Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L'état du droit quant au dédommagement à la victime - arrêt de principe qui rappelle l'importance pour le juge de se pencher sur cette question

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dimanche 12 janvier 2025

Les trois éléments de l’infraction de leurre d’enfants

R. c. Bertrand Marchand, 2023 CSC 26



[135]                     Les trois éléments de l’infraction de leurre d’enfants suivant l’art. 172.1 sont : (1) l’accusé a communiqué intentionnellement par un moyen de télécommunication; (2) avec une personne dont il sait ou croit qu’elle est âgée de moins de 18 ans (ou de 16 ou 14, selon l’alinéa applicable); et (3) la communication de l’accusé visait à faciliter expressément la perpétration d’une infraction secondaire désignée à l’égard de la personne mineure (Legare, par. 36Levigne, par. 23). Dans le contexte d’une opération policière d’infiltration, lorsque la personne plaignante n’est pas réellement un enfant, la croyance de l’accusé que son interlocuteur est un enfant remplace l’élément de connaissance ou d’aveuglement volontaire.

[136]                     L’actus reus de l’infraction de leurre d’enfants comprend la communication avec la personne plaignante au moyen de télécommunications. Le mot « télécommunication » est défini au par. 35(1) de la Loi d’interprétation, comme suit : « La transmission, l’émission ou la réception de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature soit par système électromagnétique, notamment par fil, câble ou système radio ou optique, soit par tout procédé technique semblable ». À titre d’infraction inchoative, le leurre d’enfants est distinct des infractions secondaires désignées. De plus, il se rattache à un vaste éventail d’infractions secondaires, et « peut être commi[s] de plusieurs façons, dans des circonstances très variées » (Morrison, par. 179, la juge Karakatsanis, motifs concordants). Dans le contexte de l’infraction de leurre, « faciliter » s’entend du fait « d’aider à provoquer et de rendre plus facile ou plus probable » la perpétration de l’infraction (Legare, par. 28 (italique omis)).

Les principes juridiques applicables à l’infraction de port ou de possession d’arme dans un dessein dangereux pour la paix publique

Labranche c. R., 2024 QCCS 4667

Lien vers la décision


[40]        L’infraction de port ou de possession d’arme dans un dessein dangereux pour la paix publique est prévue au premier paragraphe de l’article 88 C.cr. :

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

[41]        Le ministère public doit établir (i) que l’accusé avait l’arme en sa possession et (ii) que cette possession visait un dessein dangereux pour la paix publique[40]. La perpétration de cette infraction exige une intention spécifique étant donné que l’acte prohibé doit être accompli dans l’intention d’obtenir un résultat précis[41]. En outre, il doit y avoir, à un moment donné, rencontre des éléments que sont la possession et un dessein dangereux pour la paix publique[42].

[42]        L’arrêt Kerr rendu par la Cour suprême en 2004, a été source de controverses jurisprudentielles. En effet, parmi les trois motifs concordants majoritaires, les juges Bastarache et LeBel se montrent en désaccord face à l’examen de la mens rea par le juge d’instance.

[43]        Pour le juge Bastarache, appuyé par le juge Major, l’approche appropriée est celle où on favorise un critère à la fois subjectif et objectif[43]. En cela, ils trouvent l’appui des juges Fish et Deschamps[44].

[44]        Ainsi, « le juge des faits doit tout d’abord déterminer le dessein de l’accusé, ce qu’il fait d’une manière subjective. Le juge des faits doit ensuite décider si, compte tenu de toutes les circonstances, ce dessein était dangereux pour la paix publique, ce qu’il fait d’une manière objective »[45]. Partant, « [i]l ne suffit donc pas de conclure que l’accusé avait l’arme en sa possession dans un but défensif; le juge doit ensuite déterminer si le dessein en question était dangereux pour la paix publique eu égard à toutes les circonstances »[46].

[45]        Pour le juge LeBel, appuyé par la juge Arbour, le dessein de l’accusé « doit être déterminé d’une façon entièrement subjective. Plutôt que de s’embourber dans une analyse à la fois subjective et objective inutilement complexe »[47], il suggère que « le juge des faits devrait tenir compte non seulement du dessein avoué de l’accusé, mais aussi de toutes les circonstances qui montent l’intention subjective de l’accusé »[48]. Ainsi, « le juge des faits doit apprécier la crédibilité du témoignage de l’accusé eu égard à l’ensemble des autres éléments de preuve relatifs à son intention subjective »[49].

[46]        En outre, le concept de « dessein dangereux pour la paix publique » n’est pas non plus clairement défini en jurisprudence[50], les juges dans l’arrêt Kerr suggérant différentes définitions.

[47]        Ces approches contradictoires ont été abordées en doctrine. C’est notamment le cas des auteurs Manning et Sankoff qui, après une analyse de chacune des positions, en arrivent à une conclusion[51] :

¶18.78 Once the benefits and drawbacks are totalled up, the approach of Bastarache J. seems as good as any.24 It affords a reasonably clear test that allows certain acts to be exculpated where there are extenuating circumstances and restricts this excuse to acts that were unavoidable. Kerr provides one example, but others will surely arise. As Duncan J. noted in Canning:25

One can readily envision situations — the young woman who has to walk home or take the subway late at night; the homeowner who keeps a weapon at hand in case of a night-time intruder — where society would approve of — or at least tolerate - possession of some form of weapon for potential use against the possibility of violent attack, even though such attack is not specific or imminent.26

It may not be the most principled way of addressing the offence, and its “interpretation” of the section's language is tortured, but it is certainly practical, and with a crime as obtuse as section 88, that is probably as much as anyone could hope for.

____________________

24 While there was no clear majority in this case, the opinion of Bastarache J. seems to be the most commonly applied. See, e.g., Wint, [2006] O.J. No. 3601 (Ont. S.C.J.)Ross, 2007 NBBR 148 (CanLII)[2007] N.B.J. No. 186319 N.B.R. (2d) 230 (N.B.Q.B.)Seymour, [2011] B.C.J. No. 19652011 BCSC 1419 (B.C.S.C.)This is especially so where claims of self-defence are made, as the notion that possession for self-defence does not exonerate unless the attack was unavoidable seemed to attract a majority position of the CourtSakebow, 2012 SKCA 84 (CanLII)[2012] S.J. No. 592399 Sask. R. 191 (Sask. C.A.).

25 [2012] O.J. No. 26862012 ONCJ 359 (Ont. C.J.).

26 Ibid. at para. 12.

 

[Les soulignements du Tribunal]

[48]        Ainsi, pour les juges Bastarache, Major et Binnie, ce dernier ayant rédigé la seule opinion dissidente, « la "paix publique" renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société », quoique le juge Bastarache se montre en désaccord avec l’affirmation du juge Binnie selon laquelle « la violence présente toujours, sans exception, un danger pour la paix publique », préférant laisser au juge d’instance le loisir de décider à la lumière des facteurs pertinents[52].

[49]        Les juges LeBel et Arbour estiment plutôt que la définition d’un « danger pour la paix publique suppose une possibilité de lésions corporelles ou de dommages matériels ». Partant, au sens de l’article 88 C.cr., « il s’agit de la possession d’une arme dans l’intention de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels ou sans se soucier de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels »[53].

[50]        Les juges majoritaires dans Kerr conviennent toutefois « que l’utilisation effective d’une arme d’une manière dangereuse pour la paix publique n’établit pas que la possession de l’arme visait un dessein dangereux pour la paix publique. L’utilisation effective n’est que l’un des facteurs à considérer »[54].

[51]        Finalement, les tribunaux ont eu l’occasion de se pencher sur les moyens de défense pouvant être invoqués à l’encontre d’une accusation sous le régime du paragraphe 88(1) C.cr.

[52]        Le juge Bastarache, toujours dans l’arrêt Kerr, estime qu’« une conclusion selon laquelle l’accusé s’est effectivement servi de son arme d’une manière qui constitue un acte de légitime défense est pertinente eu égard à l’art. 88 mais n’est pas suffisante pour justifier un acquittement »[55].

[53]        À ses yeux, « dans les affaires où l’on a conclu que l’accusé possédait une arme pour se défendre, la question cruciale est de savoir si l’attaque que celui-ci projetait de faire échouer pouvait être évitée. Ainsi, ce n’est que lorsque l’attaque est absolument inéluctable que la possession d’une arme dans le but de faire échouer une attaque n’est pas une possession dans un dessein dangereux pour la paix publique »[56]. Partant, contrairement à la légitime défense où il faut s’attarder au caractère raisonnable des croyances de l’accusé, il faudra, à l’égard de l’article 88, examiner les circonstances objectives. « Ainsi, il peut être raisonnable pour une personne de croire qu’elle n’a d’autre moyen de se protéger, et pourtant, dans les circonstances, cette croyance peut être tout simplement erronée »[57].

[54]        Au surplus, le juge Bastarache affirme aussi, dans le cadre d’un obiter, qu’« un but défensif ne commandera pas un acquittement, même lorsque l’attaque anticipée est inévitable, si ce dessein est jumelé à un deuxième dessein dont la personne pourra vraisemblablement prévoir le résultat en conséquence de sa possession et qui constitue en fait un danger pour la paix publique »[58].

[55]        De l’avis du juge LeBel, « la possession d’une arme dans le but de se défendre ne rend pas cette possession licite. La légitime défense ne vicie pas la mens rea d’une infraction, elle sert plutôt à justifier une conduite qui engagerait autrement la responsabilité criminelle. [Il irait] même jusqu’à dire que, bien conçue, c’est la nécessité et non la légitime défense que pourrait invoquer un accusé comme moyen de défense sous le régime du par. 88(1) »[59].

[56]        Pour lui, un accusé ne sera exonéré de la responsabilité criminelle que lorsque la possession d’une arme est nécessaire pour sa défense, la nécessité comportant certaines limites. Ainsi, la défense de nécessité se limite aux situations de danger imminent et évident. L’acte doit être inévitable en ce que les circonstances n’offrent à l’accusé aucune possibilité raisonnable d’y échapper par des moyens légaux. Enfin, le préjudice infligé doit être moindre que le préjudice auquel on cherche à se soustraire[60].

[57]        Malgré leurs dissensions sur le plan conceptuel, les juges Bastarache et LeBel conviennent donc que « [TRADUCTION] la possession d’une arme pour se défendre est une possession d’une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique, sauf s’il est prouvé que l’attaque perçue était inévitable »[61].

[58]        Le juge David Watt, dans son ouvrage Watt's Manual of Criminal Jury Instructions, propose quant à lui les directives suivantes quant à la question de l’intention, ou « purpose », de l’accusé[62] :

[6] Did (NOA) possess the weapon for a purpose dangerous to the public peace?

This question relates to (NOA)'s state of mind, his/her purpose in having the weapon in his/her possession. (NOA) must have this purpose in mind before s/he takes possession of the weapon.

Crown counsel does not have to prove that (NOA)'s purpose in taking possession of the weapon was to do a specific act, or to use it in a particular way. There is no requirement that (NOA) actually use the weapon, but if s/he does so, the fact it was used, how it was used and the circumstances in which (NOA) used it may help you decide (NOA)'s purpose in having the weapon in the first place.

To decide what was (NOA)'s purpose, you should consider all the circumstances of his/her possession of the weapon. You should take into account:

         what s/he did or did not do;

         how s/he did or did not do it;

         what s/he said or did not say.

You should look at (NOA)'s words and conduct before, at the time, and after s/he took possession of (got) the weapon. All these things, and the circumstances in which they happened, may shed light on (NOA)’s purpose in getting the weapon in the first place. No single circumstance, even a claim that the purpose of having the weapon was so that (NOA) could defend her/himself, others under his/her protection, or his/her property against others, is conclusive. All these circumstances are for you to consider. Use your good common sense.

[Les soulignements du Tribunal]

[59]        Dans ses notes explicatives, le juge Watt ajoute[63] :

The final essential element, purpose, is usually where the parties are at odds. Paragraph [6] offers an explanation about what is required. It includes several features.

First, the instruction makes it clear that purpose is an issue that has to do with D's state of mind in taking possession of the weapon. The purpose must precede the possession.

Second, P need not prove that D took possession to do some specific act or use the weapon in a particular way. Actual use is not required. But it may be valuable circumstantial evidence used retrospectantly to prove D's earlier and original purpose. The second internal paragraph could be expanded to point out that what is critical is that D intended to possess the weapon for a purpose dangerous to the public peace. It is not simply that what D did with the weapon was in fact dangerous to the public peace.

Further instruction will be necessary where D' original possession was innocent and P alleges a subsequent change in purpose.

A helpful way to describe the purpose required to be proven under s. 88 is an intent to do harm to another person or property, or to be reckless whether the same kind of harm occurs. For example, para. [6] could be revised to include:

A danger to the public peace is one that is potentially harmful to person or property.

Possession of a weapon with the intention of doing harm to persons or property, or showing a reckless disregard for harm to persons or property is possession for a purpose dangerous to the public peace.

A final point is worth emphasis in connection with the essential element of purpose and its proof. No single item of evidence is dispositive on the issue of purpose. All the circumstances, things done and said, require consideration.

[Les soulignements du Tribunal]

La norme du lien de causalité exige que la conduite de l’intimé ait contribué de façon appréciable aux lésions corporelles de la victime

R. c. Collin, 2019 QCCA 887 

Lien vers la décision


[8]           La détermination du lien de causalité est une question de fait : R. c. Nette2001 CSC 78 (CanLII), [2001] 3 R.C.S. 488, par. 72. Cependant, le juge se méprend, à deux reprises, sur principe juridique qui doit guider la détermination du lien causal, ce qui constitue une question de droit : R. c. J.M.H.2011 CSC 45 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 197, par. 29-30. Par ailleurs, il est également possible d’affirmer ici que l'effet juridique des faits prouvés et acceptés par le juge soulève une question de droit : R. c. J.M.H., [2011] 3 R.C.S. 197, par. 28.

[9]           Dans l’arrêt Sarazin, le juge Healy rappelle que la norme du lien de causalité exige que la conduite de l’intimé ait contribué de façon appréciable aux lésions corporelles de la victime, rien de plus, ce qui n’est pas un critère très élevé : R. c. Sarazin2018 QCCA 1065, par. 21R. c. Maybin2012 CSC 24 (CanLII), [2012] 2 R.C.S. 30; R. c. Nette2001 CSC 78 (CanLII), [2001] 3 R.C.S. 488. La cause qui « contribue de façon appréciable » est l’équivalent, selon la Cour suprême, de celle « ayant contribué de façon plus que mineure » : R. c. Nette, [2001] 3 R.C.S. 488, par. 72.

[10]        Le lien causal recherché n’est pas physique ou mécanique, mais lié à la culpabilité morale du délinquant, ce qui n’est pas un exercice machinal ou mathématique. Il faut se demander si un accusé doit être tenu responsable en droit des conséquences de son geste, ici des lésions corporelles, afin de ne pas punir des personnes moralement innocentes : R. c. Nette2001 CSC 78 (CanLII), [2001] 3 R.C.S. 488, par. 83R. c. Maybin2012 CSC 24 (CanLII), [2012] 2 R.C.S. 30, par. 16R. c. K.L., 2009 ONCA 141R. c. Romano2017 ONCA 837.

[11]        La question n’était donc pas de savoir si la conduite dangereuse de l’intimé était la cause, comme l’écrit le juge. Il devait déterminer si cette dernière avait contribué de façon appréciable aux lésions corporelles.

jeudi 9 janvier 2025

La conduite menaçante au sens de l'article 264(2) Ccr

J.A. c. R., 2024 QCCA 754

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[18]      Le juge a conclu ici que l’appelant n’avait pas agi dans le but de faire peur aux plaignants. Cela dit, même en l’absence d’une preuve indiquant que l’appelant souhaitait qu’ils soient informés de ses démarches à l’école, une telle intention subjective n’était pas requise afin d’établir la conduite menaçante[16], comme le décide d’ailleurs le juge en l’espèce.

[19]      Dans Lamontagne, le juge Proulx évalue la conduite menaçante dont il était question à l’aune de la définition de « menace », au sens de l’al. 264.1(1)a) C.cr., formulée par la Cour suprême dans R. c. McCraw : « un moyen d’intimidation visant à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire » (« a tool of intimidation which is designed to instill a sense of fear in the recipient »)[17]. Cette définition a été reprise dans de nombreux arrêts traitant de l’infraction de harcèlement criminel[18]. Or, il ne faudrait pas comprendre de cette définition et des mots « designed to » que la preuve du comportement menaçant suivant l’al. 264(2)d) (une composante de l’actus reus) doit comporter un élément d’intention subjective. La Cour d’appel de l’Ontario, dans R. v. McBride, précise que « [t]o determine whether conduct is designed to instill a sense of fear in the recipient requires focusing “on the effect of the accused’s conduct on a reasonable person in the shoes of the target of the conduct”. »[19].

[20]      Il se peut que les arrêts de la Cour d’appel de l’Ontario R. v. Sauvé[20] et R. v. McBride[21] aient induit une certaine confusion quant aux éléments à prouver pour établir l’actus reus de cette infraction.

[21]      Dans l’arrêt Sauvé, la Cour d’appel de l’Ontario conclut que puisque l’appelant avait reconnu qu’il savait qu’une lettre menaçante envoyée à une tierce partie serait portée à la connaissance de la plaignante et qu’il le souhaitait, il ne faisait aucun doute que les menaces contenues dans cette lettre étaient destinées à (« à l’égard de / directed at ») la plaignante. Il s’agit cependant d’un très court arrêt qui ne traite que de ces faits particuliers, sans discussion des éléments essentiels de l’infraction en général.

[22]      Dans l’arrêt McBride, la conduite menaçante de l’appelante, qui souffrait d’un trouble obsessionnel, consistait à avoir légalement changé son nom de famille pour celui du plaignant. Lorsqu’elle a informé son employeur de son changement de nom, ce dernier en a avisé le plaignant. La Cour d’appel de l’Ontario, citant l’arrêt Sauvé, conclut que « Threatening conduct can be “directed at” a person where the communication was made to a third party with the knowledge and intent that it would be passed on to the targeted person »[22].

[23]      Dans ces deux arrêts, la preuve établissait que l’accusé savait ou voulait que le plaignant soit informé de sa conduite. Cependant, il serait erroné d’en conclure que cet élément intentionnel doit nécessairement exister afin de prouver l’actus reus du crime.

[24]      Comme mentionné plus tôt, pour déterminer si une conduite est menaçante, l’accent doit plutôt être mis sur le sentiment de crainte que la conduite en question susciterait chez une personne raisonnable placée dans la situation du plaignant. La question de savoir si l’accusé avait l’intention que le plaignant soit informé de sa conduite n’est donc pas pertinente à ce stade.

[25]      Dans l’affaire Sim, l’appelant avait créé un site Web affichant un contenu sexuellement dégradant au sujet de la victime, qui en avait été informée par un tiers. La Cour d’appel de l’Ontario a explicitement rejeté la nécessité de prouver l’intention subjective de l’accusé pour établir l’actus reus[23].

[26]      En l’espèce, le juge ne se trompe pas lorsqu’il conclut que le comportement menaçant (le premier élément de l’actus reus) est établi par la preuve : le comportement menaçant était « à l’égard » des personnes visées – celles qui en étaient l’objet et qui étaient susceptibles de se sentir menacées par cette conduite. Le fait que l’appelant ne se soit pas adressé directement à la plaignante ou à son fils et qu’il ne visait pas à susciter un sentiment de crainte chez eux ne rend pas sa conduite moins menaçante envers eux. Son comportement les visait directement et personnellement.

 

[27]      Quant à la deuxième erreur alléguée, contrairement à ce que soutient l’appelant, c’est à bon droit que le juge a pris en compte toutes les circonstances, notamment son historique conjugal avec la plaignante. Dans Côté c. R.[24], la Cour énonce :

 

[78]         En matière de harcèlement criminel, la crainte de la victime s’évalue dans le contexte de toute l’affaire. La crainte peut naître d’un ensemble de facteurs et la conduite du harceleur, au fil du temps, est l’une des composantes à prendre en considération pour analyser si une personne raisonnable aurait, dans les mêmes circonstances, craint pour sa sécurité. La preuve de la conduite du harceleur est pertinente, même avant la période où la victime commence réellement à craindre pour sa sécurité et même si l’objet du harcèlement était alors une autre personne. En bref, c’est la connaissance qu’a la victime des agissements du harceleur qui permet d’évaluer si sa crainte est raisonnable.

 

[28]      La prise en compte de toutes les circonstances est nécessaire, puisqu’une conduite qui pourrait autrement sembler anodine peut, à la lumière du contexte, se révéler être un moyen d’intimidation susceptible de susciter un sentiment de crainte.