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mardi 22 mai 2018

Le conflit d'intérêt

R. v. Sherif, 2012 ABCA 35 (CanLII)

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[13]           In R v Widdifield (1995), 1995 CanLII 3505 (ON CA)25 OR (3d) 161 at 169, 84 OAC 241 (cited to OR), Doherty J.A. held that allegations of a conflict of interest by trial counsel can be raised for the first time on appeal. Material outlining the history of the client-solicitor relationship may be necessary to determine if there was a conflict of interest and if it resulted in a miscarriage of justice: at 170. Although no such material was provided here, the appellant relies on 173-74 of Widdifield, which suggest that once an appellant demonstrates an actual conflict of interest and “some impairment of counsel’s ability to represent effectively the interests of the appellant” as a result of the conflict, “the appellant has been denied the right to make full answer and defence and a miscarriage of justice has occurred.” The appellant need not demonstrate that the verdict would have been different but for the ineffective representation of counsel because the product of ineffective representation flowing from a conflict if interest is characterized as a miscarriage of justice.


[14]           Doherty J.A. distinguished between an “apparent conflict of interests” and a “conflict of interests that is apparent”: at 174. He said the former is a conflict that seems to exist but may not, whereas the latter plainly exists and is observable.

[15]           He also contrasted the situation of an allegation of a conflict of interest arising at trial with one raised on appeal:

Where the allegation of a conflict of interests is raised for the first time on appeal, the perspective is very different. The appellate court looks backward at the completed trial. The court has the full trial record and may have further material detailing the circumstances surrounding the joint representation and the effects of that representation on counsel’s ability to defend the appellant. Unlike the trial court, the appellate court is not concerned with prophylactic measures intended to avoid the potential injustice which may flow from compromised representation. Instead, the appellate court must determine whether counsel’s representation was in fact compromised in such a way as to result in a miscarriage of justice. The concern on appeal must be with what happened and not with what might have happened. It makes no more sense to find ineffective representation based on the possibility of a conflict of interest, than it does to find ineffective representation based on the mere possibility of incompetent representation.
at 175-76 (emphasis added)

[16]           Doherty J.A. cautioned about the danger of reversing a conviction every time there is the appearance of a conflict of interest:

[a] standard which would require appellate reversal of a conviction whenever it could be said that there was an appearance of a conflict of interests, could do significant harm to the criminal justice system. If that standard were adopted, it would either virtually eliminate the joint representation of co‑accused, or it would permit accused to avail themselves of the advantages of joint representation at trial, secure in the knowledge that if the verdict went against them, reversal on appeal was a virtual certainty.
at 176 (emphasis added)

[17]           He summarized as follows:


I have stressed the need to demonstrate both an actual conflict of interests and an adverse effect on counsel’s performance flowing from that conflict. The two requirements are distinct and together produce a miscarriage of justice. Where, however, a conflict of interests exists between jointly tried co‑accused, an action by counsel which gives preference to the interests of one accused will almost inevitably produce the required adverse effect on counsel’s representation of the other accused .... Consequently, in most cases involving allegations of conflicts of interests arising out of the joint defence of co‑accused who are jointly tried, the real issue on appeal will be whether there was an actual conflict of interests. If that conflict is demonstrated, the conclusion that at least one of the co‑accused did not receive effective representation will follow in most cases.

at 177-78 (citations and footnote omitted)

[18]           I am prepared to accept that an actual conflict of interest arose when Hak did not testify about threats by Diab because it was not in Diab’s interest for his counsel to cross-examine Hak on this deviation from his written statement. It could, however, have been in the appellant’s interest for him to do so, since it could add to the argument that Hak was not credible.

Le droit de la preuve prévoit diverses techniques qui permettent d'établir le fait recherché

R. c. Berniquez, 1996 CanLII 6387 (QC CA)

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Il est constant d'affirmer que pour pallier la mémoire défaillante d'un témoin au procès, le droit de la preuve prévoit diverses techniques qui permettent d'établir le fait recherché, soit en ravivant sa mémoire à l'aide d'un document («present recollection revived») ou encore, à défaut, en utilisant comme preuve du fait consigné le document lui-même. («past recollection recorded»).

                              Première hypothèse, le jeune Lachance ne se souvient pas du numéro mais sa mémoire est ravivée grâce à sa note rédigée à l'époque.  Ou encore, sa note n'est pas disponible mais il a vérifié l'exactitude de la transcription de sa note dans le rapport du policier:  il peut alors se rafraîchir la mémoire grâce au rapport du policier.  Dans l'un ou l'autre cas, le jeune Lachance aurait témoigné d'un fait, soit le numéro d'immatriculation,  après avoir rafraîchi sa mémoire à l'aide d'un document.  C'est sa réponse qui fait preuve du fait consigné dans l'aide-mémoire et de son exactitude.  Or, en l'espèce, on ne peut appliquer ces règles: sa note est disparue et il n'était pas présent lors de la rédaction du rapport policier.

                             Ceci nous mène à la seconde hypothèse où, cette fois, c'est le document qui sert de preuve.  L'écrit fait preuve mais aux quatre conditions suivantes:  (1) le témoin ne se souvient plus du fait consigné, (2) le témoin a eu une connaissance personnelle du fait consigné dans la note ou le rapport policier, (3) la consignation est contemporaine au fait constaté, et (4) le témoin peut affirmer que cette consignation était alors exacte.  Encore là, ceci ne pouvait jouer en l'espèce car la note n'est pas disponible et son auteur n'a pas pu vérifier l'exactitude de la transcription dans le rapport policier.

                             En l'espèce, le rapport policier constituait le seul document qui pouvait être utilisé pour établir la preuve du fait recherché.  C'est la fiabilité de ce document qui était en cause et, même en faisant preuve de souplesse dans l'administration des preuves et en élargissant les règles ci-haut énoncées, il n'en demeure pas moins que le lien a été rompu entre l'auteur de la note et le policier qui en a consigné le contenu.  Deux éléments auraient pu, l'un ou l'autre, fournir une garantie de fiabilité: la disponibilité de la note elle-même, ou encore, la déposition de la mère qui aurait pu établir l'authenticité du fait consigné en rapport avec la note prise par son fils.  Vu l'absence de ces garanties, la preuve du numéro observé par le témoin n'était pas disponible.

L'enregistrement du souvenir

R. c. Fliss, [2002] 1 RCS 535, 2002 CSC 16 (CanLII),

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63                              Deuxièmement, le témoignage du policier n’est pas admissible à titre d’« enregistrement du souvenir ».  Cette doctrine ne s’appliquerait que si le ministère public pouvait satisfaire aux quatre critères de Wigmore, que la Cour d’appel de l’Alberta a bien résumés dans R. c. Meddoui (1990), 1990 CanLII 2592 (AB CA)61 C.C.C. (3d) 345, sous la plume du juge Kerans, à la p. 352 : 

[TRADUCTION]

La règle fondamentale dans Wigmore on Evidence (Chadbourn rev. 1970), vol. 3, ch. 28, §744 et suiv. prévoit ce qui suit : 

1.   L’enregistrement du souvenir doit être fiable.


2.   Pour présenter une précision probable, le souvenir doit à l’époque avoir été suffisamment frais et vif.

3.   Le témoin doit être en mesure d’affirmer que l’enregistrement  représente exactement sa connaissance et son souvenir à l’époque.  Il doit affirmer qu’à l’époque il le « tenait pour véridique », pour reprendre l’expression habituelle.

4.   Il faut utiliser l’enregistrement original, s’il est possible de l’obtenir.

Dans la même veine, voir R. c. McBride (1999), 1999 CanLII 2317 (ON CA)133 C.C.C. (3d) 527 (C.A. Ont.), p. 530; R. c. Eisenhauer (1998), 1998 CanLII 1901 (NS CA)123 C.C.C. (3d) 37 (C.A.N.-É.), p. 74; R. c. Salutin (1979), 11 C.R. (3d) 284 (C.A. Ont.); J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2 éd. 1999), p. 928; McCormick on Evidence (5e éd. 1999), vol. 2, § 279; et P. K. McWilliams, Canadian Criminal Evidence (3e éd. (feuilles mobiles)), vol. 2, par. 36:20221.

lundi 21 mai 2018

La règle énoncée dans Browne c. Dunn

Crowley c. R.,, 2015 NBCA 61 (CanLII)

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[15]                                                           Dans le mémoire qu’il a présenté, M. Crowley soutient que le procureur du ministère public aurait dû obtenir du casino des enregistrements de vidéosurveillance afin de confirmer l’heure de leur arrivée et de leurs départs, enregistrements qui auraient montré, en outre, les échanges que Mme Coughlan et lui avaient eus lorsqu’elle était partie du casino cette nuit-là. Il avance que des déclarations du personnel d’entretien ménager auraient permis d’établir si le mur de la chambre était souillé de maquillage, comme le prétendait Mme Coughlan, et qu’il aurait été possible d’obtenir d’elle des reçus et des messages texte pour étayer le témoignage qu’elle avait donné sur le nombre de consommations réglées pour lui ce soir-là. Le défaut du ministère public d’introduire ces preuves accessoires, soutient-il, aurait dû éveiller un doute raisonnable dans l’esprit de la juge du procès; le défaut du procureur du ministère public de le contre-interroger sur ces éléments enfreint, ajoute-t-il, la règle énoncée dans Browne c. Dunn. M. Crowley avance que, pour ces motifs, la juge a commis une « erreur manifeste » dont s’est ensuivi un procès inéquitable. Je conclus que la juge du procès n’a pas commis d’erreur de cet ordre.

[16]                                                           Un argument analogue était présenté à notre Cour dans Lakas c. R.2011 NBCA 67 (CanLII)[2011] A.N.-B. no 249 (QL). L’appel qu’interjetait l’accusé reposait sur un unique moyen : l’avocat qui l’avait représenté au procès n’avait pas « obtenu les relevés téléphoniques accessibles qui auraient permis de contester efficacement certaines parties importantes du témoignage de la plaignante » (par. 2). Au procès où s’étaient opposées deux versions différentes des événements, la juge avait retenu le témoignage de la plaignante; elle avait toutefois mentionné, dans ses motifs, qu’un facteur en particulier l’inquiétait dans la preuve : un appel téléphonique passé par la plaignante à M. Lakas le lendemain des événements. Malgré cette preuve, M. Lakas avait été déclaré coupable. En appel, l’avocat du procureur général a consenti à l’admission d’éléments de preuve additionnels dans « l’intérêt de la justice ». Notre Cour, estimant qu’il fallait ces éléments de preuve pour parer à une erreur judiciaire, a ordonné la tenue d’un nouveau procès. Ici, M. Crowley ne demande pas la permission d’introduire une nouvelle preuve et son appel n’invoque pas, non plus, une représentation inefficace de la part de son avocat. M. Crowley soutient, en deux mots, que la juge du procès a commis une erreur lorsqu’elle s’est fondée sur la preuve non corroborée de Mme Coughlan et que l’avocat du ministère public aurait dû introduire des preuves accessoires pour corroborer ou contredire les deux versions des événements, argument par lequel il conteste l’appréciation de la crédibilité par la juge du procès et le bien-fondé de la déclaration de culpabilité.

[17]                                                           Dans ses motifs, la juge du procès a fait observer que M. Crowley n’avait pas répondu aux affirmations de Mme Coughlan selon lesquelles il l’avait injuriée et avait lancé son sac à maquillage contre le mur, à son retour à la chambre d’hôtel le matin du 1er janvier 2014, et lui avait dit, plus tard ce matin-là, qu’elle avait besoin d’un hate fuck. La juge a indiqué qu’il s’agissait de propos dégradants et qu’il aurait été naturel que M. Crowley, s’il ne les avait pas tenus, propose une explication ou, à tout le moins, les nie. Cette absence d’explication est ce qui a posé problème à la juge du procès. Elle a conclu que, lorsqu’un accusé témoigne et n’aborde pas des questions qui sont pertinentes du point de vue de [TRADUCTION] l’« appréciation [générale] de la preuve », il risque que la Cour tire des inférences défavorables. M. Crowley affirme que le procureur du ministère public aurait dû le contre-interroger sur les événements susmentionnés et que le fait pour la juge du procès de se fonder sur la preuve de la plaignante constitue donc [TRADUCTION] « une erreur ».

[18]                                                           L’argument qu’avance l’appelant s’apparente à un argument présenté à la Cour dans Gillis. M. Gillis faisait valoir qu’il n’avait jamais été contre-interrogé sur la preuve qui avait amené le juge du procès à ne pas croire son témoignage et en arguait qu’il n’avait pas eu la possibilité de présenter une défense pleine et entière (par. 107). Le juge en chef Drapeau s’est penché, au soutien de son analyse, sur la ratio decidendi de Browne c. Dunn, qui exige du contre-interrogateur qu’il interroge le témoin sur la preuve extrinsèque qu’il compte utiliser pour attaquer sa crédibilité. M. Crowley soutient ici, sur le même fondement, que le procureur du ministère public aurait dû le contre-interroger sur les événements mentionnés précédemment. J’estime qu’une distinction existe entre l’analyse de Gillis et les motifs de la présente cause. Comme le juge en chef Drapeau l’écrivait dans Gillis :

Si j’applique les principes élaborés dans la jurisprudence, je ne suis pas convaincu que le juge du procès a commis une erreur de droit en tenant compte de chacun des facteurs qui ont influé sur l’évaluation de la crédibilité de l’appelant mais qui n’ont pas été portés à l’attention de ce dernier pendant le contre‑interrogatoire. Certains de ces facteurs étaient sans doute assez évidents aux yeux de l’appelant et de ses avocates. Toutefois, on ne saurait dire la même chose de ce qu’il a estimé être une contradiction, sur une question bien précise, entre les réponses de l’appelant aux questions du juge du procès et la déclaration qu’il avait faite à la police. […]  [par. 110]

En d’autres termes, dans Gillis, le témoignage de l’accusé entrait en contradiction avec une déclaration qu’il avait faite à la police. Cette contradiction exigeait plus de clarté, et selon le juge du procès, elle était fondamentale sur le plan de la crédibilité. Ni l’un ni l’autre des avocats ne l’avait apparemment relevée. Sa pertinence n’est apparue que lorsque le juge du procès a donné les motifs de ses conclusions au chapitre de la crédibilité. Il n’en est pas ainsi en l’espèce. La preuve de la plaignante était exposée et était évidente. M. Crowley, eut-il souhaité l’aborder, pouvait la contredire. Il n’en a rien fait.

[19]                                                           Comme le juge en chef Drapeau le faisait remarquer dans l’arrêt Gillis, la règle énoncée dans Browne c. Dunn n’a pas un caractère absolu et son application est fonction des circonstances de l’instance (par. 111) (voir également R. c. Quansah2015 ONCA 237 (CanLII)[2015] O.J. No. 1774 (QL), par. 101, le juge d’appel Watt). Dans R. c. McNeill2000 CanLII 4897 (ON CA)[2000] O.J. No. 1357 (C.A.) (QL), le juge d’appel Moldaver, tel était alors son titre, s’est penché sur la règle. L’appelant soutenait que, parce que certaines questions au sujet d’une conversation avec lui n’avaient pas été posées à un témoin par l’avocat de la défense, le jury avait eu l’impression qu’il devait être tenu responsable de [TRADUCTION] ce qui pouvait avoir été « une décision tactique ou un simple oubli de la part de [cet] avocat » (par. 42). L’omission d’interroger le témoin contrevenait en fait à la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, mais elle avait été présentée en appel comme une violation de la règle énoncée dans Browne c. Dunn. Au par. 44 de ses motifs, le juge d’appel Moldaver a écrit ce qui suit : [TRADUCTION] « La règle énoncée dans Browne c. Dunn est formulée succinctement par le juge d’appel Labrosse dans R. c. Henderson, précité, à la p. 141 : “En application de cette règle bien connue, un avocat qui entend attaquer la crédibilité d’un témoin en produisant une preuve contradictoire, doit fournir à ce témoin l’opportunité de réagir à cette preuve contradictoire lors de son contre-interrogatoire” ». Règle d’équité, elle vise à empêcher qu’un avocat [TRADUCTION] « piège » un témoin en ne lui donnant pas la possibilité d’exprimer son point de vue sur une preuve contradictoire ultérieure portant sur un point important.

[20]                                                           À mon avis, la règle énoncée dans Browne c. Dunn n’intervenait pas en l’espèce. Le criminaliste expérimenté qui défendait M. Crowley a contre-interrogé Mme Coughlan. Il a tenté en vain d’attaquer sa crédibilité. M. Crowley a eu la possibilité de donner sa version des événements. Son avocat lui a posé un certain nombre de questions qui l’ont amené à relater les événements de la soirée et du lendemain matin. Il n’a été précisément invité, ni à contredire le témoignage de Mme Coughlan sur les injures et le sac à maquillage lancé contre le mur, ni à indiquer s’il lui avait dit ou non, le matin, qu’elle avait besoin d’un hate fuck. Je m’arrête ici un moment pour faire remarquer qu’il n’était pas essentiel d’établir ces événements pour prouver, en définitive, l’infraction de voies de fait. Le procureur du ministère public n’avait pas l’obligation d’obtenir de M. Crowley un témoignage que ce dernier aurait pu donner lors de son interrogatoire principal. Il n’appartient pas à notre Cour, comme elle l’a déclaré, de reconsidérer la stratégie adoptée par un avocat au procès (Lavoie c. R.2010 NBCA 52 (CanLII)363 R.N.-B. (2e) 55, par. 7). Si l’avocat de M. Crowley estimait que ces éléments de preuve étaient essentiels à une éventuelle déclaration de culpabilité, il aurait pu interroger son client, lors de son interrogatoire principal, sur ces parties du témoignage de Mme Coughlan. Ou encore, il aurait pu introduire des preuves accessoires, lors du contre-interrogatoire, pour attaquer la crédibilité de Mme Coughlan ou éveiller un doute raisonnable dans l’esprit de la juge sur la culpabilité de son client. Ce rôle n’incombait pas au procureur du ministère public.

[21]                                                           Dans l’arrêt Gardiner c. R.2010 NBCA 46 (CanLII)362 R.N.-B. (2e) 179, notre Cour a accueilli l’appel pour le motif que l’avocat de la défense avait admis avoir manié inefficacement la règle énoncée dans Browne c. Dunn. Le juge d’appel Richard, auteur des motifs de la Cour, a établi une distinction entre stratégie au procès et représentation inefficace :

[A]u cours d’un procès, l’avocat de la défense est appelé à prendre bon nombre de décisions stratégiques, et les juges ne devraient pas « remettre en question les décisions tactiques d’un avocat » (voir R. c. S.G.T.2010 CSC 20 (CanLII)[2010] A.C.S. no 20 (QL), au par. 37). Comme l’a dit la Cour suprême, « [d]ans un système de justice criminelle accusatoire, les juges instruisant les procès doivent, à moins de circonstances exceptionnelles, déférer aux décisions tactiques des avocats », et il existe « une “forte présomption” que l’avocat de la défense sert les intérêts de son client avec compétence » (par. 36). Les juges d’appel ont pareillement l’obligation d’adopter cette attitude déférente. [par. 10]

Dans E.K.M. c. R.2012 NBCA 64 (CanLII)391 R.N.-B. (2e) 130, le juge Drapeau, J.C.N.-B., a avalisé cet énoncé. Il a conclu qu’il serait « bien téméraire de remettre en question la stratégie retenue pour le procès en l’absence d’une preuve de faute professionnelle qui soit solide » (par. 31).

Affirmer sous serment ne pas se souvenir d'un fait qui ne peut pas ne pas être ancré dans sa mémoire constitue aussi un parjure

R. c. Mayrand, 1989 CanLII 850 (QC CA)

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Gerry ("Le Chat") Coulombe, l'un des deux témoins, donne une déposition qui, compte tenu du contre-interrogatoire, est farcie de "Je ne me souviens pas" et truffée de "C'est possible..." et de "Si vous voulez...".  En fait, comme le jugement l'énonce (m.a. 211, 43e et s.), le juge lui a demandé:

  Dites-vous que vous ne vous souvenez pas parce que vous n'avez jamais fait cette chose ou si vous dites que vous pouvez l'avoir faite mais que vous ne vous en rappelez plus ?

 La réponse est révélatrice:

 Les deux, Votre Seigneurie.

De plus, comme cette version incriminante ne doit pas renfermer de contradictions, on croit résoudre cette difficulté par des "je ne me souviens pas".  Oublie-t-on qu'affirmer sous serment ne pas se souvenir d'un fait qui ne peut pas ne pas être ancré dans sa mémoire constitue aussi un parjure.

La nécessité pour le juge d'instance de formuler des motifs lorsque la preuve est embrouillée et contradictoire sur une question clé

Wittmann c. R., 2006 QCCA 1131 (CanLII)

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[49]           Autrement dit, le juge ne fait qu’émettre sa conclusion sans expliquer son cheminement et son raisonnement et sans s’arrêter à certains éléments de preuve qui, pourtant, s’avèrent fort troublants.
[50]           Dans l’arrêt R. c. Sheppard, 2002 CSC 26 (CanLII)[2002] 1 R.C.S. 869,  le juge Binnie écrit : 
28   Il n’est ni nécessaire ni approprié de limiter les circonstances dans lesquelles une cour d’appel peut s’estimer incapable de procéder à un examen valable en appel.  Le mandat de la cour d’appel consiste à vérifier la justesse de la décision rendue en première instance et un critère fonctionnel exige que les motifs donnés par le juge du procès soient suffisants à cette fin.  La cour d’appel est la mieux placée pour se prononcer sur cette question.  Le seuil est manifestement atteint lorsque, comme en l’espèce, le tribunal d’appel s’estime incapable de déterminer si la décision est entachée d’une erreur.  Les facteurs suivants sont pertinents dans le présent pourvoi : (i) des incohérences ou des contradictions importantes dans la preuve ne sont pas résolues dans les motifs du jugement, (ii) la preuve embrouillée et contradictoire porte sur une question clé en appel et (iii) le dossier ne permet pas par ailleurs d’expliquer de manière satisfaisante la décision du juge de première instance.  D’autres facteurs seront évidemment en cause dans d’autres instances.  En termes simples, la règle fondamentale est la suivante : lorsque la cour d’appel estime que les lacunes des motifs font obstacle à un examen valable en appel de la justesse de la décision, une erreur de droit a été commise.
[51]           En l’espèce, le juge de première instance donne des motifs généraux qui, eu égard à la troisième étape préconisée dans W.(D.), pourraient s’appliquer indistinctement à tous les jugements en matière criminelle de sorte que, vu les circonstances de ce dossier, sur lesquelles je reviendrai plus loin, cela fait obstacle à un examen valable de l’appel.
[52]           Le juge Binnie ajoute, toujours dans Sheppard :
39  Plus récemment, la Cour a étudié les circonstances où, sans qu’on puisse conclure à un verdict déraisonnable, l’omission par le juge de première instance d’exprimer ses motifs sur une question clé dans des circonstances qui exigeaient une explication pouvait être considérée comme une erreur de droit donnant ouverture à un nouveau procès (plutôt qu’à un acquittement, comme c’est le cas lorsque le verdict est déraisonnable).
[53]           Après avoir analysé les arrêts portant sur ce sujet, le juge Binnie résume son interprétation de la jurisprudence en rapport avec la nécessité de formuler des motifs lorsque la preuve est embrouillée et contradictoire sur une question clé en écrivant, notamment :
55  Selon mon interprétation de la jurisprudence, l’état actuel du droit en ce qui concerne l’obligation du juge de première instance de donner des motifs, dans le contexte de l’intervention d’une cour d’appel en matière criminelle, peut se résumer par les propositions suivantes, qui se veulent utiles sans être exhaustives :
            […]
5.      L’exposé des motifs joue un rôle important dans le processus d’appel.  Lorsque les besoins fonctionnels ne sont pas comblés, la cour d’appel peut conclure qu’il s’agit d’un cas de verdict déraisonnable, d’une erreur de droit ou d’une erreur judiciaire qui relèvent de l’al. 686(1)a) du Code criminel, suivant les circonstances de l’affaire, et suivant la nature et l’importance de la décision rendue en première instance.
6.      Les motifs revêtent une importance particulière lorsque le juge doit se prononcer sur des principes de droit qui posent problème et ne sont pas encore bien établis, ou démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires sur une question clé, à moins que le fondement de la conclusion du juge de première instance ressorte du dossier, même sans être précisé.
[54]           Dans R. c. R. (D.), 1996 CanLII 207 (CSC)[1996] 2 R.C.S. 291, le juge Major rappelle le principe voulant que l’absence de motifs puisse, dans certains cas, constituer une erreur de droit :
54  À mon avis, le juge du procès a commis une erreur de droit en ne traitant pas des éléments de preuve déroutants et en ne distinguant pas la réalité de la fiction. […]
55  […]  De même, dans des cas comme la présente affaire, où il y a des éléments de preuve embrouillés et contradictoires, le juge du procès devrait exposer des motifs expliquant ses conclusions.  Le juge du procès ne l’a pas fait en l’espèce.  Elle n’a pas traité des éléments de preuve troublants et elle n’a pas indiqué sur quoi elle s’est fondée pour déclarer D.R. et H.R. coupables de voies de fait.  Il s’agit là d’une erreur de droit qui commande la tenue d’un nouveau procès.
[55]           Le juge Major a auparavant souligné que la juge de première instance n’avait pas traité d’éléments de preuve bizarres et contradictoires.  J’estime que cette remarque du juge Major s’applique à la présente affaire.  Avec égards pour le juge de première instance, je suis d’avis qu’il a erré en droit en n’abordant pas les incohérences et contradictions que recelait la preuve de la poursuite et qui étaient susceptibles d’affecter la crédibilité de la plaignante.  Comme le mentionne le juge Binnie dans R. c. Braich2002 CSC 27 (CanLII)[2002] 1 R.C.S. 903 :
23  L’absence de motifs ou leur insuffisance en ce qui concerne la crédibilité peut justifier l’intervention de la cour d’appel […].
[56]           Quoique le rôle d’une cour d’appel ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve, «ce qu’un appelant peut cependant exiger, à l’égard des preuves produites au procès et plus particulièrement des éléments de preuve qui peuvent lui être favorables, c’est que le juge du procès en tienne compte.  Son omission de le faire justifie l’intervention du tribunal d’appel» : R. c. Polo[1994] A.Q. n249, confirmé par la Cour suprême du Canada, 1995 CanLII 78 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 44; voir également R. c. Harper1982 CanLII 11 (CSC)[1982] 1 R.C.S. 2.
[57]           Dans R. c. Gagnon2006 CSC 17 (CanLII), les juges Bastarache et Abella écrivent, en rapport avec l’arrêt Sheppard :
13   Huit ans plus tard, dans l’affaire Sheppard, les motifs étaient pour ainsi dire inexistants, notre Cour a expliqué que le juge du procès devait donner les motifs de l’acquittement ou de la déclaration de culpabilité.  L’omission de le faire constitue une erreur de droit.  Une analyse en deux étapes s’impose pour conclure à l’erreur de droit due à l’insuffisance des motifs : 1) les motifs sont‑ils déficients? et, 2) dans l’affirmative, font‑ils obstacle à l’examen en appel?  Autrement dit, notre Cour a conclu que même si les motifs sont objectivement déficients, ils peuvent parfois ne pas faire obstacle à l’examen en appel parce que, au vu du dossier, le verdict est manifestement fondé.  Cependant, lorsque les motifs sont à la fois déficients et insaisissables, un nouveau procès s’impose.
[58]           Ici, les motifs sont déficients en ce qu’ils sont inexistants quant aux raisons expliquant pourquoi la preuve de la poursuite est crédible et convaincante alors qu’elle recèle plusieurs contradictions.  De plus, ils font obstacle à l’examen en appel parce que, vu les contradictions et les incohérences de cette preuve, le verdict n’est pas manifestement fondé.
[59]           Il me paraît que le juge de première instance n’a pas tenu compte de plusieurs éléments de preuve favorables à l’appelant en omettant de prendre en considération des aspects de la preuve qui mettent sérieusement en doute la crédibilité de la plaignante et la fiabilité de sa version.  La crédibilité était au cœur du litige; or le juge ne dit pas pourquoi il croit la plaignante.  Il fallait aborder cette question et surtout, apporter une réponse qui indique qu’il a considéré les aspects troublants de son témoignage.  En l’espèce, l’appelant, qui n’a pas d’antécédents judiciaires et qui était âgé de 65 ans au moment des événements, pouvait s’attendre à ce que le juge tienne compte des éléments de preuve sur lesquels je reviendrai.  Cela n’a malheureusement pas été fait.
[60]           Quant à son obligation de considérer l’ensemble de la preuve, le juge de première instance s’est limité à une simple affirmation, soit que la preuve était suffisamment convaincante, sans analyse ni explication supplémentaire.  Dans ces circonstances, l’on peut légitimement s’interroger et se demander s’il n’a pas condamné l’appelant tout simplement parce qu’il ne l’a pas cru et a rejeté sa version, d’autant plus que certaines raisons qu’il a énoncées pour rejeter son témoignage exigent que l’on tienne d’abord pour avéré celui de la plaignante.  La seule motivation réside dans le rejet de la version de l’accusé; aucun motif n’explique pourquoi celle de la plaignante est retenue.
[61]           Or, certains aspects importants du témoignage de la plaignante étaient préoccupants et requéraient que le juge les considèrent pour expliquer sa décision.  Autrement dit, vu ses contradictions, la preuve ne permet pas de comprendre, en elle‑même, pourquoi le juge retient la version de la plaignante, et les raisons de sa conclusion ne ressortent pas du dossier.

Comment apprécier si un verdict est déraisonnable

R. c. R.P., [2012] 1 RCS 746, 2012 CSC 22 (CanLII)

Lien vers la décision

[9]                              Suivant les arrêts R. c. Yebes1987 CanLII 17 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 168, et R. c. Biniaris2000 CSC 15 (CanLII)[2000] 1 R.C.S. 381, par. 36, pour décider si un verdict est déraisonnable, la cour d’appel doit déterminer s’il s’agit d’un verdict qu’un jury ayant reçu des directives appropriées ou un juge aurait pu raisonnablement rendre. La cour d’appel peut aussi conclure au caractère déraisonnable du verdict si le juge du procès tire une inférence ou une conclusion de fait essentielle au prononcé du verdict (1) qui est clairement contredite par la preuve qu’il invoque à l’appui de cette inférence ou conclusion ou (2) dont on démontre l’incompatibilité avec une preuve qui n’est ni contredite par d’autres éléments de preuve ni rejetée par le juge (R. c. Sinclair2011 CSC 40 (CanLII)[2011] 3 R.C.S. 3, par. 4, 16 et 19-21; R. c. Beaudry2007 CSC 5 (CanLII)[2007] 1 R.C.S. 190).
[10]                          Si le caractère raisonnable d’un verdict est une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins constitue elle une question de faits. L’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celle-ci « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 474, par. 7).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La réoption n'est pas un événement imprévisible ou inévitable

R. v. Long, 2023 ONCA 679 Lien vers la décision [ 62 ]        I would also observe that the appellant re-elected a trial in the OCJ on Febru...