Nous reproduisons une partie d'un article signé par Me Dominique Loslier, concernant le statut juridique des danses contacts
[6] Invoquant les erreurs de droit commises par les instances précédentes, les accusés ont demandé la tenue d'un nouveau procès. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont confirmé les déclarations de culpabilité, concluant que ces «danses à 10\$» étaient des actes de prostitution. Il s'agissait de déterminer si la définition jurisprudentielle de la prostitution devait être modifiée pour tenir compte de l'approche évolutive adoptée par la Cour suprême eu égard au concept d'«indécence» dans le contexte de la définition d'une maison de débauche prévue à l'article 197 (1) C.Cr. À cet égard, les accusés ont prétendu que, puisque les notions de «prostitution» et d'«indécence» se trouvaient dans la même définition de «maison de débauche», il était approprié qu'elles soient traitées de la même manière. Or, le juge Hilton, écrivant pour la majorité, a décidé que cet argument faisait fi du contexte dans lequel ces deux expressions sont utilisées à l'article 197 (1) C.Cr. Pour le juge, il est manifeste que ces deux concepts visent deux situations de fait différentes, l’article 197 (1) C.Cr. faisant référence à un local fréquenté par des personnes soit «à des fins de prostitution», soit «pour la pratique d’actes indécents». Il ajoute qu’il n’est pas nécessaire que l’acte commis soit indécent pour qu’il s’agisse de prostitution.
Le juge a rappelé à cet égard que, dans R. c. Tremblay, la Cour suprême avait infirmé une décision de la Cour d’appel qui avait accueilli un amendement visant à substituer l’expression «la pratique d’actes indécents» à «la pratique de la prostitution» dans un acte d’accusation en vertu de l’article 210 (2) b) C.Cr., reconnaissant ainsi la distinction entre ces deux notions. Dans le Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1 (1) c) du Code criminel (Man.), la Cour suprême du Canada précise que, bien que la prostitution ne soit pas un crime au Canada, le législateur a choisi de s'y attaquer indirectement par l'inclusion de certaines dispositions du Code criminel, telles les infractions prévues aux articles 211, 212 et 213 C.Cr. Or, de dire le juge Hilton, il est difficile de concevoir que ces infractions soient prouvées en appliquant les principes établis en matière de pratique d'actes indécents. Il retient que le législateur a un intérêt légitime à criminaliser certaines activités liées à la prostitution, sans qu'il soit nécessaire que l'activité sexuelle qui y a donné lieu résulte d'un acte indécent. À cet égard, il cite l'affaire R. c. Jean-Pierre, de la Cour du Québec, qui a reconnu l’accusé coupable d’avoir entraîné des mineures à se livrer à la prostitution et d’avoir vécu de ses fruits. La conduite de l’accusé avait mené ces victimes à exécuter des danses contacts. Pour le juge, retenir la position des accusés entraînerait alors la situation insensée de ne pas pouvoir, dans un cas comme celui de l’affaire Jean-Pierre, poursuivre sous l’article 212 (1) b) ou 212 (2) C.Cr. Le juge Hilton a également rappelé l’affaire Therrien c. R., où la Cour d’appel a conclu qu'il n'était pas important que l'acte reproché soit indécent, dans la mesure où il aboutissait à de la prostitution.
C’est à la lumière de cette jurisprudence, et en particulier en raison de la distinction qui existe entre la prostitution et l'indécence ainsi que l'a établiR. c. Tremblay, que le tribunal a conclu, à l’instar des tribunaux inférieurs saisis de ce dossier, que l'approche pour définir l'indécence adoptée par la Cour suprême dans Labaye et dans R. c. Kouri n'est pas pertinente afin de déterminer ce qui constitue un acte de prostitution pour l'application de l'article 210 (2) b) C.Cr. Ainsi, la prostitution n'est pas une notion subjective qui évolue selon les standards de la société, mais bien une notion objective.
Tiré de :
http://soquij.qc.ca/fr/ressources-pour-tous/articles/les-danses-contacts-divertissement-ou-acte-de-prostitution
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mardi 11 janvier 2011
vendredi 9 octobre 2009
Le concept de la maison de débauche nécessite la preuve de la continuité de la fréquence des activités
R. c. Cormier, 1998 CanLII 12751 (QC C.A.)
(...) Cependant, pour démontrer l'existence d'une maison de débauche dans un lieu, il ne suffit pas, selon la jurisprudence, que des actes de débauche occasionnels aient été commis. Il faut établir, à la fois, la fréquence et la continuité de ceux-ci. Ceci ressort notamment des arrêts Patterson c. La Reine, 1967 CanLII 22 (S.C.C.), [1968] R.C.S. 157 et Janoff c. R., 1991 CanLII 3125 (QC C.A.), [1991] R.J.Q. 2427; R. c. Tardif, 1995 CanLII 5290 (QC C.A.), [1991] 97 C.C.C. (3d) 381 (C.A.Q.).
Il ressort particulièrement de l'arrêt Patterson que le concept de maison de débauche exige la démonstration de la continuité de la fréquence des activités. Ces commentaires du juge Spence ont fixé la jurisprudence sur ce point:
«Shroeder J.A. was of the opinion that the words "kept or occupied" and the words "resorted to" as used in s. 168(1)(b)(i) and (ii) connote a frequent or habitual use of the premises for the purpose of prostitution. I am in accord with that view. I have considered all the cases cited and I have noted that there has been evidence, in each case where conviction has resulted, of one of three types,
firstly, there has been actual evidence of the continued and habitual use of the premises for the prostitution as in The King v. Cohen [1938 CanLII 12 (S.C.C.), (1939) S.C.R. 212, 71 C.C.C. 142, 1 D.L.R. 396] and Rex c. Miket [(9138) 2 W., W.R. 459, 70 C.C.C. 202, 53 B.C.R. 37, 3 D.L.R. 710],
secondly, there has been evidence of the reputation in the neighbourhood of the premises as a common bawdy-house, or
thirdly, there has been evidence of such circumstances as to make the inference that the premises were resorted to habitually as a place of prostitution, a proper inference for the court to draw from such evidence.
[...]
It would therefore appear that the element of habitual or frequent use of the place will remain the necessary interpretation of proof despite the amendment of the definition of "common bawdy-house" to add the words "resorted to by one or more persons" and in fact that the word "resorted" itself has been relied upon to support the view that such habitual or frequent use of a place is required (See Rex v. Davidson, supra). So in cases where the Crown has failed to prove a habitual or frequent use of a place for the purposes of prostitution, the conviction has not been upheld.
[...]
I echo the words of Hanrahan P.M., in Rex v. Martin [(1947), 89 C.C.C. 385 at 386], when he said:
It is true convictions have been registered and sustained on appeal on evidence of a single act of prostitution, but always in such cases the surrounding circumstances established the premises has been habitually used for such a purpose and in most cases had acquired such a reputation in the community.
As I have said, there was no evidence in the present case of any reputation in the community and there was no evidence of the use of the premises for prostitution on any occasion than the one which was the subject of this prosecution. There was moreover no evidence upon which the learned magistrate properly could base an inference that the place has been habitually so used.» (opinion du juge Spence, pp. 161-162)
Ainsi, la méthode d'établissement de la continuité ne se limite pas à l'observation constante des lieux ou au défilé d'une parade de témoins ou de clients. Tel qu'il ressort du dernier paragraphe des remarques du juge Spence, la poursuite peut démontrer l'existence d'une maison de débauche soit par la preuve directe de l'utilisation fréquente et continue de l'immeuble à des fins de prostitution, comme par celle de réputation de l'établissement ou enfin par des inférences tirées de l'ensemble de la preuve.
Par ailleurs, les objets saisis sur les lieux contribuent à établir la nature réelle du salon. On a, par exemple, saisi des condoms neufs ou usagés. De plus, le type de costume porté par les masseuses, comme les expectatives des quelques clients qui ont témoigné, ajoutent de même à la preuve de l'existence d'une maison de débauche. L'examen corrélatif de tous ces éléments permet de dégager des inférences de fait convaincantes quant à ces éléments-clés de l'infraction que sont la fréquence et la continuité des actes de débauche.
Se pose ensuite le problème de l'interprétation du concept de tenancière d'une maison de débauche et de la qualification juridique du rôle de l'appelante, qui soutient que son seul rôle fonctionnel de réceptionniste ne permettait pas de la qualifier de tenancière de la maison de débauche. Elle s'appuie à cet égard sur l'arrêt de la Cour suprême dans R. c. Corbeil, 1991 CanLII 96 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 830, pp. 830 à 834. Selon l'opinion du juge en chef Lamer, à laquelle s'est ralliée la majorité de la Cour, l'infraction de tenue d'une maison de débauche suppose un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux et une forme de participation aux activités illicites.
La poursuite n'a pas démontré que l'appelante ait été la propriétaire ou la locataire des lieux. La preuve établit plutôt qu'elle agissait comme salariée pour le compte de personnes inconnues. Toutefois, elle assurait la gestion quotidienne de la maison. En effet, elle ouvrait et fermait les lieux, elle recevait les téléphones et envoyait les clients aux masseuses. Enfin, elle s'occupait de percevoir les sommes dues aux bénéficiaires inconnus de l'établissement. Dans l'ensemble, elle exerçait ainsi le degré de contrôle requis par la jurisprudence sur les activités qui se déroulaient au salon. De plus, connaissant la nature des activités qui se passaient dans cet établissement, elle contribuait illicitement à les favoriser par son travail même. Si elle n'avait pu être considérée comme tenancière au sens strict, à tout le moins l'article 21 C.cr. permettrait de retenir sa culpabilité. La poursuite a cependant présenté une preuve suffisante pour qualifier le rôle de l'appelante comme celui de tenancière sans qu'il soit indispensable d'invoquer le secours de l'article 21 C.cr.
(...) Cependant, pour démontrer l'existence d'une maison de débauche dans un lieu, il ne suffit pas, selon la jurisprudence, que des actes de débauche occasionnels aient été commis. Il faut établir, à la fois, la fréquence et la continuité de ceux-ci. Ceci ressort notamment des arrêts Patterson c. La Reine, 1967 CanLII 22 (S.C.C.), [1968] R.C.S. 157 et Janoff c. R., 1991 CanLII 3125 (QC C.A.), [1991] R.J.Q. 2427; R. c. Tardif, 1995 CanLII 5290 (QC C.A.), [1991] 97 C.C.C. (3d) 381 (C.A.Q.).
Il ressort particulièrement de l'arrêt Patterson que le concept de maison de débauche exige la démonstration de la continuité de la fréquence des activités. Ces commentaires du juge Spence ont fixé la jurisprudence sur ce point:
«Shroeder J.A. was of the opinion that the words "kept or occupied" and the words "resorted to" as used in s. 168(1)(b)(i) and (ii) connote a frequent or habitual use of the premises for the purpose of prostitution. I am in accord with that view. I have considered all the cases cited and I have noted that there has been evidence, in each case where conviction has resulted, of one of three types,
firstly, there has been actual evidence of the continued and habitual use of the premises for the prostitution as in The King v. Cohen [1938 CanLII 12 (S.C.C.), (1939) S.C.R. 212, 71 C.C.C. 142, 1 D.L.R. 396] and Rex c. Miket [(9138) 2 W., W.R. 459, 70 C.C.C. 202, 53 B.C.R. 37, 3 D.L.R. 710],
secondly, there has been evidence of the reputation in the neighbourhood of the premises as a common bawdy-house, or
thirdly, there has been evidence of such circumstances as to make the inference that the premises were resorted to habitually as a place of prostitution, a proper inference for the court to draw from such evidence.
[...]
It would therefore appear that the element of habitual or frequent use of the place will remain the necessary interpretation of proof despite the amendment of the definition of "common bawdy-house" to add the words "resorted to by one or more persons" and in fact that the word "resorted" itself has been relied upon to support the view that such habitual or frequent use of a place is required (See Rex v. Davidson, supra). So in cases where the Crown has failed to prove a habitual or frequent use of a place for the purposes of prostitution, the conviction has not been upheld.
[...]
I echo the words of Hanrahan P.M., in Rex v. Martin [(1947), 89 C.C.C. 385 at 386], when he said:
It is true convictions have been registered and sustained on appeal on evidence of a single act of prostitution, but always in such cases the surrounding circumstances established the premises has been habitually used for such a purpose and in most cases had acquired such a reputation in the community.
As I have said, there was no evidence in the present case of any reputation in the community and there was no evidence of the use of the premises for prostitution on any occasion than the one which was the subject of this prosecution. There was moreover no evidence upon which the learned magistrate properly could base an inference that the place has been habitually so used.» (opinion du juge Spence, pp. 161-162)
Ainsi, la méthode d'établissement de la continuité ne se limite pas à l'observation constante des lieux ou au défilé d'une parade de témoins ou de clients. Tel qu'il ressort du dernier paragraphe des remarques du juge Spence, la poursuite peut démontrer l'existence d'une maison de débauche soit par la preuve directe de l'utilisation fréquente et continue de l'immeuble à des fins de prostitution, comme par celle de réputation de l'établissement ou enfin par des inférences tirées de l'ensemble de la preuve.
Par ailleurs, les objets saisis sur les lieux contribuent à établir la nature réelle du salon. On a, par exemple, saisi des condoms neufs ou usagés. De plus, le type de costume porté par les masseuses, comme les expectatives des quelques clients qui ont témoigné, ajoutent de même à la preuve de l'existence d'une maison de débauche. L'examen corrélatif de tous ces éléments permet de dégager des inférences de fait convaincantes quant à ces éléments-clés de l'infraction que sont la fréquence et la continuité des actes de débauche.
Se pose ensuite le problème de l'interprétation du concept de tenancière d'une maison de débauche et de la qualification juridique du rôle de l'appelante, qui soutient que son seul rôle fonctionnel de réceptionniste ne permettait pas de la qualifier de tenancière de la maison de débauche. Elle s'appuie à cet égard sur l'arrêt de la Cour suprême dans R. c. Corbeil, 1991 CanLII 96 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 830, pp. 830 à 834. Selon l'opinion du juge en chef Lamer, à laquelle s'est ralliée la majorité de la Cour, l'infraction de tenue d'une maison de débauche suppose un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux et une forme de participation aux activités illicites.
La poursuite n'a pas démontré que l'appelante ait été la propriétaire ou la locataire des lieux. La preuve établit plutôt qu'elle agissait comme salariée pour le compte de personnes inconnues. Toutefois, elle assurait la gestion quotidienne de la maison. En effet, elle ouvrait et fermait les lieux, elle recevait les téléphones et envoyait les clients aux masseuses. Enfin, elle s'occupait de percevoir les sommes dues aux bénéficiaires inconnus de l'établissement. Dans l'ensemble, elle exerçait ainsi le degré de contrôle requis par la jurisprudence sur les activités qui se déroulaient au salon. De plus, connaissant la nature des activités qui se passaient dans cet établissement, elle contribuait illicitement à les favoriser par son travail même. Si elle n'avait pu être considérée comme tenancière au sens strict, à tout le moins l'article 21 C.cr. permettrait de retenir sa culpabilité. La poursuite a cependant présenté une preuve suffisante pour qualifier le rôle de l'appelante comme celui de tenancière sans qu'il soit indispensable d'invoquer le secours de l'article 21 C.cr.
samedi 29 août 2009
Éléments constitutifs de l'infraction relativement à la tenue d'une maison de débauche
R. c. Corbeil, [1991] 1 R.C.S. 830
Une personne qui répond à la définition de "tenancier" contenue au par. 197(1) du Code ne "tient" pas nécessairement une maison de débauche aux fins du par. 210(1). Pour que s'applique l'infraction de tenue d'une maison de débauche, deux éléments doivent exister:
(1) l'accusé doit avoir un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux et
(2) l'accusé doit participer dans une certaine mesure aux activités "illicites" qui ont cours dans la maison de débauche.
L'élément de participation n'exige pas une participation personnelle aux actes de nature sexuelle qui ont lieu dans la maison de débauche; il suffit que l'accusé participe à l'utilisation de la maison comme maison de débauche. En l'espèce, on ne retrouve pas l'élément de "soin et d'administration" des lieux.
Une personne qui répond à la définition de "tenancier" contenue au par. 197(1) du Code ne "tient" pas nécessairement une maison de débauche aux fins du par. 210(1). Pour que s'applique l'infraction de tenue d'une maison de débauche, deux éléments doivent exister:
(1) l'accusé doit avoir un certain degré de contrôle sur le soin et l'administration des lieux et
(2) l'accusé doit participer dans une certaine mesure aux activités "illicites" qui ont cours dans la maison de débauche.
L'élément de participation n'exige pas une participation personnelle aux actes de nature sexuelle qui ont lieu dans la maison de débauche; il suffit que l'accusé participe à l'utilisation de la maison comme maison de débauche. En l'espèce, on ne retrouve pas l'élément de "soin et d'administration" des lieux.
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