mardi 1 juin 2010

Étude de la Cour d'appel au sujet des règles juridiques devant gouverner le contre-interrogatoire

El Morr c. R., 2010 QCCA 812 (CanLII)

[83] (...) Une preuve dont le seul but est de démontrer que l’accusé est le genre de personne susceptible d’avoir commis une infraction, est inadmissible à moins d'exception, ce qui n'est pas le cas ici : R. c Shearing, 2002 CSC 58 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 33; R. c. Handy, 2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908; R. c. Arp, 1998 CanLII 769 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 339.

[85] Un contre-interrogatoire autorise bien des questions qui portent sur la crédibilité. Je ne vois cependant pas en quoi ces dernières questions pouvaient permettre de croire ou de ne pas croire le témoignage de l'appelant. En réalité, de l'aveu même de l'avocat de la poursuite, le but n'était pas d'affaiblir sa crédibilité, mais plutôt de laisser croire qu'il était plus susceptible, pour cette raison, d'avoir proféré des menaces.

[86] Comme le souligne le juge Cory dans R. c. Osolin, 1993 CanLII 54 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 595, le droit de contre-interroger n'est pas illimité :

Malgré son importance, le droit de contre‑interroger n'a jamais été illimité. Il doit respecter le principe fondamental selon lequel tout élément de preuve doit être pertinent pour être admissible. En outre, la valeur probante de la preuve doit être soupesée en regard de son effet préjudiciable.

[87] L'appelant n'avait pas mis en cause sa bonne réputation et sa bonne moralité pour démontrer qu'il n'était pas une personne susceptible de commettre l'infraction ou pour rehausser sa crédibilité et la poursuite ne pouvait donc pas tenter de faire la preuve de sa mauvaise réputation, de sa moralité ou de son mode vie pour démontrer le contraire.

[97] Dans R. v. G. (A.), 1998 CanLII 7189 (ON C.A.), (1998) 130 C.C.C. (3d) 30 (C.A. Ont.), le juge Labrosse rappelle cette règle :

46 This clear rebuke from the trial judge resulted when he ascertained that defence counsel had no basis for believing or suspecting that the complainant had revealed to the doctor that anything had been inserted into her vagina, let alone the appellant's fist. Based on disclosure, defence counsel would have known the substance of the complainant's allegations. As such, the questions were improper, outrageous and clearly exceeded the proper limits of cross-examination. The questions could only have been intended to embarrass the complainant. […]

[98] Un contre-interrogatoire ne peut avoir pour objectif de dénigrer ou de diminuer l'accusé : R. v. Robinson 2001 CanLII 24059 (ON C.A.), (2001), 153 C.C.C. (3d) 398 (C.A. Ont.); R. v. Bouhsass 2002 CanLII 45109 (ON C.A.), (2003), 169 C.C.C. (3d) 444 (C.A. Ont.).

[102] Je ne retiens pas cet argument. Il est vrai qu'un procès présidé par un juge seul réduit considérablement le risque que cette preuve crée de la confusion à l'égard des enjeux soulevés. Par contre, comme le soulignait l'avocat de l'appelant à l'audience, ce n'est pas une raison en soi ni une licence pour justifier le dépôt d'éléments de preuve inadmissibles ou encore les questions illégales. Comme le mentionne à ce sujet le juge Helper dans R. v. W. (R.S.) reflex, (1990), 55 C.C.C. (3d) 149 (Man. C.A.), à la p. 157, un arrêt prononcé à la suite d'un procès présidé par un juge seul :

A trial judge is charged with the responsibility of ensuring that proceedings before him (or her) are conducted fairly. He has an overriding duty in every case to ensure a fair trial. He is the ultimate umpire whose duties include excluding inadmissible evidence and preventing cross-examination which goes beyond permissible limits, even though not objected to by counsel for the accused.

[103] Dans R. c. Duguay, [2001] J.Q. n° 4037, J.E. 2001-1769 (C.A. Qué.), au paragr. 46, le juge Biron écrivait, pour la Cour :

Présumé innocent, un accusé a droit à un procès équitable.

[104] Or, un contre-interrogatoire abusif peut rendre le procès inéquitable. Dans R v. R. (A.J.), 1994 CanLII 3447 (ON C.A.), (1994) 94 C.C.C.(3d) 168 (C.A. Ont.), le juge Doherty écrit :

23 There are, however, well-established limits on cross- examination. Some apply to all witnesses, others only to the accused. Isolated transgressons of those limits may be of little consequence on appeal. Repeated improprieties during the cross-examination of an accused are, however, a very different matter. As the improprieties mount, the cross-examination may cross over the line from the aggressive to the abusive. When that line is crossed, the danger of a miscarriage of justice is very real. If improper cross-examination of an accused prejudices that accused in his defence or is so improper as to bring the administration of justice into disrepute, an appellate court must intervene […]

[105] Dans R. v. White 1999 CanLII 3695 (ON C.A.), (1999), 132 C.C.C. (3d) 373 (C.A. Ont.), le juge Doherty s'exprime ainsi :

6 There is no need to review the well-established and unfortunately ever-growing line of authority relating to improper cross-examination by Crown counsel. Improper cross-examination of an accused may taint a trial either by resulting in actual prejudice to an accused or by creating the appearance of unfairness.

[106] Je suis d'avis que c'est le cas en l'espèce et que le contre-interrogatoire de l'appelant a mis en cause l'équité du procès. Le juge ne pouvait demeurer passif. Dans R. v. Snow 2004 CanLII 34547 (ON C.A.), (2004), 190 C.C.C. (3d) 317 (C.A. Ont.), il est écrit :

[24] On the other hand, a trial judge is certainly entitled to control the proceedings and to intervene when counsel fail to follow the rules or abide by rulings. A trial judge is not a mere observer who must sit by passively allowing counsel to conduct the proceedings in any manner they choose. It is well recognized that a trial judge is entitled to manage the trial and control the procedure to ensure that the trial is effective, efficient and fair to both sides

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