surtout, qu’elles ne peuvent modifier la portée du pouvoir discrétionnaire du poursuivant qui découle de la common law ou d’une loi […]. »[53]

[66]        Dans Ouellet, la Cour d’appel mentionne : « […] La directive relative à la conduite d’un véhicule de la Sûreté du Québec lors d’une mission de surveillance physique n’a pas force de loi […]. »[54].

 

 

[67]        Dans Viau, la Cour supérieure mentionne :

« [259] La directive COL-1 non plus, d’ailleurs. Bien que ce type de directives puisse être considéré comme “balise servant à repérer et analyser la conduite du D.P.C.P.”, il a été reconnu que “les politiques et les lignes directrices du ministère public n’ont pas force de loi et ne peuvent en elles‑mêmes faire l’objet, dans l’abstrait, d’un examen fondé sur la Charte”. Ces directives peuvent être pertinentes à l’occasion d’une analyse comme celle dont est saisi le Tribunal, mais elles ne sauraient en être le fondement. »[55]

[68]        Dans HMTQ v. Dallas, Hinchcliffe & Terezakis, la Cour mentionne :

« [104] It would not be proper for the Courts to give the force of law to RCMP policy. The policy is not enacted by Parliament, but produced by the RCMP for the guidance of its members. If the policy is not adhered to, it is a matter for the RCMP to deal with through its established procedures. The RCMP can amend or repeal its policy as it chooses. »[56]

[69]        De plus, la Politique n’a pas fait l’objet de publication, comme pour une loi ou un règlement. Il est donc difficile de prétendre que ladite politique puisse être génératrice de droits et d’obligations, pour et envers des tiers.

[70]        Il en résulte que le non-respect de la Politique, fut-elle gouvernementale parce qu’émanant de la Sécurité publique, n’a pas force de loi[57] et ne peut permettre au Tribunal de conclure que le technicien qualifié n’est plus désigné au moment d’opérer l’éthylomètre.

[71]        Cependant, même si la Politique n’a pas force de loi, elle peut servir à attaquer la crédibilité du technicien qualifié et la fiabilité de son témoignage[58], et susciter un doute raisonnable quant à la preuve de la poursuite concernant les prérequis.

[72]        Comme le souligne la Cour dans Larocque :

« [44] […] La formation et le jugement professionnels du technicien qualifié sont très importants, et le rôle qu’il joue est crucial pour le prélèvement d’échantillons permettant des analyses fiables de l’alcoolémie de l’accusé. C’est sa formation et son expérience qui lui dictent la bonne marche à suivre afin de pouvoir attester du résultat du test d’étalonnage. »[59]

[73]        Le Tribunal conclut que la Politique à l’égard de la désignation des techniciens qualifiés en éthylomètre (P-17), en vigueur au moment de l’infraction reprochée à l’accusé, n’a pas force de loi.

 

[74]        Même si la Politique n’a pas force de loi, le Tribunal doit se demander si son non‑respect, si non-respect il y a, affecte les compétences du technicien qualifié, suscitant un doute raisonnable sur sa compétence de technicien qualifié et sa capacité de pouvoir attester de la fiabilité des tests éthylométriques.

[75]        Pour trancher cette question, le Tribunal devra déterminer, dans un premier temps, si De Melo a contrevenu à la Politique et, dans un deuxième temps, l’impact de cette contravention.

LA POLITIQUE

[76]        La preuve établit que le TQE De Melo n’a pas respecté (cette preuve n’est pas contredite ni expliquée) l’article 21 de la Politique, en n’effectuant pas un Moodle dans un délai de 12 mois. La preuve ne révèle pas non plus si De Melo a, à un moment ou à un autre, en lien avec cette situation, retourné sa carte et, si oui, ce qu’il est advenu par la suite.

[77]        Cependant, le 9 février 2023, il subit sa requalification, ce qui remet, selon la preuve entendue de l’expert Collin, et qui tombe sous le sens, les compteurs à zéro, tant pour les exercices ou dossiers opérationnels devant être effectués dans les 90 jours que pour le Moodle devant être effectué tous les 12 mois. L’on comprend qu’une requalification remet les compteurs à zéro, tout comme la première qualification est le point de départ des délais de 90 jours et de 12 mois.

[78]        Selon l’article 24 de ladite Politique, un technicien qualifié qui ne maintient pas sa compétence, dans les délais prévus à l’article 21, ne peut manipuler un éthylomètre dans un dossier opérationnel.

[79]        Selon l’article 25 de la même Politique, le technicien qui n’a pas respecté les demandes de maintien des compétences de l’article 21 peut, de nouveau, manipuler un éthylomètre s’il satisfait de nouveau aux critères de l’article 21.

[80]        Donc, dès que le technicien remet ses compétences au niveau demandé par l’article 21, il peut de nouveau opérer l’appareil pour un dossier opérationnel.

[81]        Mais, si le technicien n’a pas maintenu ses compétences ou n’a pas fait le nécessaire pour les retrouver, il ne peut, selon l’article 24, manipuler un éthylomètre, afin de procéder à une analyse suivant un ordre sous l’article 320.28 du C.cr., et ce, jusqu’à ce qu’il remette ses compétences à niveau selon les critères de l’article 21.

[82]        Si le technicien manipule l’appareilalors qu’il n’a pas remis à niveau ses compétencesdans ce cas, sa carte doit être retournée à l’ENPQ, en conformité avec l’article 18 de la Politique.

[83]        Avec déférence pour mes collègues, arrivant à des conclusions contraires, et sans vouloir manquer de courtoisie judiciaire, comme mentionné par la défense[60], je suis en désaccord avec leur interprétation de l’article 18 de la Politique. Voici pourquoi.

Interprétation de la Politique

[84]        Selon la méthode d’interprétation moderne des textes :

« [26] […]

[TRADUCTION] Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Notre Cour a à maintes reprises privilégié la méthode moderne d’interprétation législative proposée par Driedger, et ce dans divers contextes […]. »[61]

[85]        Cette méthode d’interprétation s’applique aussi aux règlements municipaux[62]. Le Tribunal croit qu’il doit s’en inspirer pour l’interprétation de politiques administratives. Ce qu’est la politique concernant le maintien des compétences : une politique administrative.

[86]        Il doit y avoir une cohésion entre les articles 18, 21, 24 et 25 de la Politique afin qu’ils n’entrent pas en conflit et que chacun puisse trouver application dans son champ respectif.

[87]        L’article 21 vise le maintien des compétences, l’article 25 permet de les récupérer, l’article 24 interdit à un technicien dont le maintien des compétences n’est pas conforme à l’article 21 de manipuler un éthylomètre approuvé et l’article 18 mentionne qu’un technicien qui contrevient à l’article 24 (et non 21) doit retourner sa carte de désignation.

[88]        Ce n’est pas lorsque le technicien qualifié contrevient à l’article 21 qu’il doit retourner sa carte de qualification, mais lorsqu’il contrevient à l’article 24 de la Politique.

[89]        Les circonstances de l’article 24 sont les suivantes : le technicien manipule l’éthylomètre approuvé alors que les compétences ne sont pas maintenues conformément à l’article 21. C’est la combinaison des deux éléments qui lui impose l’obligation de retourner sa carte de qualification, et non le seul manquement à l’article 21 qui peut être corrigé, comme le prévoit l’article 25.

[90]        Cette distinction est importante puisqu’elle permet de comprendre pourquoi, en vertu de l’article 25, un technicien qualifié peut, de nouveau, être compétent en respectant les critères de l’article 21, ce qu’il peut faire s’il n’a pas manipulé l’éthylomètre approuvé alors qu’il n’avait pas maintenu ses compétences.

[91]        En résumé, le technicien qualifié doit maintenir sa compétence, selon les critères de l’article 21. S’il ne le fait pas, il peut les récupérer selon l’article 25 et s’il n’a pas maintenu ses compétences en vertu de l’article 21, il ne peut manipuler l’éthylomètre en vertu de l’article 24. S’il le fait, il doit retourner sa carte de qualification conformément à l’article 18 de la Politique.

[92]        Je partage l’avis de ma collègue sur ce point, dans Basques, qui mentionne :

« [40] L’article 24 de la Politique de 2020 ne prévoit que la conséquence administrative du non-respect des exigences de l’article 21 et se conjugue logiquement à l’article 25 qui met fin à cette limitation temporaire de la manipulation, en permettant au technicien de manipuler l’appareil, dès qu’il satisfait à nouveau aux critères de maintien des compétences prévus à l’article 21. De l’avis du Tribunal, c’est la seule façon de rendre l’article 25 cohérent avec l’esprit de la Politique. Cette interprétation respecte aussi l’intention véritable du législateur, en donnant aux mots utilisés dans la disposition leur sens ordinaire et grammatical, et ce, dans le contexte de l’ensemble de la loi. »[63]

[93]        Conclure le contraire signifierait qu’à chaque dépassement de délai (de 90 jours ou de 12 mois), par exemple, une absence pour cause de maladie ou d’accident de travail, un congé pour une formation, un policier affecté à une opération spéciale, le technicien qualifié, même pour le dépassement d’une journée, devrait retourner sa carte. Il est aussi incongru qu’il puisse remettre ses compétences à niveau, selon la Politique, mais ne puisse alors manœuvrer la machine ayant retourné sa carte. À quoi bon, alors, recouvrer sa compétence?

[94]        Cette conséquence semble contraire à l’esprit même de la Politique qui permet au TQE de récupérer par lui-même sa compétence et, de nouveau, opérer l’appareil.

[95]        C’est ce qui permet à la juge, dans Dufour, de conclure : « […] La désignation d’un technicien par le ministre de la Sécurité publique demeure jusqu’à sa révocation. »[64].

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