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dimanche 18 novembre 2018

L'état du droit quant à l'amendement des chefs d'accusation

Catania c. R., 2016 QCCQ 5324 (CanLII)

Lien vers la décision

[58]            Le Tribunal doit maintenant déterminer si la conduite de la poursuite quant à la portée des six premiers chefs d’accusation constitue un abus ou contrevient aux droits des requérants.
[59]            Sur cette question, notons d’abord qu’il est plutôt surprenant qu’aucune démarche pour obtenir un nouvel acte d’accusation direct n’ait été entreprise en temps opportun par le ministère public pour éclaircir définitivement la question de la période d’infraction.
[60]            L’historique procédural de la présente affaire révèle que le Directeur des poursuites criminelles et pénales a consenti au dépôt de deux actes d’accusation directs au début de l’année 2013.  Tenant compte de l’envergure de cette poursuite, il aurait été logique, opportun et plutôt facile de clarifier la portée temporelle des chefs d’accusation à l’occasion de l’obtention de ces deux actes d’accusation directs ou au moyen du dépôt d’un troisième.  Cette simple procédure aurait de toute évidence clarifié cet élément non négligeable et évité toute cette problématique.
[61]            Selon la preuve, ce n’est qu’au mois de novembre 2015 que les requérants ont été informés de l’intention du ministère public de solliciter l’amendement des six premiers chefs d’accusation.  En dépit des questions posées à l’audience par le Tribunal, le caractère tardif de cette annonce demeure toujours inexpliqué.  Outre une certaine négligence, rien ne permet de comprendre pourquoi ce n’est qu’à trois mois de l’ouverture du procès que cette précision a été apportée.
[62]            Le Tribunal rappelle qu’avant le procès, les parties se sont livrées à un long exercice visant à déterminer la portée de certaines admissions ayant pour objet d’en réduire la durée.  Dans ce contexte particulier, il appartenait incontestablement au ministère public de clarifier la portée temporelle des transactions criminelles reprochées aux requérants, et ce, de la manière la plus diligente possible.  Cela découlait des règles élémentaires d’équité et de courtoisie qui doivent guider les parties dans le déroulement des procédures.
[63]            Cela étant dit, sur le plan des principes, le ministère public n’a pas tort de plaider qu’en l’absence d’un nouvel acte d’accusation direct ou du consentement des accusés, le Code criminel ne permet pas d’amender la portée des chefs d’accusation avant que la preuve ne soit entendue.  Le libellé du paragraphe 601(2) du Code criminel prévoit que :
601. (2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, un tribunal peut, lors du procès sur un acte d’accusation, modifier l’acte d’accusation ou un des chefs qu’il contient, ou un détail fourni en vertu de l’article 587, afin de rendre l’acte ou le chef d’accusation ou le détail conforme à la preuve, s’il y a une divergence entre la preuve et :
a) un chef de l’acte d’accusation tel que présenté; […]
[64]            Dans R. v. McConnell, au paragraphe 20, la Cour d’appel de l’Ontario interprète cette disposition de la manière suivante :
[20] In my view, the interpretation that is most consistent with the wording of the Criminal Code is that there is no power to amend to conform to the evidence until the evidence has been heard. In addition to R. v. Callocchia, see for example, R. v. King (1956), 1956 CanLII 538 (ON CA)116 C.C.C. 284.  Admittedly, the cases are also almost universally to the effect that if the trial judge errs and permits a premature amendment, if the accused was not prejudiced the appeal will be dismissed, presumably by application of the proviso in s. 686(1)(b)(iii) or (iv) of the Criminal Code. Thus, in addition to R. v. Deal, see R. v. Fiore (1962), 1962 CanLII 593 (ON CA)132 C.C.C. 21337 C.R. 31 (Ont. C.A.) and R. v. S. (C.A.) (1997), 1997 CanLII 2519 (BC CA)114 C.C.C. (3d) 356 (C.A.), at pp. 360 and 364. But the fact that no prejudice was occasioned by the error cannot create a power of amendment outside the Criminal Code regime. [Nos soulignés]
[65]            Dans R. v. Callocchia, au paragraphe 53, la Cour d’appel du Québec émet une opinion qui va dans le même sens :
There was, as already noted, no preliminary inquiry in this case and the trial proceeded on a direct indictment. The trial judge appears to have considered that the Crown was entitled to amend that indictment at the outset of the trial, with or without the consent of the accused. Here, consent was sought and refused. I agree with Crown counsel that section 601 of the Criminal Code, which governs the matter, did not authorize Crown counsel, unilaterally, to amend the indictment at that stage.
[66]            Tenant compte de ces précédents, la position du ministère public sur la question du moment où un amendement peut être accordé est conforme au droit en vigueur.
[67]            Le Tribunal réaffirme que dans le contexte spécifique du présent dossier, il appartenait au ministère public de clarifier diligemment la portée temporelle des transactions criminelles reprochées avant que ne s’amorcent les discussions concernant les admissions.
[68]            En dépit de ce fait, il importe de rappeler qu’aucun élément de preuve n’a jusqu’à maintenant été présenté et que les admissions n’ont pas encore été déposées.  Bien que le défaut du ministère public d’informer diligemment les requérants puisse être considéré répréhensible, il est évident qu’aucun préjudice fatal et irréparable n’a été en l’espèce établi.
[69]            Les requérants connaissent maintenant l’intention du ministère public de solliciter un amendement et peuvent ainsi prendre leurs décisions stratégiques en conséquence.

samedi 9 septembre 2017

Le « poivre de cayenne » n'est pas considéré comme une arme prohibée / amendement

R. c. Leblanc, 2012 QCCA 153 (CanLII)

Lien vers la décision

[3]         Il va de soi que « du poivre de cayenne » ne peut être considéré comme une arme prohibée. Seul un dispositif tel que décrit par le règlement peut l'être (voir art. 1, Partie 3 de l'Annexe du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d'armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation retreinte).
[4]         Après avoir élaboré sur l'exigence d'un dispositif dans la description de l'infraction et sur le fait que la simple possession de poivre de cayenne ne saurait évidemment constituer une infraction[1], le juge s'exprime ainsi :
[51] Ici, il y a absence totale de preuve sur le dispositif dans l'acte d'accusation tel que porté. Dans l'arrêt Saunders, on précise qu'il existe un principe fondamental en droit criminel, que l'infraction précisée dans l'acte d'accusation doit être prouvée et qu'un jury, se dirigeant correctement en droit, ne pourrait pas raisonnablement arriver à un verdict de culpabilité si un élément essentiel fait défaut. Pour cette raison, la requête en non-lieu doit être accueillie.
[Nous soulignons.]
[5]         En d'autres mots, même en prouvant tous les éléments essentiels de l'infraction telle que décrite dans l'acte d'accusation, la poursuite ne pouvait obtenir une condamnation.
[6]         Il faut par ailleurs souligner que, quelques paragraphes auparavant, le juge avait conclu que la preuve paraissait suffisante au regard de l'existence d'une infraction :
[27] […] Ces armes prohibées que constituent ces bonbonnes de poivre de cayenne sont en vente libre.
[42] Ici, on peut inférer de la preuve que l'accusée est en possession d'une arme prohibée, soit un dispositif décrit et prohibé, et ce, dans le but d'en faire le trafic, littéralement pour en vendre […] ».
[7]         À notre avis, comme l'a décidé la Cour suprême dans R. c. Moore1988 CanLII 43 (CSC)[1988] 1 R.C.S. 1097, le juge ne pouvait accueillir la requête pour ce motif. En tenant compte des art. 581 et suivants, le juge devait amender le chef pour le rendre conforme à la preuve et aux exigences de la loi. En effet :
1) Il n'y avait aucun préjudice à modifier le chef, puisque les deux parties ont procédé sur la base d'une infraction reprochant la possession d'un dispositif prohibé et elles ont centré leurs arguments sur la question de l'intention (voir les arguments, p. 165 à 240 du mémoire de l'appelante).

2) Le renvoi à l'article 91 C.cr. est pertinent à l'analyse et peut pallier le défaut (paragr. 581(5) C.cr.).

3) Le Code criminel autorise spécifiquement un amendement si le chef « n'énonce pas quelque chose qui est nécessaire pour constituer l'infraction », si cette chose est révélée par la preuve (paragr. 601(3)b)i) C.cr.) et que l'accusé n'est pas lésé par la modification (paragr. 601(5) C.cr.).
[8]         Or, il n'y a pas ici absence totale de preuve au regard de l'infraction et de plusieurs pièces saisies au commerce de l'intimée, commerce spécialisé dans la vente de systèmes d'alarme[2]. À tout le moins, faudrait-il qu'un tribunal de première instance se penche sur la question.

samedi 14 novembre 2015

Le moment est-il un élément essentiel de l'infraction?

R. c. B. (G.), [1990] 2 RCS 30, 1990 CanLII 7308 (CSC)

Lien vers la décision

Une dénonciation ou un acte d'accusation doivent fournir à l'accusé suffisamment de renseignements pour lui permettre de se défendre.  Si le moment doit être précisé, le moment exact n'a pas à être identifié ni démontré.  En l'espèce, la dénonciation était adéquate, vu la nature de l'infraction reprochée et l'âge de la victime.  En vertu du par. 529(4.1) du Code criminel, une divergence entre l'acte d'accusation et la preuve importe peu à l'égard du moment de la perpétration de l'infraction.  La common law avait élaboré une règle semblable:  si le moment précisé dans la dénonciation ne correspond pas à la preuve et que la date de l'infraction ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction ou un élément crucial pour la défense, la divergence n'est pas importante et la dénonciation ne doit pas être annulée.  En outre, il n'est pas nécessaire que le ministère public fasse la preuve de la date alléguée sauf si le moment de l'infraction en est un élément essentiel, comme dans le cas de l'accusé qui se défend contre une accusation en fournissant une preuve d'alibi à l'égard de la date ou de la période de temps alléguée.  La première question qui se pose est donc de savoir si le moment de l'infraction est soit un élément essentiel de celle-ci ou soit un élément crucial pour la défense.  Si ce n'est pas le cas, une déclaration de culpabilité peut être prononcée même si le moment de l'infraction n'est pas prouvé.  En l'espèce, le juge du procès n'a pas posé cette question.  S'il l'avait fait, il aurait été obligé de conclure que le moment de l'infraction ne constituait pas un élément essentiel de l'infraction et qu'il n'était pas crucial pour la défense.  Par conséquent, la Cour d'appel a jugé, à bon droit, que le moment de l'infraction n'avait pas à être démontré hors de tout doute raisonnable dans les circonstances de l'espèce.

jeudi 2 février 2012

Quand le juge doit amender le chef pour le rendre conforme à la preuve et aux exigences de la loi

R. c. Leblanc, 2012 QCCA 153 (CanLII)

Lien vers la décision

[7] À notre avis, comme l'a décidé la Cour suprême dans R. c. Moore, 1988 CanLII 43 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 1097, le juge ne pouvait accueillir la requête pour ce motif. En tenant compte des art. 581 et suivants, le juge devait amender le chef pour le rendre conforme à la preuve et aux exigences de la loi. En effet :

1) Il n'y avait aucun préjudice à modifier le chef, puisque les deux parties ont procédé sur la base d'une infraction reprochant la possession d'un dispositif prohibé et elles ont centré leurs arguments sur la question de l'intention (voir les arguments, p. 165 à 240 du mémoire de l'appelante).

2) Le renvoi à l'article 91 C.cr. est pertinent à l'analyse et peut pallier le défaut (paragr. 581(5) C.cr.).

3) Le Code criminel autorise spécifiquement un amendement si le chef « n'énonce pas quelque chose qui est nécessaire pour constituer l'infraction », si cette chose est révélée par la preuve (paragr. 601(3)b)i) C.cr.) et que l'accusé n'est pas lésé par la modification (paragr. 601(5) C.cr.).

vendredi 6 janvier 2012

Le moment exact de l'infraction joue généralement un rôle accessoire dans la détermination des actes reprochés

S.L. c. R., 2010 QCCA 124 (CanLII)

[57] Le ministère public peut, en tout temps avant la fin des procédures, demander la modification d'un acte d'accusation. Il ne peut toutefois le faire à sa guise puisque les règles régissant la modification d'un acte d'accusation obéissent au principe constitutionnel selon lequel tout accusé a droit à un procès équitable. L'accusé doit pouvoir identifier de façon raisonnablement précise les actes qui lui sont reprochés afin de préparer sa défense. Les éléments requis pour cibler raisonnablement les actes reprochés diffèrent selon l'infraction en cause et l’affaire étudiée.

[58] Le moment exact de l'infraction joue généralement un rôle accessoire dans la détermination des actes reprochés. Il revêt cependant une importance capitale lorsqu'il constitue un élément essentiel de l'infraction, ce qui n’est pas le cas ici, ou lorsqu’il représente un enjeu crucial pour la défense. Il faut voir, dans chaque cas, si la modification est préjudiciable à l'accusé, dans la présentation de sa défense, ou si l'accusation originelle l'a induit en erreur.

[59] Il s’agit précisément de l’exercice qu'a effectué la juge qui conclut à l’absence de préjudice et permet l’amendement. L'appelant n’étaye d’aucune façon qu’il aurait « été induit en erreur ou lésé dans sa défense » ou que la modification entraînerait une injustice. Il ne particularise pas l’erreur de droit qu’il reproche à la première juge.

mercredi 30 novembre 2011

Le pouvoir d’amender un chef d’accusation

R. c. Cadorette, 2010 QCCS 1953 (CanLII)

[18] De manière générale, la justice criminelle a évoluée au cours des dernières années et elle s’est lentement éloignée d’un certain formalisme tant dans le domaine du droit de la preuve et de la procédure.

[19] Le juge Fish constate cette évolution dans R. c. Lemieux
The administration of the criminal law has evolved significantly during the past century. Particularly in recent years, it has become more humane and, largely for that very reason, less dependent on excessive formalism to ensure fairness and decency.

Emphasis on procedural equity as opposed to procedural nicety is, however, unrelated to the fundamental principal of substantive criminal law that an accused cannot be convicted unless caught by the plain words of the statute under which he or she is charged. This is not a matter of formalism, if I may say so with respect, but rather a corollary of Dicey's "first meaning" of the rule of law: "...a man may be punished for a breach of law, but he can be punished for nothing else" [A. V. Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, 9th ed., 1939, p. 202.].

[20] L’évolution du droit canadien en matière d’amendement en est un bon exemple.

[22] Dans R. c. Moore, le juge Lamer, dissident, mais pas sur cette question, écrit ce qui suit:

Depuis l'adoption de notre Code en 1892, du fait de la jurisprudence et des modifications ponctuelles apportées à l'art. 529 [maintenant l’art. 601] et aux articles qui l'ont précédé, l'obligation pour les juges d'annuler les actes d'accusation s'est graduellement transformée en une obligation de les modifier; le juge ne conserve en effet qu'un pouvoir discrétionnaire restreint pour annuler.

[23] Dans R. c. Côté, le juge en chef Lamer résume la règle en ces termes :

Le tribunal qui est appelé à décider s’il y a lieu de modifier une dénonciation ou un acte d’accusation défectueux doit tenir compte des répercussions pour l’accusé de la modification proposée. La norme applicable en ce qui concerne l’art. 601 du Code est la question de savoir si l’accusé subirait un «préjudice irréparable» par suite de la modification de l’acte d’accusation: R. c. P. (M.B.), 1994 CanLII 125 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 555; R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 932; Vézina et Côté c. La Reine, 1986 CanLII 93 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 2; Morozuk c. La Reine, 1986 CanLII 72 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 31. Dans ces affaires, qui étaient fondées sur le Code criminel et où rien dans la preuve n’indiquait que l’accusé avait été induit en erreur ou avait subi un préjudice irréparable en raison d’une divergence entre l’acte d’accusation et la preuve, notre Cour a modifié l’acte d’accusation et rejeté le pourvoi.

La norme applicable en matière de modification est la même dans les affaires fondées sur la Loi sur les poursuites sommaires. Lorsqu’une accusation peut être corrigée, on corrige. Dans la mesure où la preuve est conforme à la bonne accusation et où les appelants n’ont pas été induits en erreur ou n’ont pas subi de préjudice irréparable en raison d’une divergence entre la preuve et les dénonciations, la défectuosité peut et doit être corrigée

[24] La question essentielle est donc de savoir si l’accusé a été induit en erreur ou subi un préjudice irréparable.

[25] Dans P.(M.B.), le juge en chef Lamer énonce une nuance importante à l’égard de la notion de préjudice :

Le paragraphe 601(4) ne prévoit nullement que l'incapacité d'invoquer un moyen de défense particulier constitue un «préjudice» ou une «injustice» irréparable, et cela ne peut pas non plus se déduire du texte de la disposition. Il convient plutôt de laisser au juge du procès le soin d'examiner ces questions en fonction des circonstances particulières d'une affaire.

[26] La Cour d’appel de l’Ontario a évalué la question du préjudice dans le cadre de l’analyse du pouvoir d’une cour d’appel d’amender une accusation en vertu de l’art. 683(1)(g) du Code criminel dans R. v. Irwin.

[27] Après avoir reconnu l’existence du pouvoir d’amendement d’une cour d’appel, le juge Doherty s’exprime ainsi à l’égard de la question du préjudice :

There is no "vested right" to any particular defence in a criminal proceeding: R. v. P. (M.B.) 1994 CanLII 125 (SCC), (1994), 89 C.C.C. (3d) 289 at 296-97 (S.C.C.) Were it otherwise, any amendment which had the effect of removing a defence or legal argument in support of an acquittal would be automatically prejudicial. Were that the law, the power to amend on appeal would be rendered almost nugatory.

Prejudice in the present context speaks to the effect of the amendment on an accused's ability and opportunity to meet the charge. In deciding whether an amendment should be allowed, the appellate court must consider whether the accused had a full opportunity to meet all issues raised by the charge as amended and whether the defence would have been conducted any differently had the amended charge been before the trial court. If the accused had a full opportunity to meet the issues and the conduct of the defence would have been the same, there is no prejudice: e.g. see R. v. Foley 1994 CanLII 9760 (NL CA), (1994), 90 C.C.C. (3d) 390 at 400-403 (Nfld. C.A.). As I see it, had the appellant been charged with unlawfully causing bodily harm, the trial would have proceeded exactly as it did save that there would have been no argument as to the applicability of the doctrine of transferred intent.


[28] La Cour d’appel de l’Ontario examine de nouveau cette question dans R. v. McConnell:

As this court said in R. v. Irwin 1998 CanLII 2957 (ON CA), (1998), 123 C.C.C. (3d) 316, at para. 38, prejudice "speaks to the effect of the amendment on an accused's ability and opportunity to meet the charge". Thus, in deciding whether an amendment should be allowed, the court will consider whether the accused will have a full opportunity to meet all issues raised by the charge and whether the defence would have been conducted differently. The respondent was aware of the essential elements of the charges and was aware of the transaction being alleged against him from the Crown disclosure. There would have been no prejudice in this case and defence counsel in his submissions to the trial judge did not point to any relevant prejudice. In his submissions before us, counsel for the respondent conceded that there was no relevant prejudice. As Morden J.A. said in R. v. Melo reflex, (1986), 29 C.C.C. (3d) 173 (Ont. C.A.) at 185:

The only prejudice which would be occasioned to the accused by the amendment is the removing of a defence which is both technical and unrelated to the merits of the case or to procedural fairness. The refusal of the amendment, with respect, resulted in the matter being decided on a basis that was not "in accordance with the very right of the case": [R. v. Adduono (1940), 73 C.C.C. 152 (Ont. C.A.), at 155]

[29] L’interprétation qui doit être donnée à l’arrêt Servant est capitale à l’issue de l’appel de la poursuite car les décisions de la Cour supérieure dans Descoteaux, Laroche et Forest c. Lavergne appuient la position de la poursuite en l'espèce, mais ce n’est pas le cas de la décision dans Bourbonnais.

[30] Dans l’affaire R. c. Servant, notre Cour d’appel a examiné la question de l’amendement mais dans un contexte bien spécifique.

[31] Dans cette affaire, la présentation de la preuve de la poursuite, celle-ci demande la modification d’un chef d’accusation alléguant une infraction d’avoir eu un taux d’alcoolémie supérieure à plus de 0.08 contrairement à l’art. 253 b) C.cr. pour qu’il soit remplacé par une infraction de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool contrairement à l’art. 253 a) C. cr.

[32] Dans sa décision, la Cour d’appel examine si l’amendement pouvait être autorisé soit en vertu du par. 601(2) afin de rendre le chef d’accusation ou le détail conforme à la preuve ou soit en vertu du par. 601(3) lorsque le chef d’accusation comporte un vice de forme quelconque.

[33] La Cour d’appel s’exprime ainsi :

Le paragraphe (2) n'est pas pertinent en l'espèce puisqu'il vise à modifier un chef d'accusation intrinsèquement suffisant, mais qui s'avère non conforme à la preuve présentée. Par conséquent, un juge ne peut autoriser un tel amendement qu'après avoir entendu la preuve. Il s'agit plutôt de déterminer si le juge du procès pouvait autoriser l'amendement en vertu du paragraphe 601(3) C. cr.

Le ministère public pouvait-il alors demander un amendement pour l'un des motifs énoncés à l'alinéa 601(3)b)? La Cour est d'avis que la réponse est négative. Le législateur a spécifié que dans les cas prévus à cet alinéa, « les choses devant être alléguées dans la modification projetée » doivent être révélées par la preuve recueillie lors de l’enquête préliminaire ou au procès. Dans un arrêt récent, R. c. McConnell, le juge Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario écrivait à ce sujet:

The problem for the prosecution in this case is that to rely on this part of subsection (3), the matters to be alleged in the amendment must have been disclosed in the evidence. At the opening of the trial, when Crown counsel sought the amendment, there was no evidence. In my view, the submissions of counsel as to what is contained in the disclosure is not evidence.

In my view, the interpretation that is most consistent with the wording of the Criminal Code is that there is no power to amend to conform to the evidence until the evidence has been heard. In addition to R. v. Callocchia, see for example, R. v. King (1956), 116 C.C.C. 284 (Ont. C.A.). Admittedly, the cases are also almost universally to the effect that if the trial judge errs and permits a premature amendment, if the accused was not prejudiced the appeal will be dismissed, presumably by application of the proviso in s. 686(1)(b)(iii) or (iv) of the Criminal Code. Thus, in addition to R. v. Deal, see R. v. Fiore (1962), 132 C.C.C. 213, (Ont. C.A.) and R. v. S.(C.A.) 1997 CanLII 2519 (BC CA), (1997), 114 C.C.C. (3d) 356 (B.C.C.A.) at 360 and 364. But the fact that no prejudice was occasioned by the error cannot create a power of amendment outside the Criminal Code regime.

Il s'agit exactement de la situation dans le présent dossier. Le juge du procès ne pouvait s'autoriser de l'alinéa 601(3)b) C. cr. pour modifier la dénonciation, puisque aucune preuve n'avait été présentée au moment où le ministère public a présenté sa requête. Force est de conclure que l'amendement était prématuré

[34] La Cour d’appel estime aussi que l’arrêt Irwin est difficilement applicable au cas de M. Servant en raison du fait qu’aucune preuve n’avait été présentée lors de son procès. La Cour d'appel conclut aussi que les motifs du juge Doherty dans Irwin permettent «de modifier un acte d'accusation pour substituer l'infraction originale par une nouvelle lorsque la modification ne vise rien de plus que la désignation, le « label » de l'infraction [et non] la substitution de l’infraction originale par la nouvelle accusation dans les circonstances de l’espèce».

[35] La Cour d’appel conclut son analyse en ces termes :

En l'espèce, en l’absence de toute preuve, la Cour est d'avis que la modification de la dénonciation ne constituait pas la correction d'un détail de l'infraction ou le changement de sa désignation, et encore moins la correction d'un vice de forme. Par conséquent, le juge du procès ne pouvait l'autoriser. Dans ces circonstances, l'absence de préjudice, question sur laquelle la Cour ne se prononce pas, n'a aucune pertinence

[36] Dans l’arrêt Servant, la Cour d’appel décide que le par. 601(3) du Code criminel ne permet pas de substituer une nouvelle infraction avant la présentation de la preuve lors du procès.

[37] La Cour d’appel, avec respect pour l’opinion contraire adoptée dans l’arrêt Bourbonnais, ne se prononce pas sur la question de savoir si un amendement peut être autorisé en vertu du par. 601(2) C. cr. afin de rendre le chef d’accusation ou le détail conforme à la preuve

Quels sont les pouvoirs de la Cour, suivant l'article 601 C. cr., de modifier l'acte d'accusation pour y substituer une nouvelle infraction?

Servant c. R., 2007 QCCA 558 (CanLII)

[11] Le paragraphe (2) n'est pas pertinent en l'espèce puisqu'il vise à modifier un chef d'accusation intrinsèquement suffisant, mais qui s'avère non conforme à la preuve présentée. Par conséquent, un juge ne peut autoriser un tel amendement qu'après avoir entendu la preuve. Il s'agit plutôt de déterminer si le juge du procès pouvait autoriser l'amendement en vertu du paragraphe 601(3) C. cr.

[12] Le ministère public pouvait-il alors demander un amendement pour l'un des motifs énoncés à l'alinéa 601(3)b)? La Cour est d'avis que la réponse est négative. Le législateur a spécifié que dans les cas prévus à cet alinéa, « les choses devant être alléguées dans la modification projetée » doivent être révélées par la preuve recueillie lors de l’enquête préliminaire ou au procès. Dans un arrêt récent, R. c. McConnell, le juge Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario écrivait à ce sujet:

[16] The problem for the prosecution in this case is that to rely on this part of subsection (3), the matters to be alleged in the amendment must have been disclosed in the evidence. At the opening of the trial, when Crown counsel sought the amendment, there was no evidence. In my view, the submissions of counsel as to what is contained in the disclosure is not evidence.

[…]

[20] In my view, the interpretation that is most consistent with the wording of the Criminal Code is that there is no power to amend to conform to the evidence until the evidence has been heard. In addition to R. v. Callocchia, see for example, R. v. King (1956), 116 C.C.C. 284 (Ont. C.A.). Admittedly, the cases are also almost universally to the effect that if the trial judge errs and permits a premature amendment, if the accused was not prejudiced the appeal will be dismissed, presumably by application of the proviso in s. 686(1)(b)(iii) or (iv) of the Criminal Code. Thus, in addition to R. v. Deal, see R. v. Fiore (1962), 132 C.C.C. 213, (Ont. C.A.) and R. v. S.(C.A.) 1997 CanLII 2519 (BC CA), (1997), 114 C.C.C. (3d) 356 (B.C.C.A.) at 360 and 364. But the fact that no prejudice was occasioned by the error cannot create a power of amendment outside the Criminal Code regime.

[13] Il s'agit exactement de la situation dans le présent dossier. Le juge du procès ne pouvait s'autoriser de l'alinéa 601(3)b) C. cr. pour modifier la dénonciation, puisque aucune preuve n'avait été présentée au moment où le ministère public a présenté sa requête. Force est de conclure que l'amendement était prématuré.

[14] En l'espèce, l'amendement avait également pour effet de substituer une nouvelle infraction à l'infraction originale. Le juge de la Cour supérieure s'est fondé sur les motifs de la Cour d'appel de l'Ontario (le juge Doherty) dans l'arrêt R. c. Irwin, pour conclure qu'il était possible de procéder ainsi quand l'accusé ne subit pas de préjudice. Dans cette affaire, la Cour d'appel de l'Ontario avait permis qu'une accusation de voies de fait causant des lésions corporelles (article 267 C. cr.) soit modifiée en une accusation d'avoir illégalement causé des lésions corporelles (article 269 C. cr.). Selon le juge Doherty, la modification de l'acte d'accusation était possible dans la mesure où la transaction criminelle faisant l'objet de l'accusation demeurait la même, et il poursuit :

[25] On a plain reading, the section contemplates any amendment which makes a charge conform to the evidence. The limits on that amending power are found, not in the nature of the change made to the charge by the amendment, but in the effect of the amendment on the proceedings, and particularly, on the accused's ability to meet the charge. The ultimate question is not what does the amendment do to the charge, but what effect does the amendment have on the accused?

[26] I see no useful purpose in absolutely foreclosing an amendment to make a charge conform to the evidence simply because the amendment will substitute one charge for another. As long as prejudice to the accused remains the litmus test against which all proposed amendments are judged, it seems unnecessary to characterize the effect of the amendment on the charge itself. If the accused is prejudiced, the amendment cannot be made regardless of what it does to the charge. If no prejudice will result from the charge, why should it matter how the change to the charge is described?

[27] I can also find no reason for holding there is no power to amend to substitute one charge for another while at the same time acknowledging the power to amend based on a variation between the evidence and the charge where the amendment will materially change the charge: e.g. see R. v. Geauvreau [Référence omise]. It can be very difficult to distinguish between a change which substitutes one charge for another and a change which materially changes the initial charge. The difference seems to be more in the nomenclature used than in the substance or significance of the change. Some amendments which materially change the charge can have drastic effects on the case against the accused. Some amendments which substitute one charge for another will amount to no more than placing a new label on exactly the same conduct.

[15] Cet arrêt est difficilement applicable au cas présent pour deux raisons. Premièrement, les motifs du juge Doherty visent la modification d'un acte d'accusation pour le rendre conforme à la preuve présentée au procès. En l'espèce, aucune preuve n'avait été présentée au moment de la requête du ministère public. Deuxièmement, l'affirmation selon laquelle il est possible de modifier un acte d'accusation afin de substituer l'infraction originale par une nouvelle doit être nuancée. À la toute fin de ses motifs dans Irwin, le juge Doherty écrit :

[42] Cases where an amendment substituting a different offence for the offence charged at trial can be properly made on appeal will be few and far between. I think this is one of those rare cases where the amendment can be made. While the amendment changes the substantive offence from assault causing bodily harm (s. 267) to unlawfully causing bodily harm (s. 269), the amendment does no more than put a new label on the appellant's culpable conduct. The substance of the allegation remains unchanged. I would amend the indictment to charge the appellant with unlawfully causing bodily harm to Andrew Behling and dismiss the appeal.

[16] Selon le juge Finlayson de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. S.(A.), il faut comprendre les motifs du juge Doherty comme permettant de modifier un acte d'accusation pour substituer l'infraction originale par une nouvelle lorsque la modification ne vise rien de plus que la désignation, le « label » de l'infraction. Manifestement, ce n’est pas le cas avec la substitution de l’infraction originale par la nouvelle accusation dans les circonstances de l’espèce.

[17] Quant à l'alinéa 601(3)c), il n'était d'aucun secours pour le ministère public, puisque la dénonciation n'était affectée d'aucun vice de forme. Aucune preuve n'a été présentée au soutien de la thèse de l'erreur d'écriture soutenue par le ministère public, et le texte détaillé de la dénonciation est incompatible avec une telle prétention.

[18] Dans l'arrêt R. c. Daoust, le juge Bastarache, pour la Cour suprême, tenait ces propos :

22 Il est bien établi en droit qu'un accusé est seulement tenu de répondre à l'accusation telle qu'elle a été portée et que la Couronne est tenue de la prouver, quitte à demander par la suite une modification, ce qui n'a pas été fait en temps utile. En vertu du par. 601(3) C. cr., un tribunal peut modifier un chef d'accusation à tout stade des procédures lorsqu'il s'agit d'un détail de l'infraction : Morozuk c. La Reine, 1986 CanLII 72 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 31 (le juge Lamer, plus tard Juge en chef); Elliott c. La Reine, 1977 CanLII 209 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 393, p. 427 (le juge Ritchie). Toutefois, un changement à l'acte d'accusation en l'espèce ne constituerait pas une précision apportée à un élément de l'infraction, mais reviendrait plutôt à porter une accusation différente de l'accusation initiale. De toute manière, cette Cour n'est aucunement disposée à modifier l'acte d'accusation à ce stade des procédures.

[19] En l'espèce, en l’absence de toute preuve, la Cour est d'avis que la modification de la dénonciation ne constituait pas la correction d'un détail de l'infraction ou le changement de sa désignation, et encore moins la correction d'un vice de forme. Par conséquent, le juge du procès ne pouvait l'autoriser. Dans ces circonstances, l'absence de préjudice, question sur laquelle la Cour ne se prononce pas, n'a aucune pertinence.

Le simple changement de dénomination de l'infraction

Bourbonnais c. R., 2007 QCCS 2819 (CanLII)

[26] La Cour d'appel du Québec dans l'arrêt R. c. Servant, décision du 23 avril 2007, s'est penchée sur l'arrêt Irwin et son application dans le cas où une infraction est substituée à une autre. Il ressort de cette décision que la Cour d'appel du Québec nuance l'interprétation que l'on pourrait tirer de l'arrêt Irwin à l'effet qu'il est possible de modifier un acte d'accusation afin de substituer une infraction originale par une nouvelle. La Cour d'appel du Québec s'exprime ainsi:

«[15] [...] Deuxièmement, l'affirmation selon laquelle il est possible de modifier un acte d'accusation afin de substituer l'infraction originale par une nouvelle doit être nuancée. À la toute fin de ses motifs dans Irwin, le juge Doherty écrit:

[42] Cases where an amendment substituting a different offence for the offence charged at trial can be properly made on appeal will be few and far between. I think this is one of those rare cases where the amendment can be made. While the amendment changes the substantive offence from assault causing bodily harm (s. 267) to unlawfully causing bodily harm (s. 269), the amendment does no more than put a new label on the appellant's culpable conduct. The substance of the allegation remains unchanged. I would amend the indictment to charge the appellant with unlawfully causing bodily harm to Andrew Behling and dismiss the appeal.

[16] Selon le juge Finlayson de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. S.(A.), il faut comprendre les motifs du juge Doherty comme permettant de modifier un acte d'accusation pour substituer l'infraction originale par une nouvelle lorsque la modification ne vise rien de plus que la désignation, le «label» de l'infraction. Manifestement, ce n'est pas le cas avec la substitution de l'infraction originale par la nouvelle accusation dans les circonstances de l'espèce.

[27] La Cour d'appel du Québec nous rappelle donc qu'un amendement ayant pour effet de substituer une infraction par une autre ne peut être accordé que lorsque l'amendement a uniquement pour effet de changer la désignation de l'infraction, tout en laissant le corps du dossier intact. Il faut dire à la décharge du juge Perreault que celui-ci ne bénéficiait pas des enseignements de l'arrêt Servant au moment de rendre sa décision en 2005.

[28] Constatant que dans la présente affaire il s'agissait de substituer une infraction différente, tant au niveau de la trame factuelle que des éléments essentiels, le Tribunal conclut que l'amendement ne pouvait être permis en vertu de l'article 601(2) du Code criminel.

[29] La question du préjudice potentiel causé au défendeur par l'amendement ne devant être considérée que si par ailleurs l'amendement peut être autorisé, il n'y a donc pas lieu d'étudier ici ce facteur.

jeudi 9 juin 2011

Les règles d'amendements

R. c. Lettera, 2011 QCCQ 5733 (CanLII)

[2] À l'ouverture du procès, la poursuite demande de substituer le chef d'accusation 8, soit une extorsion prévue par l'article 346 (1) (1.1) b) du Code criminel par un chef d'intimidation prévu par l'article 423 (1) b) du Code criminel. Elle allègue que la gravité objective est moindre et que l'accusé ne subira aucun préjudice. La défense s'y oppose.

[4] Dans l'arrêt Servant, la Cour d'appel analyse si le juge de première instance pouvait, avant le procès, modifier une dénonciation en changeant le chef initial de conduite avec plus de 80 milligrammes (article 253 b) C. cr.) par celui de capacités affaiblies (article 253 a) C. cr.). La Cour écrit :

[19] En l'espèce, en l’absence de toute preuve, la Cour est d'avis que la modification de la dénonciation ne constituait pas la correction d'un détail de l'infraction ou le changement de sa désignation, et encore moins la correction d'un vice de forme. Par conséquent, le juge du procès ne pouvait l'autoriser. Dans ces circonstances, l'absence de préjudice, question sur laquelle la Cour ne se prononce pas, n'a aucune pertinence.

[5] La Cour suprême enseigne dans l'arrêt R. c. Daoust ce qui suit :

22 [...] En vertu du par. 601(3) C. cr., un tribunal peut modifier un chef d'accusation à tout stade des procédures lorsqu'il s'agit d'un détail de l'infraction : Morozuk c. La Reine 1986 CanLII 72 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 31 (le juge Lamer, plus tard Juge en chef); Elliott c. La Reine 1977 CanLII 209 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 393, p. 427 (le juge Ritchie). Toutefois, un changement à l'acte d'accusation en l'espèce ne constituerait pas une précision apportée à un élément de l'infraction, mais reviendrait plutôt à porter une accusation différente de l'accusation initiale.

[6] Il n'est pas permis à ce stade des procédures de changer en substance un chef d'accusation, et ce, malgré qu'il s'agisse d'infractions très similaires. Le Tribunal rejette la requête.

mercredi 25 mai 2011

Les principes relatifs à l'amendement

R. c. Dihel, 2000 CanLII 21540 (QC CM)

Un contrevenant ne peut être déclaré coupable d'une infraction qui n’est pas spécifiquement énoncée dans la dénonciation. La poursuite est donc liée par l'accusation qu'elle choisit, sauf quant à une infraction incluse qui n’est pas visée par la dénonciation.

La poursuite (ou le juge de son propre chef) peut par contre demander au juge du procès d'amender une dénonciation.

L'article 601 et s. du C.cr. donne au juge du procès un large pouvoir discrétionnaire pour modifier une dénonciation, en particulier d'amender lorsqu'il y a divergence entre la preuve et la dénonciation telle qu’elle est présentée.

L'article 601(4) du C.cr. précise qu'avant de modifier une dénonciation, le juge doit être guidé par les facteurs suivants :

- la preuve,

- les circonstances de l'espèce,

- si l'accusé a été induit en erreur ou lésé dans sa défense,

- absence d'injustice.

Le formalisme rigoureux de la procédure et la forme des codes civil et criminel d'antan ont été graduellement transformés par la jurisprudence et le législateur. Maintenant, la règle générale en droit criminel est la modification tout en préservant les droits des accusés.

La Cour suprême se prononce clairement sur les pouvoirs d'un juge d'amender dans R.v. Moore. L'acte d'accusation dans cet arrêt omet un élément essentiel de l'infraction. Le chef d'accusation est annulé par la cour de première instance puisqu’il n’allègue aucune infraction en droit et non une infraction mal rédigée.

Après avoir considéré la jurisprudence la Cour suprême indique:

"... it is no longer possible to say that a defective information is automatically a nullity disclosing no offence known to law. If the document gives fair notice of the offence... it is not a nullity and can be amended under the broad powers of amendment... given to the courts."

Dans Moore la dénonciation n'est donc pas nulle et peut être amendée puisque l'accusé est au courant de l'essentiel de l'infraction et qu'il ne subit aucun préjudice. La Cour suprême souligne que suivant la "common law" la jurisprudence antérieure nécessitait l'annulation d'une dénonciation même pour des erreurs «techniques», et le poursuivant devait déposer une nouvelle dénonciation. Par contre :

"The Law in this area has now been atlered, with extensive powers to amend ...

... A court has broad powers to remedy defective process..."

Le juge Lamer dans cet arrêt est encore plus clair au sujet des nouveaux pouvoirs d'amendement accordés aux tribunaux par la jurisprudence et des amendements au Code criminel:

"... a gradual shift from requiring judges to quash to requiring them to amend in the stead; in fact, there remains little discretion

to quash.... if the charge is an absolute nullity... no cure is available as the matter goes to the very jurisdiction of the judge."

Le juge Lamer souligne que le critère primordial à considérer est le préjudice irréparable.

La règle générale est donc, en l'absence d'un préjudice irréparable, les juges doivent amender.

Cette règle est confirmée dans R. v. Tremblay

«[art. 601] confèrent au tribunal des pouvoirs de modification assez étendus. Cependant un important principe... demeure... la personne... doit être informée de l’accusation qui pèse contre elle...Le Tribunal ne peut modifier la dénonciation... lorsqu'il en résulterait un préjudice irréparable.»

Est-ce que ce nouveau pouvoir élargi d'amender, souligné par la Cour suprême, comprend le pouvoir de substituer une infraction par une autre?

Malheureusement, cette question n'a pas encore été soumise de façon claire à la Cour suprême. Par contre, le Tribunal soumet que les décisions suivantes des cours d'appels des autres provinces apportent une réponse.

La première décision à aborder clairement cette question pour la première fois est la cause de R. v. Irwin, de la Cour d'appel de l'Ontario.

Dans cet arrêt la Cour d'appel est d'avis qu'un amendement peut permettre de substituer une infraction par une autre. Comme dans Moore la Cour d'appel souligne que le seul test à appliquer lors d'un amendement est celui du préjudice:

"I see no useful purpose in absolutely foreclosing an amendment... simply because the amendment will substitute one charge for another. As long as prejudice to the accused remains the litmus test. against which all proposed amendments are judged, it seems unnecessary to characterize the effect of the amendment on the charge itself. If the accused is prejudiced, the amendment cannot be made regardless of what it does to the charge ..."

Les tribunaux ne doivent donc pas se limiter à examiner la nature de l'amendement, mais bien plus l'effet que cet amendement aura sur les droits du défendeur:

"... it is the effect of the proposed amendment on the accused's ability to meet the charge, and not the effect of the proposed amendment on the charge itself which is determinative."

En refusant l'amendement de cette nature, la poursuite serait obligée de déposer une nouvelle dénonciation et procéder à un nouveau procès, parfois nécessitant de nouveau le déplacement des témoins.

Dans R. v. A.L.B. la Cour d'appel de la Colombie Britanique, même s'il ne s'agit pas de substituer une offense par une autre, permet un amendement qui change substantiellement l'infraction initiale tout en visant la même transaction. La Cour applique le même test de préjudice élaboré dans Irwin, et rejette l'argument de la défense à l'effet que l'amendement lui causerait un préjudice puisque l'accusé avait préparé sa défense pour faire face à la dénonciation initiale.

Huit mois après avoir rendu la décision dans Irwin, la Cour d'appel de l'Ontario apporte une limite au pouvoir d'amender : si la dénonciation est une nullité absolue, elle ne peut être amendée même si aucun préjudice existe :

"The appellant was convicted of an unconstitutional offence, on that he should not have been charged with in the first place because it did not exist at law. No cure is available because the matter goes to the very jurisdiction of the court... Prejudice to the appellant does not enter into the discussion..."

Donc, la règle générale est que tout amendement est permis, incluant celui qui substitut une infraction par une autre, en autant que les principes suivants sont respectés :

• l'infraction initial en est pas nulle; ne privant pas ainsi le juge de sa juridiction sur l'infraction;

• absence de préjudice, un amendement sera refusé s'il y a préjudice irréparable qu'un ajournement ne peut y remédier, ou si le défendeur est induit en erreur;

• la nouvelle infraction vise la même transaction afin que le contrevenant soit raisonnablement informé de la conduite qui lui est reprochée;

• la demande d'amendement est rendue nécessaire à cause d'une erreur de bonne foi, même s'il y a eu négligence de la part de la poursuite.

Dans le présent dossier, la nouvelle infraction proposée n'est pas nulle. Aucun préjudice n'est causé au défendeur et il n'est pas induit en erreur, étant donné que la divulgation de la preuve lui a permis de connaître la situation factuelle dès le début, et que l'amendement est proposé au début du procès. Une remise lui permettra de préparer sa défense à la lumière de la nouvelle infraction.

La nouvelle infraction vise exactement la même transaction que l'infraction initiale et de plus, l'amendement est requis suite à une erreur de bonne foi et non une tentative de la part de la poursuite de changer sa stratégie.

L'étape à laquelle est rendu le procès est aussi un facteur important à considérer pour déterminer si le préjudice affecte l'habilité à assumer une défense. La question qui devra être posée est la suivante : si la dénonciation avait été déposée à l'origine comme suggérée par l'amendement, est-ce que la défense a fait quelque chose qu'elle n'aurait pas fait ou quelque chose qu’elle n'a pas fait qu'elle aurait fait ? Une réponse affirmative démontre une forte probabilité que l'amendement causera un préjudice.

La deuxième question est la suivante : est-ce que le Tribunal peut prendre des mesures pour remédier substantiellement au préjudice ? C'est-à-dire :

• une remise pour permettre à la défense de mieux se préparer;

• rappeler un témoin de la poursuite;

• ré-ouverture de la défense.

Si la réponse est négative l'amendement ne sera pas permis.

De plus, l'habilité de faire face à une accusation n'est pas un droit à une défense particulière, mais bien un droit à une habilité générale de faire face à une accusation. Le défendeur, dans le présent dossier, n'a donc aucun droit de préserver la défense initiale qu'il souhaitait soumettre à l'infraction initiale.

vendredi 7 janvier 2011

Les principes directeurs concernant la modification de la date d’une infraction contenue dans une dénonciation

R. c. Sturgeon, 2008 NBCP 22 (CanLII)

[30] Il est permis de résumer comme suit les principes directeurs qui se dégagent des jugements précités :

1) Une modification de la date d’une infraction présumée ne constitue pas l’introduction d’une nouvelle procédure si, malgré que la modification soit postérieure au délai de prescription, la date modifiée, eût-elle été indiquée correctement dès l’introduction originelle de la procédure, serait demeurée en deçà du délai de prescription ‘R. c. Wakeley, par. 1);

2) Toute modification d’une dénonciation apportée avant l’instruction de l’affaire, autrement qu’en vertu des pouvoirs que confèrent les dispositions législatives régissant les modifications, suivie d’un nouveau dépôt de la dénonciation après l’expiration du délai de prescription de la procédure, peut emporter prescription de l’instance ‘R. c. J.D. Irving Ltd.);

3) Le nouveau dépôt d’une dénonciation, après qu’a été apportée une modification de la date qui se conforme aux dispositions législatives régissant les modifications, qui n’a pour effet d’inculper, ni d’une nouvelle infraction, ni d’une infraction semblable perpétrée à un moment substantiellement différent, et qui ne fait que préciser ou circonscrire le chef d’inculpation, n’emporte pas prescription de la procédure lorsque la date modifiée porte l’infraction par‑delà le délai de prescription ‘R. c. St. Stephen Woodworking Ltd. ‘1972), 8 C.C.C. ‘2d) 377 ‘C.A.N.‑B.), p. 380 et 381);

4) Toute modification substituant une infraction nouvelle ou différente à l’infraction de la dénonciation d’origine introduit une nouvelle procédure et fait intervenir le délai de prescription applicable ‘R. c. Ross, par. 5, et R. c. Ayer, par. 12).

5) Une modification qui porterait un préjudice irréparable à la défense ne peut pas être faite ‘Morozuk c. La Reine, R. c. Campbell, et Ewaschuk, E.G., Criminal Pleadings & Practice in Canada).

mercredi 24 novembre 2010

La règle générale est que tout amendement est permis, en autant que certains principes sont respectés

R. c. Roux, 2005 CanLII 18461 (QC C.S.)

[24] Le premier juge a d'ailleurs autorisé l'amendement en s'inspirant des arrêts Descôteaux c. La Reine et La Reine c. Emanuell Dihel.

[25] Après avoir fait état de la jurisprudence sur la question, et plus particulièrement après avoir référé aux arrêts R. v. Moore et R. v. Irving, Monsieur le juge Discepola dans l'affaire Dihel s'exprime comme suit :

"Donc la règle générale est que tout amendement est permis, incluant celui qui substitut (sic) une infraction par une autre, en autant que les principes suivants sont respectés:

o L'infraction initiale en est pas nulle; ne privant pas ainsi le juge de sa juridiction sur l'infraction;

o Absence de préjudice, un amendement sera refusé s'il y a préjudice irréparable qu'un ajournement ne peut y remédier ou si le défendeur est induit en erreur;

o La nouvelle infraction vise la même transaction afin que le contrevenant soit raisonnablement informé de la conduite qui lui est reprochée;

o La demande d'amendement est rendue nécessaire à cause d'une erreur de bonne foi, même s'il y a eu négligence de la part de la poursuite.

Dans le présent dossier, la nouvelle infraction proposée n'est pas nulle. Aucun préjudice n'est causé au défendeur et il n'est pas induit en erreur, étant donné que la divulgation de la preuve lui a permis de connaître la situation factuelle dès le début, et que l'amendement est proposé au début du procès. Une remise lui permettra de préparer sa défense à la lumière de la nouvelle infraction.

La nouvelle infraction vise exactement la même transaction que l'infraction initiale et de plus, l'amendement est requis suite à une erreur de bonne foi et non une tentative de la part de la poursuite de changer sa stratégie.

L'étape à laquelle est rendu le procès est aussi un facteur important à considérer pour déterminer si le préjudice affecte l'habilité à assumer une défense. La question qui devra être posée est la suivante : si la dénonciation avait été déposée à l'origine comme suggérée par l'amendement, est-ce que la défense a fait quelque chose qu'elle n'aurait pas fait ou quelque chose qu'elle n'a pas fait qu'elle aurait fait? Une réponse affirmative démontre une forte probabilité que l'amendement causera un préjudice."

[26] En l'espèce, même s'il s'agit de deux infractions distinctes, nous sommes d'avis que le premier juge était tout à fait bien fondé à autoriser l'amendement qui a été demandé avant que la preuve de la poursuite ne soit close et qui visait exactement la même transaction criminelle qu'à l'origine. Aucun préjudice n'a été causé à l'appelant qui n'a pas été induit en erreur étant donné que l'amendement ne faisait que rendre l'accusation conforme à la preuve qui avait été divulguée antérieurement. Aussi, afin de préparer sa défense, le procureur de l'appelant a sollicité et obtenu une remise de plus de quatre mois.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...