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vendredi 13 juin 2025

La déclaration ante mortem

Pagé c. R., 2022 QCCA 1409

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[62]      Je dirai peu de choses sur les critères qui guident l’admissibilité puisque la Cour s’est récemment penchée sur les déclarations ante mortem dans l’arrêt R. c. Pelletier2021 QCCA 1596. Ici, le juge s’est bien dirigé en droit.

[63]      Les déclarations ante mortem admissibles sont utiles comme élément de preuve circonstancielle lorsque, informant le juge des faits sur l’état d’esprit de la victime, elles offrent un éclairage sur des questions pertinentes, comme l’identité de l’agresseur, le mobile ou encore l’état de la relation entre un accusé et la victime.

[64]      La déclaration ante mortem qui reflète l’état d’esprit de la victime est un élément de preuve circonstancielle qui prend son sens à la lumière des autres : R. c. White1998 CanLII 789 (CSC), [1998] 2 R.C.S. 72, par. 45. En l’espèce, les déclarations sont contemporaines au meurtre, elles impliquent un jeune homme et elles sont l’expression manifeste d’un état d’esprit de la victime. Je suis d’accord avec le ministère public pour dire que « [l]’intérêt des déclarations était de permettre, avec l’ensemble de la preuve circonstancielle, d’inférer que le jeune homme que la victime disait craindre était l’appelant ».

[65]      Telle que présentée, cette preuve pertinente pouvait néanmoins être exclue au regard de l’évaluation de sa valeur probante et de son effet préjudiciable. Cependant, le juge le considère d’emblée et détermine qu’on peut pallier tout effet préjudiciable à l’aide d’une directive. Cet exercice d’évaluation relève du pouvoir discrétionnaire du juge et commande la déférence : R. c. Casseus2021 QCCA 392, par. 18R. c. Theus2022 QCCA 290, par. 52Castiel c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2022 QCCA 145, par. 63R. c. Shearing2002 CSC 58 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 33, par. 73.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un avocat peut décider de ne pas faire entendre un témoin, et nos tribunaux remettront rarement en question la décision de l’avocat puisque le système repose sur le fondement que l’avocat est maître de sa preuve

Lebel c. R., 2018 QCCA 302

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[38]        Dans l’affaire R. c. Jolivet[9], la Cour suprême enseigne que la règle en matière civile relativement aux inférences défavorables s’applique en matière criminelle, « mais sous réserve du partage des responsabilités entre le ministère public et la défense […] »[10]. Elle rappelle que peu de cas se prêteront à ce qu’un juge commente l’omission du ministère public de faire entendre un témoin donné, et encore moins à ce qu’il le fasse dans le cas de la défense. Le juge Binnie, au nom de la Cour, écrit :

Il ressort de ces arrêts que les cas « se prêteront » rarement à ce que le juge du procès commente l’omission du ministère public de faire entendre un témoin donné et, encore plus rarement, à ce qu’il le fasse dans le cas de la défense. Comme le juge Brooke l’a ajouté dans l’arrêt Zehr, précité (aux pp. 68 et 69) :

[Traduction] Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un avocat peut décider de ne pas faire entendre un témoin, et nos tribunaux remettront rarement en question la décision de l’avocat puisque le système repose sur le fondement que l’avocat est maître de sa preuve. Il arrive souvent qu’un témoin ne soit pas entendu et que, si la raison en était connue, cela ne justifierait pas une directive selon laquelle une inférence défavorable pourrait être tirée de ce fait. Chose importante de notre système, l’avocat n’est pas tenu, et n’a même pas le droit, d’expliquer sa conduite de l’affaire [au jury][11].

[Soulignements ajoutés.]

[39]        Pour sa part, l’auteur Vauclair souligne la prudence dont les juges doivent faire preuve en cette matière afin de ne pas renverser le fardeau de preuve :

2463. Cependant, s’il choisit de présenter une défense, l’accusé jouit du droit absolu de présenter les témoins de son choix, même si ces derniers ont déjà témoigné pour la poursuite. Cela met en cause la question de savoir si le juge peut commenter le défaut par l’accusé de faire entendre un témoin, notamment en matière d’alibi. La jurisprudence a indiqué que dans le cas où cette preuve est importante, le juge peut commenter cet aspect et, en conséquence, le jury pourra inférer que ce témoignage aurait été défavorable. Toutefois, il faut être très prudent à cet égard afin de ne pas, notamment, renverser le fardeau de la preuve et le faire reposer sur la défense. En sus, le juge doit alors aviser le jury que l’accusé n’est jamais obligé de faire entendre un témoin, qu’il peut avoir de très bonnes raisons de ne pas l’avoir fait et qu’il faut s’assurer de ne pas imposer à l’accusé le fardeau de produire une preuve confirmative de son témoignage. S’il s’agit d’un témoin qu’aucune partie ne désirait faire entendre, il faudra alors indiquer au jury qu’il ne saurait tirer aucune inférence du défaut de la défense à cet égard.[12]

[Soulignements ajoutés, références omises.]

lundi 9 juin 2025

La procédure pour contre-interroger un témoin expert quant à une autre opinion provenant d'autres études

R. v. Evans, 2019 ONCA 715

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[97] Despite their differences about the result their application should yield, the parties are not at odds about the principles that control our response to this ground of appeal. Some of those principles have to do with the permissible scope of cross-examination, others with the limits on judicial intervention in counsel's conduct at the trial.

[98] The right of an accused to cross-examine witnesses called by the Crown, whether of fact or of opinion, without significant and unwarranted constraint is an essential component of the common law and the constitutional right to make full answer and defence: R. v. Lyttle[2004] 1 S.C.R. 193[2004] S.C.J. No. 82004 SCC 5, at para. 41citing R. v. Seaboyer1991 CanLII 76 (SCC)[1991] 2 S.C.R. 577[1991] S.C.J. No. 62, at p. 608 S.C.R. Cross-examination is of essential importance in determining whether a witness is credible and his or her evidence is reliable: Lyttle, at para. 42citing R. v. Osolin1993 CanLII 54 (SCC)[1993] 4 S.C.R. 595[1993] S.C.J. No. 135, at p. 663 S.C.R. And, in some circumstances, it may be the only way to get at the truth: R. v. V. (R.)[2019] S.C.J. No. 412019 SCC 41, at para. 39.

[99] It follows ineluctably from what I have said that not only must the right of cross-examination be jealously protected, but also that it must be broadly construed: Lyttle, at para. 44. On the other hand, the right must not be abused. Cross-examining counsel are bound by the rules of relevance. They are "barred from resorting to harassment, misrepresentation, repetitiousness or, more generally, from putting questions whose prejudicial effect outweighs their probative value": Lyttle, at para. 44.

[100] Cross-examination must conform to the general principles of the law of evidence. Questions put, in addition to having a good faith basis, must elicit evidence that is relevant, material and admissible under the adjective law of evidence. The popular courthouse folklore "But this is cross-examination" is simply that. It is not a lifetime pass around and through the thicket of the fundamental principles of the law of evidence: Osolin, at pp. 665-66 S.C.R., citing R. v. Morris1983 CanLII 28 (SCC)[1983] 2 S.C.R. 190[1983] S.C.J. No. 72, at p. 201 S.C.R.

[101] Relevance and probative value are determined in cross-examination, as they are in examination-in-chief and in re-examination, in the context of each case and with respect to the purpose for which the evidence is being tendered: Osolin, at para. 162. [page601]

[102] The proper procedure to be followed in examining, or cross-examining, an expert witness on other expert opinions found in papers or books is to first ask the witness whether he or she knows the work. If the witness answers "no", or denies the work's authority, the matter ends there. Examining counsel cannot read from the work, for to permit counsel to do so would be to countenance introduction of the work as evidence, thus contravening both the hearsay and opinion rules. If the answer is yes, and the witness acknowledges the work's authority, then the witness has confirmed it by his or her testimony. Counsel may then read parts of the admittedly authoritative work to the witness. To the extent, but only to the extent, that the witness confirms their accuracy, the passages become evidence for the trier of fact to consider: R. v. Marquard1993 CanLII 37 (SCC)[1993] 4 S.C.R. 223[1993] S.C.J. No. 119, at p. 251 S.C.R. And if the witness disagrees with the authoritative work, his or her explanation may be considered in assessing the credibility of his or her expert opinion.

[103] The authorities make it clear that the right of cross-examination is not absolute. But it is equally so for the limitations on that right. Trial judges enjoy, as in connection with other aspects of the trial, a broad discretion to ensure fairness and to see that justice is not only done, but also that it is seen to be done. As a result, on some occasions at least, a trial judge may think it right to relax the requirement of relevance or a rule of admissibility: Lyttle, at para. 45see, also, R. v. Kimberley (2001), 2001 CanLII 24120 (ON CA)56 O.R. (3d) 18[2001] O.J. No. 3603157 C.C.C. (3d) 129 (C.A.), at para. 80, leave to appeal to S.C.C. refused R. v. Clancey, [2002] S.C.C.A. No. 29.

[104] As a necessary incident of the trial management power, a trial judge has the authority to control the conduct of cross-examination. Interventions must be exercised with caution so as to leave unfettered the right of the accused, through his counsel, to subject any witness' testimony to the test of cross-examination. We permit interventions to disallow questions ruled improper, for example, because they invite the introduction of hearsay or other inadmissible evidence, or because the answers are irrelevant or immaterial, or in order to protect the witness from repetitious questioning or unwarranted harassment: R. v. Bradbury1973 CanLII 1442 (ON CA)[1973] O.J. No. 85914 C.C.C. (2d) 139 (C.A.), at pp. 140-41 C.C.C. The ultimate question to be answered is whether, as a result of the number and nature of interventions, the accused might reasonably consider that he had not had a fair trial, or whether a reasonably minded person, who had been present throughout the trial, would consider that the accused had not had a fair trial: R. v. Hungwe [page602] (2018), 142 O.R. (3d) 22[2018] O.J. No. 26182018 ONCA 456361 C.C.C. (3d) 534, at para. 43citing R. v. Valley 1986 CanLII 4609 (ON CA)[1986] O.J. No. 7726 C.C.C. (3d) 207 (C.A.), at p. 232 C.C.C., leave to appeal to S.C.C. refused [1986] 1 S.C.R. xiii, [1986] S.C.C.A. No. 298.

dimanche 8 juin 2025

L'appréciation de la crédibilité du témoin policier qui n'a pas pris de notes sur un aspect de son intervention

 R. v. Machado, 2010 ONSC 277

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[120]        Third, is whether the absence of more fulsome notes from the scene and throughout the preparation of the report diminished the weight to be attached to his opinion.  Included in that question is another issue, whether the notes are intended to be disclosure or whether the notes are only to be prepared to assist the officer in refreshing his or her memory and happen to be disclosed to defence counsel.

[121]        While officers’ notes are provided as part of disclosure, there is no law that I am aware of that an officer must record everything he or she did or saw in their notebook to comply with the Crown’s disclosure obligation.  While some (note Mr. Brauti) have attempted to elevate the judgment in R. v Zack, [1999] O.J. No. 5747 (O.C.J.) to a statement that if an event or observation is not in the notes, that it did not occur, that is not what the judgment says.  Indeed, there are numerous authorities where events or observations that are not noted have been accepted:  R. v. Thompson (2000), 2001 CanLII 24186 (ON CA)151 C.C.C. (3d) 339 (Ont. C.A.)R. v. Bennett [2005] O.J. No.  4035 (S.C.J.).

[122]        I agree with the following comments of Garton J. in R. v. Antoniak, [2007] O.J. No.  4816:

24     It should be remembered that an officer's notes are not evidence, but are merely a testimonial aid. Trial judges routinely tell officers on the witness stand that they may use their notes to refresh their memory, but that they must also have an independent recollection of the events. To elevate the absence of a notation to a mandatory finding that the event did not occur would eliminate the officer's independent recollection from the equation. The notes would become the evidence.

25     The significance of an omission in an officer's notebook, just like the significance of an inconsistency in a witness's testimony, must be determined by the trier of fact on a case-by-case basis.

[123]         The question is whether the absence of more fulsome notes impacted on P.C. Wright’s evidence. 

[124]        As regards the submission that the absence of notes amounts to an offence under the Police Services Act, on this record I am not persuaded that any offence has been committed.  It may be that it would be covered by a general duty, but I have no evidence on that issue and am not prepared to make any finding of fact on that assertion.  Indeed, even if I was, the impact on the officer’s credibility would have to be determined as described by Garton J.  I am unable to see any ulterior motive for the absence of notes, nor do I find that it impacted on the credibility or reliability of the evidence.

samedi 7 juin 2025

Quel est le traitement que doit réserver un juge à une suggestion commune?

Plourde c. R., 2023 QCCA 361

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[13]      C’est ici que le bât blesse : le traitement fait à la recommandation commune.

[14]      Bien qu’il y ait lieu de croire que la juge avait pleinement conscience du critère fixé par l’arrêt R. c. Anthony-Cook[3], elle ne semble pas l’avoir traité avec toute l’importance qu’il revêt. Cette importance fut de nouveau mise en relief dans un arrêt plus récent encore, R. c. Nahanee[4]. Bien sûr, on ne peut faire reproche à la juge d’avoir passé ce dernier fait sous silence, car son jugement du 22 avril 2022 précède de quelques mois l’arrêt Nahanee. Mais en appel, il doit en être tenu compte, d’autant que la jurisprudence la plus récente de la Cour d’appel se situe très nettement dans le sillage de cette jurisprudence de la Cour suprême du Canada.

[15]      Rappelons succinctement le message d’abord livré par l’arrêt Anthony-Cook (c’est le juge Moldaver qui tient la plume dans cette décision unanime) :

[32]      Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard.

[33]      Dans Druken, par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. c. B.O.22010 NLCA 19, par. 56 (CanLII), lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».

[34]      À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la


 

certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci‑après.[5]

[16]      « [Faire] échec au bon fonctionnement du système de justice pénale », « croire que le système de justice [a] cessé de fonctionner », ne sont pas de vains mots, et c’est avec raison que dans l’arrêt Nahanee, le juge Moldaver, écrivant cette fois pour les juges majoritaires, ajoute que « [c]e critère place à dessein la barre très haut »[6]. Les considérations d’ordre systémique que relève le juge Moldaver dans les lignes qui suivent ce dernier extrait militent fortement en faveur de l’acceptation d’une recommandation commune lorsqu’elle se situe dans la fourchette des peines justes et appropriées – et que cette peine soit clémente ou sévère[7]. Or, c’est le cas ici, bien qu’en effet la peine s’inscrive dans la partie plus clémente de l’échelle.

[17]      Aussi doit-on conclure en l’occurrence, comme le fit une formation unanime de la Cour dans l’arrêt Gallien c. R., que la juge de première instance, à l’instar de l’un de ses collègues dans cette dernière affaire, s’est méprise sur la portée de la jurisprudence fixée et réitérée en Cour suprême. La formation en question écrivait :

[11]      Avec beaucoup d’égards, le juge de première instance n’a pas suivi ces enseignements. Sa prémisse, selon laquelle la peine suggérée est trop clémente, l’a empêché de se concentrer sur la seule question qu’il devait se poser : la suggestion commune des parties a-t-elle pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public? Cette omission du juge constitue une erreur de droit, qui l’a amené à rendre une sentence plus sévère que celle suggérée par les parties, à la suite d’un exercice classique de détermination de la peine basé sur les facteurs aggravants et atténuants, les objectifs pénologiques, la gravité des infractions et les peines imposées pour des cas semblables.

[12]      Ainsi, le juge n’explique pas en quoi la peine suggérée par les parties est contraire à l’intérêt public, sauf pour écrire qu’il la considère trop clémente. Il occulte totalement les avantages d’intérêt public associés à la suggestion commune des parties et il se concentre uniquement sur la longueur de la peine suggérée qu’il considère trop clémente dans le contexte spécifique du dossier.[8]


 

[18]      La situation est la même en l’espèce et il y a donc lieu de faire droit à l’appel pour rétablir la recommandation conjointe des avocates de l‘appelant et de l’intimé.

jeudi 5 juin 2025

Comment la Cour doit traiter la demande d'arrêt des procédures d'un accusé qui allègue que son état de santé (physique ou mental) l'empêche de subir son procès

R v Magomadova, 2015 ABCA 26

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[48]           When an accused raises claims of physical and/or mental impairment, any claim for a stay of proceedings could in principle fall under either or both categories depending on the specific facts. Where an accused claims that the process of being subjected to a trial would significantly threaten their life or health, the most obvious category is the residual one. That is, while the trial itself may be procedurally fair (the accused can adequately instruct counsel, etc.), it would nonetheless be unconscionable for state action in the form of a trial to be responsible for threatening a person’s life.

mardi 3 juin 2025

L’interventionnisme d'un juge peut interférer avec le droit à une défense pleine et entière de l’accusé ou laissé naître une crainte raisonnable de partialité

A.P. c. R., 2022 QCCA 1494

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[113]   L’appelant fait valoir que la juge est intervenue à plusieurs reprises en l’absence d’objection par la poursuite, principalement en lien avec l’utilisation de la règle du ouï-dire. Cela aurait eu un effet dévastateur chez l’accusé qui a ainsi été privé d’exprimer ce qu’il avait à dire pour sa défense et n’a pas pu mener celle-ci comme il l’entendait, ce qui soulève une crainte raisonnable de partialité.

[114]   Il ajoute qu’aucun témoin n’a subi le même interventionnisme lorsqu’il ou elle relatait les paroles d’autrui. Par ailleurs, les raccourcis intellectuels de la juge ainsi que le jugement moral et ses préjugés envers la culture haïtienne laissaient naître une crainte raisonnable de partialité.

[115]   L’intimé est plutôt d’avis que les interventions de la juge étaient tout à fait justifiées, que l’appelant exagère la portée de ces interventions de la juge et qu’il ne relève pas le lourd fardeau qui est le sien en ce qui concerne son grief relativement à la partialité de la juge.

[116]   Ce moyen d’appel est intimement lié à la question du droit à un procès équitable devant un juge impartial, tel que reconnu par l’article 11d) de la Charte canadienne[114]. L’impartialité est définie comme « l’état d’esprit de l’arbitre désintéressé eu égard au résultat et susceptible d’être persuadé par la preuve et les arguments soumis »[115].

[117]   Dans Bande indienne de Wewaykum, la juge en chef McLachlin pour la Cour suprême écrivait notamment :

59        Considérée sous cet éclairage, « [l]’impartialité est la qualité fondamentale des juges et l’attribut central de la fonction judiciaire ». Elle est la clé de notre processus judiciaire et son existence doit être présumée. Comme l’ont signalé les juges L’HeureuxDubé et McLachlin (maintenant Juge en chef) dans l’arrêt S. (R.D.), précité, par. 32, cette présomption d’impartialité a une importance considérable, et le droit ne devrait pas imprudemment évoquer la possibilité de partialité du juge, dont l’autorité dépend de cette présomption. Par conséquent, bien que l’impartialité judiciaire soit une exigence stricte, c’est à la partie qui plaide l’inhabilité qu’incombe le fardeau d’établir que les circonstances permettent de conclure que le juge doit être récusé.[116]

[Renvoi omis]

[118]   Ainsi, les juges bénéficient d’une importante présomption d’impartialité[117], laquelle impose une preuve convaincante afin d’être réfutée[118]. Il convient par ailleurs de souligner que la crainte raisonnable de partialité doit être fondée sur des motifs sérieux[119]; de simples conjectures ne sont donc pas suffisantes[120].

[119]   Selon la Cour suprême dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander «à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le juge], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »[121]

[120]   Puisque l’analyse de la crainte raisonnable de partialité est tributaire des circonstances propres à chaque affaire, « l’évaluation des reproches formulés à l’égard du juge doit se faire de manière globale et les propos doivent être analysés dans leur contexte »[122].

[121]   Cela dit, les interventions d’un juge en elles-mêmes n’entraînent pas nécessairement sa partialité[123]. Dans Brouillard c. La Reine, la Cour suprême rappelle l’évolution de la façon de faire d’un juge :

D'abord, il est clair que l'on n'exige plus du juge la passivité d'antan; d'être ce que, moi, j'appelle un juge sphinx. Non seulement acceptonsnous aujourd'hui que le juge intervienne dans le débat adversaire, mais croyonsnous aussi qu'il est parfois essentiel qu'il le fasse pour que justice soit effectivement rendue. Ainsi un juge peut et, parfois, doit poser des questions aux témoins, les interrompre dans leur témoignage, et au besoin les rappeler à l'ordre.

[…]

En conclusion, si le juge peut et doit intervenir pour que justice soit rendue il doit quand même le faire de telle sorte que justice paraisse être rendue. Tout est dans la façon.[124]

[Soulignements ajoutés; italiques dans l’original]

[122]   De plus, la jurisprudence de notre Cour indique que la « quantité des interventions importe moins que la manière d'y procéder »[125].

[123]   Le rôle du juge consiste à arbitrer les débats. Il ne doit donc pas prendre activement part aux procédures[126]. Une participation trop active du juge au débat constitue d’ailleurs un motif pour ordonner un nouveau procès[127].

[124]   Les auteurs Tristan Desjardins et Martin Vauclair résument en ces termes les balises encadrant les interventions d’un juge lors d’un témoignage :

Son rôle exige donc qu’il se limite à poser des questions permettant de clarifier des ambiguïtés, d’explorer des réponses vagues ou d’obtenir la réponse du témoin sur un fait pertinent au litige, mais omis par les avocats, tout en prenant soin de ne pas introduire une preuve non pertinente ou autrement inadmissible. Cela ne l’autorise pas à faire le travail d’une partie et notamment d’interroger un accusé avec des questions touchant principalement sa crédibilité. Dans tous les cas, le juge devrait attendre la fin du témoignage pour poser ses questions.[128]

[125]   Ainsi, les pouvoirs d’intervention du juge se trouvent limités par son devoir d’impartialité; sa conduite ne doit pas « laisser transparaître un parti pris, donner l’impression qu’il usurpe le rôle des avocats en prenant le contrôle de l’enquête, laisser entrevoir qu’il assiste l’avocat d’une partie, entraver le témoin dans la narration de son récit ou perturber la présentation d’une défense »[129].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’expérience d'un affiant sur les méthodes de transiger des trafiquants doit être considéré par le juge réviseur lors d'une attaque d'un mandat de perquisition

R. c. Hayouna, 2023 QCCA 1144 Lien vers la décision [ 17 ]        La juge réviseure n’en considère pas moins qu’à ce stade de l’enquête, les...