samedi 19 octobre 2024

Dès que la preuve — fait jouer — le moyen de défense invoqué, celui-ci sera retenu à moins que son application ne soit réfutée hors de tout doute raisonnable par le ministère public

R. c. Fontaine, 2004 CSC 27

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55                              Pour ce qui est de tous les autres moyens de défense dits « affirmatifs », dont l’alibi, la contrainte, la provocation et les autres moyens mentionnés au par. 57 de l’arrêt Cinous, la charge de persuasion et la charge de présentation sont scindées.

 

56                              En ce qui concerne ces moyens de défense « ordinaires », par opposition aux moyens de défense emportant « inversion du fardeau de la preuve », aucune charge de persuasion n’incombe à l’accusé.  Dès que la preuve — fait jouer — le moyen de défense invoqué (R. c. Schwartz1988 CanLII 11 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 443), celui-ci sera retenu à moins que son application ne soit réfutée hors de tout doute raisonnable par le ministère public.  Cependant, comme toute autre question litigieuse, les moyens de défense de ce genre ne seront soumis au jury que s’il existe un fondement probant suffisant.  On ne peut affirmer que ce fondement existe lorsque ses seuls éléments constitutifs sont ténus, insignifiants ou manifestement négligeables : il faut au dossier des éléments de preuve propres à permettre à un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant judiciairement de conserver un doute raisonnable quant au moyen de défense soulevé.

 


57                              En théorie, on peut donc estimer que les moyens de défense emportant « inversion du fardeau de la preuve » et les « moyens de défense affirmatifs ordinaires » sont assujettis à des charges de présentation différentes.  Mais là comme dans d’autres domaines du droit, la logique pure doit céder le pas à l’expérience et, s’il n’y a pas outre mesure entorse aux principes, à une démarche plus pratique et plus indiquée.  En déterminant si la partie s’est acquittée de la charge de présentation à l’égard de tout moyen de défense, le juge du procès devrait donc toujours, en tant que politique judiciaire, poser la même question : Existe‑t‑il au dossier une preuve qui permettrait à un juge des faits raisonnable, ayant reçu des directives appropriées et agissant judiciairement, de conclure que le moyen de défense est retenu?

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