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vendredi 8 novembre 2024

Bref rappel des principes juridiques applicables à la légitime défense

Bélanger c. R., 2022 QCCA 1726

Lien vers la décision


[23]      Dans tous les cas, l’appelant échoue à remplir son fardeau. Il est néanmoins opportun de rappeler brièvement les principes juridiques applicables à la légitime défense, avant d’expliquer les motifs justifiant le rejet du pourvoi.

[24]      La légitime défense « joue un rôle important en droit et dans la société. […] La préservation de la vie et de l'intégrité physique explique pourquoi le droit permet à quelqu'un de résister à des menaces externes et pourquoi il impose des limites aux gestes commis contre autrui en son nom en réaction à ces menaces. »[20] Le législateur a remanié, en 2013, l’art. 34(2) du C.cr. qui encadre cette défense, afin d’éviter de laisser à la seule appréciation subjective de l’accusé la perception du besoin d’agir pour se défendre. Partant, les trois questions que doivent se poser les juges lorsque la légitime défense est soulevée sont : (1) le catalyseur – la personne accusée doit croire raisonnablement qu'on emploie la force ou qu'on menace de l'employer contre elle ou quelqu'un d'autre; (2) le mobile – le but subjectif de la réaction à l'emploi de la force (ou menace) doit être de se protéger soi-même ou de protéger une autre personne; et (3) la réaction – la personne accusée doit agir de façon raisonnable dans les circonstances[21].

[25]      La première question suppose une évaluation à la fois subjective et objective de la situation. Subjective, car l'accusé doit avoir cru qu'on employait ou menaçait d'employer la force et objective, car cette perception doit être raisonnable dans les circonstances. Cette évaluation est faite à partir du critère bien connu de la personne raisonnable[22].

[26]      Le mobile, de son côté, suppose une évaluation purement subjective du but poursuivi par l'accusé lorsqu'il a eu recours à la force. Le juge doit se demander « s’il [l'accusé] a agi pour faire cesser l’attaque, se protéger ou se défendre, plutôt que de riposter ou se venger »[23]. Le but de l'accusé peut évoluer à mesure qu'un « incident progresse ou s'aggrave »[24]. Néanmoins, il est essentiel de le déterminer, car l'aspect défensif de la réaction est fondamental à l'application de la défense. En revanche, « clarifier le but ne vise pas à classer la conduite de la personne accusée en catégories distinctes, mais plutôt à apprécier le contexte global d’un affrontement, comment il a évolué et le rôle qu’a joué la personne accusée, si elle en a joué un, dans la genèse de cette évolution. »[25]. Il faut donc se garder d'analyser le mobile sans tenir compte de la réalité au moment des évènements. Très souvent, la situation se déroule rapidement et l'accusé n'a pas le temps de bien réfléchir[26].

[27]      Finalement, la réaction s'intéresse à la raisonnabilité de la conduite de l'accusé selon les circonstances de l'espèce. L'analyse normalement objective de ce qui est raisonnable est quelque peu modifiée par les facteurs inscrits au C.cr., car ceux-ci imposent de prendre en compte notamment certaines caractéristiques de l'accusé (article 34(2)e) C.cr.) ainsi que la nature de la relation entre les parties (article 34(2)f), f.1) C.cr.)[27]. L'analyse demeure tout de même principalement objective et s'intéresse à ce que la personne raisonnable aurait fait dans les mêmes circonstances[28].

[28]      La question de savoir ce qui constitue de la légitime défense est une question de droit révisable selon la norme correcte. Néanmoins, l'argumentaire développé par l’appelant correspond plutôt à une allégation de mauvaise application des principes juridiques à la situation factuelle, ce qui nécessite de faire preuve de déférence envers la juge de première instance[29]. Comme mentionné précédemment, son argumentaire s’apparente également à une contestation de la raisonnabilité du verdict.

dimanche 3 novembre 2024

Le droit – la légitime défense

R. c. Awadah, 2024 QCCQ 3806



[139]     L’article 34 C.cr. prévoit que n’est pas coupable d’une infraction, la personne qui :

139.1.   La croyance raisonnable : Croit, pour des motifs raisonnables, qu’une force est employée ou qu’on menace de l’employer, contre une autre personne[56];

139.2.   Le mobile défensif : Commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de protéger cette personne contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force[57];

139.3.    La réponse raisonnable : Agit de façon raisonnable dans les circonstances[58].

[140]     Attardons-nous plus attentivement à ces trois facteurs.

La croyance raisonnable

[141]     Des paragraphes 52 à 58 de l’arrêt R. c. Khill[59], il peut être retenus les principes suivants pertinents en l’espèce :

141.1.  Il s’agit d’examiner l’état d’esprit de la personne accusée et la perception des événements qui l’ont amenée à agir (par. 52);

141.2.  Cette perception subjective doit être objectivement vérifiée (par. 52-58)[60], c’est-à-dire ce qu’une personne raisonnable ayant les mêmes caractéristiques et expériences pertinentes percevrait (par. 57);

141.3.  Les affrontements violents antérieurs entre l’accusé et la victime sont pertinents à l’évaluation de la croyance raisonnable (par. 55);

141.4.  Le caractère raisonnable n’est pas considéré du point de vue de personnes trop craintives, ivres, anormalement vigilantes ou membres de sous-cultures criminelles (par. 56)[61];

141.5.  Les préjugés personnels ou les craintes irrationnelles à l’égard d’un groupe ethnique ou d’une culture identifiable ne pourraient jamais de façon acceptable être à la base d’une perception objectivement raisonnable de menace (par. 56);

141.6.  Une croyance sincère mais erronée peut être raisonnable (par. 57)[62];

141.7.  Sont comprises la défense de soi et la défense d’autrui (par. 52).

Le mobile défensif

[142]     Des paragraphes 59 à 61 de l’arrêt R. c. Khill[63], il peut être retenus les principes suivants pertinents en l’espèce :

142.1.  Il s’agit d’examiner le but visé par la personne accusée en commettant l’acte qui constitue l’infraction (par. 59);

142.2.  Il s’agit d’un état d’esprit subjectif (par. 59)[64];

142.3.  L’acte doit être commis pour se défense soi-même ou une autre personne contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force et non dans un but de se faire justice à soi-même ou de se venger (par. 59);

142.4.  Le but peut évoluer à mesure que l’événement progresse ou s’aggrave (par. 61);

142.5.  Il est essentiel de formuler adéquatement la menace ou l’emploi de la force à un moment donné pour évaluer correctement les actions de l'accusé par rapport à leur objectif déclaré (par. 61).

142.6.  Le Tribunal doit apprécier le contexte global de l’affrontement, comment il a évolué et le rôle joué par l’accusé, le cas échéant, dans la genèse de cette évolution (par. 61).

La réponse raisonnable

[143]     Le caractère raisonnable de la réponse est mesuré en fonction des faits pertinents dans la situation personnelle de l’accusé et des autres parties ainsi que les faits pertinents de l’acte, ce qui inclut notamment les neuf facteurs suivants[65] :

           la nature de la force ou de la menace;

           la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

           le rôle joué par la personne lors de l’incident;

           la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

           la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

           la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

           l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

           la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

           la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

 

[144]     Des paragraphes 62 à 70 de l’arrêt R. c. Khill[66], il peut être retenus les principes suivants pertinents en l’espèce :

144.1.   La norme objective est modifiée pour prendre en compte certaines caractéristiques et expériences de la personne accusée (par. 64)[67];

144.2.   Cela étant, l’accent demeure sur ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances comparables (par. 65);

144.3.   Le facteur de la réponse raisonnable s’attarde principalement au caractère raisonnable des gestes posés par l’accusé et non de son état d’esprit (par. 66-67);

144.4.   Il revient aux juges des faits d’évaluer globalement et de peser tous les facteurs pour déterminer si l’acte était raisonnable, aucun facteur pris isolément n’étant décisif pour l’issue (par. 69).

[145]     La jurisprudence nous enseigne également les principes suivant dans l’évaluation de la légitime défense.

Robitaille Drouin c. R., 2022 QCCA 233 :

[35]   Le droit de repousser une attaque comprend celui de répliquer physiquement. En ce qui concerne l'ampleur de la réplique, la personne qui agit en légitime défense ne peut être tenue de mesurer, et peut de toute manière ne pas être capable de calibrer avec précision dans le feu de l'action le degré de force requis pour repousser une agression imminente. Il faut éviter d'évaluer la proportionnalité de la réponse en rétrospective et de manière non contextualisée, en se fondant uniquement ou exagérément sur la gravité des blessures qui ont été occasionnées au plaignant.

[36]   Si les blessures et la gravité de celles-ci peuvent être pertinentes pour jauger de la proportionnalité de la réponse, c’est la force employée par l'accusé qui doit être jugée raisonnable et non pas ses conséquences.

[Références omises]

 

Deslauriers c. R., 2020 QCCA 484 :

[27]   Dans son évaluation du caractère raisonnable, ou non, des gestes posés par la personne qui se défend en réaction à la force qu’on emploie, ou menace d’employer, contre elle, le juge doit se rappeler que les personnes confrontées à des situations stressantes et dangereuses n’ont pas le luxe d’une réflexion approfondie et elles commettront inévitablement des erreurs de jugement et de fait, par exemple dans l’évaluation de la force requise pour contrer la menace. Leurs actes ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection.

[Références omises]

dimanche 27 octobre 2024

Qu'est-ce que l'usage de la force raisonnable pour un policier dans l'exécution de ses fonctions?

R v Power, 2016 SKCA 29

Lien vers la décision


[29]           The jurisprudence regarding ss. 25(1) and 34(1) is well established and the principles to be applied are fundamentally the same for both provisions. In dealing with s. 25(1), the Supreme Court of Canada in R v Nasogaluak2010 SCC 6, [2010] 1 SCR 206 [Nasogaluak], said:


[34]      Section 25(1) essentially provides that a police officer is justified in using force to effect a lawful arrest, provided that he or she acted on reasonable and probable grounds and used only as much force as was necessary in the circumstances. That is not the end of the matter. Section 25(3) also prohibits a police officer from using a greater degree of force, i.e. that which is intended or likely to cause death or grievous bodily harm, unless he or she believes that it is necessary to protect him- or herself, or another person under his or her protection, from death or grievous bodily harm. The officer’s belief must be objectively reasonable. This means that the use of force under s. 25(3) is to be judged on a subjective-objective basis (Chartier v. Greaves[2001] O.J. No. 634 (QL) (S.C.J.), at para. 59). If force of that degree is used to prevent a suspect from fleeing to avoid a lawful arrest, then it is justified under s. 25(4), subject to the limitations described above and to the requirement that the flight could not reasonably have been prevented in a less violent manner.

[35]      Police actions should not be judged against a standard of perfection. It must be remembered that the police engage in dangerous and demanding work and often have to react quickly to emergencies. Their actions should be judged in light of these exigent circumstances. As Anderson J.A. explained in R. v. Bottrell (1981), 1981 CanLII 339 (BC CA), 60 C.C.C. (2d) 211 (B.C.C.A.):

In determining whether the amount of force used by the officer was necessary the jury must have regard to the circumstances as they existed at the time the force was used. They should have been directed that the appellant could not be expected to measure the force used with exactitude.

[Emphasis added]

[30]           The Court in Nasogaluak also stated at para 32 that the force used by a peace officer in the execution of his duty is constrained by principles of proportionality, necessity and reasonableness. It approved the following statement by the Alberta Court of Appeal in R v Nasogaluak2007 ABCA 339, 2008 2 WWR 387, of the legal principles involved in deciding whether force is excessive:


[21]      Section 25(1) of the Criminal Code provides that a police officer, if he acts on reasonable grounds, is authorized in using as much force as is necessary for the purpose of making an arrest. The test is whether the application of force was objectively reasonable, having regard to the circumstances and dangers in which the officer found himself or herself: Crampton v. Walton2005 ABCA 81, 363 A.R. 216 at para. 42.

[31]           Turning to s. 34(1), the four components in that defence and the applicable onus of proof have been set out in R v Piapot2014 SKCA 9, [2014] 5 WWR 79 [Piapot]:


[28]      It is common ground that the elements of a successful s. 34(1) defence are: (a) the accused must have been unlawfully assaulted or perceived that he or she would be unlawfully assaulted by the victim; (b) the accused must not have provoked the assault; (c) the force used by the accused was not intended to cause death or grievous bodily harm; and (d) the force used by the accused was no more than necessary to enable him or her to defend himself or herself. See: R. v. Raphael, 2009 SKCA 16, [2009] 3 W.W.R. 611 at para. 12.

[29]      In order to deny an accused person the defence of self-defence, the Crown must prove, beyond a reasonable doubt, that any one of these four elements is not present. See: R. v. Hebert1996 CanLII 202 (SCC), [1996] 2 S.C.R. 272 at para. 23.

[Emphasis added]

[32]           In summary, for both ss. 25(1) and 34(1), the force used by a police officer or a person acting in self-defence must be no more than necessary to enable him or her to defend themselves or effect an arrest. That force need not be measured with exactitude or “to a nicety” when considering the question of proportionality. The law provides for a flexible or tolerant approach to the objective measure of whether force is proportionate (Piapot at para 46).

[33]           How to approach the issue of proportionality was explained in R v Szczerbaniwicz2010 SCC 15, [2010] 1 SCR 455 [Szczerbaniwicz]. Although that case dealt with defence of property, Abella J. stated (at para 18) that the defence of property provisions of the Criminal Code dealing with the level of force are similar to other Criminal Code provisions incorporating the words “no more force than necessary”. She stated:


[20]      The “proportionality” approach has more recently been characterized as an inquiry into whether the force used was “reasonable in all the circumstances”, as Charron J. confirmed in R. v. Gunning2005 SCC 27, [2005] 1 S.C.R. 627, at para. 25, a case involving s. 41(1). …

[21]      The reasonableness of “all the circumstances” necessarily includes the accused’s subjective belief as to the nature of the danger or harm, but the objective component of the defence is also required: the subjective belief must be based on reasonable grounds. …

[34]           In support of this approach, Abella J. cites the statements of Fraser C.J.A. in R v Kong2005 ABCA 255 at paras 95-100[2006] 5 WWR 405 [Kong], appeal allowed on other grounds 2006 SCC 40[2006] 2 SCR 347, the relevant portions of which read as follows:


[95]      … Since the law of self-defence is rooted in necessity, self-defence properly stops where necessity ends. As with the defence of necessity, proportionality is required between the harm inflicted and the harm sought to be avoided. In other words, the responsive force must have been proportionate to the assault threatened or inflicted.

[96]      Therefore, in assessing whether there is an air of reality to the proportionality requirement, that is whether the responsive force was no more than necessary in the circumstances, a judge must also consider the following:

1.   the nature and extent of the assault or threatened assault the accused faced (the “threat assessment”); and

2.   the nature and extent of the responsive force the accused actually used.

[97]      In my view, the threat assessment involves a modified objective inquiry. After all, in assessing whether an accused’s responsive force meets the proportionality requirement, the situation in which that particular accused finds himself or herself is highly relevant. The fact that the threat assessment by the accused is based in part on trying to infer someone else’s intentions also explains why a court must focus first on an accused’s subjective perception of the degree of violence of the assault or threatened assault. Nevertheless, an accused’s belief must also be reasonable on the basis of the situation he or she perceives. Indeed, factors peculiar not only to the accused, but also the alleged victim, have historically been regarded as proper considerations in assessing the nature and extent of the threat. For example, in analyzing the nature of the threat, the relative strength and size of the parties involved will be a relevant considerationR. v. Nelson (1953), 1953 CanLII 432 (BC CA), 105 C.C.C. 333 (B.C. C.A.). So too will be other personal characteristics, for example, gender and age.

[100]   With respect to the proportionality requirement - the responsive force must have been no more than necessary in the circumstances - I have concluded that this should be assessed using an objective test only. By this, I mean that the trial judge is to consider whether, from the perspective of a reasonable person in the circumstances of the accused, there is an air of reality to an accused’s claim that the force used was objectively no more than necessary given the nature and quality of both the threat and the responsive force. That reasonable person is to be invested with the characteristics of the accused in terms of size, strength, gender, age and other immutable characteristics. If the responsive force used exceeds that which was objectively necessary, then the protection of s. 34(1) is lost.

[Emphasis added, footnotes omitted]

[35]           On the basis of the foregoing, a determination of whether force is reasonable in all the circumstances involves a consideration of three factors. First, a court must focus on an accused’s subjective perception of the degree of violence of the assault or threatened assault against him or her. Second, a court must assess whether the accused’s belief is reasonable on the basis of the situation as he or she perceives it. Third, the accused’s response of force must be no more than necessary in the circumstances. This needs to be assessed using an objective test only, i.e., was the force reasonable given the nature and quality of the threat, the force used in response to it, and the characteristics of the parties involved in terms of size, strength, gender, age and other immutable characteristics.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...