mercredi 30 octobre 2024

Il peut arriver que la violation de l’obligation de divulgation par le ministère public justifie le retrait d’un plaidoyer de culpabilité

Denis c. R., 2005 QCCA 1089 

Lien vers la décision


33]           Le droit à la divulgation de la preuve n’est que l’une des composantes du droit à une défense pleine et entière.   La violation de ce droit ne constitue pas toujours une atteinte au droit à une défense pleine et entière (R. c. Dixon1998 CanLII 805 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 244).

[34]           Afin d’établir l’existence d’une atteinte à son droit à une défense pleine et entière, l’accusé doit démontrer qu’il existe une « possibilité raisonnable » que la non-divulgation ait influé sur l’issue du procès ou sur l’équité globale du procès (R. c. DixonR. c. TailleferR. c. Duguay, précités).

[35]           Bien qu’il s’agisse d’un fardeau moins exigeant que celui qui incombe à la partie qui demande l’admission d’une nouvelle preuve, il incombe tout de même à l’appelant de démontrer qu’il existe une « possibilité raisonnable » que le verdict aurait été différent n’eût été l’omission du ministère public (l’issue du procès) ou encore, qu’il existe une « possibilité raisonnable » que la non-divulgation ait affecté l’équité globale du procès (l’équité du procès) (R. c. TailleferR. c. Duguay, précité, paragr. 78 et 81-83).

[36]           Le cas de l’accusé qui demande le retrait de son plaidoyer de culpabilité en raison d’une violation de son droit à une défense pleine et entière est particulier.

[37]           La jurisprudence lui reconnaît le droit, selon les circonstances, au retrait de son plaidoyer de culpabilité dans le cas où ses droits constitutionnels ont été violés, et ce, même si, par ailleurs, son plaidoyer était libre, non équivoque et fondé sur une information adéquate quant à la nature des accusations portées contre lui et aux conséquences du plaidoyer de culpabilité.

[38]           Ainsi, il peut arriver que la violation de l’obligation de divulgation par le ministère public justifie le retrait d’un plaidoyer de culpabilité lorsque cette violation affecte le droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière ou le fondement de sa décision de reconnaître sa culpabilité  (R. c. T. (R.), (1992) O.R. (3d) 514 (C.A.); R. c. Jarema (1996), 1996 ABCA 306 (CanLII), 43 Alta. L.R. (3d) 345 (C.A.); R. c. TailleferR. c. Duguay, précité, paragr. 88-89).

[39]           Dans l’arrêt TailleferDuguay, le juge LeBel résume ainsi le droit applicable dans une telle situation :

À mon avis, ces décisions adoptent une formulation juste du test de l'arrêt Dixon adapté au contexte de l'incidence de la violation de l'obligation de divulguer sur la validité d'un plaidoyer de culpabilité. Dans le contexte d'un plaidoyer de culpabilité, les deux étapes distinctes de l'analyse prévue par l'arrêt Dixon doivent cependant se fondre. Il devient impossible de les distinguer puisque toute l'analyse de la violation doit se faire par rapport à la décision de l'accusé de présenter le plaidoyer de culpabilité qu'il veut maintenant être admis à retirer. L'accusé doit démontrer qu'il existe une possibilité raisonnable que la nouvelle preuve aurait influencé sa décision de plaider coupable, si elle avait été disponible avant le plaidoyer de culpabilité. Ce test conserve toutefois un caractère objectif. Il ne s'agit pas de se demander si l'accusé aurait effectivement refusé de plaider coupable, mais plutôt si une personne raisonnable et correctement informée, placée dans la même situation, aurait couru le risque de subir un procès si elle avait eu connaissance en temps opportun de la preuve non divulguée, évaluée avec l'ensemble de la preuve déjà connue. Il faut ainsi apprécier quelle aurait été la portée de la preuve inconnue sur la décision du prévenu d'admettre sa culpabilité. Si l'on peut conclure à la suite de cette analyse à l'existence d'une possibilité réaliste que le prévenu aurait couru le risque d'un procès s'il avait été en possession de ces renseignements ou de ces nouvelles pistes d'enquête, le retrait du plaidoyer doit être autorisé.

(nos soulignements)

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