Bélanger c. R., 2022 QCCA 1726
[23] Dans tous les cas, l’appelant échoue à remplir son fardeau. Il est néanmoins opportun de rappeler brièvement les principes juridiques applicables à la légitime défense, avant d’expliquer les motifs justifiant le rejet du pourvoi.
[24] La légitime défense « joue un rôle important en droit et dans la société. […] La préservation de la vie et de l'intégrité physique explique pourquoi le droit permet à quelqu'un de résister à des menaces externes et pourquoi il impose des limites aux gestes commis contre autrui en son nom en réaction à ces menaces. »[20] Le législateur a remanié, en 2013, l’art. 34(2) du C.cr. qui encadre cette défense, afin d’éviter de laisser à la seule appréciation subjective de l’accusé la perception du besoin d’agir pour se défendre. Partant, les trois questions que doivent se poser les juges lorsque la légitime défense est soulevée sont : (1) le catalyseur – la personne accusée doit croire raisonnablement qu'on emploie la force ou qu'on menace de l'employer contre elle ou quelqu'un d'autre; (2) le mobile – le but subjectif de la réaction à l'emploi de la force (ou menace) doit être de se protéger soi-même ou de protéger une autre personne; et (3) la réaction – la personne accusée doit agir de façon raisonnable dans les circonstances[21].
[25] La première question suppose une évaluation à la fois subjective et objective de la situation. Subjective, car l'accusé doit avoir cru qu'on employait ou menaçait d'employer la force et objective, car cette perception doit être raisonnable dans les circonstances. Cette évaluation est faite à partir du critère bien connu de la personne raisonnable[22].
[26] Le mobile, de son côté, suppose une évaluation purement subjective du but poursuivi par l'accusé lorsqu'il a eu recours à la force. Le juge doit se demander « s’il [l'accusé] a agi pour faire cesser l’attaque, se protéger ou se défendre, plutôt que de riposter ou se venger »[23]. Le but de l'accusé peut évoluer à mesure qu'un « incident progresse ou s'aggrave »[24]. Néanmoins, il est essentiel de le déterminer, car l'aspect défensif de la réaction est fondamental à l'application de la défense. En revanche, « clarifier le but ne vise pas à classer la conduite de la personne accusée en catégories distinctes, mais plutôt à apprécier le contexte global d’un affrontement, comment il a évolué et le rôle qu’a joué la personne accusée, si elle en a joué un, dans la genèse de cette évolution. »[25]. Il faut donc se garder d'analyser le mobile sans tenir compte de la réalité au moment des évènements. Très souvent, la situation se déroule rapidement et l'accusé n'a pas le temps de bien réfléchir[26].
[27] Finalement, la réaction s'intéresse à la raisonnabilité de la conduite de l'accusé selon les circonstances de l'espèce. L'analyse normalement objective de ce qui est raisonnable est quelque peu modifiée par les facteurs inscrits au C.cr., car ceux-ci imposent de prendre en compte notamment certaines caractéristiques de l'accusé (article 34(2)e) C.cr.) ainsi que la nature de la relation entre les parties (article 34(2)f), f.1) C.cr.)[27]. L'analyse demeure tout de même principalement objective et s'intéresse à ce que la personne raisonnable aurait fait dans les mêmes circonstances[28].
[28] La question de savoir ce qui constitue de la légitime défense est une question de droit révisable selon la norme correcte. Néanmoins, l'argumentaire développé par l’appelant correspond plutôt à une allégation de mauvaise application des principes juridiques à la situation factuelle, ce qui nécessite de faire preuve de déférence envers la juge de première instance[29]. Comme mentionné précédemment, son argumentaire s’apparente également à une contestation de la raisonnabilité du verdict.
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