[12] La jurisprudence reconnaît que l’identification d’un suspect par témoin oculaire comporte effectivement des risques[2]. Elle peut mener à des erreurs judiciaires en raison de la bonne foi du témoin et la fragilité de la mémoire humaine[3].
[13] La valeur probante de la preuve d’identification ne doit pas se mesurer seulement en fonction de la crédibilité du témoin, mais également de la fiabilité de la preuve[4]. Le juge doit donc tenir compte de l’ensemble des circonstances menant à l’identification[5] ainsi que des éléments de preuve indépendants qui confirment l’identification oculaire[6]. La force probante de la preuve doit être évaluée en fonction de l’ensemble du processus d’identification, lequel culmine par l’identification lors du procès[7].
[14] Dans l’arrêt Mezzo c. La Reine, la juge Wilson dresse une liste non exhaustive des facteurs devant être pris en compte par le juge des faits dans la détermination de la fiabilité objective de la preuve d’identification :
Je ne veux pas laisser entendre que le juge du procès doit dans chaque cas s’en tenir à une classification rigide des facteurs énumérés dans l’arrêt Turnbull. Un critère automatique ne refléterait pas les particularités infinies que peuvent offrir toutes les situations de fait possibles. La mise en garde de l’arrêt Turnbull identifie cependant un certain nombre de facteurs qui peuvent clairement influer sur la qualité de la déposition d’un témoin oculaire : la durée de l’observation, la distance, l’éclairage, les obstacles à la vue, le fait de reconnaître quelqu’un, le temps écoulé entre la première observation et la description donnée ultérieurement aux policiers et les divergences entre cette description et l’aspect physique du prévenu. Il ne fait pas de doute qu’il en existe beaucoup d’autres. La cohérence des descriptions données par le témoin (importante en l’espèce), le degré d’attention qu’il ou elle a porté à l’agresseur et sa lucidité au moment du crime, sa réaction lors des confrontations subséquentes avec le prévenu (importante aussi en l’espèce) en sont quelques-uns qui nous viennent tout de suite à l’esprit.[8]
[Soulignement ajouté]
[15] Lorsqu’elle est saisie d’un appel portant sur la question de l’identification, la Cour tiendra compte des éléments suivants :
- le juge s’est-il mis en garde contre les dangers inhérents à l’identification par témoin oculaire;
- le juge a-t-il tenu compte de cette mise en garde dans son évaluation de la preuve;
- la présence d’éléments susceptibles de confirmer cette identification;
- la nature des observations du témoin oculaire, leur fiabilité et le degré de connaissance de la personne identifiée;
- le moment de l’identification ultérieure et son contexte, comme le renforcement de l’identification à la suite de propos ou d’actes inappropriés de la police.[9]
[16] En l’espèce, le juge n’a commis aucune erreur justifiant notre intervention eu égard à la preuve d’identification.
[17] Dès le départ, le juge s’est expressément mis en garde contre les dangers inhérents à l’identification par témoin oculaire[10]. Les circonstances retenues permettent selon lui de dissiper le danger relié à la preuve d’identification[11]. Son raisonnement tient compte de plusieurs facteurs énumérés dans l’arrêt Mezzo c. La Reine : (1) l’identification est faite par un policier dans le cadre d’une filature, (2) il observe l’appelante pendant un certain temps[12] (3) en concentrant son attention sur elle[13], (4) alors qu’elle se trouve à cinq mètres de distance dans le stationnement de l’épicerie et à courte distance lorsque le véhicule est stationné devant la résidence de Ste-Julie[14]. Le policier procède aux vérifications et obtient la photo de l’appelante dans les heures suivant le dernier contact[15]; il la reconnaît d’emblée et sans hésitation[16]. Au surplus, cette vérification révèle que le véhicule est immatriculé au nom de l’appelante et que le conducteur est son conjoint. Ces éléments de preuve tendent à confirmer que l’appelante était véritablement l’occupante du véhicule. Dans ces circonstances, la fiabilité objective de l’identification était élevée.
[18] Les craintes relatives à l’identification interraciale soulevées par l’appelante ne sont pas fondées. La situation ne se compare pas aux circonstances particulières dans R. c. Le [17] où le témoin d’origine caucasienne avait identifié l’accusé parmi une foule de plusieurs dizaines d’individus d’origine asiatique.
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