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jeudi 6 novembre 2025

Mettre une emphase indue sur la situation personnelle du contrevenant lors de la détermination de la peine amène l'imposition d'une peine disproportionnée

R v Siwicki, 2019 MBCA 104

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[40]                     I also agree with my colleague that the sentencing judge was aware of the importance of deterrence and denunciation in sentencing the accused.  However, in my view, the sentencing judge erred when she focussed on the personal circumstances of the accused rather than the circumstances of the offence and this led her to significantly underemphasise these principles when determining a fit sentence (see R v McMillan (BW)2016 MBCA 12 at paras 12-14).  As I will explain, in light of my conclusion that the sentencing judge also erred in her analysis regarding proportionality, in my view, these were errors in principle that materially affected the sentence. 

dimanche 26 octobre 2025

Une peine à rabais accordée uniquement parce qu’une personne a aidé à la perpétration d’une infraction ou l’a encouragée va à l’encontre de l’objet des dispositions concernant la responsabilité des participants à l’art. 21, lequel fait en sorte que « [q]uel que soit le rôle joué, la responsabilité criminelle est la même »

R. c. Hilbach, 2023 CSC 3



[101]                     Monsieur Zwozdesky soulève néanmoins la possibilité que la culpabilité des participants à l’infraction soit moindre, citant en exemple l’affaire Link. Cependant, je ne suis pas convaincue que l’affaire Link illustre l’idée que la faute morale des participants à l’infraction est moindre que celle des auteurs principaux. La question de savoir si le rôle de la personne délinquante à titre de personne qui a aidé à la perpétration de l’infraction ou qui l’a encouragée représente un facteur atténuant dans la détermination de la peine dépend fortement du contexte (R. c. Overacker2005 ABCA 150, 367 A.R. 250, par. 23‑26R. c. Hennessey, 2010 ABCA 274, 490 A.R. 35, par. 47). Une peine à rabais accordée uniquement parce qu’une personne a aidé à la perpétration d’une infraction ou l’a encouragée irait à l’encontre de l’objet des dispositions concernant la responsabilité des participants à l’art. 21, lequel fait en sorte que « [q]uel que soit le rôle joué, la responsabilité criminelle est la même » (R. c. Vu, 2012 CSC 40, [2012] 2 R.C.S. 411, par. 58 (je souligne), citant R. c. Thatcher1987 CanLII 53 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 652, p. 689‑690). Lorsque l’auteur principal de l’infraction et la personne qui l’a aidé à la commettre ou l’a encouragé à le faire ont des antécédents judiciaires différents, ou lorsqu’il y a des circonstances aggravantes, comme un comportement agressif, qui s’appliquent à l’auteur principal de l’infraction mais pas à la personne qui l’a aidé à la commettre ou l’a encouragé à le faire, la peine de cette dernière peut être moins sévère que celle infligée à l’auteur principal (McIvor, par. 29R. c. Price (2000), 2000 CanLII 5679 (ON CA), 144 C.C.C. (3d) 343 (C.A. Ont.), par. 54‑56). Toutefois, ils sont tenus conjointement responsables de la perpétration de l’infraction initiale. En principe et en règle générale, conclure autrement encouragerait les personnes délinquantes à aider à la perpétration d’infractions ou à l’encourager. Par conséquent, restreindre l’application de la peine minimale aux personnes qui aident à la perpétration d’infractions ou qui l’encouragent n’est pas suffisant pour en établir l’inconstitutionnalité.

samedi 25 octobre 2025

La fourchette des peines pour l'infraction d'incendie criminel : danger pour la vie humaine

R. c. Loyer, 2019 QCCA 438

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[16]        Il est vrai que la peine s’écarte de la fourchette applicable, laquelle se situe entre 29 mois et 7 ans d’emprisonnement, selon le juge Gosselin de la Cour du Québec (R. c. Lalonde2009 QCCQ 1669, appel rejeté, 2014 QCCA 639) ou de 2 à 8 ans, selon le juge Semenuk de la Cour provinciale de l’Alberta (R. v. Rich2015 ABPC 261). La juge le mentionne elle-même.

[17]        Mais ce seul fait ne justifie pas nécessairement l’intervention d’une cour d’appel, comme le souligne la Cour suprême dans R. c. Lacasse2015 CSC 64 :

[58]      Il se présentera toujours des situations qui requerront l’infliction d’une peine à l’extérieur d’une fourchette particulière, car si l’harmonisation des peines est en soi un objectif souhaitable, on ne peut faire abstraction du fait que chaque crime est commis dans des circonstances uniques, par un délinquant au profil unique. La détermination d’une peine juste et appropriée est une opération éminemment individualisée qui ne se limite pas à un calcul purement mathématique. Elle fait appel à une panoplie de facteurs dont les contours sont difficiles à cerner avec précision. C’est la raison pour laquelle il peut arriver qu’une peine qui déroge à première vue à une fourchette donnée, et qui pourrait même n’avoir jamais été infligée par le passé pour un crime semblable, ne soit pas pour autant manifestement non indiquée. Encore une fois, tout dépend de la gravité de l’infraction, du degré de responsabilité du délinquant et des circonstances particulières de chaque cas. […]

[18]        Les précédents où un accusé planifie un incendie, l’allume dans le but de frauder ou de toucher une prime d’assurance ou dans un contexte de violence conjugale, utilise un accélérant, lorsque un incendie cause des lésions corporelles ou encore lorsque l’accusé agit comme homme de main ont peu à voir avec les circonstances du dossier ici (R. c. Bos2016 ONCA 443R. c. Provençal2013 QCCA 133R. v. Veinot2011 NSCA 120Samson c. R.2005 QCCA 1140R. c. Gadoury2005 QCCA 1005R. c. Charron2002 CanLII 41211 (QC CA), J.E. 2002-1627 (C.A.); R. v. Fournier2002 NBCA 71R. v. Campeau1999 CANLII 2904 (ON CA)R. c. Darko(1985) AZ-50573963 (C.A.)R. c. Varin[1982] J.Q. no 130 (C.A.)R. c. Parente Soares2018 QCCS 5158R. c. Lalonde2009 QCCQ 1669, appel rejeté, 2014 QCCA 639R. c. Westover2007 QCCQ 6029R. c. Bérubé2007 QCCQ 7079, requête pour permission d’appeler sur la peine rejetée, 2008 QCCA 2238).

[19]        Celles-ci se rapprochent beaucoup plus des faits en cause dans R. c. Racine2013 QCCA 45 où cette Cour refuse d’intervenir dans une peine ne comportant pas d’emprisonnement ferme :

[7]        En l'espèce, le juge a conclu que les circonstances particulières de l'affaire ne commandaient pas une peine d'emprisonnement ferme. L'appelante ne démontre pas que cette détermination est erronée. La condition personnelle de l'intimé, qui a connu un mode de vie désorganisé en raison de sa consommation de drogues et d'alcool, a été exacerbée par le décès de son père et la responsabilité qu'il s'est imposée de s'assurer du bien-être de sa mère et de sa sœur. Le crime n'a pas été commis pour nuire à quelqu'un ni dans un esprit de vengeance ni pour en retirer un bénéfice. L'incendie a été allumé sous l'impulsion du moment, dans le contexte où l'intimé cherchait à mettre fin au conflit qui divisait sa famille. Enfin, la réhabilitation de l'intimé est hors norme et le risque de récidive très faible. Le juge a expliqué toutes les circonstances liées à la perpétration de l'infraction, à la situation de l'intimé ainsi qu'aux besoins de la collectivité et il a choisi la sanction qui lui a paru appropriée, même si elle déroge à la fourchette établie, comme le permet la jurisprudence […]

(voir également R. v. Sharun2017 BCPC 367).

dimanche 19 octobre 2025

Il n’y a aucun doute qu’un juge peut tenir compte des conditions de mise en liberté dans la détermination de la peine mais cette considération relève de sa discrétion

Sanon c. R., 2018 QCCA 892

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[7]           La finalité des conditions restrictives ne correspond pas précisément à la finalité d’une peine juste et appropriée après une déclaration de culpabilité.  Une peine doit répondre non seulement au principe fondamental que toute sanction soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et le degré de culpabilité du délinquant, mais également aux autres objectifs et principes dans la détermination de la peine.

[9]           Dans la détermination de la peine un juge a le pouvoir discrétionnaire d’accorder un crédit en raison des conditions de mise en liberté et l’argument est renforcé dans la mesure où les conditions de mise en liberté s’apparentent à une peine d’emprisonnement avec sursis.  Pourtant, il n’y a aucune règle ou principe à l’effet qu’un juge est tenu d’évaluer les conditions d’une mise en liberté de la même façon que la détention provisoire.  De plus, il est à noter que même un crédit pour la détention provisoire n’est pas réglé par un calcul fixe.  Bref, l’appelant se trompe en prétendant que la juge a erré lorsqu’elle n’a pas accordé un crédit équivalent à la durée de la détention provisoire.

[10]        En l’espèce, la juge a tenu compte des nombreux antécédents judiciaires de l’appelant pour en arriver à sa décision finale.  De plus, la juge affirme explicitement qu’elle a pris en considération la longue période pendant laquelle l’appelant était soumis à des conditions strictes comme un « facteur atténuant » et donc qu’elle a crédité cet élément au bénéfice de l’appelant.  Pour les raisons expliquées plus haut[3], cette qualification est juridiquement inexacte mais en fin de compte l’appelant a clairement bénéficié d’une peine plus clémente, ce qui ne constitue pas une erreur.

En règle générale, la médiatisation d’une affaire ne constitue pas en soi un facteur atténuant

Fruitier c. R., 2022 QCCA 1225

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[67]      En règle générale, la médiatisation d’une affaire ne constitue pas en soi un facteur atténuant. Cela ressortait déjà des propos de la juge L’Heureux-Dubé, alors de la Cour d’appel, dans l’arrêt Marchessault c. R, où elle place le statut social d’un délinquant et la médiatisation d’un procès au rang de « circonstances non aggravantes »[61], c’est-à-dire neutres.

[68]      Cette proposition appelle cependant certaines nuances, bien illustrées dans le récent arrêt Harbour c. R.[62] Le juge Vauclair, qui rédige les motifs de la Cour d’appel, y note que « [l]’impact médiatique, pris comme le simple dévoilement du crime et de son auteur, n’autorise pas en soi à inférer, dans la plupart des cas, des conséquences qui en feraient un facteur atténuant »[63]. Cela dit, les circonstances particulières de cette affaire Harbour[64] en faisaient un cas où la médiatisation avait eu des effets concrets et préjudiciables, allant bien au-delà du seul dommage infligé à la réputation d’un accusé, d’où une pondération attentive par la Cour des divers impacts possibles de la médiatisation selon la jurisprudence et à la lumière des faits de l’espèce[65]. Condamné en première instance à six mois d’emprisonnement dans la collectivité, l’appelant voyait sa peine réduite par la Cour d’appel à une ordonnance d’absolution conditionnelle, soit à une probation de 12 mois assortie de quelques autres conditions. Le juge Vauclair commentait : « Trois ans après les faits, alors qu’il avait réussi à réintégrer le marché du travail, [l’appelant] perd ses emplois [deux fois de suite] en raison de la médiatisation des accusations. Des lettres non contredites le confirment. Toujours selon la preuve, une condamnation met à risque son emploi actuel. L’appelant vit maintenant une situation financière précaire. Clairement, la réinsertion sociale de l’appelant passe principalement par la possibilité de réintégrer le marché du travail. »[66] En d’autres termes, la situation particulière de l’intéressé avait eu pour conséquence dans son cas que la médiatisation lui avait causé un préjudice distinct du dévoilement public de ses agissements et qu’elle faisait anormalement obstacle à sa réhabilitation et sa réinsertion sociale. Mais encore faut-il le démontrer, et non simplement avancer une vague hypothèse dans ce sens.

[69]      En l’absence d’une telle démonstration, la médiatisation ne pourra se qualifier comme circonstance atténuante que si la couverture médiatique a été « démesurée, abusive ou oppressive »[67].

[70]      Qu’en est-il ici? Le juge de première instance a estimé à ce sujet que la médiatisation du dossier n’était pas en l’occurrence un facteur « permettant à lui seul d’imposer une peine qui soit inférieure à la fourchette établie »[68]. S’appuyant sur un arrêt de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador, il a jugé que l’appelant « devra non seulement subir la peine imposée mais il devra aussi en subir les sanctions sociales, lesquelles seront plus importantes compte tenu de sa notoriété »[69]. Cette conclusion comporte-t-elle une erreur réformable en appel?

[71]      L’appelant n’ayant pas témoigné au procès, il n’y a au dossier aucune preuve directe de sa part sur les conséquences de la couverture médiatique de l’affaire, conséquences que l’appelant qualifie néanmoins dans son argumentation de définitives et de disproportionnées. Certes, son voisin Gobeil, qui est à la fois son ami et un de ses aidants naturels, a témoigné que depuis le dépôt des accusations, l’appelant se comportait en reclus. Il aurait été dévasté par la tournure des événements. Mais le juge n’a pas tiré une impression favorable de ce témoignage, qu’il qualifie de complaisant et d’offert par un témoin « qui avait un message à passer »[70]. Il est difficile de revenir en appel sur une détermination de ce genre, qui touche à la crédibilité du témoin.

[72]      Par ailleurs, il ne s’agit pas ici d’un cas où la preuve étayait une conclusion selon laquelle la médiatisation de l’affaire avait entraîné la déchéance de l’appelant. Il ne s’agit pas non plus d’un cas où la preuve démontrait que la couverture médiatique de l’affaire avait été « démesurée, abusive ou oppressive » – d’autant que le dossier ne recèle aucune preuve de l’ampleur de la couverture médiatique. Vu l’ensemble de ce qui s’y trouve, on en déduit que le juge n’était certainement pas tenu de considérer la médiatisation comme une circonstance militant en faveur d’un allègement de la peine. En somme, sur ce point, rien n’établit l’existence d’une erreur réformable en appel.

Comment apprécier l’âge et l’état de santé d’un accusé lors de la détermination de la peine?

Fruitier c. R., 2022 QCCA 1225

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[61]      L’appelant est né le [...] 1930. Il avait donc 90 ans au moment de l’audience sur la peine, il en avait 91 au moment du jugement sur la peine et il en a 92 aujourd’hui.

[62]      Les tribunaux reconnaissent que l’âge avancé d’un contrevenant peut être pris en considération dans l’application des principes et objectifs de la détermination de la peine, « mais uniquement dans des circonstances […] limitées »[46]. Il s’agit d’un facteur d’individualisation et d’harmonisation de la peine, mais non pas d’un facteur atténuant à proprement parler[47]. Comme l’explique la Cour d’appel, sous la plume du juge Levesque[48] :

Lorsque l’expectative de vie du délinquant est limitée, les objectifs de détermination de la peine perdent leur valeur fonctionnelle. Dans une telle situation, la discrétion du juge appelé à prononcer la peine doit être utilisée avec circonspection afin « de se garder d’imposer des peines d’une durée déterminée qui dépassent tellement le nombre d’années qu’il reste de façon prévisible au contrevenant à vivre […] .

L’âge du contrevenant est donc un facteur dont le juge chargé de prononcer la peine peut tenir compte afin de s’assurer que celle-ci ne dépasse pas « toute estimation raisonnable du temps qu’il reste normalement à vivre au délinquant »[49].

[63]      En règle générale, cependant, ce facteur doit être évalué à la lumière de l’état de santé du contrevenant en regard de son expectative de vie[50]. Ainsi, le fait qu’il soit d’un âge avancé ne constitue pas en soi un facteur d’allégement de la peine dans l’établissement d’une peine d’incarcération, « à moins qu’il ne ressorte de la preuve que ce dernier n’a que peu de perspectives de compléter sa peine avant son décès »[51]. En l’absence d’une telle preuve, les principes usuels de la détermination de la peine s’appliquent[52]. Le juge chargé de la peine ne doit pas spéculer sur la possibilité que l’état de santé du délinquant se détériore à la suite du prononcé de la peine.

[64]      En ce qui concerne plus spécifiquement l’état de santé du contrevenant considéré en tant que tel, les professeurs Parent et Desrosiers synthétisent en ces termes l’état actuel de la jurisprudence[53] :

Indépendante de toutes considérations relatives à la gravité de l’infraction ou au degré de responsabilité du délinquant, la clémence parfois affichée par certains tribunaux à l’égard de la santé précaire de l’accusé repose à la fois sur des motifs pratiques et humanitaires. Pratiques, tout d’abord, puisque l’administration d’un prisonnier nécessitant un suivi médical constant ponctué de nombreuses visites à l’hôpital pose de sérieux problèmes d’ordre organisationnel. Humanitaires, ensuite, car la présence d’une maladie qui est sur le point de sceller le destin d’une personne en phase terminale ou qui fragilise sa capacité à purger sa peine au point de la rendre insupportable doit être prise en considération par un tribunal.

[65]      Le juge de première instance a tenu compte en l’occurrence de l’âge avancé de l’appelant mais il a conclu que, malgré ses 91 ans, celui-ci était « relativement en bonne santé ». Selon lui, les problématiques soulevées par la preuve médicale au dossier « remont[ai]ent soit à plusieurs années ou encore sembl[ai]ent inhérentes à son âge »[54]. Conformément à l’arrêt O’Reilly, il n’a pas voulu spéculer sur l’évolution future de la condition médicale de l’appelant. Il a néanmoins pris soin de situer la condition de ce dernier au regard de la jurisprudence qu’on lui citait, y compris les affaires R.P.[55] (délinquant souffrant d’une maladie dégénérative neurologique, présentant de nombreuses limitations et se dirigeant vers la mort à court ou moyen terme), A.E.S.[56] (délinquant atteint d’un cancer de la prostate de stade 4 et présentant une espérance de vie d’environ 13 mois) et J.E.B.[57] (délinquant affligé de plusieurs maladies, incluant une maladie pulmonaire obstructive chronique [« MPOC »], laquelle rendait son incarcération dangereuse[58]).

[66]      En Cour du Québec, la preuve relative à l’état de santé de l’appelant consistait en deux éléments : une lettre signée par la Dre Suzanne Côté[59] et le témoignage de M. Jean Gobeil, un voisin de l’appelant. Ces éléments de preuve font bien état de la fragilité de l’appelant — tant sur le plan de sa santé physique que de sa santé psychique — et des risques pour sa santé qui pourraient potentiellement se matérialiser en raison du stress lié à son emprisonnement. Mais, rappelons-le, le fait que l’état de santé d’un contrevenant soit douteux ou précaire et que l'emprisonnement puisse constituer pour lui un fardeau additionnel ne suffit pas à justifier un allègement de la peine[60]. La jurisprudence exige la preuve d’une maladie grave et incurable; d’une maladie ou d’une condition médicale à laquelle les services carcéraux ne seront pas en mesure de répondre; ou encore d’un état de santé très grave qui comporte, au moment du prononcé de la peine, une très lourde déchéance permanente et débilitante. Aucune telle preuve n’a été offerte en l’espèce. De même, toute considération de connaissance d’office mise à part, aucune preuve n’a été produite quant à l’espérance de vie de l’appelant. Dans ces conditions, il est impossible de conclure que sous ce rapport le jugement entrepris est entaché d’une erreur justifiant sa réformation en appel.

[97]      Au moment où l’avocat de l’appelant demandait le report de l’audience au fond et annonçait son intention de déposer une preuve nouvelle au dossier, l’appelant avait déjà subi son procès, au cours duquel il était représenté par avocat, le verdict avait été rendu à l’issue de ce procès, il n’avait pas été porté en appel, et la peine avait été prononcée plus d’un an après le verdict, en août 2021. Cela étant, toute prétention que l’appelant, à ce stade et en appel, était « inapte à subir son procès / unfit to stand trial » au sens de l’article 2 C.crdoit être écartée parce que dénuée d’assise en fait en première instance et parce qu’elle est juridiquement inapplicable à l’appel[87]. Et en l’occurrence, une quelconque analogie avec le régime de l’article 672.11 C.cr. est de nature à brouiller les pistes et à lancer le débat dans la mauvaise direction, comme on peut le déduire de certains arrêts de cours d’appel[88]. Toute confusion de ce genre[89] doit maintenant être dissipée pour recadrer le pourvoi et l’aborder sous l’angle approprié : quel peut être l’effet, juridiquement parlant, de la condition de l’appelant, au stade où nous en sommes?

[98]      J’ai déjà considéré en termes généraux et aux paragraphes [60] à [66] quelle importance peut acquérir au moment du prononcé de la peine la condition ou l’état de santé d’une personne déclarée coupable d’une infraction criminelle. Mais la question mérite d’être approfondie pour deux raisons. Premièrement, le juge qui a prononcé la peine ignorait tout de la preuve additionnelle maintenant versée au dossier. Deuxièmement, à la différence du juge de première instance, nous ne sommes pas ici avant le prononcé de la peine, mais après, au stade de la mise en application de la peine. Et en l’absence d’une erreur de principe commise par le juge, la Cour ne peut intervenir. Or, je crois qu’une jurisprudence récente peut nous éclairer sur la meilleure façon d’aborder la question.

[99]      Le problème qui se pose ici s’est posé dans O’Reilly c. R.[90], un pourvoi qui s’est soldée par un arrêt unanime de la Cour. L’appelant, dans ce dossier, avait 84 ans. Il éprouvait des ennuis de santé (quoiqu’au moment de son procès en 2014, un certificat médical le décrivait comme étant « generally in good health » – ce qui ressemble à la remarque faite ici par le juge et évoquée plus haut au paragraphe [65]). Il avait été condamné à une peine globale de cinq ans d’emprisonnement sur des chefs de fraude, de complot, de gangstérisme et de recyclage des produits de la criminalité dans une affaire de contrebande de cigarettes sur une grande échelle : la perte pécuniaire des gouvernements pour taxes non perçues était évaluée à plus de 5 000 000,00 $. L’essentiel de cette peine fut confirmé en appel.

[100]   La question d’un allègement d’une peine à ce stade du processus pénal doit être abordée sous l’angle qu’identifie le juge Mainville dans les motifs de la Cour :

[42]      Ainsi, si au moment du prononcé d’une peine, l’état de santé d’un contrevenant âgé ne permet pas de croire qu’il a peu de perspectives de compléter sa peine d’incarcération avant son décès, le juge dispose alors de toute la discrétion requise pour prononcer la peine qu’il estime appropriée selon les facteurs et critères habituels. C’est le cas en l’espèce, vu l’état de santé de Gérald O’Reilly (« [g]enerally in good health ») lors du prononcé de sa peine le 2 juillet 2014. Il [y a lieu] d’ailleurs de noter que, vu les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, Gérald O’Reilly ne serait probablement plus aujourd’hui en milieu carcéral si l’exécution de sa peine n’avait pas été suspendue pendant l’instance d’appel.

[43]      Il est possible que l’état de santé d’un contrevenant se détériore après le prononcé de sa peine. Cette possibilité s’accroît d’autant plus avec l’âge du contrevenant. Le juge de la peine ne peut cependant spéculer à ce sujet et doit déterminer la peine en fonction de la preuve dont il dispose lors du prononcé de celle-ci. Si la santé du contrevenant se détériore par la suite, il ne s’agit plus alors d’une question de détermination de la peine, mais plutôt de sa mise en œuvre. Il appartient alors aux autorités carcérales compétentes de prendre les mesures qui s’imposent, tenant compte notamment de l’article 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition […].

La disposition de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition[91] à laquelle renvoie cite le juge Mainville est sans application en l’occurrence car, contrairement à l’appelant, O’Reilly devait purger sa peine dans un établissement de détention fédéral.

[101]   Cela dit, des dispositions parallèles existent dans la Loi sur le système correctionnel du Québec[92]. Servent notamment aux mêmes fins les articles suivants :


42.
 Le directeur de l’établissement peut, en tout temps, permettre à une personne incarcérée une sortie à des fins médicales lorsque, notamment:

 

1°  elle est malade en phase terminale;

 

2°  son état de santé nécessite une hospitalisation immédiate;

 

3°  elle doit subir une évaluation ou des examens médicaux en milieu spécialisé;

 

 

4°  elle nécessite des soins ou un traitement qui ne peuvent lui être prodigués dans l’établissement.

 

 

42. The facility director may, at all times, authorize the temporary absence of an inmate for medical purposes, in particular where

 

(1)  the inmate is terminally ill;

 

(2)  the inmate’s state of health requires immediate hospitalization;

 

(3)  the inmate must undergo an evaluation or medical examinations in a specialized environment; or

 

(4)  the inmate requires care or treatment that cannot be provided in the correctional facility.


149. Malgré les articles 145 à 148, une personne contrevenante peut bénéficier de la libération conditionnelle dans les cas suivants:

 

1°  elle est malade en phase terminale;

 

2°  sa santé physique ou mentale risque d’être gravement compromise si la détention se poursuit;

 

3°  l’incarcération constitue pour elle une contrainte excessive difficilement prévisi­ble au moment de sa condamnation;

 

[…]

 


149.
 Notwithstanding sections 145 to 148, conditional release may be granted to an offender

 

 

(1)  who is terminally ill;

 

(2)  whose physical or mental health is likely to suffer serious damage if he or she continues to be held in confinement;

 

(3)  for whom continued confinement would constitute an excessive hardship that was not reasonably foreseeable at the time the offender was sentenced;

[…]

[102]   C’est selon ces règles, et sur le plan de l’administration ou de la mise en application de la peine, plutôt que sur celui du prononcé de la peine, que devra se résoudre, le cas échéant, le problème graduel mais irréversible que pose la condition de l’appelant.

[103]   Il convient cependant d’ajouter que le dépôt au dossier d’une preuve nouvelle et digne de foi permet à la Cour de porter à l’attention des autorités compétentes la gravité potentielle de la situation. Selon un principe primordial et déjà ancien en cette matière, la peine prononcée en première instance doit être, et devait être ici, une peine « juste et appropriée »[93]. Elle l’était. Mais les choses évoluent et il ne saurait être question à l’avenir, par le seul effet d’une détérioration de l’état de santé de l’appelant, d’accabler un grand vieillard[94], quelqu’un qui, en raison d’une maladie incurable, sent s’alourdir de jour en jour le fardeau de la sanction initiale imposée en 2021. Il n’appartient pas à la Cour de suivre et de jauger cette évolution, mais elle peut souligner la nécessité de le faire en formulant comme ici une recommandation en ce sens auprès des autorités compétentes[95]. Cela explique les lignes qui précèdent.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Une carabine à plombs ou une arme à air comprimé n'est pas considérée en soi comme étant une arme, sauf si elle est utilisée dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction

R. v. Labrecque, 2011 ONCA 360 Lien vers la décision [ 1 ]                 The respondent, Benoit Labrecque, was carrying a gas-powered pell...