M.L. c. R., 2019 NBCA 12
Lien vers la décision
[25] En l’espèce, M.L. a effectivement présenté une motion en autorisation de présentation de preuves nouvelles. Dans l’arrêt R. c. G.D.B., 2000 CSC 22, [2000] 1 R.C.S. 520, la Cour suprême a établi un processus à deux volets devant être suivi lorsque des allégations de représentation non effective sont soulevées, à savoir un volet examen du travail de l’avocat et un volet appréciation du préjudice. La juge d’appel Larlee explique ce processus dans l’arrêt Robichaud c. R., 2014 NBCA 1, 415 R.N.‑B. (2e) 218 :
Pour qu’un appel soit accueilli, il faut établir, dans un premier temps, que la conduite ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire a résulté de cette incompétence ([G.D.B.,] par. 26). Dans l’arrêt Gardiner c. R., 2010 NBCA 46, 362 R.N.‑B. (2e) 179, notre Cour a conclu que l’avocat avait défendu M. Gardiner de façon inefficace, non par suite de décisions tactiques, mais parce qu’il n’avait pas su aborder de façon compétente la règle de l’arrêt Browne c. Dunn et c’était là une raison suffisante pour accueillir l’appel. Le juge d’appel Richard, qui rendait jugement au nom d’une formation unanime, a ainsi résumé le droit applicable :
Il est incontestable que, dans le système canadien moderne de justice pénale, une personne qui choisit d’être représentée par un avocat a droit à l’« assistance effective » de cet avocat. Ce principe est au cœur même du système accusatoire sur lequel repose notre système de justice pénale. C’est un principe que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. G.D.B., 2000 CSC 22, [2000] 1 R.C.S. 520, a reconnu comme un principe de justice fondamentale qui « découle de l’évolution de la common law, du par. 650(3) du Code criminel canadien ainsi que de l’art. 7 et de l’al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés » (par. 24). Il s’ensuit donc que, dans certaines circonstances, l’aide inefficace de l’avocat au procès peut constituer le motif d’une intervention en appel. Toutefois, la norme est élevée.
Pour avoir gain de cause dans un appel fondé sur une allégation de représentation inefficace, l’appelant doit établir que « les actes ou les omissions » de l’avocat « relevaient de l’incompétence » (volet examen du travail de l’avocat) et qu’« une erreur judiciaire en a résulté » (volet appréciation du préjudice). Une intervention en appel est justifiée seulement si les deux volets ont été établis. [...]
[...]
[...] [A]u cours d’un procès, l’avocat de la défense est appelé à prendre bon nombre de décisions stratégiques, et les juges ne devraient pas « remettre en question les décisions tactiques d’un avocat » (voir R. c. S.G.T., 2010 CSC 20, [2010] A.C.S. no 20 (QL), au par. 37). Comme l’a dit la Cour suprême, « [d]ans un système de justice criminelle accusatoire, les juges instruisant les procès doivent, à moins de circonstances exceptionnelles, déférer aux décisions tactiques des avocats », et il existe « une “forte présomption” que l’avocat de la défense sert les intérêts de son client avec compétence » (par. 36). Les juges d’appel ont pareillement l’obligation d’adopter cette attitude déférente. [par. 1, 2 et 10]
[par. 27]
[26] Le juge Drapeau, juge en chef du Nouveau‑Brunswick (tel était alors son titre), apporte des précisions dans l’arrêt E.K.M. c. R., 2012 NBCA 64, 391 R.N.‑B. (2e) 130 :
Troisièmement, le dossier est muet quant aux discussions, le cas échéant, qui ont pu avoir lieu entre l’appelant et l’avocat de la défense concernant la stratégie retenue pour le procès. Le droit, dans sa sagesse, présume que l’avocat de la défense est compétent et un juge siégeant en appel serait bien téméraire de remettre en question la stratégie retenue pour le procès en l’absence d’une preuve de faute professionnelle qui soit solide (voir l’arrêt R. c. Gardiner). [par. 31]
[27] Dans l’arrêt Cormier c. R., 2012 NBCA 76, 393 R.N.‑B. (2e) 118, notre Cour a présenté le cadre d’analyse provenant de l’arrêt G.D.B. :
Dans l’arrêt R. c. G.D.B., 2000 CSC 22, [2000] 1 R.C.S. 520, la Cour suprême a établi le cadre à l’aune duquel une prétention d’incompétence doit être évaluée :
a. L’incompétence est appréciée au moyen de la norme du caractère raisonnable (par. 27).
b. Le point de départ de l’analyse est la forte présomption que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de la conduite professionnelle raisonnable (par. 27).
c. Il incombe à l’appelant de démontrer que les actes ou omissions reprochés à l’avocat ne sont pas compatibles avec l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable (par. 27).
d. L’erreur judiciaire peut être établie si la conduite de l’avocat a compromis l’équité procédurale ou si la fiabilité de l’issue du procès peut avoir été compromise (par. 28).
e. Dans les cas où il est clair qu’il n’y a pas eu d’erreur judiciaire, il est généralement inutile que la cour d’appel s’arrête à l’examen du travail de l’avocat (par. 29).
[par. 5]
[28] Compte tenu du Protocole de notre Cour, nous avons sollicité un affidavit de l’avocat qui a représenté M.L. au procès, mais nous n’avons rien reçu en réponse. Quoi qu’il en soit, un examen du dossier ne révèle aucune faute professionnelle de la part de l’avocat de M.L. À mon sens, M.L. n’a pas établi qu’il a subi un préjudice en raison du travail de son avocat durant le procès. Je n’ai rien vu dans le dossier qui indique que la conduite de l’avocat de la défense de M.L., lors de sa préparation au procès ou lors de sa représentation de M.L. au procès, se situait à l’extérieur de l’éventail de la conduite professionnelle raisonnable (see R. c. Buckley, 2013 NSCA 73, [2013] N.S.J. No. 293 (QL)). Comme le déclare succinctement la juge d’appel Larlee dans l’arrêt Robichaud :
[…] Autrement dit, la conduite de l’avocat de la défense a amplement satisfait à la norme du caractère raisonnable. Sa conduite n’a pas compromis l’équité procédurale et la fiabilité de l’issue du procès n’a pas non plus été compromise. Il est clair qu’il n’y a pas eu d’erreur judiciaire. [par. 33]