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lundi 7 juillet 2025

La légitime défense

Robitaille Drouin c. R., 2022 QCCA 233 



[16]      En application de cette nouvelle disposition unifiée, simplifiée, plus souple et éliminant les catégories précédentes, le moyen de défense requiert désormais que trois conditions cumulatives soient satisfaites : (a) le catalyseur – la personne accusée doit croire raisonnablement qu’on emploie ou qu’on menace d’employer la force contre elle ou quelqu’un d’autre; (b) le mobile – le but subjectif de la réaction à la menace doit être de se protéger soi-même ou de protéger autrui; et (c) la réaction – la personne accusée doit agir de façon raisonnable dans les circonstances[6].

[17]      Selon l'article 34 du Code criminel, la légitime défense répond à une « force » de quelque nature qui est raisonnablement appréhendée par la personne accusée[7]. En ce sens, le nouveau régime de légitime défense est plus large que l'ancien qui se concentrait sur la notion plus étroite d'« attaque ». Le caractère imminent de l'emploi de la force n'est par ailleurs plus une exigence stricte, contrairement à l'ancien régime[8].

[18]      Quant au catalyseur, à savoir la personne accusée croyait‑elle, pour des motifs raisonnables, qu’on employait ou qu’on menaçait d’employer la force contre elleil s'agit d'examiner l'état d'esprit de l'accusé et sa perception des événements qui l'ont amené à agir[9]. Se superpose un volet objectif qui consiste à évaluer ce qu'une personne raisonnable, ayant les caractéristiques et les expériences de l'accusé, percevrait quant à l'emploi ou à la menace de l'emploi de la force[10].

[19]      Le mobile vise à déterminer quel était l’objectif poursuivi par l’accusé au moment d’avoir recours à la force[11]. Il faut examiner subjectivement la conduite de l’accusé, en se demandant s’il a agi pour faire cesser l’attaque, se protéger ou se défendre, plutôt que de riposter ou se venger[12]. Le délai entre l'emploi de la force et le geste reproché ainsi que la nature de la réaction de l'accusé pourront être des considérations pertinentes pour déterminer s'il a agi dans un objectif défensif ou, au contraire, dans un objectif de vengeance, qui n'est pas protégé[13]. Si l'action n'a pas un but défensif ou protecteur, alors le moyen de défense ne trouve pas application[14].

[20]      Cette analyse subjective doit se faire en tenant compte de la réalité de l’accusé et du contexte particulier dans lequel il se trouvait. Il faut éviter de se placer en rétrospective, en ralenti, comme si l'accusé avait eu le temps de bien réfléchir[15]. Dans certains cas, les événements peuvent se dérouler très rapidement et l'état d'esprit de l'accusé doit être évalué en tenant compte de la mouvance des circonstances. Le but recherché par l'accusé peut donc évoluer à mesure que l'incident progresse ou s'aggrave[16].

[21]      Quant à la réaction, il s'agit en dernière analyse d'examiner la réaction de la personne accusée à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force à savoir si elle a agi de façon raisonnable dans les circonstances[17]. Alors que l'alinéa 34(1)a) du Code criminel se concentre sur la raisonnabilité de la croyance, l'alinéa 34(1)cporte sur l'appréciation de la raisonnabilité de la façon d'agir de la personne accusée qui invoque la légitime défense[18]Ce critère vise à faire en sorte que l'emploi de la légitime défense est conforme aux normes sociales de conduite modernes[19]. Les tribunaux ne peuvent en effet avaliser des conduites archaïques et violentes, relevant du Far West.

[22]      L'analyse de la raisonnabilité de l'action en réponse à l'emploi de la force est souple et contextuelle[20]. Si le juge doit tenir compte d'un ensemble de facteurs énumérés au paragraphe 34(2) du Code criminel liés à la situation personnelle et au rôle joué par chacun des protagonistes, l'analyse doit être objectivée, en ce sens que l'accent demeure sur ce qu'une personne raisonnable aurait fait dans des circonstances comparables[21].

[23]      Comme indiqué, ces facteurs incluent, non limitativement : la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; le rôle joué par la personne accusée lors de l’incident; la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme; la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause; la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, ce qui inclut tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident en cause; la nature et la proportionnalité de la réaction de l'accusé à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

[24]      En ce qui concerne le rôle joué par la personne lors de l’incident, ce facteur englobe toute conduite pertinente de la personne accusée au long de l’incident, ses gestes, omissions et l'exercice de son jugement[22]. Le rôle de l'accusé au cours de l'incident vise toute conduite pertinente, qu’elle soit légale ou non, provocatrice ou non, répréhensible ou non, constituant ou non une réaction minimale ou excessive[23].

[25]      Sous cet angle, le comportement de la personne accusée, tout au long de l’incident, apporte un éclairage sur la nature et l’étendue de sa responsabilité à l’égard de l’affrontement qui a abouti à l’acte ayant donné lieu à l’accusation[24].

[26]      En somme, l'évaluation de la responsabilité criminelle de l'accusé ne doit pas être faite de manière étroite en ne considérant que l'acte précis reproché, qui a pu se dérouler en quelques instants. Elle doit plutôt situer cet acte dans son contexte, ce qui inclut le comportement des parties, de la genèse de l'incident jusqu'à sa conclusion[25].

[27]      Pour évaluer la raisonnabilité de la réaction de l'appelant, le juge devait soigneusement examiner les circonstances de l'incident, de manière globale et holistique, à la lumière des facteurs énoncés au paragraphe 34(2) du Code criminel[26].

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