vendredi 24 août 2018

La communication des informations entourant la présentation d’un acte d’accusation direct

R. c. Antoine, 2017 QCCS 608 (CanLII)

Lien vers la décision

[18]        La question de la communication des informations entourant la présentation d’un acte d’accusation direct a déjà fait l’objet de décisions judiciaires.
[19]        Cependant, il incombe dorénavant de résoudre la question présentée par les accusés à la lumière des principes formulés récemment par le juge Moldaver dans l’arrêt R. c. Anderson.
[52]      Il incombe au demandeur de prouver par prépondérance des probabilités qu’il y a eu abus de procédure : Cook, par. 62; R. c. O’Connor,1995 CanLII 51 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 411, par. 69, la juge L’Heureux-Dubé; R. c. Jolivet2000 CSC 29 (CanLII)[2000] 1 R.C.S. 751, par. 19.  Toutefois, en raison de la nature unique du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites — notamment le fait que le ministère public sera habituellement (voire toujours) la seule partie qui saura pourquoi une décision donnée a été prise ― notre Cour a reconnu dans Nixon que lorsque le pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites est contesté, le ministère public peut être tenu de justifier sa décision lorsque le demandeur établit l’existence d’une preuve suffisante : par. 60.
[53]      Dans Nixon, notre Cour énonce les raisons suivantes pour lesquelles il doit exister « une preuve suffisante » avant que l’allégation relative à l’abus de procédure puisse être examinée :
. . . l’imposition aux tribunaux d’une exigence selon laquelle ils doivent d’abord se prononcer quant à l’utilité de la tenue d’une enquête fondée sur laCharte n’a rien de nouveau : R. c. Pires2005 CSC 66 (CanLII)[2005] 3 R.C.S. 343.  Il faut également satisfaire à des critères préliminaires semblables dans d’autres domaines du droit criminel; ils ne constituent pas une anomalie. Des conditions préliminaires peuvent être imposées uniquement pour des raisons pragmatiques. Comme la Cour l’a fait remarquer dans Pires (par. 35) :
Pour que notre système de justice fonctionne, les juges qui président les procès doivent être en mesure de veiller au bon déroulement des instances.  L’un des mécanismes leur permettant d’y arriver est le pouvoir de refuser de procéder à une audition de la preuve lorsque la partie qui en fait la demande est incapable de démontrer qu’il est raisonnablement probable que cette audience aidera à résoudre les questions soumises au tribunal.
Hormis de telles considérations pragmatiques, il existe de bonnes raisons d’imposer un fardeau initial au demandeur qui prétend qu’un acte résultant de l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites constitue un abus de procédure.  Comme de telles décisions échappent généralement à la compétence du tribunal, il ne suffit pas d’entreprendre un examen pour qu’un demandeur puisse faire une simple allégation d’abus de procédure.  [Je souligne; par. 61-62.]
[54]      L’arrêt Nixon portait sur la répudiation d’une entente sur le plaidoyer par le ministère public.  Notre Cour a affirmé que la répudiation d’une entente sur le plaidoyer est « un événement rare et exceptionnel » qui répond au critère préliminaire de preuve et justifie un examen du bien-fondé de la décision du ministère public : Nixon, par. 63.  En fait, il ressortait de la preuve dans Nixon que seulement deux autres ententes sur le plaidoyer avaient déjà été répudiées en Alberta.  En conséquence, la Cour a affirmé ce qui suit :
. . . dans la mesure où la Couronne est la seule partie au courant de l’information, c’est à elle qu’il incombe d’exposer au tribunal les circonstances et les motifs qui sous-tendent sa décision de répudier l’entente.  En d’autres termes, la Couronne doit expliquer au tribunal pourquoi et comment elle est parvenue à la décision de ne pas respecter l’entente qu’elle avait pourtant conclue.  En bout de ligne, c’est au demandeur qu’il revient d’établir qu’il y a eu abus de procédure et, comme il a déjà été discuté, il doit satisfaire à un critère rigoureux.  Cependant, le peu, voire l’absence d’explications de la Couronne, le cas échéant, constitue un facteur qui milite fortement en faveur de la thèse du demandeur qui cherche à établir qu’il y a eu abus de procédure.  [par. 63]
[55]      Le fait d’obliger le demandeur à établir l’existence d’une preuve suffisante avant que la cour entreprenne l’examen des motifs qui sous-tendent l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites respecte la présomption selon laquelle ce pouvoir est exercé de bonne foi : Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re)2004 CSC 42 (CanLII)[2004] 2 R.C.S. 248, par. 95.  Notre Cour a confirmé cette approche dans Sriskandarajah, par. 27, où elle a dit que « sauf preuve de sa mauvaise foi ou du caractère inapproprié de ce qui l’a animé, le poursuivant n’est pas tenu de motiver sa décision » (je souligne).
[20]        Seule la poursuite connait les raisons qui expliquent sa décision de présenter un acte d’accusation direct.
[21]        Selon les principes formulés dans l’arrêt Anderson, la poursuite ne sera pas tenue de fournir une explication ou de faire connaître ses motifs au sujet de la présentation d’un acte d’accusation direct à moins que les accusés ne satisfassent un critère préliminaire de preuve, un fardeau initial (« threshold burden »), soit une preuve suffisante, c’est-à-dire, une preuve vraisemblable de la mauvaise foi de la poursuite ou du caractère inapproprié de ce qui l’a animée lorsque cette décision a été prise.
[22]        La preuve suffisante requise pour ordonner la communication de la preuve des raisons justifiant la présentation d’un acte d’accusation direct doit rendre vraisemblable l’abus de procédures selon une probabilité raisonnable.
[23]        Une simple allégation d’abus de procédure ne justifie pas la tenue d’un examen de cette question ni la communication d’éléments de preuve à cet égard.
[24]        Qu’en est-il dans la présente affaire?
[25]        Les accusés soutiennent avoir été privés du bénéfice de la vérification de la traduction ordonnée par le juge de l’enquête préliminaire.
[26]        Or, la position de la poursuite ne faisait l’objet d’aucun mystère et ne révèle, en soi, aucun motif oblique, si ce n’est la volonté d’accélérer les procédures après une longue enquête préliminaire.
[27]        Les échanges entre le juge présidant l’enquête préliminaire et le procureur de la poursuite le révèlent assez clairement. 
[28]        D’ailleurs, dès que le dossier se présente devant le juge coordonnateur de la chambre criminelle de la Cour supérieure, le procureur de la poursuite l’informe que la question de la traduction constitue l’une de celles qui doivent être résolues rapidement.
[29]        Le principal obstacle à la demande des accusés se trouve dans la décision de la Cour suprême dans R. c. S.J.L..
[30]        Dans cette décision, la Cour suprême confirme qu’il n’existe pas de droit constitutionnel à l’enquête préliminaire ou au respect de ses résultats.   
[31]        Lors du dépôt d’un acte d’accusation direct, la mise à l’écart du mécanisme de filtrage que prévoit l’enquête préliminaire, ne porte pas atteinte aux principes de justice fondamentale.
[32]        De plus, même si l’enquête préliminaire permet à l’accusé « de mettre à l’épreuve la crédibilité des témoins et de mieux connaître la preuve dont dispose la poursuite […], ces avantages accessoires n’érigent pas cette procédure en droit constitutionnel ».
[33]        D’une certaine manière, les accusés revendiquent les fruits de l’ordonnance prononcée par le juge lors de l’enquête préliminaire comme s’il s’agissait d’un droit autonome et acquis qui survivrait à la fin de l’enquête préliminaire qui découle de la présentation d’un acte d’accusation direct. Or, un tel droit acquis n’existe pas.
[34]        Certes, le droit à la communication de la preuve de l’accusé doit être respecté; la traduction préparée a d’ailleurs été divulguée. Mais si le droit à la communication de la preuve n’oblige pas la poursuite à produire un témoin pour un interrogatoire préalable, la préparation d’une traduction par un traducteur reconnu ne peut pas être requise.
[35]        De plus, il est reconnu que l’accusé n'a pas le droit constitutionnel de diriger la conduite de l'enquête pénale dont il est la cible.
[36]        En effet, bien que la police et la poursuite doivent examiner sérieusement les demandes d'enquête faites par un accusé, ce sont les autorités chargées des poursuites qui portent la responsabilité ultime de déterminer l'utilisation des ressources publiques et le cours de l'enquête. Le droit à la divulgation de la preuve ne s'étend pas jusqu'à exiger de la police qu'elle enquête sur les défenses possibles.
[37]        Certes, la poursuite est tenue de prendre les mesures raisonnables pour aider l'accusé à obtenir la communication de documents pertinents en possession des tiers, mais cela est très différent d'exiger que la poursuite mène des enquêtes qui peuvent aider la défense ou que la poursuite présente ou communique la preuve sous une forme dont la qualité est supérieure aux exigences formulées dans l’arrêt White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co. (« White Burgess »).
[38]        Si le droit à l’enquête préliminaire et ses avantages ne bénéficient pas d’une protection constitutionnelle, il est difficile de concevoir qu’un accusé possède un droit, constitutionnel ou légal, de réclamer ou revendiquer les bénéfices ou les fruits d’une ordonnance rendue par le juge durant l’enquête préliminaire, sauf possiblement en présence d’un abus de procédures.
[39]        Les accusés ne possèdent pas un droit constitutionnel ou légal à recevoir une traduction préparée par un traducteur professionnel ou reconnu, même si cela constitue une pratique éminemment souhaitable pour la poursuite et évite des débats inutiles et périlleux. 
[40]        La poursuite a communiqué la traduction préparée par le policier Décembre. Les accusés sont en mesure d’en vérifier la qualité et d’obtenir l’opinion d’un traducteur qualifié.
[41]        Selon le jugement rendu antérieurement, les accusés auront le bénéficie de contre-interroger le policier Décembre et de mettre en doute tant sa compétence que la qualité et la fidélité de sa traduction devant le jury.
[42]        Ils pourront présenter leur propre traduction s’ils le souhaitent.
[43]        Il appartiendra ensuite au jury d’évaluer le tout.
[44]        Dans les circonstances, la présomption de bonne foi de la poursuite ne s’avère pas écartée et la communication de la preuve recherchée ne doit pas être ordonnée.

Les principes applicables à la communication de la preuve dans le cadre d’une contestation de type Garofoli

R. c. Antoine, 2017 QCCS 487 (CanLII)

Lien vers la décision

[1]           Les accusés présentent une demande de communication de la preuve en vue d’une contestation de type Garofoli des autorisations d’écoute électronique.
[2]           Les accusés recherchent la divulgation des rapports de sources, des notes des policiers contrôleurs de ces sources de même que des notes des dénonciateurs concernant plusieurs autorisations judiciaires.
[3]           Les accusés se fondent sur la décision rendue par le juge Vauclair dans R. c. Dumais.
[4]           Dans cette décision, le juge conclut que les rapports de sources ayant servi à la rédaction d'un affidavit au soutien d'une autorisation judiciaire doivent être divulgués, sujet au caviardage nécessaire à la protection de l’identité des sources. L’obtention de cette information n’exige pas la démonstration de leur utilité.
[5]           Selon le juge Vauclair, il ne faut pas s'attarder aux noms des documents demandés, mais plutôt à leur contenu.
[6]           Selon lui, l’accusé n'a pas le droit d'obtenir les rapports de sources qui ne visent pas l'enquête sous-jacente à l'accusation, car cela est tout simplement manifestement non pertinent.
[7]           De plus, le désir d'attaquer la fiabilité ou la crédibilité générale de la source n'est pas un motif suffisant pour ordonner une communication de la preuve plus étendue. Une telle demande constitue une expédition de pêche. Toutefois, les informations pertinentes à l'enquête sous-jacente à l'accusation doivent être divulguées.
[8]           La question soulevée par la demande des accusés fait l’objet d’une abondante jurisprudence postérieure à la décision du juge Vauclair.
[9]           Aucune décision québécoise n’analyse la portée de ces décisions.
[10]        La nouvelle approche s’amorce avec la décision rendue dans R. v. Ahmed.

[11]        Dans cette affaire, le juge McDonnell de la Cour supérieure de l’Ontario refuse la communication des notes du contrôleur d’une source en raison de l’objet restreint d’une contestation de type Garofoli. Il écrit :
17        […] In the context of a Garofoli review, an accused has a right to disclosure of all relevant information in the possession of the Crown. However, relevance is a context-sensitive concept, and what will be relevant on a Garofoli review must be determined in light of the nature and scope of the review, which is focused on the adequacy of the material that was before the judge who granted the authorization. An accused is entitled to disclosure of that material as of right, but to obtain disclosure of other material, the accused is obliged to show a basis to believe that disclosure of the material may assist in showing that the authorization should not have been granted.
[Le soulignement est ajouté]
[12]        Voici l’extrait pertinent de l’analyse proposée dans l’arrêt Ahmed :
29        To say that the right to disclosure applies to a Garofoli hearing is not to say that the content of the right and the circumstances under which it will be triggered will be the same as at trial. The right to disclosure is a component of the broader constitutional right to make full answer and defence. The right to cross-examine witnesses is also a component of that broader right. What was in issue in Pires was whether the Garofoli leave requirement unjustifiably limited the right to make full answer and defence. In holding that it did not, Justice Charron explained that the content of the right to full answer and defence will depend on the context in which it is invoked:
[13]        Le juge réfère à certains passages de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Pires pour expliquer l’objet restreint d’une contestation de type Garofoli.
[14]        Il poursuit son analyse en ces termes :
30        In Pires, the aspect of full answer and defence that was in issue was the right to cross-examine; in this case it is the right to disclosure. Like the appellants in Pires, the applicants fail to acknowledge any distinction between what full answer and defence requires for the purpose of an evidentiary hearing and what it requires for the purpose of a trial on the merits. On a challenge to a wiretap authorization, the material that was before the authorizing judge will clearly be relevant and the accused is statutorily entitled to it. The accused is also entitled to all the information in the possession of the Crown that is potentially relevant to the trial itself - i.e., to the investigative file. However, what the confidential sources told their handlers falls outside of the investigative file. Were the Crown not intending to adduce intercepted private communications, what the confidential sources said to the police that moved them to seek an authorization would be prima facie irrelevant. Once a disclosure request reaches beyond what was before the authorizing judge and the investigative file, any presumption of relevance is significantly attenuated.
31        That is not to say that an accused cannot obtain disclosure of such material for the purposes of a Garofoli application. However, consistent with the approach to cross-examination of wiretap affiants affirmed in Pires, the accused must establish some basis for believing that there is a reasonable possibility that disclosure will be of assistance on the application.
32        Placing a relatively modest onus on the defence in that respect acknowledges the practical realities of the process by which grounds for judicially authorized searches are developed. In making a case for a wiretap authorization, particularly in a complex case, an affiant will inevitably he required to distill information gathered by other police officers. For example, a substantial part of the basis for the authorization in this case was provided to the affiant in the form of reports - 27 front the 28 handlers of the confidential sources and 77 from the 39 different surveillance officers. Those reports were undoubtedly prepared on the basis of contemporaneous notes of some sort, but it is clear that the affiant never saw the handlers' notes and implicit that she never saw the surveillance notes. That is, she did not go behind those 104 routine reports to check them against the underlying notes for accuracy and completeness. In the absence of some basis for suspecting a problem, it was reasonable for her not to demand that the authors of the reports provide her with their notebooks. It is equally reasonable, in my view, to require the applicants to point to something that justifies an order that those notebooks be produced for the purposes of a Garofoli application. To hold that there is no such requirement would open the door to wide ranging, time consuming, and resource draining fishing expeditions.
[Le soulignement est ajouté]
[15]        Tel qu’indiqué précédemment, la décision rendue dans Ahmed donne lieu à une abondante jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire d’analyser minutieusement, car le Tribunal adopte l’analyse convaincante et persuasive contenue dans la décision rendue dans l’affaire R. c. McKenzie.
[16]        Cette approche s’avère conforme et compatible avec la décision rendue par le juge Vauclair dans l’affaire Dumais.
[17]        Avant de reproduire plusieurs extraits de cette décision, il est essentiel de souligner qu’il faut aborder ces questions avec nuances.
[18]        En effet, d’une part, la protection des sources policières doit faire l’objet d’une attention et d’une vigilance constante en raison du caractère absolue de la protection de leur identité. 
[19]        D’autre part, la gestion des sources policières exige une surveillance soutenue en raison des risques réels de manipulation, par la source elle-même, ou de la possibilité d’une utilisation inappropriée des sources par les corps policiers ou l’un de leurs membres.
II - Les principes applicables
[20]        Avant d’analyser les conclusions contenues dans McKenzie, il s’avère utile de rappeler les propos suivants de la juge Charron, dans l’arrêt Pires, au sujet du droit à la communication de la preuve dans le contexte d’une contestation de type Garofoli :
25        Le premier facteur contextuel omis dans l’argumentation des appelants a déjà été mentionné - il s’agit du droit à une communication complète. Selon le par. 187(1.4) du Code criminella défense a accès à tous les documents relatifs à l’autorisation. Il lui suffit d’affirmer que l’admissibilité de la preuve est contestée et qu’il est nécessaire d’avoir accès aux documents pour préparer le procès : Dersch c. Canada (Procureur général)1990 CanLII 3820 (SCC)[1990] 2 R.C.S. 1505, p. 1517.  Les documents comprennent l’affidavit déposé au soutien de la demande d’autorisation.  Sous réserve de toute suppression nécessaire pour protéger les informateurs, l’affidavit fournit généralement un compte rendu complet de l’enquête ayant conduit à la demande d’écoute électronique, un exposé des motifs invoqués à l’appui de la demande et des renseignements concernant la vraisemblance raisonnable des éléments de preuve obtenus des informateurs. L’affidavit déposé en l’espèce sera examiné en détail plus loin dans les présents motifs.
26        En outre, selon les principes énoncés dans l’arrêt Stinchcombela défense a droit à tous les documents potentiellement pertinents en la possession du ministère public ou relevant de lui, qu’ils soient favorables ou non à l’accuséElle peut donc comparer le contenu du dossier d’enquête reçu du ministère public avec les documents étayant l’autorisation pour vérifier s’il y a quoi que ce soit qui jette un doute sur la vraisemblance raisonnable de ceux-ci. De plus, les documents communiqués peuvent également fournir à la défense d’autres pistes d’enquête auprès de tiers.
27        Ainsi, la défense ne se présente pas les mains vides à l’audition de la preuve. Facteur plus important, toutefois, si les documents communiqués ne permettent pas d’établir l’existence de motifs justifiant de mettre en doute la validité de l’autorisation, il est généralement peu probable que le contre-interrogatoire du dénonciateur fournisse d’autres renseignements substantiels. Si je dis peu probable, c’est à cause de l’objet restreint de l’enquête effectuée dans le cadre de cette audition de la preuve. Cela m’amène à l’autre facteur contextuel important.
[Le soulignement est ajouté]
III - L’approche adoptée dans l’affaire McKenzie
[21]        Lorsqu’il analyse la volumineuse jurisprudence sur cette question, le juge Campbell insiste sur les dangers d’une approche trop restrictive en cette matière :
23        The state of the jurisprudence on the subject of disclosure of the contents of the "investigative file" against the accused in this context may be fairly described as diverse, evolving and unsettled. The judicial authorities on this topic range widely from decisions holding that the accused is narrowly entitled only to disclosure of the limited materials that were put before the issuing justice (see R. v. Barzal (1993), 1993 CanLII 867 (BC CA)84 C.C.C. (3d) 289 (B.C.C.A.), at pp. 300-302R. v. Blake2015 ONSC 6008 (CanLII)[2015] O.J. No. 5003, at paras. 14-15, 22, 27, 35-36), to decisions holding that the accused is broadly entitled to disclosure of any piece of information that is logically relevant to whether the search warrant ought properly to have issued (see R. v. Edwardsen2015 BCSC 705 (CanLII)[2015] B.C.J. No. 875, at paras. 32-35, 43-48, 74; R. v. Little2012 NSSC 402 (CanLII)[2012] N.S.J. No. 744, at paras. 3, 8, 13-15). In my opinion, with respect to those holding the contrary views, neither of these two extreme approaches appropriately balances the three important competing interests.
24        The decisions that strictly limit disclosure to only the materials that were put before the issuing justice place too little weight on the potential importance of evidentiary hearings and too narrowly restrict the ability of the accused to challenge the validity of the warrant. In this regard it is important to recall that, in R. v Crevier, at para. 72, the Court of Appeal for Ontario held that before the reviewing court is able to rely upon the original, unredacted ITO in determining the validity of a search warrant under "step six" of Garofoli, the accused must be made aware of the general nature of the redactions, and his or her awareness must be sufficient to permit the accused to challenge the redacted details "both in argument and by evidence." In the absence of disclosure of any further information, beyond the materials placed before the issuing justice, it may be extremely difficult, if not impossible, for the accused to try to pursue any type of sub-facial attack on the issuance of the search warrant, as the other materials in the "investigative file" that may potentially undermine (or confirm) the accuracy of the ITO are simply unavailable to the accused or the court. The accused may only have a redacted copy of the ITO.
25        Further, this approach, which requires disclosure of only the materials placed before the issuing justice, adopts far too narrow a definition of the "investigative file" against the accused. The "investigative file" would certainly include the materials placed before the issuing justice, and the ITO, if appropriately drafted, would likely summarize the key aspects of the police investigation to-date in a full, fair and frank manner. However, the "investigative file" can hardly be accurately said to be limited to such materials. There might well be a wealth of other materials gathered by the police as part of their unfolding investigation against the accused, that would also have to be properly viewed as falling within the "investigative file."
26        At the other end of the legal spectrum are the decisions that broadly articulate the right to disclosure in this context as including any piece of information potentially relevant to whether the search warrant ought to have issued. These decisions, in my view, place too little weight on the need to ensure that these types of evidentiary hearings remain efficiently focused upon determining the admissibility of evidence, without becoming boundless, unmanageable, resource-draining exercises. Further, these decisions seem to unhinge the disclosure obligation cast upon the Crown from its informational source (i.e. the "fruits" of the police investigation, or the "investigative file" against the accused). Indeed, in R. v. Edwardsen, at paras. 43-44, 48, the court concluded that there was "no merit" in the "investigative file" approach to disclosure, which was "little more than an arbitrary characterization" which has "little or nothing to do with the actual relevance of the information in question." This very broad approach to disclosure obligations in this context, which discards the "investigative file" approach, has already been persuasively rejected by other courts, observing that the approach is inconsistent with binding authorities from the Supreme Court of Canada and provincial appellate courts that have consistently applied the "investigative file" approach to disclosure obligations. See R. v. Lemke2015 ABQB 444 (CanLII)[2015] A.J. No. 796, at paras. 28-29R. v. McKay2015 BCSC 1510 (CanLII)[2015] B.C.J. No. 1841, at para. 68.
[Le soulignement est ajouté]
[22]        Il souligne avec raison les dangers de révéler l’identité d’un informateur :
[15]      In the specific context of an evidentiary hearing conducted pursuant to R. v. Garofoli to determine the validity of an authorization or search warrant and the admissibility of the evidence obtained by the police pursuant to ss. 8 and 24(2) of the Charter, the right to disclosure entitles the accused to virtually automatic access to: (1) all documents that were put before the authorizing or issuing justice; and (2) all other relevant materials in the “investigative file” concerning the accused. At the same time, it must be recognized that this disclosure cannot compromise the privilege of anonymity accorded to a confidential informant who may have provided information to the police. The right to disclosure has always been subject to this privilege, except where the innocence of the accused is at stake. […].
[…]
[22]      The third consideration is a matter of understanding priorities. It is critical to recall that, in this context, disclosure to the accused simply cannot properly be made of any information that may compromise the anonymity of a confidential informant. In other words, regardless of the practical application of the rules concerning disclosure in the context of such evidentiary hearings, the privilege of secrecy surrounding a confidential informant cannot be compromised. Accordingly, even in cases where disclosure is appropriately provided or ordered, in the absence of an effective waiver of privilege the materials disclosed to the accused must be redacted to protect the anonymity of the confidential informant. Seen in this light, the ordered “disclosure” of privileged materials is of only indirect potential benefit to the accused as it may only be useful in allowing the trial judge, who is the only one (apart from the Crown) who may view the original, unredacted, privileged materials, to independently “fact-check” or verify the accuracy of the ITO and ensure that the affiant provided full, fair and frank disclosure of factual matters in the ITO. By this observation, I do not mean to minimize the potential significance of such “disclosure” of privileged materials, but seek only to assess its significance accurately. […].
[Le soulignement est ajouté]
[23]        Il décrit ainsi le défi qui entoure la détermination de ce qui constitue le dossier de l’enquête et les fruits de celle-ci :
[17]      The much more difficult question relates to the properly defined scope of the other contents of the “investigative file” against the accused, and what precisely must be disclosed to an accused who seeks to quash an authorization or search warrant and exclude the evidence obtained by the police.
[18]      Moreover, the answer to this question is of great practical importance. If the material is part and parcel of the “fruits of the investigation” against the accused, and is thereby part of the “investigative file,” then it must be disclosed to the accused, upon request, subject only to issues of privilege, unless the Crown is able to establish that the material is clearly irrelevant. See R. v. Stinchcombe, at pp. 333, 338-339, 343-346; R. v. Pires; R. v. Lising, at para. 26; R. v. McNeil, 2009 SCC 3 (CanLII)[2009] 1 S.C.R. 66, at paras. 22-25. On the other hand, if the material is not part of the “investigative file” against the accused, then it is presumptively irrelevant and need not be disclosed unless the accused can establish that there is a reasonable possibility that disclosure will be of assistance to the court in relation to a material issue on the application to quash the search warrant or set aside the authorization. See R. v. Pires; R. v. Lising, at paras. 30-31, 40; R. v. Ahmed, at paras. 29-31.
[24]        Le juge Campbell définit le dossier de l’enquête comme comprenant les informations obtenues durant la conduite de l’enquête visant l’accusé ainsi que l’information sur laquelle se fonde l’autorisation judiciaire, mais excluant les renseignements généraux (« background information ») au sujet de l’informateur. Il écrit :
[30]      For the following reasons, I have concluded that the “investigative file” against an accused encompasses all materials accumulated by the investigating police agency in its investigation and relied upon in the search warrant materials targeting the accused. Typically, this includes the information received by the affiant about what the confidential informant said regarding the involvement of the suspect in the alleged offence, but does not include background personal information about any confidential informant or the details of his previous activities in confidentially providing information to the police.
[31]      As I have indicated, in my view, for purposes of applications to quash search warrants pursuant to Garofoli, the "investigative file" against an accused is properly defined as including all materials accumulated (i.e. gathered or created) by the investigating police agency in its investigation, and relied upon in the search warrant materials targeting the suspect/accused. This was, essentially, how Clark J. defined the term in R. v. Abdullahi, 2014 ONSC 3981 (CanLII)316 C.R.R. (2d) 156, at paras. 5-7, 17, 20. This definition of "investigative file" ensures that the accused is provided with disclosure of, essentially, all of the materials that were relied upon by the affiant in drafting the ITO. In my view, this element of reliance by the affiant upon the information is an important element of the definition of "investigative file" for disclosure purposes in relation to motions to quash search warrants and exclude evidence.
[32]      Significantly, a number of the decisions in this area have expressly suggested that the "investigative file" includes any materials that the affiant "relied upon" in drafting the ITO. […] At the same time, the element of reliance must be understood in a practical way. Not everything that may have once been seen or heard by the affiant before completing the ITO is necessarily relied upon by the affiant and, therefore, part of the "investigative file" in relation to the accused. Indeed, as Garton J. aptly noted in R. v. Arviko, [2013] O.J. No. 6293, at para. 14 (and further discussed at paras. 3-7, 17-27), all items that may have been "viewed or heard by the affiant are not presumptively relevant and discloseable" by the Crown.
[Le soulignement est ajouté, certaines références sont omises]
[25]        Le dossier de l’enquête comprend également l’information communiquée par l’informateur quant à l’implication de l’accusé au sujet de la commission de l’infraction alléguée dans l’autorisation judiciaire. Ceci englobe les notes du dénonciateur si celui-ci a rencontré l’informateur, ou celles du contrôleur le cas échéant :
[33]      As I have indicated, generally speaking, the “investigative file” in relation to the accused must include the materials outlining the information received by the affiant about what the confidential informant said about the involvement of the suspect in the alleged offence. Accordingly, in cases where the affiant has communicated directly with the confidential informant, the affiant’s notes of those communications (redacted to protect privilege) should be disclosed to the accused. Similarly, in cases where the affiant has been provided with information from another police officer about the confidential informant’s allegations about the involvement of the suspect in the alleged offence, any documentation passed along to the affiant and/or any notes about what information was passed along to the affiant (redacted to protect privilege) should be disclosed to the accused.
[Le soulignement est ajouté]
[26]        Le dossier de l’enquête exclut toutefois les renseignements généraux (« background information ») et détails personnels concernant l’informateur, les fichiers de renseignements d’un corps policier à son sujet, l’information à l’égard de son implication antérieure dans d’autres dossiers et qui ne concerne pas l’infraction qui fait l’objet de l’accusation :
[38]      As I have indicated, based on this definition of the term “investigative file,” in this context of evidentiary hearings, the investigative file will typically not include: (1) any background information or personal details about any confidential informant; (2) any police intelligence files about any confidential informant (sometimes described as a confidential informant file); and/or (3) any reports to or from any police agency regarding the previous involvement of the confidential informant in other cases – even if redacted so as to protect the identity of the confidential informant. Accordingly, the handwritten notes or briefing notes of police handlers (not provided to affiants) are usually held to be outside the “investigative file” for disclosure purposes. […]. Such materials are typically just background information about the confidential informant and the details of his past activities as a confidential informant, and are part of an intelligence-gathering function focused on the confidential informant, rather than on the target of the current police investigation. […].
[39]      This does not mean that such documents are never properly the subject of disclosure (albeit in a redacted form to protect the operative confidential informant privilege). Rather, it means only that before they are properly subject to disclosure by the Crown, the onus is upon the accused to first meet the burden of showing that there is a reasonable likelihood that the requested materials will assist the court in the determination of the application. […]
[Le soulignement est ajouté; les références omises]
[27]        À cet égard, le juge Campbell réfère à sa décision antérieure dans R. c. Burgheroù il décrivait le type d’informations concernant un informateur qui n’ont pas fait l’objet d’une ordonnance de communication :
[70]      Given the nature and scope of this near-absolute privilege, and the fact that attacks on search warrants typically do not raise the "innocence at stake" exception to this privilege, courts have consistently rejected disclosure requests for more detailed information about confidential informants, their history of corroborated reliability, and their general treatment and handling by the police. For example:
(1) Police Forms: Courts have declined to order disclosure of completed police forms used in relation to confidential informants to permit the accused to determine whether the information provided by the confidential informant was corroborated and thus, whether the search and/or arrest of the accused was based upon reasonable grounds. […]
(2) Police Manuals: Courts have declined to order disclosure of police manuals regarding the treatment of confidential informants, given the public interest in withholding such information. […]
(3) Confidential Informant Details: Courts have declined to order disclosure of details such as: (1) the number of times the confidential informant has provided information to the police; (2) information that only the accused would know about the confidential informant; (3) the unique number the police have assigned to the confidential informant; (4) whether search warrants had been obtained in the past based upon information provided by the confidential informant; and (5) whether the police informant is in custody or at large. […]
(4) Police File on Confidential Informant: Courts have declined to order disclosure of the police file maintained in connection with the confidential informant, even where the file has been redacted and edited so as to prevent disclosure of the identity of the informant. […]
(5) Police Notes and Reports: Courts have declined to order disclosure of notes and reports made by the police "handlers" of information they received from their confidential informants, as such information falls outside the "investigative file" for Stinchcombe disclosure purposes, and is not legally relevant on applications to quash wiretap authorizations or search warrants. […]
[Les références sont omises]
[28]        Bien entendu, comme le précise le juge Campbell, certaines de ces informations peuvent être comprises dans le dossier de l’enquête si ces informations ont été utilisées par le dénonciateur :
[43]      To be clear, that is not to say that the usual background intelligence documentation regarding a confidential informant can never become part of the “investigative file” against an accused. To the extent that the affiant gathers such documentation, or is provided with such documentation by others, and relies upon that documentation in the drafting of the ITO, then such documentation would become part of the “investigative file” and become the proper subject of disclosure by the Crown, subject to editing to protect confidential informant privilege, unless clearly irrelevant. I conclude only that such documentation does not become part of the “investigative file” based solely on its potential relevance in cases where this documentation is not reviewed or relied upon by the affiant in preparation of the ITO.
[Le soulignement est ajouté]
[29]        L’interprétation adoptée dans MacKenzie se trouve confirmée dans la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Groupe de la Banque mondiale c. Wallace.
[30]        Dans cette affaire, la Cour suprême confirme que « les questions que soulève une demande de type Garofoli sont limitées [et que la] pertinence des renseignements demandés s’apprécie en fonction de ces questions limitées ». 
[31]        Ainsi, dans cette décision, la Cour rappelle, deux fois plutôt qu’une, le fait que « les questions pertinentes à l’égard d’une demande de type Garofoli […] sont plus limitées que celles qui intéressent l’affaire dans son ensemble ».
[32]        Ces mises en garde de la Cour suprême illustrent le corridor plus restreint de ce type de contestation.
[33]        Bien que l’une des questions présentées à la Cour suprême dans cette affaire concerne une demande de type O’Connor plutôt qu’une demande en vertu de Stinchcombe, l’analyse de la Cour aide à comprendre la portée de la communication de la preuve dans le cadre d’une contestation de type Garofoli, même si cette question n’était pas en cause dans cette affaire.
[34]        Voici ce que les juges Moldaver et Côté écrivent :
129      Deuxièmement, la communication de documents auxquels le dénonciateur n'a pas eu accès risque de révéler l'identité confidentielle d'informateurs. Bien qu'il est plus facile de censurer des documents que le témoignage d'un dénonciateur, la Cour a reconnu qu'il est "quasi impossible pour le tribunal de savoir quel détail peut permettre de révéler l'identité d'un indicateur anonyme" (R. c. Leipert, 1997 CanLII 367 (SCC)[1997] 1 R.C.S. 281, par. 28). Les tribunaux d'instance inférieure ont également reconnu qu'il est long et difficile pour la police de censurer adéquatement les notes originales des informateurs, ce qui, dans une affaire complexe, est susceptible de représenter des centaines de rapports et d'occuper plusieurs agents (Ahmed, par. 46; R. c. Croft, 2013 ABQB 705 (CanLII)576 A.R. 333, par. 32).
130      Enfin, les demandes en vue d'obtenir la communication de volumineux dossiers par des tiers risquent de perturber les étapes préalables au procès. En l'espèce, l'ordonnance de communication pourrait viser des centaines, voire des milliers, de pages. Les demandes de divulgation massive sont une cause fréquente de retards (P. J. LeSage et M. Code, Rapport sur l'examen de la procédure relative aux affaires criminelles complexes (2008), p. 54-66). Il en va de même des demandes de communication de dossiers par des tiers. La procédure qui consiste à obtenir, réviser et censurer les documents dans les affaires d'écoute électronique peut requérir d'importantes ressources policières (voir, à ce sujet, R. W. Hubbard, P. M. Brauti et S. K. Fenton, Wiretapping and Other Electronic Surveillance : Law and Procedure (feuilles mobiles), vol. 2, p. 8-12 à 8-12.7). Ce serait la même chose pour les tiers dans le cas d'une demande de type O'Connor. Un critère de pertinence étroit est donc nécessaire pour faire obstacle aux demandes de communication "qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires" (R. c. Chaplin, 1995 CanLII 126 (SCC)[1995] 1 R.C.S. 727, par. 32, cité par le juge en chef Lamer et le juge Sopinka, majoritaires sur ce point, dans O'Connor, par. 24).
131      Les tribunaux inférieurs ont reconnu ces préoccupations, que les documents soient entre les mains de la police ou de tiers (Ahmed; R. c. Ali, 2013 ONSC 2629 (CanLII); R. c. Alizadeh, 2013 ONSC 5417 (CanLII); Croft; R. c. Way, 2014 NSSC 180 (CanLII)345 N.S.R. (2d) 258).Nous n'avons pas à examiner la portée du régime de divulgation de la preuve établi dans l'arrêt Stinchcombe dans le contexte d'une demande de type Garofoli, car nous ne sommes pas saisis de cette question. Toutefois, il est clair que les tribunaux inférieurs assimilent au contre-interrogatoire la divulgation de la preuve par la Couronne et la communication d'autres documents. Ils ont donc appliqué le même critère de pertinence. Lorsqu'ils y ont dérogé, c'était parce que les documents demandés appartenaient au genre de renseignements qui doivent être divulgués suivant l'arrêt Stinchcombe (voir R. c. Bernath, 2015 BCSC 632 (CanLII), par. 78-80 (CanLII); R. c. Edwardsen, 2015 BCSC 705(CanLII)338 C.R.R. (2d) 191, par. 73-74; R. c. Lemke, 2015 ABQB 444 (CanLII)). Il va sans dire que si les documents en question sont en la possession des autorités et que les règles de divulgation établies dans l'arrêt Stinchcombe s'y appliquent, ils doivent faire l'objet de la divulgation.
132      Nous convenons que ces deux outils d'enquête préalable - le contre-interrogatoire du dénonciateur et l'ordonnance de communication de dossiers par des tiers - doivent être assujettis au même critère de pertinence. Par conséquent, pour obtenir la communication de dossiers par des tiers dans une demande de type Garofoli, l'accusé doit démontrer qu'il existe une probabilité raisonnable que les dossiers demandés auront une valeur probante quant aux questions que soulève la demande. Comme c'est le cas pour le contre-interrogatoire d'un dénonciateur, il doit être raisonnablement probable que les dossiers se révèlent utiles.
133      Le critère de la "probabilité raisonnable" convient à une demande de type Garofoli. Il est équitable pour l'accusé, qui n'a pas à prouver au préalable la preuve sollicitée. Du même coup, il empêche les recherches à l'aveuglette et assure une utilisation efficace des ressources judiciaires. Bref, il circonscrit l'analyse aux questions pertinentes à l'égard d'une demande de type Garofoli, qui sont plus limitées que celles qui intéressent l'affaire dans son ensemble.
134      Comme lorsqu'il demande la permission de contre-interroger le dénonciateur, l'accusé a déjà accès aux documents dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation, y compris l'affidavit présenté en vue d'obtenir l'autorisation (Code criminel, par. 187(1.4); Pires, par. 25-26). Ces documents sont manifestement pertinents, et l'accusé est présumé y avoir droit (Code criminel, par. 187(1.4); Pires, par. 25-26; Ahmed, par. 30).L'accusé a également le droit de consulter le reste du dossier d'enquête selon les normes de divulgation établies dans l'arrêt Stinchcombe, sous réserve, évidemment, des exceptions énoncées dans ce dernier et dans l'arrêt McNeil. Cette divulgation devrait suffire à établir le bien-fondé de sa demande de communication de dossiers par des tiers, si elle est effectivement fondée. Certes, l'accusé a droit à la communication des documents pertinents, or rien ne lui permet de se lancer dans une recherche à l'aveuglette. Ce droit ne s'étend pas à tous les documents se rapportant à l'affaire, peu importe qui les a en sa possession et où ils se trouvent, tout particulièrement si leur communication est demandée à l'appui d'une demande de type Garofoli.
[Le soulignement est ajouté]
[35]        Dans une décision récente, R. c. McKay, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique analyse la jurisprudence décrite antérieurement, dont les arrêts Ahmed et McKenzie, mais aussi la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Groupe de la banque mondiale.

[36]        Le juge Willock conclut que la contestation d’une autorisation judiciaire comporte une portée limitée :
[90]      In reviewing these cases it is also important to distinguish, where possible, between disclosure orders based on the view that the material sought may be of assistance in addressing the case advanced against the accused at trial (and therefore producible under Stinchcombe) and material that could only be useful in relation to the challenge to the validity of the warrant or authorization at issue. The Supreme Court of Canada, in World Bank Group at para. 131, suggested that where trial judges have made broader orders for the production of SHNs and SDRs they have often done so because the material sought was thought to fall within the Stinchcombe disclosure requirements, and not because the material would be useful in addressing the narrow issues on a Garofoli application.
[…]
[103]   For that reason, I agree with the view expressed by Holmes J. in Terezakis that it was in the context of the case to be tendered against an accused at trial that the Court in Stinchcombe spoke of the Crown’s obligation to disclose all information that is not clearly irrelevant. I also agree with the view expressed in Ahmed that relevance is a context-sensitive concept, and what will be relevant on a Garofoli review must be determined in light of the nature and scope of the review.
[Le soulignement est ajouté]
[37]        La Cour d’appel souligne que l’arrêt Groupe de la banque mondiale définit la pertinence en fonction de ce que le dénonciateur savait ou aurait dû savoir au moment où il a souscrit l’affidavit accompagnant la dénonciation. Il s’agit de savoir s’il avait une croyance raisonnable en l’existence des motifs légaux requis.
[38]        À ce titre, les rapports de sources (« Source Debrief Reports : SDR ») et les notes du contrôleur (« Source Handler Notes SHN ») ne doivent être divulgués que dans la mesure où le dénonciateur en a pris connaissance :
[142]   World Bank Group clearly defines as relevant all documents capable of supporting the inference that the affiant knew or ought to have known of errors or omissions in the affidavit relied upon to obtain the warrant. The affiant’s notes used to prepare the ITO must be disclosed. SDRs the affiant has read and relied upon must be disclosed. Documents not seen by or provided to the affiant, such as the SHNs here, speak only to whether the informer was truthful or whether the information was accurately described to the affiant. Because such documents do not speak to the affiant’s reasonable belief, they are not capable of supporting the challenge to the affidavit.

[39]        Finalement, la Cour adopte l’approche du juge Campbell dans McKenzie au sujet du dossier de l’informateur :
[134]     Evidence, with respect to the manner in which the investigation was conducted, only becomes relevant if the Crown is aware of the basis for some concern with respect to disclosure or police conduct in relation to the obtaining of the warrant (where, as in McNeil, there is an expectation that will be disclosed) or where the requesting party can meet the low threshold of establishing a reasonable likelihood that the records sought will be of probative value to the issues on the application. In this regard, I adopt the following passage from the judgment of Campbell J. in McKenzie:
[44]      … I agree with the sentiments expressed by Goldstein J. in R. v. Grant2013 ONSC 7323 (CanLII)[2013] O.J. No. 5508, at paras, 17, 31-32, where, in refusing to review a confidential informant file to determine its potential relevance to the accused’s challenge to a search warrant, he refused to undertake the proposed exercise of “random virtue testing of the police by the judiciary” by engaging in such “inquisitorial procedures” that could quickly turn into an “endless series of collateral inquiries that have nothing to do with the main function of the court on a Garofoli application.”
[40]        À cet égard, la Cour d’appel conclut donc, tout comme le juge Campbell, que la révision du dossier confidentiel d'un informateur pour déterminer sa pertinence potentielle quant à la contestation d’une autorisation, devrait être refusée, à moins que l’accusé ne puisse établir une probabilité raisonnable que les dossiers demandés aient une valeur probante quant aux questions que soulève sa demande.
[41]        À la lumière de ces décisions, les principes applicables à la communication de la preuve dans le cadre d’une contestation de type Garofoli peuvent se résumer de la manière suivante :
41.1.     Les questions pertinentes à l’égard d’une demande de type Garofoli sont plus limitées que celles qui intéressent le procès dans son ensemble; la pertinence des renseignements demandés s’apprécie en fonction de ces questions limitées;
41.2.     La pertinence se définit en fonction de ce que le dénonciateur savait ou aurait dû savoir au moment où il a souscrit l’affidavit accompagnant la dénonciation. Il s’agit de savoir s’il avait une croyance raisonnable en l’existence des motifs légaux requis. Les documents pertinents sont donc ceux qui peuvent soutenir l'inférence que le dénonciateur savait ou aurait dû savoir qu'il y avait des erreurs ou des omissions dans l'affidavit au soutien de l’autorisation judiciaire;
41.3.     Il est important de distinguer, lorsque c’est possible, l'information qui peut être utile au procès pour traiter les accusations portées contre l'accusé, laquelle doit être produite selon l'arrêt Stinchcombe, et l'information qui ne serait utile qu'en ce qui concerne la contestation de la validité du mandat ou de l'autorisation. La pertinence dépend du contexte et ce qui serait pertinent dans le cadre d'une révision de type Garofoli doit être déterminé à la lumière de la nature et de l'étendue de cette révision;
41.4.     Le dossier de l’enquête comprend les informations obtenues durant la conduite de l’enquête visant l’accusé ainsi que l’information sur laquelle se fonde l’autorisation judiciaire ou à laquelle le dénonciateur a eu accès, mais exclut les renseignements généraux (« background information ») au sujet de l’informateur;
41.5.     Le dossier de l’enquête comprend l’information communiquée par l’informateur au sujet de l’implication de l’accusé à l’égard de la commission des infractions alléguées dans l’autorisation judiciaire, ce qui inclut à ce sujet, les notes du dénonciateur, si celui-ci a rencontré l’informateur, ou celles du contrôleur le cas échéant; 
41.6.     Les notes du dénonciateur utilisées dans la préparation de la dénonciation doivent être divulguées. Les comptes rendus des contacts avec l'informateur que le dénonciateur a lus et auxquels il s'est fié doivent être divulgués;
41.7.     Les documents qui n'ont pas été vus par le dénonciateur ou qui ne lui ont pas été fournis, comme les notes de l'agent responsable de l'informateur, ne peuvent servir qu'à savoir si l'informateur disait la vérité ou si l'information a été décrite avec exactitude au dénonciateur. Dans la mesure où ces documents ne concernent pas la croyance raisonnable du dénonciateur, ils ne peuvent être utilisés pour contester l'affidavit;
41.8.     La preuve qui concerne la manière dont l'enquête a été menée ne devient pertinente que si la poursuite est au courant du fondement de certaines préoccupations au sujet de la communication de la preuve ou du comportement des policiers relativement à l'obtention du mandat, ou lorsque l’accusé peut satisfaire au critère très peu exigeant pour réussir à établir une probabilité raisonnable que les dossiers demandés ont une valeur probante quant aux questions que soulève sa demande;
41.9.     Les renseignements généraux (« background information ») et détails personnels concernant l’informateur peuvent devenir pertinents si le fondement d’une telle demande se trouve établi par l’accusé;
41.10.  La révision du dossier confidentiel d'un informateur pour déterminer sa pertinence potentielle quant à la contestation d’une autorisation devrait être refusée, à moins que l’accusé ne puisse établir une probabilité raisonnable que les dossiers demandés ont une valeur probante quant aux questions que soulève sa demande.
[42]        La question qui se pose maintenant est de déterminer la nature et la portée de l’ordonnance de communication de la preuve qui doit être rendue ou celle de ses modalités.
[43]        La demande initiale de communication de la preuve des accusés se révèle évidemment trop large.

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...