vendredi 18 octobre 2024

Revue du droit concernant l'infraction d'agression sexuelle, notamment quant aux modes de commissions possibles

R. c. Virgile, 2006 QCCQ 15590

Lien vers la décision


[12]            Agression sexuelle par le biais de 265 (1) b)

De nombreuses causes des Cours d’appel des provinces du Canada et de la Cour suprême du Canada ont aussi leur pertinence.  Dans la cause de R. c. Cadden, (1989) 1989 CanLII 2847 (BC CA)48 C.C.C. (3d) 122, cette cour indiquait que «tout acte qui est,  soit une tentative d’appliquer la force, soit une menace de le faire, constitue une agression dans la mesure où l’accusé est capable de concrétiser la menace» (traduction et résumé de  Guy Cournoyer et Gilles Ouimet, Code criminel annoté 2007, éditions Yvon Blais). L’Honorable juge Hickson de la Cour d’appel de Colombie-Britannique déclarait que «It is clear from these words that an ‘’application of force’’ does not necessarily require an exertion of strength or power, but can include any act of unwanted physical interference with the person of another… To lay one’s finger on another without lawful justification is as much a forcible injury in the eye of the law, (page 124, jugement Cadden précité).


[13]            Actus reus et mens rea, consentement et croyance sincère au consentement.

Dans l’arrêt R. c. Ewanchuk (1999) 1999 CanLII 711 (CSC)1 R.C.S. 330la Cour suprême du Canada aux paragraphes 25 et suivants par l’opinion du juge Major a déclaré ce qui suit :

Paragraphe 25 :«L’actus reus de l’agression sexuelle est établi par la preuve de trois éléments : (i) les attouchements, (ii) la nature sexuelle des contacts, (iii) l’absence de consentement.  Les deux premiers éléments sont objectifs.  Il suffit que le Ministère public prouve que les actes de l’accusé étaient volontaires.  La nature sexuelle de l’agression est déterminée objectivement; le ministère public n’a pas besoin de prouver que l’accusé avait quelque mens rea pour ce qui est de la nature sexuelle de son comportement : voir R. c. Litchfield, (1993) 1993 CanLII 44 (CSC)4 R.C.S. 333 et R. c. Chase, (1987) 1987 CanLII 23 (CSC)2 R.C.S. 293».

Paragraphe 26 : «Toutefois l’absence de consentement est subjective et déterminée par rapport à l’état d’esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l’égard des attouchements lorsqu’ils ont eu lieu : voir R. c. Jensen (1996) 1996 CanLII 1237 (ON CA)106 C.C.C. (3d) 430 (C.A. Ont.) aux pages 437 et 438confirmé par (1997) 1997 CanLII 368 (CSC)1 R.C.S. 304, R. C. Park, (1995) 1995 CanLII 104 (CSC)2 R.C.S. 836 à la page 850»

Paragraphe 28 : « …L’inclusion des infractions de voies de fait et d’agression sexuelle dans le Code témoigne de la détermination de la société à assurer la sécurité des personnes en les protégeant des contacts non souhaités ou des menaces de recours à la force… ».

Paragraphe 30 : « La déclaration de la plaignante selon laquelle elle n’a pas consenti est une question de crédibilité qui doit être appréciée à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris de tout comportement ambigu. À cette étape, il s’agit purement d’une question de crédibilité qui consiste à se demander si, dans son ensemble, le comportement de la plaignante est compatible avec sa prétention selon laquelle elle n’a pas consenti. La perception qu’avait l’accusé de l’état d’esprit de la plaignante n’est pas pertinente. Cette perception n’entre en jeu que dans le cas où la défense de croyance sincère mais erronée au consentement est invoquée à l’étape de la mens rea de l’enquête.»

Paragraphe 31  : « …Il n’existe pas de défense de consentement tacite en matière sexuelle en droit canadien…»

Paragraphe 33 : « …Le consentement est une question qui touche à l’état d’esprit de la plaignante alors que la croyance au consentement est, sous réserve de l’article 273.2 du Code, une question qui touche à l’état d’esprit de l’accusé et peut donner lieu à la défense de croyance sincère mais erronée au consentement.»

Paragraphe 41 : « L’agression sexuelle est un acte criminel d’intention générale».

Paragraphe 44 : « La défense d’erreur est simplement une dénégation de la mens rea. Elle n’impose aucune charge de la preuve à l’accusé (voir R. c. Robertson, (1987) 1987 CanLII 61 (CSC)1 R.C.S. 918 à la page 936) et il n’est pas nécessaire que l’accusé témoigne pour que se soulève ce point.»

Paragraphe 45 : «Tout comme l’actus reus de l’infraction, le consentement fait partie intégrante de la mens rea, mais cette fois-ci, il est considéré du point de vue de l’accusé.  Parlant de la mens rea de l’agression sexuelle dans Park, précité,  au paragraphe 39 <dans ses motifs concordants, le juge L’Heureux-Dubé affirme ceci :’’ … la mens rea de l’agression sexuelle est établie non seulement lorsqu’il est démontré que l’accusé savait que la plaignante disait essentiellement ‘’non’’, mais encore lorsqu’il est démontré qu’il savait que la plaignante, essentiellement, ne disait pas ‘’oui’’».

Paragraphe 46 : «Pour que les actes de l’accusé soient empreints d’innocence morale, la preuve doit démontrer que ce dernier croyait que la plaignante avait communiqué son consentement à l’activité sexuelle en question. Le fait que l’accusé ait cru dans son esprit que le plaignant souhaitait qu’il la touche, sans toutefois avoir manifesté ce désir, ne constitue pas une défense».

Paragraphe 48 : «La notion de consentement diffère selon qu’elle se rapporte à l’état d’esprit de la plaignante vis-à-vis de l’actus reus de l’infraction et à l’état d’esprit de l’accusé vis-à-vis de la mens rea.  Pour les fins de l’actus reus, la notion de ‘’consentement’’ signifie que, dans son esprit, la plaignante souhaitait que les attouchements sexuels aient lieu.»

Paragraphe 49 : « Dans le contexte de la mens rea- particulièrement pour l’application  de la croyance sincère mais erronée au consentement- la notion de ‘’consentement’’ signifie que la plaignante avait, par ses paroles ou son comportement, manifesté son accord à l’activité sexuelle avec l’accusé… Les deux volets de l’analyse doivent demeurer distincts.»

Paragraphe 51 : «Par exemple, le fait de croire que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la plaignante valent consentement de sa part est une erreur de droit et ne constitue pas un moyen de défense… L’accusé ne peut dire qu’il croyait que ‘non voulait dire oui’’».

Paragraphe 52 : «… La poursuite de contacts sexuels après qu’une personne a dit ‘’non’’ est, à tout le moins une conduite insouciante qui n’est pas excusable.  Dans R. c. Esau, (1997) 1997 CanLII 312 (CSC), 2 R.C.S. 777, au paragraphe 79, la Cour a déclaré ceci : ‘’L’accusé qui, en raison d’ignorance volontaire ou d’insouciance, croit que le plaignant… a réellement consenti à l’activité sexuelle en question est dans l’impossibilité d’invoquer la défense de croyance sincère mais erronée au consentement.  C’est un fait que le législateur a codifié au sous-alinéa 273.2 a)(ii) du Code criminel .»


[14]            Modes de commissions possibles.

Comme la Cour Suprême du Canada l’a affirmé dans l’arrêt de R. c. Thatcher, (1987) 1987 CanLII 53 (CSC)1 R.C.S. 652, «chaque mode de perpétration d’une infraction entraîne la même culpabilité et, en fait, qu’une personne commette personnellement ou qu’elle aide ou encourage seulement, elle est coupable de cette infraction, en l’espèce de meurtre, et non d’une quelconque accusation distincte».  C’était dans cette célèbre cause d’un ministre accusé du meurtre de sa femme, qu’il l’ait tué ou fait tuer.                                                                                                                                                                                                                [15]            Passivité.

Comme le dit la Cour Suprême dans R. c. Dunlop (1979) 1979 CanLII 20 (CSC)2 R.C.S. 881 au paragraphe 1), «la simple présence sur les lieux d’un crime n’est pas suffisante pour conclure à la culpabilité.  Il faut faire quelque chose de plus : encourager l’auteur initial, faciliter la perpétration de l’infraction, comme monter la garde ou attirer la victime, ou accomplir un acte qui tend à faire disparaître les obstacles à la perpétration de l’acte criminel, comme par exemple empêcher la victime de s’échapper  ou encore se tenir prêt à aider l’auteur principal. »

[16]            Le tribunal rappelle l’affaire R .c. Salajko (1970) 1969 CanLII 539 (ON CA)1 CCC 352 (C.A. Ont.) également rapporté dans l’arrêt R. c. Dunlop au paragraphe  17 alors que «le troisième accusé, Salajko, bien qu’il ait été vu le pantalon baissé près d’elle, pendant qu’elle se faisait violer par les autres, n’avait pas eu de rapports sexuels avec elle… Le juge en chef Gale, au nom de la Cour, a dit qu’en l’absence de preuve d’un fait qui puisse s’interpréter comme une aide, un conseil ou une incitation de la part de l’accusé en rapport avec ce que faisaient les autres, il n’y avait tout simplement aucune preuve qui pouvait à bon droit permettre à un jury de rendre un verdict de culpabilité contre cet accusé.  Le savant juge en chef a aussi déclaré erronées les parties des directives du juge de première instance qui semblaient indiquer qu’une personne pouvait en encourager une autre à commettre une infraction, si, en connaissance de cause, elle se tenait sur les lieux pendant que l’infraction était commise».

[17]            Aide et encouragement.

Et dans ce même arrêt citant L’honorable Hawkins dans R. c. Coney (1882) 8 Q.B. 534 en page 557 «Selon moi, pour qu’il y ait aide ou encouragement, il faut une démarche active par des mots ou des actes ainsi qu’une intention de pousser l’auteur ou les coauteurs à faire quelque chose. L’incitation ne constitue pas nécessairement une aide et un encouragement; elle peut être intentionnelle ou non intentionnelle : une personne peut, sans le savoir, apporter un encouragement à une autre personne par sa présence, par des mots mal interprétés ou par des gestes ou par son silence ou en n’intervenant pas, ou elle peut l’inciter intentionnellement par des expressions, des gestes ou des actes qui ont pour but de manifester son approbation.  Dans le second cas, elle aide et encourage; dans le premier, elle ne le fait pas.  Ce n’est pas une infraction criminelle d’assister en simple spectateur passif à un crime, même un meurtre. Ne pas intervenir pour empêcher un crime n’est pas en soi un crime…Ainsi, si un certain nombre de personnes prennent des mesures  pour qu’une infraction criminelle ait lieu et que cette infraction a lieu en conséquence, la seule présence de n’importe laquelle des personnes qui ont pris de telles mesures serait un élément important de preuve quant à l’aide et l’encouragement qui devrait être laissé à l’appréciation du jury.»

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