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vendredi 6 septembre 2019

Les deux conditions devant être réunies pour que le juge fasse droit à une demande de contrôle à savoir si un délinquant pose un risque sérieux pour la sécurité publique

M.L. c. R., 2010 QCCA 395 (CanLII)

Lien vers la décision

[8]               Dans l'arrêt R. c. L.M., le juge LeBel, écrivant à ce sujet pour tous ses collègues, rappelait la nature exceptionnelle des déclarations de délinquant à contrôler : 
[39]      Comme notre Cour l'a fait dans le cas des délinquants dangereux (R. c. Lyons, 1987 CanLII 25 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 309, p. 339; R. c. Jones1994 CanLII 85 (CSC)[1994] 2 R.C.S. 229, p. 297), je rappelle la nature exceptionnelle des déclarations de délinquant à contrôler. Ainsi que je l'expliquerai plus bas, le caractère strict et précis des critères gouvernant l'imposition de cette mesure de contrôle restreint nécessairement le nombre de personnes auxquelles elle trouvera à s'appliquer. […]
[9]               Puis, parlant du rapport que le juge peut obtenir en application de l'article 752.1(1) C.cr., le juge LeBel ajouta : 
[40]      Le Code criminel prévoit d'abord que la Couronne doit présenter la demande de déclaration de délinquant à contrôler une fois l'accusé reconnu coupable, mais avant que la peine n'ait été déterminée (par. 752.1(1) et al. 753.1(1)a) et 753.1(3.1)aC. cr.). Après le dépôt de cette demande, le tribunal peut faire évaluer le délinquant par des experts. Leur rapport est utilisé comme preuve lors de l'examen de la demande (par. 752.1(1) et 753.1(1) C. cr.). En effet, ce rapport permet d'évaluer si le délinquant pose un risque sérieux pour la sécurité publique.
[Je souligne]
[10]           Ensuite, le juge LeBel résume ainsi les deux conditions qui doivent être réunies pour que le juge fasse droit à une demande de contrôle : 
(i)         D'abord, une peine minimale d'emprisonnement de deux ans doit être justifiée pour l'infraction dont le délinquant a été déclaré coupable (al. 753.1(1)a)C. cr.).
(ii)        Ensuite, le juge doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que le délinquant présente un risque élevé de récidive (al. 753.1(1)bC. cr.; voir par exemple Beaulieu c. R.[2007] J.Q. no 2116 (QL)2007 QCCA 403 (CanLII), par. 25). Pour évaluer le risque de récidive, le juge doit constater la présence des deux facteurs suivants (par. 753.1(2) C. cr.) : 
a)         Le délinquant a été reconnu coupable d'une infraction de nature sexuelle prévue aux art. 152152, 152=3, l63.1(2), l63.1(3), l63.1(4), l63.1(4.1), 172.1, 173(2), 271, 272 et 273 C. cr., ou a commis un "acte grave de nature sexuelle lors de la perpétration d'une autre infraction dont il a été déclaré coupable" (al.  753.1(2)a) C. cr.).
b)         Le délinquant a accompli des actes répétitifs permettant de croire qu'il causera des sévices ou des dommages psychologiques graves à d'autres personnes, ou sa conduite antérieure dans le domaine sexuel laisse prévoir qu'il causera à l'avenir des sévices à d'autres personnes (sous-al. 753.1(2)b)(i) et (ii) C. cr.; voir par exemple R. c. Corneau2001 CanLII 20599 (QC CA)[2001] R.J.Q. 2509 (C.A.)). Cet exercice visant à évaluer la "dangerosité potentielle" tient compte, en somme, de la conduite antérieure et des faits ayant entouré la perpétration des infractions (R. c. Ménard[2002] J.Q. no 5271 (QL) (C.A.), par. 23).
[Je souligne]
[11]           Donc, en application de l'article 753.1(1) C.crle juge peut déclarer qu'un accusé est un délinquant à contrôler si, pour l'infraction dont l'accusé a été déclaré coupable, il y a eu lieu d'infliger une peine minimale d'emprisonnement de deux ans et si l'accusé présente un risque élevé de récidive.
[12]           D'autre part, l'article 753.1(2) C.crcrée une présomption qu'il existe un risque élevé de récidive si le délinquant a, d'une part, été déclaré coupable d'une infraction visée à l'article 753.1(2)a) C.cr(diverses infractions à caractère sexuel) et, d'autre part : 
(i)         si le délinquant a accompli des actes répétitifs (y compris un acte qui est à l'origine de l'infraction dont il a été déclaré coupable), actes répétitifs qui permettent de croire que le délinquant causera vraisemblablement la mort de quelque autre personne ou causera des sévices ou des dommages psychologiques graves à d'autres personnes, ou
(ii)        si la conduite antérieure du délinquant dans le domaine sexuel (y compris lors de la perpétration de l'infraction dont il a été déclaré coupable) laisse prévoir que vraisemblablement il causera à l'avenir de ce fait des sévices ou autres maux à d'autres personnes.
[13]           En l'espèce, pour être convaincu que le délinquant présentait un risque élevé de récidive, le juge devait conclure que l'appelant avait accompli des actes répétitifs qui donnaient lieu de croire qu'il allait vraisemblablement causer la mort de quelqu'un ou des sévices ou des dommages psychologiques graves, ou que la conduite antérieure de l'appelant dans le domaine sexuel laissait prévoir que vraisemblablement il allait causer à l'avenir des sévices ou autres maux à d'autres personnes.
[14]           Notons que pour être convaincu que le délinquant présente un risque élevé de récidive il est insuffisant que les actes répétitifs ou la conduite antérieure d'un délinquant permettent au juge de croire qu'il est possible que le délinquant récidive. Il faut que ce soit probable. La version anglaise de l'article 753.1(2) C.crutilise le mot « likelihood », et la version française le mot « vraisemblablement ».

dimanche 31 juillet 2011

Facteurs pris en compte dans un rapport d’évaluation complète à des fins de déclaration de délinquant dangereux

- Les critères comportementaux de dangerosité prévus aux alinéas 753
(1)a) et b);

- La mesure dans laquelle le délinquant a un modèle de pensée de criminel
(impulsivité, manque d’estime de soi, égocentricité; sentiment que les
choses lui sont dues, etc.);

- La mesure dans laquelle le délinquant, dans son environnement, est
entouré de personnes impliquées dans des activités criminelles;

- La mesure dans laquelle le délinquant affiche des tendances antisociales
et une propension au crime;

- Le niveau de soutien social du délinquant dans la collectivité;

- Tout problème du délinquant, par exemple, la toxicomanie ou des préférences sexuelles déviantes;

- La capacité générale du délinquant d’accéder aux ressources dans la
collectivité;

- Les antécédents criminels du délinquant, en particulier la présence ou
l’absence de sévices graves à la personne;

- La nature et la gravité de tout trouble mental;

- Les antécédents en matière de counselling et de traitement du délinquant;

- Le niveau d’habileté sociale du délinquant;

- Les aptitudes à la résolution de problème du délinquant;

- Le niveau de capacités sociales du délinquant pour pouvoir fonctionner
dans la collectivité;

- La probabilité de récidive du délinquant;

- Les mécanismes de gestion du stress du délinquant et sa perception de
l’utilité de ces mécanismes.

Tiré de : Guide national sur les enquêtes, les poursuites et la gestion correctionnelle applicables aux délinquants à risque élevé
http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/sp-ps/PS4-88-2010-fra.pdf

mercredi 13 avril 2011

Revue de la jurisprudence applicable sur les délinquants dangereux par la Cour d'appel

R. c. Boyer, 2006 QCCA 1091 (CanLII)

[51] Il est approprié de prendre en considération les circonstances de la perpétration de l’infraction sous-jacente : paragr. 753.1 b) C.cr. et R. c. Currie, 1997 CanLII 347 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 260. Elles peuvent démontrer notamment que l’état de l’accusé s’améliore ou se dégrade. En l’espèce, par exemple, la juge pouvait croire que, vu sa gravité relative par rapport aux condamnations antérieures, l’infraction sous-jacente démontrait une amélioration de l’état de l’intimé. Par contre, elle pouvait aussi croire que sa perpétration, survenue deux semaines après un d’emprisonnement de 11 ans et après avoir souscrit un engagement de garder la paix, démontrait une détérioration de son état. Le rôle d’une cour d’appel ne consiste pas à revenir sur de telles conclusions de fait. Par contre, l’intervention de la Cour se justifie, ici, parce que la juge de première instance a limité indûment son analyse à cette seule question (outre l’impossibilité de rejeter l’hypothèse d’une ultime tentative, sujet auquel je m’attarderai plus loin), ne tenant pas compte tant de la preuve disponible que des principes de droit applicables.

[52] En réalité, la seule conclusion que la juge tire des circonstances de l’infraction sous-jacente c’est que l’on ne peut affirmer, à partir de cette seule preuve, qu’il s’agissait d’un début d’escalade d’infractions de nature sexuelle. Ce n’était donc pas une preuve susceptible de démontrer que le risque pouvait être assumé par une déclaration de délinquant à contrôler; c’était tout simplement un constat que les circonstances de l’infraction sous-jacente ne démontraient pas, par elles-mêmes, qu’elle était la première d’une série d’infractions que l’intimé aurait pu commettre s’il n’avait pas été arrêté. Comme la juge admettait déjà que l’intimé remplissait, de toute façon, les conditions pour être déclaré délinquant dangereux, son constat n’apportait rien pour solutionner la question en litige et ne pouvait sûrement pas démontrer l’existence d’une possibilité réelle que le risque pouvait être maîtrisé dans la collectivité.

[53] Comme le dit le juge en chef Lamer dans R. c. Currie, précité, les circonstances de la perpétration de l’infraction sous-jacente ne constituent pas toujours un élément déterminant. Il ajoute :

Je ne puis imaginer que le législateur ait voulu que les tribunaux attendent qu’un individu manifestement dangereux, indépendamment de la nature de ses antécédents criminels et du poids des opinions d’experts quant à sa dangerosité potentielle, commette un crime particulièrement violent et cruel avant de pouvoir le déclarer délinquant dangereux.

[54] Les circonstances de la perpétration de l’infraction sous-jacente, qui demeure, je le rappelle, une infraction grave puisqu’il s’agit d’une agression sexuelle, ne peuvent, en l’espèce, constituer un élément de preuve pouvant supporter la conclusion ultime de la juge de première instance. Une telle conclusion, aucunement fondée sur la preuve, constitue une erreur de droit.

[55] La preuve du ministère public n’a pas été contredite et aucun expert n’a témoigné en défense. Il est vrai que le juge de première instance n’est pas lié par l’opinion d’un expert. Par contre, cette opinion est particulièrement pertinente et importante dans le cadre d’un tel débat. De plus, la juge a retenu son opinion quant au risque élevé de récidive.

[56] Si la sœur et le frère de l’intimé ont émis l’opinion qu’il n’est pas dangereux, cela ne saurait constituer une preuve susceptible de contredire celle de la poursuite. D’ailleurs, la juge de première instance ne le prétend pas.

[57] Après avoir dit partager les inquiétudes de la psychiatre quant au risque de récidive et sans expliquer son cheminement ni motiver sa conclusion, elle estime néanmoins qu’elle ne peut conclure qu’une ultime tentative doit être écartée. Autrement dit, elle ne peut rejeter la possibilité que l’on tente d’abaisser le niveau de risque à un niveau acceptable par une déclaration de délinquant à contrôler. Avec égards, aucun élément de preuve ne permet de croire que l’on puisse ainsi abaisser le niveau de risque que représente l’intimé.

[58] Je suis d’avis que la juge de première instance a erré en droit en omettant de s’interroger sur l’existence d’une preuve pouvant appuyer la conclusion qu’il existe une possibilité réelle que le risque pourra être maîtrisé au sein de la collectivité et en omettant de tenir compte des objectifs de la loi en matière de détermination de la peine et plus particulièrement de la loi en matière de délinquants dangereux et à contrôler, c’est-à-dire la protection de la société.

[59] L’appelante plaide que l’opinion de la juge constitue tout au plus l’expression «d’un simple vœu pieux, qui va à l’encontre de la raison même de l’existence de l’article 753 du Code criminel». Je suis d’accord avec ce point de vue. Un tel acte de foi n’est pas supporté par la preuve. Une telle conclusion, fondée sur un simple espoir, qui ne repose pas sur la preuve, ne peut être considérée comme le résultat de l’exercice judiciaire d’une discrétion. Comme l’écrit le juge Feldman dans R. c. McCallum, 2005 CanLII 8674 (ON C.A.), (2005) 201 C.C.C. (3d) 541 (C.A. Ont.) : «I agree with the submission made by the appellant that the evidence in this case amounted to no more than a hope that the respondent would either be amenable to treatment or that, if amenable, he would be treatable within a definite period of time». Il n’y a, en l’espèce, aucune base pouvant supporter l’assertion que le risque que représente l’intimé puisse être abaissé à un niveau acceptable. Comme le souligne le juge Esson, dans R. c. M.(J.S.), 2003 BCCA 66 (CanLII), (2003) 173 C.C.C. (3d) 75 (C.A. Sask.), un simple espoir ne suffit pas; la preuve doit permettre de croire qu’il existe «a realistic prospect of management of the risk in the community».

[60] La juge de première instance a estimé ne pas être en mesure de conclure qu’une ultime tentative devait être écartée. À mon avis, ce n’est pas le test prévu par la loi puisque l’impossibilité d’exclure une ultime tentative peut être présente dans bien des cas où, néanmoins, la sécurité du public exige que l’on rejette cette alternative au profit d’une déclaration de délinquant dangereux. Le test élaboré par la juge de première instance contrecarre les objectifs de la loi en rendant presque insurmontable le fardeau de la poursuite.

[61] Dans R. c. Dagenais, 2003 ABCA 376 (CanLII), (2004) 181 C.C.C. (3d) 332 (C.A. Alta), au paragr. 91, le juge Wittmann, confronté à une situation analogue, écrit :

In exercising his discretion to not impose a dangerous offender designation, the sentencing judge considered the possibility of treatment, albeit remote, to be an absolute bar to a dangerous offender designation. This is an error of law because he applied the wrong test to exercise his discretion.

[62] Ces propos s’appliquent au présent appel. Aucun élément de preuve ne supporte la croyance que les succès hypothétiques et aléatoires d’une ultime tentative permettront de protéger le public. Il s’agit tout au plus d’une conjecture.

mercredi 2 mars 2011

Le droit concernant l'exigence de préavis relativement à la déclaration de délinquant dangereux / délinquant à contrôler

R. c. C.L., 2007 QCCQ 6852 (CanLII)

[7] Ainsi, le Code criminel prévoit deux étapes :

▪ Premièrement, suite à une demande de la poursuite, le Tribunal peut renvoyer l'accusé à la garde d’une personne qui effectue une évaluation.

▪ Deuxièmement, suite au dépôt du rapport, la poursuite peut formuler une demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler.

[8] La poursuite doit donner au délinquant un préavis d'au moins sept jours francs après la présentation de la demande, indiquant ce sur quoi la demande se fonde.

[9] Ainsi, à la première étape, la poursuite formule une demande de renvoi pour évaluation. Ne connaissant pas d’avance les résultats du rapport, elle ne formule pas de demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler. En outre, suite à la réception du rapport, il est théoriquement possible que la poursuite ne formule pas de demande.

[10] Selon cette logique, le préavis de sept jours ne s’applique pas à la première étape mais plutôt, et le cas échéant, à la deuxième.

Les principes de droit servant de guide dans l'analyse à savoir si l'accusé est délinquant dangereux

R. c. P.(M.), 2003 CanLII 48820 (QC C.Q.)

[96] Les principes de droit servant de guide dans l'analyse de la preuve en pareille matière ont été résumés par l'Honorable Juge B. Falardeau dans un jugement récent du 27 février 2003:

«La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Currie 1997 CanLII 347 (C.S.C.), (1997) 2 R.C.S. 260 a décidé que dès que la conduite antérieure de l'accusé laissait prévoir qu'il causerait vraisemblablement des sévices graves à d'autres personnes, la décision de déclarer l'accusé délinquant dangereux pourrait être justifiée. Ce principe, bien sûr, n'enlève pas la discrétion du tribunal.

À cet effet la Cour d'appel de la Colombie Britannique dans l'affaire R. c. Scott 2000 BCCA 220 (CanLII), (2000) 145 C.C.C. (3d) 52, en confirmant que la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les exigences requises par l'article 753 (1) b) C.cr. a reconnu l'entière discrétion du juge à déclarer l'accusé délinquant dangereux.

Cette même cour d'appel a aussi décidé, dans l'affaire R. c. Johnson 2001 BCCA 456 (CanLII), (2001) 158 C.C.C. (3d) 155, qu'un accusé qui était susceptible de répondre positivement à des traitements efficaces devait plutôt être déclaré délinquant à contrôler que délinquant dangereux.

Il est établi, depuis la décision R. c. Audette (2002-06-17) C.A.Q. 500-10-001674-991, que le rapport d'un expert ne lie aucunement le juge, il ne constitue qu'un élément de preuve parmi les autres. La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Lyons 1987 CanLII 25 (C.S.C.), (1987) 2 R.C.S. 309 avait d'ailleurs déclaré que c'est le tribunal et non l'expert qui doit être convaincu du bien-fondé de sa démarche.»

mardi 25 janvier 2011

Il est clair que l'intention du législateur était de ne pas inclure l'infraction de conduite de facultés affaiblies causant la mort dans la définition de délinquant dangereux

R. c. Walsh, 2009 QCCQ 7794 (CanLII)

[5] Si les gestes commis par l'accusé et son parcours de vie criminelle répondent à la notion de délinquant dangereux dans le sens ordinaire des mots, il faut se demander s'ils répondent en même temps à celle que le législateur a incorporée dans le Code criminel aux articles 752 et suivants et à la description et à la définition qu'il a choisies d'y inclure.

[6] Cela est moins évident, puisque le législateur a omis volontairement dans la liste spécifique des crimes sous la définition d'infraction désignée ou primaire ou de sévices graves à la personne, laissant cependant sous cette dernière une certaine ouverture.

[9] Une recherche exhaustive de jurisprudence canadienne et québécoise permet d'affirmer qu'il n’y a, à ce jour, aucun précédent qu'un accusé n'ait été déclaré délinquant dangereux sous des accusations de facultés affaiblies causant la mort.

[10] Il existe deux lignes de pensée sur la question devant nos tribunaux, à savoir comment nous devons interpréter la notion de sévices graves à la personne; la Cour d'appel de l'Alberta dans R.c. Neve, 1999, AJ No 753 et la Cour d'appel de la Saskatchewan dans R. c. Goforth, 2005, SJ No 79, discutent et divergent d'opinions sur le degré de violence nécessaire.

[11] La Cour supérieure de l'Ontario dans R. c. Lebar, 2009, OJ No 895, confirme que la question est toujours d'actualité.

[12] Une décision de la Cour provinciale de l'Alberta dans R. c. Yellowknee, 2008, AJ No 654 conclut que les infractions constituant des sévices remplissent les critères de délinquant dangereux et elle a choisi dans ce cas-là de le déclarer délinquant à contrôler.

[13] Une autre décision de la Cour provinciale de l'Ontario rendue le 9 juin dernier, R. c. Biernat, , affirme clairement :

"A clear and common sense reading of the qualifying definition in section 752(a)(ii) to me means that the offence of impaired operation causing bodily harm is in almost all cases a serious personal injury offence."

[14] Lorsque l'on recherche l'intention du législateur, il faut à l'occasion se référer au débat de la Chambre des communes. La question a été posée par la députée de la Circonscription Châteauguay - Saint-Constant, Madame Carole Freeman, au Comité législatif chargé d'étudier le projet de loi C-2 (en vigueur le 28 juillet 2008) mardi, le 30 octobre 2007 où elle posait la question suivante au ministre de la Justice, l'Honorable Rob Nicholson, je cite :

"Douze infractions primaires sont dans le projet de loi. J'aimerais que le ministre nous dise pourquoi il n'a pas ajouté d'autres infractions comme le terrorisme, les facultés affaiblies causant la mort, la pornographie juvénile. Pourquoi ne s'en tenir qu'à ces douze infractions?

[15] Ce à quoi le ministre de la Justice a répondu :

“C'est toujours une question de jugement, Madame Freeman. Par exemple, c'est peut-être vous qui avez demandé pourquoi pas l'homicide involontaire coupable? Encore une fois, nous essayons de faire en sorte que les personnes qui ont l'intention coupable nécessaire, l'esprit coupable nécessaire de commettre des délits graves de façon délibérée. Cela ne veut pas dire que d'autres infractions ne sont pas graves. Néanmoins, nous avons réuni des aspects qui permettraient raisonnablement de nous occuper de ces personnes que nous pourrions catégoriser de criminels de carrière, les personnes qui sont prêtes à le faire et le refaire, à user de violence ou à agresser sexuellement les autres. Ce sont ces personnes sur lesquelles nous nous sommes concentrés, non pas en raison de terrorisme, de trahison ou de quoi que ce soit d'autre, à moins que cela réponde à la définition donnée.”

[16] Il est clair que l'intention du législateur était de ne pas inclure le crime commis par l'accusé dans la définition de délinquant dangereux, le tout avec respect pour l'opinion contraire des causes mentionnées plus haut.

jeudi 22 octobre 2009

Détermination de la peine pour omisssion de se conformer à une condition d’une ordonnance de surveillance de longue durée (753.3(1) du Code criminel)

R. c. Myrthil, 2008 QCCQ 9174 (CanLII)

[22] La gravité objective de l’infraction de défaut de se conformer à une condition d’une ordonnance de surveillance de longue durée se distingue nettement de l’infraction de bris de probation. La première est un acte criminel pour lequel le contrevenant est passible d’un emprisonnement de 10 ans (art. 753.3(1) C.cr.). La seconde est une infraction mixte et l’acte criminel est passible d’un emprisonnement de 2 ans (art. 733.1(1) C.cr.).

[23] L’article 743.1(3.1) C.cr. prévoit de plus que le délinquant soumis à une ordonnance de surveillance qui est condamné pour une autre infraction pendant la période de surveillance doit purger sa peine dans un pénitencier.

[24] Dans R. v. H.P.W. (2003) A.J. No. 479, le délinquant à contrôler avait brisé une de ses conditions de surveillance en consommant de l’alcool. Suite à son plaidoyer de culpabilité, le juge avait imposé une peine de 4 mois de détention rappelant que les conditions d’interdiction de consommer de l’alcool étaient généralement des conditions d’importance secondaire dans les ordonnances et que les peines imposées pour ce type d’infraction étaient de courte durée.

[25] Dans son jugement, la Cour d’appel de l’Alberta traite de la différence fondamentale entre l’objectif d’une probation et celui d’une ordonnance de surveillance de longue durée. La Cour conclut que dans ce dernier cas, l’objectif premier de l’ordonnance est la gestion d’un risque et la protection de la société plutôt que la réhabilitation.

[26] Au nom de la Cour, l’Honorable Ritter écrit :

"Protection of society has to be the paramount consideration when such offenders are being supervised in the community. This will partially be achieved by close supervision but, given the recidivism and dangerous history of the offender, there is obvious need to supplement supervision with the reality of severe punishment upon breach of a condition. " (par.35)

[27] Pour déterminer la gravité de l’infraction, la Cour d’appel examine l’importance de la condition de l’ordonnance par rapport à la nature de la délinquance. Ainsi dans cette affaire, le profil du délinquant indiquait que les agressions sexuelles avaient été commises alors qu’il avait consommé de l’alcool. La Cour conclut que la condition interdisant la consommation d’alcool était une condition essentielle à la gestion du risque que pouvait représenter l’accusé pour la communauté et qu’une peine de près de 2 ans aurait été appropriée n’eut été de la présence de certaines circonstances atténuantes. La peine imposée a été de 1 an.

[28] Dans R. v. S.J.D. 2004 BCCA 78 (CanLII), (2004) BCCA 78, (parfois citée sous le nom de R v. Deacon), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la justesse d’une peine globale de 45 mois.

[29] Dans cette affaire, l’accusé était un délinquant sexuel qui était encore considéré comme un délinquant sexuel non traité et présentant un risque élevé de récidive à la fin de sa peine. La Commission lui avait imposé une interdiction de communiquer avec des personnes de moins de 16 ans. Il s’avère que le délinquant, dans le passé, avait trouvé ses victimes après avoir développé une relation avec un adulte de leur entourage.

[30] Trois semaines après sa remise en liberté, il a lié connaissance avec un couple qui avait un petit-fils de 10 ans. Il les a invités chez lui, a demandé à l’enfant son adresse courriel puis lui a offert un cadeau. Il a communiqué à nouveau avec le couple le lendemain. Ils ont porté plainte. Il a plaidé coupable à l’accusation d’avoir fait défaut de respecter une condition de son ordonnance de surveillance de longue durée.

[31] En première instance, après 14 mois de détention provisoire, (que la Cour d’appel calcule comme 21 mois sans expliquer pourquoi), le juge a imposé une peine de 2 ans rappelant que la protection de la société était le critère à privilégier en cette matière, que les circonstances de l’infraction faisait douter de la possibilité de pouvoir gérer dans la communauté le risque que posait le délinquant et qu’une peine de 2 ans pouvait permettre de réduire le risque de récidive puisque pendant cette période l’accusé pourrait suivre une thérapie destinée aux délinquants sexuels.

[32] La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé qu’à l’étape de la détermination de la peine pour une infraction à l’article 753.3 C.cr. la protection de la société était le critère le plus important. La Cour dit ceci :

"the gravity of an offence under s. 753.3 must be measured with reference not only to the conduct that gave rise to the offence, but also with regard to what it portends in light of the offender’s entire history of criminal conduct. To consider only the moral turpitude associated with the sort of innocuous conduct that s. 753.3 renders criminal (e.g. engaging a child in conversation) is not a useful way to gauge the appropriate sentence for breach of a long term supervision order." (par. 51).

[33] En l’espèce, la Cour a estimé que l’infraction était très grave parce que le délinquant avait adopté exactement le comportement qui était sous-jacent à la commission des crimes qui avaient entraîné la déclaration de délinquant à contrôler ("the first step of his modus operandi").

[34] Dans R c. Charles Trépanier 2006 QCCA 1260 (CanLII), 2006 QCCA 1260, après avoir référé à l’arrêt S.J.D. (précité) où la peine globale était de 45 mois, et fait certaines distinctions factuelles, le juge de première instance, avait estimé que la peine appropriée était de 24 mois. Il avait donc imposé une peine de 18 mois vu une détention provisoire de 3 mois comptée en double. Dans cette affaire, le délinquant avait omis de se présenter en thérapie. Il s’agissait d’une récidive.

[35] Dans son jugement, la Cour d’appel du Québec a pris pour acquis, que la peine imposée dans S.J.D. était de 24 mois (elle était de 45 mois). Elle retient le fait que l’accusé avait fourni une raison pour ne pas vouloir poursuivre sa thérapie avec le psychologue désigné et que sa conduite ne constituait pas la répétition de son modus operandi comme dans S.J.D. (précité). Estimant que la nature du bris n’offrait aucune similarité avec celui de l’accusé dans l’arrêt de la Colombie-Britannique, elle a reproché au premier juge de ne pas avoir imposé une peine proportionnée aux circonstances. La Cour a imposé une peine de 4 mois et n’a pas jugé nécessaire de décider de la façon dont la détention provisoire devait être calculée.

[36] D’autres décisions de première instance permettent d’alimenter la réflexion.

[37] Dans R. v. Anderson (2004) N.J. No. 246, l’accusé, alors qu’il était en maison de transition, a fait l’objet d’un mandat de suspension de ses conditions pour des raisons disciplinaires. Au policier qui venait exécuter le mandat, l’accusé a brandi un couteau de cuisine en s’avançant sur lui. Le tribunal a retenu que l’accusé avait un historique d’actes de violence sur la personne et que le geste avait été posé dans un milieu institutionnel. Il a conclu que le bris était grave parce qu'il touchait l'objectif fondamental de l'ordonnance de surveillance. La peine imposée pour le défaut de se conformer à une ordonnance de surveillance a été de 2 ans plus une peine de 3 mois consécutifs pour l’accusation de voies de fait armées.

[38] Dans R. v. Barnhardt 2007 ONCJ 337 (CanLII), 2007 ONCJ 337, le délinquant avait comme condition une interdiction de consommer des drogues ou de l’alcool et un test d’urine a révélé qu’il avait consommé de la marihuana. La preuve a démontré un lien de causalité entre la consommation de drogue ou d’alcool et la commission par l’accusé de crimes violents. La condition était donc essentielle à la gestion du risque de récidive. Le juge écrit :

"The purpose of this sentence is not to punish Mr. Barnhardt for his past crimes. He has already served those sentences. The purpose of this sentence is to protect society…Specific deterrence is paramount. General deterrence and denunciation are considerations, though to a lesser degree as is rehabilitation." (par. 30-31)

[39] Tenant compte du plaidoyer de culpabilité et des progrès réalisés durant les 9 premiers mois de la surveillance, le juge a dit que la peine appropriée était de 1 an. Vu la détention préventive de 6 ½ mois, la peine a été de 3 mois.

[40] Dans R. v. Priaulx 2008 SKPC 3 (CanLII), 2008 SKPC 3, la condition qui n’a pas été respectée était celle de ne pas avoir de contact avec des mineurs sans la présence d’un adulte autorisé par l’agent de surveillance. L’accusé avait purgé des peines totales de 9 ans de pénitencier pour des abus sexuels sur des enfants avant de commencer sa période de surveillance de 10 ans. Durant son incarcération, il avait participé à de nombreuses thérapies et continuait à faire des rencontres de soutien après sa remise en liberté.

[41] Alors qu’il résidait chez son beau-fils mais que celui-ci était absent, la propriétaire du logement est venue réclamer le paiement du loyer. Pendant que l’accusé faisait la conversation avec la dame, ses deux enfants sont venus la rejoindre. L'accusé les a tous invités à entrer dans l’appartement. Il a offert de la crème glacée aux enfants et prêté un jeu vidéo à l’un d’eux. Après avoir bu son café, la mère est repartie avec ses enfants.

[42] Le juge a considéré que l’infraction était grave parce que la condition non respectée était une condition très importante dans la gestion du risque de récidive. Il a tenu compte du plaidoyer de culpabilité, des thérapies suivies en détention et du maintien du support thérapeutique après la remise en liberté ; il a tenu compte du fait que l’accusé fonctionnait bien dans la communauté depuis près d’un an, qu’il occupait un emploi. Il a retenu que l’arrivée des enfants à son appartement était fortuite et que l’accusé avait pu craindre que son beau-fils perde son logement ce qui avait pu l’inciter à faire la conversation avec la propriétaire pour gagner sa sympathie.

[43] Le juge a estimé que la peine appropriée était de 22 mois. Compte tenu de la détention préventive de 10 ½ mois qu’il a compté en double – l’accusé avait été placé en ségrégation et gardé en cellule entre 19 et 23 heures par jour pendant 202 jours – le juge a imposé une peine d’un mois additionnel.

[44] Dans R. v. Sam (2007) Carswell Yukon 74, il s’agit d’un jugement succinct. L’accusé faisait l’objet d’une ordonnance de surveillance de longue durée (10 ans) à cause d’un lourd dossier d’infractions à caractère sexuel impliquant des enfants. En 2005, 5 mois après sa sortie du pénitencier, il a pris la fuite. Il a été accusé d’évasion d’une garde légale et d’avoir brisé une condition de son ordonnance. Il a été condamné à 27 mois de pénitencier. Après avoir purgé sa peine, il est retourné à la maison de transition qu’il a, à nouveau, quittée sans permission 5 mois plus tard.

[45] Il a plaidé coupable à l’accusation de ne pas avoir respecté une condition de son ordonnance de surveillance. La poursuite a concédé que les faits étaient moins graves que la fois précédente. Le juge en a tenu compte. Cependant il s’agissait d’une récidive et l’accusé avait été retrouvé en possession de condoms et de marihuana. Le juge a rappelé que l’utilisation de substances pouvant désinhiber faisait partie de l’historique du délinquant. Il a imposé une peine de 18mois.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La théorie de l'objet à vue (plain view)

R. c. McGregor, 2023 CSC 4   Lien vers la décision [ 37 ]                          L’admission des éléments de preuve inattendus découverts ...