R. c. Barton, 2019 CSC 33
[91] Notre Cour a constamment affirmé que le moyen de défense pertinent est fondé sur la « croyance sincère mais erronée au consentement » (voir, p. ex., R. c. Esau, 1997 CanLII 312 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 777, par. 1; Ewanchuk, par. 43; Darrach, par. 51; R. c. Cinous, 2002 CSC 29, [2002] 2 R.C.S. 3, par. 57; R. c. Gunning, 2005 CSC 27, [2005] 1 R.C.S. 627, par. 32; J.A., par. 24). Le Code lui‑même renvoie à la « croyance [de l’accusé] au consentement » (l’al. 273.2b) (l’intertitre)). Or, il ressort de la jurisprudence de notre Cour que, pour établir la défense pertinente, l’accusé doit faire état d’une croyance sincère mais erronée que la plaignante a, en fait, communiqué son consentement, par ses paroles ou par ses actes (voir R. c. Park, 1995 CanLII 104 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 836, par. 39 et 43‑44 (la juge L’Heureux‑Dubé); Ewanchuk, par. 46; J.A., par. 37, 42 et 48). Comme l’a dit la juge L’Heureux‑Dubé dans l’arrêt Park, « [e]n pratique, les principaux facteurs pertinents quant à ce moyen de défense sont donc (1) le comportement communicatif proprement dit de la plaignante et (2) l’ensemble des éléments de preuve admissibles et pertinents qui expliquent comment l’accusé a perçu ce comportement comme exprimant un consentement. Tout le reste est secondaire » (par. 44 (souligné dans l’original)).
[92] J’estime donc qu’il convient d’affiner la terminologie juridique en désignant le moyen de défense avec plus de précision par l’expression « croyance sincère mais erronée au consentement communiqué », qui doit faire en sorte que tous les intervenants du système de justice mettent l’accent sur la question vitale de la communication du consentement et évitent de s’aventurer, par inadvertance, sur le terrain interdit du consentement présumé ou tacite.
[93] L’insistance sur la croyance sincère mais erronée de l’accusé à la communication du consentement a des conséquences pratiques. Avant tout, en cherchant à invoquer le comportement sexuel antérieur de la plaignante pour appuyer la défense de la croyance sincère mais erronée au consentement communiqué, l’accusé doit pouvoir expliquer comment et pourquoi cette preuve venait renforcer sa croyance sincère mais erronée au consentement communiqué donné par la plaignante à l’activité sexuelle au moment où elle a eu lieu (voir S. C. Hill, D. M. Tanovich et L. P. Strezos, McWilliams’ Canadian Criminal Evidence (5e éd. (feuilles mobiles)), § 16:20.50.30). Dans certains cas, par exemple, le comportement sexuel antérieur peut établir l’existence d’une attente légitime quant à la façon dont le consentement est communiqué entre les parties, influant ainsi sur la perception qu’a l’accusé du consentement communiqué à l’activité sexuelle lorsqu’elle a eu lieu. La juriste américaine Michelle Anderson affirme : [traduction] « . . . les négociations antérieures entre le plaignant et l’accusé concernant les actes précis en cause ou les coutumes et les pratiques en la matière devraient être admissibles. Ces négociations, coutumes et pratiques intervenues entre les parties révèlent leur attente légitime quant à l’incident en question » (M. J. Anderson, « Time to Reform Rape Shield Laws : Kobe Bryant Case Highlights Holes in the Armour » (2004), 19 Crim. Just. 14, p. 19, cité dans Hill, Tanovich et Strezos, § 16:20.50.30). Les « négociations » ne comprennent cependant pas l’entente sur un consentement général donné à l’avance à toute forme d’activité sexuelle. Comme je l’explique ci‑après, la croyance que la plaignante a donné son consentement général à l’avance à une activité sexuelle non définie ne saurait être invoquée comme moyen de défense, vu qu’elle repose sur une erreur de droit, non de fait.
[94] Toutefois, il faut bien se garder d’adopter un raisonnement inacceptable quant à la propension (voir Seaboyer, p. 615). L’accusé ne saurait fonder sa défense sur la logique défectueuse que le comportement sexuel antérieur de la plaignante, de par sa nature, rendait cette dernière davantage susceptible d’avoir consenti à l’activité sexuelle en question, et qu’il avait cru pour cette raison à son consentement. Il s’agit du premier des « deux mythes » qui est interdit par l’al. 276(1)a) du Code.
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