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jeudi 21 juillet 2011

L'article 43 et le caractère justifiable de la force utilisée à l'encontre d'une accusation de voies de fait sur son enfant

R. c. M.B., 2006 QCCQ 4143 (CanLII)

[128] L'article 43 du Code prévoit la possibilité pour un parent d'invoquer comme moyen de défense, à l'encontre d'une accusation de voies de fait sur son enfant, le caractère justifiable de la force utilisée, à certaines conditions, si le châtiment corporel est raisonnable compte tenu des circonstances et qu'il vise un objectif de correction.

[129] Dans l'arrêt Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada, rendu le 30 janvier 2004, la Cour suprême du Canada a, notamment, précisé le sens de l'expression "raisonnable dans les circonstances" contenu à l'article 43.

[130] La juge en chef McLachlin, s'exprimant au nom de la majorité de la Cour, écrit ceci:

«De façon générale, l'art. 43 ne soustrait aux sanctions pénales que l'emploi d'une force légère – ayant un effet transitoire et insignifiant – pour infliger une correction. Les experts s'accordent actuellement pour dire que cet article ne s'applique pas au châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans ou à un adolescent. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée. La correction comportant l'utilisation d'un objet ou encore des gifles ou des coups à la tête est déraisonnable. Les enseignants peuvent employer une force raisonnable pour expulser un enfant de la classe ou pour assurer le respect des directives, mais pas simplement pour infliger un châtiment corporel à un enfant. Si on ajoute à ça l'exigence que la conduite vise à infliger une correction, ce qui exclut la conduite résultant de la frustration, de l'emportement ou du tempérament violent du gardien, il se dessine une image uniforme du champ d'application de l'art. 43. Les responsables de l'application de la loi ou les juges ont tort d'appliquer leur propre perception subjective de ce qui est «raisonnable dans les circonstances»; le critère applicable est objectif. La question doit être examinée en fonction du contexte et de toutes les circonstances de l'affaire. La gravité de l'événement déclencheur n'est pas pertinente.»

[131] L'avocat de la défense, à juste titre, argumente que le critère juridique applicable pour déterminer le caractère raisonnable de la force employée varie d'une époque à l'autre et que la cour, en l'espèce, doit se référer à la norme jurisprudentielle dégagée par les tribunaux, à la période alléguée dans l'acte d'accusation.

[132] Avant la décision Canadian Foundation for Children, précitée, deux arrêts sont considérés comme la référence en ce qui a trait à l'établissement de paramètres pour l'interprétation de l'article 43.

[133] Dans l'arrêt Ogg-Moss c. R, rendu en 1984, la Cour suprême du Canada fournit certaines indications sur les constituantes de la disposition en cause:

- l'article 43 doit recevoir une interprétation stricte étant donné qu'il a pour effet d'ôter à des groupes la protection que le droit criminel accorde également à tous;

- le mot "enfant" dans l'article 43 se rapporte à l'âge réel de la personne et en droit, il est le contraire du mot "adulte"; (ce qui inclut les adolescents);

- la personne qui emploie la force doit le faire pour infliger une "correction" et l'enfant doit être capable d'en tirer une leçon; (ce qui exclut les enfants en bas âge);

- tout châtiment motivé par l'arbitraire, la colère ou la mauvaise humeur constitue un délit criminel;

- la force employée doit être "raisonnable dans les circonstances"; (le jugement ne comporte aucune autre mention ou explication sur ce critère).

[134] La portée de l'expression "raisonnable dans les circonstances" est définie, de façon plus précise, par la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'arrêt R. c. Dupperon. Dans cette cause, la Cour d'appel énonce certains facteurs qui doivent être considérés pour décider si la force employée est acceptable:

- la nature de la faute à l'origine de la correction infligée;

- l'âge et le caractère de l'enfant;

- l'effet probable du châtiment sur cet enfant;

- la sévérité du châtiment;

- les circonstances dans lesquelles le châtiment a été infligé;

- les blessures subies, s'il en est.

[135] Dans l'arrêt Canadian Foundation for Children, précité, la juge Arbour passe en revue le corpus jurisprudentiel canadien, développé par les cours d'appel et de première instance, sur l'interprétation et l'application de l'expression "raisonnable dans les circonstances", avant le 30 janvier 2004.

Dans leur opinion respective, la juge en chef et le juge Binnie jettent un regard critique sur un bon nombre de ces jugements et leurs commentaires sur le sujet, même s'ils n'ont pas l'autorité de la chose jugée, doivent néanmoins nous guider dans la consultation de ces décisions et dans l'examen de circonstances survenues sous le régime de cette jurisprudence, avant le 30 janvier 2004.

vendredi 29 octobre 2010

L'article 43: Discipline des enfants

R. c. R.S., 2010 QCCQ 2648 (CanLII)

[5] L'ARTICLE 43: Discipline des enfants:

43. Discipline des enfants – Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

S.R.C. 1970, ch C-34, art. 43.

[6] Voici l'interprétation de la Cour Suprême dans:

Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 76, 16 C.R. (6th) 203, 180 C.C.C. (3d) 353.

Cet article soustrait aux sanctions pénales l'emploi d'une force légère, ayant un effet transitoire et insignifiant, qui a pour objet d'éduquer ou de discipliner l'enfant. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée. L'article 43 ne vise pas la conduite causant un préjudice ou suscitant un risque raisonnable de préjudice. Cette disposition peut être invoquée seulement dans les cas où l'emploi non consensuel de la force ne cause aucun préjudice ou ne risque pas de causer des lésions corporelles. La correction comportant l'utilisation d'un objet, comme une règle ou une ceinture, ou encore des gifles ou des coups à la tête est déraisonnable.

[7] Voir également cet arrêt de la Cour d'Appel d'Ontario:

R. c. Emans 2000 CanLII 16823 (ON C.A.), (2000), 35 C.R. (5th) 386, (sub nom R. c. E. (A)) 146 C.C.C. (3d) 449 (C.A. Ont.)

Bien qu'un parent soit autorisé à employer la force pour corriger un enfant en vertu de l'art. 43, cette force ne doit pas être excessive et elle doit être employée pour le bénéfice de l'éducation de l'enfant et non pas motivée par la mauvaise humeur, l'impatience ou la colère excessive d'un parent; tout usage excessif de la force entraîne la responsabilité criminelle selon l'art. 26. L'article 43 est une exception et doit être interprété restrictivement, en accord avec le principe selon lequel la correction doit être nécessaire pour l'éducation de l'enfant et être conforme aux règles d'ordre public. Les articles 43 et 26 doivent être lus avec l'art. 265(3) qui prévoit que le fait que la victime s'est soumise ou n'a pas résisté ne constitue par un consentement en raison de la force utilisée ou de l'exercice de l'autorité.

dimanche 17 janvier 2010

Discipline des enfants : article 43 du Code criminel

R. c. Guimont, 2009 QCCQ 9881 (CanLII)

[45] L'objectif de ce moyen de défense est de soustraire aux sanctions pénales l'emploi de la force légère ayant un effet transitoire et insignifiant pour imposer une correction. Selon l’article 43 du Code criminel, ne constituent pas des voies de fait les châtiments corporels raisonnables que les parents et instituteurs infligent à un enfant :

Article 43 :

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

[46] En première analyse, le Tribunal doit déterminer si l'accusée a employé la force dans un objectif de correction. L'objectif de correction comprend celui d'exprimer une désapprobation et doit rencontrer un effet disciplinaire. Il est souhaitable que puisse en découler un résultat positif sur l'élève, c'est-à-dire une leçon et non un traumatisme. Il est clair que l'impatience, la colère, la vengeance ne rencontrent pas l'objectif de la correction.

[47] La force employée dans les circonstances décrites ci-haut doit être évaluée objectivement. Je crois que l'accusée était irritée par l'indiscipline première de X et par l'attitude impolie à laquelle elle faisait face. Je crois qu'idéalement une enseignante ne doit pas réagir physiquement en ces moments d'irritation. Par ailleurs, l'étudiant doit comprendre que la politesse est essentielle et fait partie de son parcours éducatif. Un étudiant en retenue suite à du « tiraillage » ne peut regarder sa professeure effrontément en maugréant. Ce comportement doit faire l'objet d'une réaction qui démontre la réprobation. Ainsi, je n'ai pas à juger si l'approche adoptée par l'accusée rencontre cet idéal, mais plutôt si ce qu'elle a fait lui permet d'échapper à la culpabilité criminelle par ce moyen de défense.

[48] Le geste posé par l'accusée s'est produit à la suite d'avertissements et d'une retenue dans les minutes précédentes. X n'en a pas pris leçon. Au contraire de s'amender, il a persisté en faisant preuve d'arrogance. Je crois que la réaction de l'accusée revêt ce caractère disciplinaire et à cet égard ce moyen de défense franchit cette première étape.

[49] En deuxième analyse, le Tribunal doit déterminer si la force employée était raisonnable. L'accusée a manifesté sa limite en disant à X que c'était assez. Elle a insisté en le touchant à l'épaule. L'application de la défense de correction se limite aux formes de voies de fait les plus légères. Le cas présent rencontre ce critère. Je crois que la force utilisée ne dépassait pas ce qui était raisonnable pour :

-a) se faire respecter;

-b) faire respecter les consignes à savoir : que le retour en classe se fasse en silence et sans obstiner l'enseignant.

dimanche 3 janvier 2010

L'interprétation de l'article 43 du Code criminel

R. c. S.S., 2008 QCCQ 264 (CanLII)

[145] L'article 43 du Code criminel prévoit que tout père ou mère est fondé à employer la force pour corriger un enfant, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

[146] Dans l'arrêt Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada, la Cour suprême du Canada a déclaré constitutionnellement valide, dans certaines

circonstances, l'emploi d'une force légère – ayant un effet transitoire et insignifiant - pour corriger un enfant. Par la même occasion, la Cour a précisé quelle conduite se situait à l'intérieure de la zone délimitée par l'article 43:

a) Premièrement, la personne qui emploie la force doit le faire pour éduquer ou corriger. Par conséquent, l'article 43 ne peut excuser les accès de violence à l'égard d'un enfant qui sont dus à la colère et à la frustration.

b) Deuxièmement, la correction doit pouvoir avoir un effet bénéfique sur l'enfant, ce qui nécessite d'une part, une capacité de tirer une leçon et, d'autre part, une possibilité de résultat positif. Il se peut qu'un enfant soit incapable de tirer une leçon de la force employée contre lui en raison d'une déficience ou de quelques autres facteurs contextuels. Dans ce cas, la force n'est pas employée «pour corriger» et ne tombe pas dans la zone d'immunité établie par l'article 43.

c) Ensuite, la force employée doit être «raisonnable dans les circonstances».

i) L'article 43 ne soustrait pas à des sanctions pénales, la conduite causant un préjudice ou suscitant un risque raisonnable de préjudice. Il faut tenir compte.

ii) Il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles la force est employée pour infliger une correction. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée.

iii) Par contre, il ne convient pas de mettre a posteriori l'accent sur la gravité du comportement répréhensible de l'enfant, ce qui incite davantage à punir qu'à corriger.

iv) Les juges ne doivent pas appliquer leurs propres notions subjectives de ce qui est raisonnable; l'article 43 commande une appréciation objective fondée sur l'état des connaissances et le consensus (social) de l'heure.

v) Le châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans lui est préjudiciable et n'est d'aucune utilité pour corriger vu les limites cognitives d'un enfant de cet âge.

vi) Le châtiment corporel infligé à un adolescent est préjudiciable en ce sens qu'il risque de déclencher un comportement agressif ou antisocial.

vii) Le châtiment corporel infligé à l'aide d'un objet, comme une règle ou une ceinture, est préjudiciable physiquement et émotivement. Le châtiment corporel consistant des gifles ou des coups portés à la tête est préjudiciable.

[147] Le juge Binnie, dissident en partie, ajoute que le juge des faits doit appliquer et adapter aux circonstances particulières de chaque cas, une certaine norme sociale évolutive. En l'espèce, cela ne requiert pas une preuve d'expert.

mardi 1 décembre 2009

Protection accordée aux instituteurs et aux parents qui sont appelés à assumer la discipline à l'égard d'un élève ou d'un enfant

R. c. Chouinard, 2009 QCCQ 7603 (CanLII)

[27] Le 30 janvier 2004, dans l'affaire Canadian Foundation for Children, Youth and the Law, la Cour suprême du Canada rendait une importante décision visant à préciser les paramètres de la protection accordée par le législateur aux instituteurs et aux pères et mères et aux personnes qui les remplacent, et qui sont appelés à assumer la discipline à l'égard d'un élève ou d'un enfant.

[28] Récemment, notre Cour d'appel s'est aussi prononcée sur ce sujet dans l'affaire J.P. c. R

[29] La protection est accordée par l'article 43 à certaines personnes bien déterminées. Comme le mentionnait la juge McLachlin au nom de la majorité de la Cour suprême :

« L’article 43 détermine avec beaucoup de précision qui peut entrer dans la zone qu’il délimite. Les termes « instituteur » et « père ou mère » sont clairs. Les tribunaux ont statué que l’expression « toute personne qui remplace le père ou la mère » désigne quiconque prend en charge « toutes les obligations qui [. . .] incombent [au père et à la mère] ». Ces mots ne posent aucune difficulté. »

[30] Nous reviendrons plus loin sur cette question, le ministère public ayant soutenu que l'accusé ne peut entrer dans cette catégorie parce que les incidents surviennent au cours d'une activité parascolaire.

[31] Quelle conduite est visée par l'article 43?

[32] Selon la plus haute cour, la force ne doit être employée que dans le but de corriger ou d'éduquer. De plus, il doit s'agir d'une force raisonnable déterminée par les circonstances de l'intervention.

[33] Ce recours à la force doit toujours avoir pour objectif d'éduquer ou de discipliner un enfant, et ce, afin d'avoir sur ce dernier un effet bénéfique, ce qui signifie que l'enfant pourra en retirer une leçon ou un résultat positif.

[34] La force employée ne doit pas être susceptible de causer un préjudice ou de « susciter un risque raisonnable de préjudice » ni non plus de présenter un risque de causer des lésions corporelles.

[35] Et s'il y a absence d'un comportement ou d'une situation qui exige une intervention ou une correction, aucune force ne peut être utilisée pour intervenir auprès d'un enfant.

[36] Comme l'écrivait madame la juge en chef McLachlin sur la portée véritable de l'article 43 :

« Cependant, l’art. 43 garantit aussi que le droit criminel ne sera pas appliqué dans le cas où l’emploi de la force fait partie d’un effort véritable d’éduquer l’enfant, s’il ne présente aucun risque raisonnable de causer un préjudice qui ne soit pas purement transitoire et insignifiant et s’il est raisonnable dans les circonstances. L’intervention du droit criminel dans le milieu familial et scolaire des enfants, dans ces circonstances, leur causerait plus de tort que de bien. »

vendredi 30 octobre 2009

Critères énoncés par la jurisprudence au sujet du châtiment corporel d'un enfant

R. c. R.D., 2005 QCCA 1167 (CanLII)

24 Premièrement, la personne qui emploie la force doit le faire pour éduquer ou corriger : Ogg-Moss, précité, p. 193. Par conséquent, l'art. 43 ne peut pas excuser les accès de violence à l'égard d'un enfant qui sont dus à la colère ou à la frustration. Il n'admet dans sa zone d'immunité que l'emploi réfléchi d'une force modérée répondant au comportement réel de l'enfant et visant à contrôler ce comportement ou à y mettre fin ou encore à exprimer une certaine désapprobation symbolique à cet égard. L'emploi de la force doit toujours avoir pour objet d'éduquer ou de discipliner l'enfant : Ogg-Moss, précité, p. 193.

[68] La Cour suprême nous indique que c’est le consensus social au moment de la perpétration des gestes considérés qui doit tenir lieu de guide pour déterminer le caractère raisonnable de la force employée :

36 Le consensus social et la preuve d'expert concernant ce qui constitue une correction raisonnable aident aussi à déterminer ce qui est « raisonnable dans les circonstances » en matière de correction infligée à un enfant. Le droit criminel utilise souvent la notion du caractère raisonnable pour tenir compte de l'évolution des mœurs et éviter d'effectuer des « rajustements » au moyen de modifications successives. Cette technique implique qu'il est possible de tenir compte du consensus social de l'heure quant à ce qui est raisonnable. Les gardiens ou les juges ont tort d'appliquer leurs propres notions subjectives de ce qui est raisonnable; l'art. 43 commande une appréciation objective fondée sur l'état des connaissances et le consensus de l'heure. Un large consensus, surtout s'il est étayé par une preuve d'expert, peut fournir des indications et réduire les risques de décision subjective et arbitraire.

[69] La Cour ajoute que la jurisprudence de l’époque n’est pas toujours représentative du consensus social, certains juges appliquant une norme subjective sans tenir compte du caractère évolutif de la notion de force raisonnable.

39 […] Il faut reconnaître, au départ, que la jurisprudence relative à l'art. 43 manque parfois de clarté et de cohérence et transmet un message confus quant à ce qui est permis et à ce qui ne l'est pas. Dans une bonne partie de la jurisprudence analysée par la juge Arbour, les juges n'ont pas reconnu la nature évolutive de la norme du caractère raisonnable et ont indûment appliqué des notions dépassées de la correction raisonnable.

[70] Nous notons cependant que la définition du châtiment corporel acceptable retenue par la Cour suprême est en grande partie fondée sur l’arrêt Ogg-Moss, qu’elle a rendu en 1984 :

51 L'article 43 autorise l'emploi de la force "pour corriger". Comme l'a fait remarquer Blackstone, la loi approuve de tels procédés dans le cas d'un enfant parce que cela est "pour le bien de l'éducation de l'enfant". En d'autres termes, l'art. 43 est une justification. Il a pour effet d'innocenter le père ou la mère, un instituteur ou une personne qui remplace le père ou la mère et qui a recours à la force pour corriger un enfant, la raison à cela étant qu'une telle action est considérée non comme mauvaise, mais comme légitime. Par conséquent, le recours à la force ne sera pas justifié, à moins que ce ne soit "pour corriger", c'est-à-dire qu'il ne s'inscrive dans le cadre de l'éducation de l'enfant.

[71] En fait, une jurisprudence constante faisant état de la nécessité d’un objectif de correction et d’éducation peut-être retracée à partir de la décision Brisson c. Lafontaine, rendue par la Cour supérieure de Montréal en 1864. Le juge Loranger s’y exprime ainsi :

La Cour, etc., considérant que sans refuser aux instituteurs un droit de correction modérée contre les élèves indociles ou récalcitrants, droit qui ne peut s’exercer que dans les cas nécessités par le maintien de la discipline des écoles, l’intérêt de l’instruction et à un degré proportionné aux offenses commises, il n’en est pas moins vrai que tout châtiment excédant cette limite, et motivé par l’arbitraire, le caprice, la colère ou la mauvaise humeur, constitue un délit punissable comme les délits ordinaires, et que dans les cas proposés aux tribunaux où l’on prétend que la correction présente ce caractère, ils doivent former leur appréciation sur la nature de l’infraction, l’âge de l’élève en faute, le plus ou moins de gravité du châtiment, et les circonstances sous lesquelles il a été infligé.

[72] Quelques mois après que l’arrêt Ogg-Moss eut été rendu, la Cour d’appel de Saskatchewan rendait, le 15 novembre 1984, dans l’affaire R. c. Dupperon, une décision énonçant les critères dont il fallait tenir compte pour déterminer le caractère raisonnable de la force employée pour punir un enfant :

In determining that question the court will consider, both from an objective and subjective standpoint, such matters as the nature of the offence calling for correction, the age and character of the child and the likely effect of the punishment on this particular child, the degree of gravity of the punishment, the circumstances under which it was inflicted, and the injuries, if any, suffered. If the child suffers injuries which may endanger life, limbs or health or is disfigured that alone would be sufficient to find that the punishment administered was unreasonable under the circumstances.

[73] De plus, certains gestes sont actuellement considérés a priori comme étant préjudiciables pour les enfants par la Cour suprême :

37 Compte tenu de la preuve dont dispose actuellement la Cour, il existe d'importants terrains d'entente chez les experts des deux parties (décision de première instance, par. 17). Le châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans lui est préjudiciable et n'est d'aucune utilité pour corriger vu les limites cognitives d'un enfant de cet âge. Le châtiment corporel infligé à un adolescent est préjudiciable en ce sens qu'il risque de déclencher un comportement agressif ou antisocial. Le châtiment corporel infligé à l'aide d'un objet, comme une règle ou une ceinture, est préjudiciable physiquement et émotivement. Le châtiment corporel consistant en des gifles ou des coups portés à la tête est préjudiciable. Ces formes de châtiment, pouvons-nous conclure, ne sont pas raisonnables.

[74] Le châtiment corporel a toujours été et reste une prérogative des parents. Cependant, il est inacceptable lorsque administré arbitrairement, motivé par la colère et lorsqu’il ne peut servir à éduquer l’enfant.

jeudi 29 janvier 2009

Pouvoir de correction du parent ou du professeur sur l'enfant

Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, 2004 CSC 4

Lien vers la décision

Résumé des faits
L’article 43 du Code criminel prévoit que tout père, mère ou instituteur est fondé à employer raisonnablement la force pour corriger un enfant confié à ses soins.

Analyse
L’article 43 ne s’applique pas à l’emploi de la force qui cause ou risque de causer un préjudice.

L’article 43 donne aux parents et aux instituteurs la capacité d’assurer à l’enfant une éducation raisonnable sans encourir de sanctions pénales.

Premièrement, la personne qui emploie la force doit le faire pour éduquer ou corriger. Par conséquent, l’art. 43 ne peut pas excuser les accès de violence à l’égard d’un enfant qui sont dûs à la colère ou à la frustration. Il n’admet dans sa zone d’immunité que l’emploi réfléchi d’une force modérée répondant au comportement réel de l’enfant et visant à contrôler ce comportement ou à y mettre fin ou encore à exprimer une certaine désapprobation symbolique à cet égard. L’emploi de la force doit toujours avoir pour objet d’éduquer ou de discipliner l’enfant

Deuxièmement, la correction doit pouvoir avoir un effet bénéfique sur l’enfant, ce qui nécessite, d’une part, une capacité de tirer une leçon et, d’autre part, une possibilité de résultat positif.

Les gens doivent savoir qu’ils ne pourront pas invoquer l’art. 43 si leur conduite paraît susceptible de causer des lésions corporelles

Il ne convient pas de mettre a posteriori l’accent sur la gravité du comportement répréhensible de l’enfant, ce qui incite davantage à punir qu’à corriger.

L’art. 43 commande une appréciation objective fondée sur l’état des connaissances et le consensus de l’heure. Un large consensus, surtout s’il est étayé par une preuve d’expert, peut fournir des indications et réduire les risques de décision subjective et arbitraire

L’article 43 protégera l’enseignant qui emploie une force raisonnable pour retenir un enfant ou l’expulser lorsque cela est indiqué.

De façon générale, l’art. 43 ne soustrait aux sanctions pénales que l’emploi d’une force légère — ayant un effet transitoire et insignifiant — pour infliger une correction.

Les experts s’accordent actuellement pour dire que cet article ne s’applique pas au châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans ou à un adolescent. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n’est pas protégée. La correction comportant l’utilisation d’un objet ou encore des gifles ou des coups à la tête est déraisonnable. Les enseignants peuvent employer une force raisonnable pour expulser un enfant de la classe ou pour assurer le respect des directives, mais pas simplement pour infliger un châtiment corporel à un enfant.

Les experts ont constamment indiqué que la force employée contre un enfant trop jeune pour pouvoir tirer une leçon d’un châtiment corporel n’est pas destinée à infliger une correction. De même, selon le consensus qui règne actuellement chez les experts, l’infliction d’un châtiment corporel à un adolescent risque sérieusement de lui causer un préjudice psychologique : l’infliction d’un tel châtiment serait donc déraisonnable.

Il peut cependant y avoir des cas où un père, une mère ou un instituteur emploie raisonnablement la force pour retenir un adolescent ou le soustraire à une situation particulière, sans pour autant lui infliger un châtiment corporel.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

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