Autorité des marchés financiers c. Simard, 2023 QCCQ 10058
Lien vers la décision
[22] Dans Montgomery, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique résumait l’état du droit relatif au retrait d’une admission :
[295] There is no dispute that whether to permit an accused to withdraw an admission is a matter within a trial judge’s discretion. The principles that apply are compendiously set out in McWilliams’ Canadian Criminal Evidence, 5th ed., by C. Hill, D.M. Tanovich and L.P. Strezos, Toronto: Canada Law Book, 2013 (loose-leaf updated 2016, release no. 1), at 25:60, which includes the following (footnotes omitted):
As to withdrawal of a factual admission: “The discretion of the Court ought to be warily exercised, normally, to defeat fiction, to help establish truth, and to relieve clients of fatal mistakes by lawyers”. “If it is sought to resile from them [admissions], first, the permission of the judge is required; and secondly, the judge is unlikely to give such permission unless he [or she] receives cogent evidence from the accused and those advising him [or her] that the admission had been made by a matter of mistake or misunderstanding.” The discretion to allow withdrawal of an admission once made “should be exercised sparingly and cautiously”.
Although a trial judge has a wide discretion to relieve a party of the strictures of an express factual admission and to require the party benefiting from the admitted fact to call evidence on the matter, regrets about a tactical decision to make an admission, a strategic decision otherwise falling within the range of reasonably competent counsel decision-making, will rarely result in an admission being backed out of the record of the proceeding. In other words, a factual admission, even if ill-advised or improvident, cannot be simply retracted at the will of a party.
The trial court, however, retains a discretion to avoid the consequence of an admission. The court is empowered to control its own process and to prevent manifest injustice. “From time to time counsel may err in making admissions” and if no prejudice is occasioned to the other side by granting relief from the admission, a court may be inclined to permit withdrawal of the factual admission where satisfied the admission was “made inadvertently and was one which ought not to have been made” or was “made clearly without authority or by mistake”. Where an accused would not have made an admission had he received timely disclosure, the court may allow withdrawal of an admission made prior to the late disclosure.
[23] Dans Ouimet[24], notre Cour d’appel adoptait une position similaire et précisait ce qui pouvait être évalué dans le cadre de l’étude du préjudice:
[29] Le juge peut notamment considérer si l’admission a été faite par erreur, par inadvertance ou si elle a été faite sans être autorisée. Le juge peut évaluer le préjudice à l’accusé, c’est-à-dire, s’il subirait une injustice manifeste du maintien de l’admission. Il peut également évaluer l’existence ou l’absence de préjudice pour le ministère public. […]
[35] La conduite de l’intimé était par ailleurs préjudiciable. L’évaluation du préjudice ne se limite pas à regarder de manière étroite l’affaire en cause, mais plus généralement, le juge pouvait également considérer l’impact du retrait de l’admission sur la bonne administration de la justice en général, incluant la considération des impératifs de réduction des délais judiciaires et de préservation de la confiance du public, cette analyse devant toutefois se faire dans le respect du droit à un procès juste et équitable
[24] Afin d’exiger du Tribunal qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire visant à lui permettre de retirer ses admissions, la Requérante allègue qu’elle n’en comprenait pas la portée, qu’elle croyait que l’enregistrement des admissions amènerait l’Intimée à ne pas exiger de peine d’emprisonnement, qu’elles n’ont pas été faites de façon libre et éclairée et qu’elles s’inscrivaient dans le cadre d’une négociation en vue de l’enregistrement de plaidoyers de culpabilité.
[25] Le déroulement du dossier, et particulièrement de l’audition du 10 mai 2021, contredit entièrement ces prétentions de la Requérante. Ainsi, la requérante était assistée par son avocate de longue date lorsqu’elle acquiesça, en juillet 2020, à signer certaines des admissions proposées par l’Intimée. Il s’agissait des mêmes admissions qui lui étaient proposées dès la signification du constat et qui ont nécessairement fait l’objet de discussions préalable durant l’année qui suivit.
[26] Contrairement à ce qu’allègue Simard à sa requête, cet endossement ne visait pas le règlement du dossier mais sa mise en état pour qu’il aille à procès, les admissions étant déposées au dossier de la Cour de manière contemporaine à la fixation du procès en septembre 2020. La preuve démontre la pleine implication personnelle de Simard à ce moment, mais aussi lors du début du procès devant le juge Garneau.
[27] Ainsi, la Requérante affirme d’emblée le 10 mai 2021 avoir examiné les admissions en détails dans les jours qui précèdent et demande une brève suspension pour qu’elle puisse finaliser les corrections requises avec la procureure de l’Intimée. Simard témoigne qu’il s’agissait de simples coquilles, ce qui est confirmé par les quelques modifications qui sont indiquées au juge par la suite. En effet, après cette pause, alors que rien ne laisse croire qu’un règlement est sur la table, le juge passe systématiquement sur chacune des admissions et la Requérante mentionne qu’elle est d’accord avec leur contenu, ainsi que les corrections qui émanent de ses discussions du jour. N’étant plus représentée, toute décision qu’aurait prise ses anciens avocats à son insu ou sans en expliquer la raison ou la portée est dès lors sans conséquence.
[28] De la même façon, le déroulement de l’instance du 10 mai 2021 et la tenue d’audiences subséquentes sur la détermination de la peine réfutent entièrement l’affirmation que les admissions ont été offertes en contrepartie d’un allégement de la peine réclamée par l’Intimée. Ainsi, après que les admissions aient été listées une à une par le juge et acceptées par Simard, la procureure de l’Intimée répond sans réserve aux questions du juge qu’elle cherchera à obtenir une peine d’emprisonnement à l’égard de la Requérante suite au procès qui est alors sur le point de débuter. Cette affirmation n'est pas soulevée à quelque moment que ce soit par la Requérante. Après avoir accepté de discuter avec l’Intimée à l’invitation du juge, elle acceptera ensuite d’enregistrer des plaidoyers de culpabilité malgré qu’aucune entente ne soit intervenue quant à une suggestion commune quant à la peine. Tout au plus, la procureure de l’Intimée affirme qu’elle tiendra compte de la valeur des plaidoyers dans ses représentations sur la peine.
[29] Le Tribunal retient de la preuve que la Requérante ne s’objecte pas au contenu des admissions enregistrées au dossier de la Cour, mais plutôt qu’elle regrette maintenant les avoir faites suite à ses changements de position et de stratégie. Tel qu’indiqué précédemment, un tel changement de cap résultera rarement en une autorisation de retrait des admissions par un tribunal. Il n’est aucunement question ici d’admissions faites par erreur, par inadvertance, sans autorisation ou alors que la divulgation de la preuve n’était pas complète. Rien dans la preuve soumise ne milite pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal.
[30] Au contraire, tel que le plaide l’Intimée, le retrait de ces admissions nuirait à la saine administration de la justice. Par trois fois fixée à procès pour des durées de cinq jours, la durée requise pour entendre cette affaire serait augmentée de manière significative si les admissions devaient être retirées. Une telle conclusion, dans une affaire entamée il y a plus de quatre ans, irait directement à l’encontre des principes qui sous-tendent les arrêts Jordan et Cody.
[31] Pour ces motifs, la Requérante ne sera pas autorisée à retirer les admissions factuelles consignées le 10 mai 2021 devant le juge Garneau. Leur utilisation au procès ne résultera pas en une injustice ou une procédure inéquitable.
[32] Par ailleurs, tel que le concède l’Intimée, toute admission enregistrée lors des représentations sur la peine devant ce dernier n’est plus de mise puisque l’ensemble de ce processus a été invalidé par l’octroi du retrait des plaidoyers de culpabilité.
[33] Enfin, la conclusion principale du Tribunal à l’encontre du retrait des admissions s’applique spécifiquement à l’admission 117 concernant le caractère libre et volontaire des sept déclarations faites par la Requérante aux enquêteurs de l’Intimée. Dans Park, la Cour suprême énonçait :
Je suis d’avis que le caractère volontaire, en tant que critère de recevabilité d’une confession, peut être déterminé sans qu’il soit nécessaire de tenir un voir dire lorsque l’accusé ou son avocat y renonce. Le caractère volontaire est essentiellement une question de fait et la renonciation au voir dire constitue une reconnaissance de la situation fondamentale suivante, savoir que l’accusé n’a pas fait la déclaration dans des circonstances où il faisait l’objet de mesures coercitives de la part d’une personne ayant autorité.
[34] Les principes énoncés précédemment quant à la portée d’une admission faite en application de l’art. 655 C.cr. s’appliquent donc à l’égard de cette admission et aucune preuve spécifique à son endroit n’a été produite par la Requérante pour en démontrer le caractère inadéquat.