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lundi 28 juillet 2025

Comment le Tribunal doit se gouverner face à la demande d'un co-accusé d'avoir un procès séparé de ses complices

R. v. Zvolensky, 2017 ONCA 273

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[245] It is difficult to underestimate the importance of a principled, case-specific approach to claims advanced by some or all jointly indicted accused of entitlement to separate trials. What is essential is that trial judges construct their analysis on a proper foundation and reach their conclusions on the basis of a reasoned consideration of all the relevant circumstances. This is not the place for the application of what are sometimes offered as [page454] the functional equivalent of bright-line exceptions, which are said, without more, to dislodge basic principle.

[246] The basic rule originates in the common law and is of venerable lineage. The prima facie rule is that where the essence of the case for the Crown is that the persons charged were engaged in a common enterprise, they should be jointly indicted and jointly tried: R. v. Grondkowski; R. v. Malinowski, [1946] K.B. 369[1946] 1 All E.R. 559 (C.C.A.), at p. 371 K.B.

[247] The prima facie rule of the common law, sometimes characterized as a presumptive rule, is grounded in sound social policy reasons. These reasons have been adequately rehearsed elsewhere, including by my colleague, and are in no need of restatement here. However, what should not be forgotten about this common law rule is that it was not developed in a vacuum. Like other common law rules, it is the product of judicial experience in the trial of criminal cases. And that experience no doubt would have included commonplace joint trial events such as antagonistic or cutthroat defences, evidence of limited admissibility and differences in the nature and extent of the evidence inculpatory of various accused. Yet, the prima facie rule of joint venture -- joint trial remains.

[248] This common law rule continues to apply in Canada under s. 8(2) of the Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46 except to the extent that it is altered, varied, modified or affected by the Code or other federal enactment. The Criminal Code contains no express general provision about joinder of accused, like it does for joinder of counts in s. 591(1).

[249] What the Criminal Code does do, in s. 591(3), is settle the standard to be met before the discretion to order separate trials for jointly indicted accused is engaged: "the interests of justice so require".

[250] The language used to formulate the standard or test for severance is important. The "interests of justice" are not coextensive with the "interests of the accused". If that were so, not only would the standard be expressed in different terms, but also such a construction would substitute a rule of law for an exercise of judicial discretion: Grondkowski; Malinowski, at p. 372 K.B.

[251] The phrase "interests of justice" requires consideration of the interest of the prosecution as an essential component of the analysis: R. v. X, [2012] EWCA Crim. 2276, [2012] All E.R. (D) 09, at para. 17.

[252] The fact that a co-accused in a joint trial is running an antagonistic or "cutthroat" defence is common. Sometimes, as [page455] here, all advance similar claims. Equally familiar is the fact that one co-accused has implicated another or others in the offence(s) charged in a police interview or otherwise, something denied by the other co-accused and not admissible as evidence against them. So too the case of a co-accused who has exculpated himself but implicated others in an out-of-court statement may decide not to testify and rely on his out-of-court statement. On other occasions, a co-accused may give evidence adverse to another co-accused who has already given evidence and closed his case. See, generally, R. v. Miah, [2011] EWCA Crim. 945, [2011] All E.R. (D) 167 (C.C.A.), at para. 59; R. v. Cairns, [2002] EWCA Crim. 2838, [2003] 1 Cr. App. R. 38, at para. 52.

[253] In many cases of joint criminal activity involving several co-accused, the evidence against one may be (or appear) much stronger than against another or others. In such cases, once the jury is sure that one accused is guilty, it may become more likely that they will be equally convinced of the guilt of another or others: X, at para. 16.

[254] The examples given in the preceding paragraphs illustrate factors that a trial judge should consider in deciding whether the "interests of justice" require a separate trial for any or all co-accused. But they are not, as sometimes seems to be thought and advanced as dispositive nowadays, categorical exceptions to the presumptive rule of joint venture -- joint trial. Their mere assertion is not a ticket out of Dodge. To be certain, where the case for severance is strong enough, the prejudice great enough, the circumstances particular enough, the presumptive rule must give way: R. v. Lake (1976), 64 Cr. App. R. 172 (C.A.), at p. 175. But not otherwise.

lundi 21 juillet 2025

La possibilité de joindre des dénonciations pour tenir un procès conjoint selon la procédure criminelle

Agence du revenu du Québec c. Hamza, 2023 QCCQ 5260

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[30]        Le premier paragraphe de l’article 591 du C.cr. consacre le pouvoir discrétionnaire du poursuivant en permettant à celui-ci de joindre plusieurs chefs d’accusation ou plusieurs accusés dans le même acte d’accusation. Cet article pose le principe que l’acte d’accusation peut reprocher une ou plusieurs infractions à un ou plusieurs accusés, au choix du poursuivant. Cette même règle s’applique à la dénonciation utilisée en matière de procédure sommaire, puisque l’article 801 du C.cr. reconnaît que la dénonciation sert d’acte d’accusation en matière sommaire[18].

[31]        Le troisième paragraphe de l’article 591 C.cr. prévoit la possibilité pour le juge du procès d’ordonner que l’accusé subisse son procès séparément sur un ou plusieurs chefs d’accusation ou encore, s’il y a plusieurs accusés, qu’ils subissent leur procès séparément. Mais, aucun article du C.cr. prévoit la possibilité pour le poursuivant ou l’accusé de demander au juge du procès d’instruire un procès conjoint en lien avec des chefs d’accusation portés dans des dénonciations distinctes.

[32]        La question de savoir si le juge du procès a compétence pour instruire deux dénonciations distinctes dans le cadre d’un seul procès a été décidée par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Clunas[19].

[33]        Dans cette affaire, Clunas est accusé d’avoir commis des voies de fait dans un contexte de violence conjugale à deux occasions distinctes. Les accusations sont portées dans deux dénonciations distinctes. Le matin du procès, alors que les deux dossiers reviennent devant le tribunal, le poursuivant et l’accusé consentent à la tenue d’un procès conjoint, c’est-à-dire à l’instruction d’un seul procès pour les deux dénonciations. Clunas, qui est reconnu coupable des infractions, porte les verdicts en appel. C’est dans ce contexte factuel que la Cour suprême décide que le juge du procès a compétence pour instruire deux dénonciations distinctes dans le cadre d’un seul procès et énonce le test applicable à de telles demandes.

[34]        Ainsi, la Cour suprême précise que lorsque le juge du procès envisage la possibilité de réunir deux dénonciations distinctes dans un procès conjoint, il doit demander le consentement de l'accusé et du poursuivant.  Si le consentement n'est pas donné, le juge du procès doit se renseigner sur les raisons du refus. Par ailleurs, que l'accusé donne ou non son consentement, la réunion ne devrait avoir lieu que si les deux conditions suivantes sont satisfaites : (i) les accusations auraient pu être incluses dans la même dénonciation ou les accusés inculpés conjointement; et (ii) qu’il est dans l’intérêt de la justice de tenir un procès conjoint[20].

[35]        La majorité de la Cour suprême rappelle, dans l’arrêt R. c. Sciascia[21], qu’en common law, les tribunaux jouissent du vaste pouvoir discrétionnaire de tenir un procès conjoint lorsque cela sert les intérêts de la justice et lorsque cela n’est pas expressément interdit pas la loi[22].

[36]        Dans sa décision, la majorité de la Cour suprême apporte des précisions sur la notion d’intérêt de la justice. Ainsi, lorsqu’il est question de décider si un procès conjoint sert les intérêts de la justice, le juge du procès doit mettre en balance les avantages et les inconvénients d’un procès conjoint. Pour ce faire, le juge du procès doit notamment prendre en considération les éléments suivants : la complexité de la preuve, la question de savoir si l’accusé entend témoigner à l’égard d’un chef d’accusation, mais pas à l’égard d’un autre; la possibilité de verdicts incompatibles; le désir d’éviter la multiplicité des procédures; l’utilisation de la preuve de faits similaires au procès; la durée du procès compte tenu de la preuve à produire; le préjudice que l’accusé risque de subir quant au droit d’être jugé dans un délai raisonnable. En dernière analyse, si le juge du procès estime que le préjudice résultant de la tenue d’un procès conjoint l’emporte sur les avantages, il doit refuser d’en ordonner la tenue[23].

[37]        Quant à l’aspect pratique d’une ordonnance pour un procès conjoint, la Cour suprême explique que si un procès conjoint est ordonné, la procédure est la même que si la poursuite avait été engagée au moyen d'une seule dénonciation. Le poursuivant présente sa preuve en lien avec tous les chefs d’accusation inclus dans les dénonciations[24]. Une fois la preuve du poursuivant close, l’accusé doit déterminer s’il présente ou non une défense sur l’ensemble des chefs d’accusation.

[38]        De façon générale, en matière criminelle, la demande de joindre deux dénonciations dans un procès conjoint est présentée par le poursuivant, avant le début de l’administration de la preuve au fond. Ceci est logique puisque l’accusé est en droit de connaître les accusations auxquelles il répond dès le début de son procès. D’ailleurs toutes les décisions soumises par les parties lors de l’audition de la requête présentée par les défendeurs portent sur des demandes pour joindre qui sont présentée par le poursuivant ou avec le consentement de ce dernier avant que l’administration de la preuve au fond ne débute[25].

[39]        Ce commentaire du Tribunal ne doit pas être interprété comme signifiant qu’un accusé ne peut pas présenter de demande pour joindre deux dénonciations dans un même procès ou que cette demande ne peut jamais être présentée après le début de la présentation de la preuve au fond. Ce commentaire vise simplement à attirer l’attention du lecteur sur le fait que les critères énoncés par la jurisprudence en lien avec l’évaluation de la notion d’intérêt de la justice sont formulés dans des circonstances où un accusé conteste la demande de procès conjoint présentée par la poursuivante avant le début de l’administration de la preuve au fond. Les enjeux, et donc les critères pertinents à l’analyse de la notion d’intérêt de la justice, peuvent certainement variés lorsqu’il est question d’imposer au ministère public un procès conjoint à la demande de l’accusé. Ces critères peuvent également variés lorsque la demande vise à joindre deux dénonciations dans un même procès, alors que ce procès a déjà débuté et qu’il y a déjà eu de la preuve au fond d’administrée en lien avec une de ces deux dénonciations.

[40]        La perspective de forcer le poursuivant à joindre, pour les fins d’un procès conjoint, des chefs d’accusation qu’il a choisi de séparer dans deux dénonciations distinctes soulève la question d’une possible atteinte au pouvoir discrétionnaire du poursuivant. Est-ce qu’en rendant une telle ordonnance, le tribunal s’immisce dans la discrétion du poursuivant? C’est certainement la position prise par l’ARQ dans le présent dossier.

[41]        La perspective de joindre deux dénonciations dans un procès conjoint alors que le poursuivant a déjà administré de la preuve au fond dans le cadre du procès d’une de ces dénonciations soulève des questions fondamentales et pratiques importantes. Cette question devient encore plus importante lorsque comme c’est le cas dans le présent dossier, le poursuivant a clos sa preuve en lien avec une des deux dénonciations et que l’accusé a annoncé les témoins qu’il veut présenter en défense. Dans de telles circonstances, est-ce que la demande de joindre une autre dénonciation au même procès est susceptible de mettre en péril certains droits fondamentaux de l’accusé? C’est certainement la position prise par l’ARQ dans ce dossier.

[42]        À ce sujet, notons que dans l’arrêt R. c. Pelletier[26], la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick indique que la demande visant à joindre deux dénonciations dans un procès conjoint doit être présentée avant que le procès ne débute. Cette décision semble appuyer la proposition que le juge du procès n’a pas compétence pour entendre une demande pour joindre d’autres chefs d’accusation à un procès qui est déjà en cours. À ce sujet, la Cour mentionne qu’après le début du procès sur une première dénonciation, lorsque le poursuivant et la défense envisagent la possibilité d’accélérer l’instance criminelle relativement à une deuxième dénonciation, la procédure à suivre consiste à verser les éléments de preuve produits au cours du procès tenu sur la première dénonciation, au dossier du procès tenu sur la deuxième dénonciation[27]. Autrement dit, la procédure suggérée est de tenir deux procès distincts, mais verser certains éléments de preuve administrés lors du premier procès au dossier du deuxième procès.

[43]        La décision de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt R. c. Houle[28] pourrait également appuyer la proposition qu’une fois le procès débuté, le juge du procès n’a pas compétence pour joindre d’autres chefs d’accusation au procès en cours[29].

[44]        Dans cette affaire, l’accusé fait face à six chefs d’accusation. Cinq sont inclus dans une première dénonciation alors qu’un sixième est inclus dans une dénonciation distincte. Le matin du procès, le poursuivant tente d’obtenir une remise afin de déposer un seul acte d’accusation incluant les six chefs d’accusation. Le juge du procès refuse et ordonne que le procès sur le sixième chef commence. L’accusé enregistre un plaidoyer de non-culpabilité et dépose une requête en exclusion de la preuve. Le procès est remis au lendemain pour permettre au poursuivant de prendre connaissance de la requête. Le poursuivant dépose alors un bref de prohibition, ce qui, à cette époque entraîne la suspension automatique du procès. Entre-temps, le poursuivant prépare un acte d’accusation incluant les six chefs d’accusation. Le poursuivant se désiste éventuellement de son recours en prohibition et le procès reprend. Le juge du procès accepte que le procès se tienne sur les six chefs d’accusation.

[45]        En appel, Houle conteste cette décision du juge du procès et la Cour d’appel lui donne raison. À ce sujet, la Cour d’appel écrit : « En effet, il me paraît que dès l’enregistrement du plaidoyer le procès était techniquement commencé. La procédure régulière voulait qu’il se continue sans l’adjonction d’autres accusations »[30]. Cependant, la Cour d’appel conclut que cette erreur du juge du procès, qu’elle qualifie d’irrégularité procédurale[31], ne cause aucun préjudice à Houle parce qu’aucun témoin n’avait été entendu et parce que Houle n’a pas été privé du droit de faire une défense pleine et entière[32].

[46]         D’un autre côté, dans la décision R. c. Cazzetta[33], la Cour supérieure appert écarter un argument selon lequel elle a n’a pas compétence pour entendre une requête présentée par le poursuivant pour joindre Cazzetta, initialement accusé conjointement avec les Rice, au procès des Rice, alors que le procès des Rice a commencé, mais avant que le jury ne soit constitué[34]. La Cour supérieure rejette la requête du poursuivant parce que la réunion des accusés dans un procès conjoint ne sert pas les intérêts de la justice.

[47]        Bien que la question de la compétence soit intéressante, elle n’a pas été adressée par les parties dans le présent dossier. Compte tenu de la décision du Tribunal, il n’est pas nécessaire que cette question soit tranchée. Cela étant dit, il ne fait aucun doute que de joindre une dénonciation à un procès qui est déjà en cours en lien avec une autre dénonciation soulève des questions fondamentales importantes et pose des problèmes pratiques importants.


samedi 12 avril 2025

Si une requête pour procès séparé est rejetée, la déclaration extrajudiciaire d'un accusé jugée libre et volontaire peut légalement servir à le contre-interroger aux fins d’apprécier globalement sa crédibilité

Chénard c. R., 2024 QCCA 723

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[60]      La requête « pour procès distinct », communément appelée « pour procès séparé », est régie par le paragraphe 591(3) C.cr.[50]. Le seul critère énuméré à cette disposition est celui de l’intérêt de la justice. Dans l’arrêt Last, la juge Deschamps explique le sens à donner à l’expression « intérêts de la justice » :

[16]      Selon le par. 591(3) du Codel’ultime question à laquelle se trouve confronté le juge de première instance lorsqu’il s’agit de décider s’il y a lieu de donner suite à une demande de séparation de chefs d’accusation est celle de savoir si les intérêts de la justice exigent une telle séparationLes intérêts de la justice englobent le droit de l’accusé d’être jugé en fonction de la preuve admissible contre lui, ainsi que l’intérêt de la société à ce que justice soit rendue d’une manière raisonnablement efficace, compte tenu des coûts. Le risque évident que comporte l’instruction des chefs d’accusation réunis est que la preuve admissible à l’égard d’un chef influencera le verdict sur un chef non lié.[51]

[Soulignements ajoutés]

[63]      En appel, l’appelant plaide que l’usage de sa Déclaration dans les dossiers 186 et 183 a eu pour effet de violer ses droits garantis par l’alinéa 10a) de la Charte. Selon lui, le ministère public ne pouvait pas utiliser cette preuve dans ces deux dossiers puisque les motifs de son arrestation le 1er juin 2018 n’incluaient pas ceux au soutien de ses deux autres arrestations à venir. Vu la teneur insuffisante de la mise en garde reçue, il n’aurait pas été pleinement informé de l’ampleur du risque couru[53]. En somme, l’appelant soumet plus largement que le refus de séparer les procès constitue une atteinte à son droit constitutionnel de garder le silence et de ne pas s’incriminer.

32.         Je ne crois pas qu’il soit possible aujourd’hui d’entretenir quelque doute quant à l’état du droit au Canada sur la question.  S’il est possible, dans certaines circonstances, de faire la distinction entre l’utilisation d’une preuve dans le but de mettre en doute la crédibilité d’un accusé et son utilisation au fond, ce n’est pas le cas en ce qui concerne la règle des confessionsLe caractère libre et volontaire d’une déclaration, contrairement à l’effet d’une preuve sur l’administration de la justice, qui peut théoriquement dépendre de l’utilisation que l’on en fait, n’est établi qu’en fonction des circonstances qui existaient au moment où la déclaration a été faiteUne confession ne saurait devenir soudainement volontaire, au moment du contre-interrogatoire.[54]

[Soulignements ajoutés]

[65]      Si une « confession ne saurait devenir soudainement volontaire, au moment du contre-interrogatoire », c’est aussi dire qu’elle ne perd pas cet attribut lors du contre‑interrogatoire de son auteur.

[66]      De plus, la déclaration ne devient pas inadmissible au procès du seul fait que l’accusé a été arrêté pour des motifs moindres que ceux révélés par sa déclaration ou ceux pour lesquels sa déclaration pourrait ultérieurement s’avérer pertinente[55].

[67]      L’usage d’une déclaration extrajudiciaire lors d’un procès n’est donc pas tributaire du dossier dans lequel on l’invoque, mais relève plutôt des règles régissant son admissibilité.

[68]      Au regard de ce qui précède, l’argument basé sur une atteinte au droit au silence de l’appelant doit être écarté. Ce dernier n’allègue pas avoir été informé tardivement des motifs de son arrestation dans le dossier 187. Il ne prétend pas, non plus, que l’intervention de l’État a dégénéré en une obtention irrégulière de sa Déclaration. Il n’est pas davantage soutenu que son droit au silence a été compromis lors de ses arrestations subséquentes. En somme, la preuve ne recèle ici aucune atteinte aux droits de l’appelant durant l’enquête policière.

[69]      C’est donc sous l’angle des protections consenties au stade du procès par les articles 11c) et 13 de la Charte (le droit de ne pas s’incriminer) que doit maintenant être examinée l’atteinte soulevée par l’appelant.

[70]      L’accusé qui décide de témoigner s’expose à un contre-interrogatoire portant sur sa déclaration antérieure jugée libre et volontaire. Le poursuivant aura alors le loisir d’exploiter les contradictions, les failles, les silences et les incohérences constatés lors de son témoignage au moment de le confronter avec sa déclaration antérieure, et ce, sans qu’il puisse se plaindre d’une violation à son droit au silence :

[46]      The propriety of cross-examination on a prior statement made by an accused to the police turns on the purpose of the cross-examination. If the cross‑examination is designed to challenge the credibility of an accused’s testimony based on inconsistencies between that testimony and a previous version of events provided by the accused, the cross-examination is appropriate. […][56]

[Soulignement ajouté]

[71]      La même idée est reprise par notre Cour dans l’arrêt Boivin :

[22]      En revanche, l’accusé qui choisit de témoigner peut être contre-interrogé sur les incohérences existant entre sa déclaration faite à la police et son témoignage rendu au procès. […]

[23]      L’avocat du ministère public peut ainsi suggérer, dans le cadre du contre-interrogatoire de l’accusé, que la version des événements pertinents exposée dans son témoignage est significativement différente de la version initiale donnée à la police.

[24]      Le juge des faits peut alors se fonder sur cette incohérence pour tirer une conclusion défavorable à l’égard de la crédibilité de l’accusé ou de la vraisemblance de la version offerte. Cette conclusion ne repose pas sur l’exercice du droit au silence, mais sur l’incohérence des récits racontés par l’accuséLa déduction admissible ne se fonde pas sur le silence de l’accusé avant le procès, mais sur les différences matérielles entre les versions racontées.[57]

[Renvois omis; soulignements ajoutés]

[72]      Par ailleurs, même si le poursuivant doit présenter une preuve hors de tout doute raisonnable pour chacune des accusations, l’appréciation de la crédibilité d’un témoin ne peut être segmentée par chef d’accusation[58]. Sur la même question, le juge Mainella de la Cour d’appel du Manitoba écrit :

[73]      While this Court made the obiter comment in R v Nikkel2006 MBCA 40, that “[e]vidence on one count cannot be used as evidence on the other counts of a multi-count indictment, unless the evidence is admissible as similar fact evidence”, there can be instances outside that general rule where evidence may be relevant and admissible under the rules of evidence to more than one count without being similar fact evidenceFour examples of exceptions to the general rule stated in Nikkel are noteworthy.

[…]

[77]      A fourth example is determinations of credibility. The trier of fact is entitled to use the totality of the evidence in a case to assess the credibility of a witness, including the accused.[59]

[Renvois omis; soulignements ajoutés]

[73]      Dans le cas qui nous occupe, l’appelant n’a jamais été contraint de témoigner contre lui-même et sa décision de témoigner à son procès survient alors qu’il est bien au fait de toute la preuve à charge. Il n’y a donc ici aucune surprise possible sous ce rapport. De plus, la Déclaration ne compte pas à titre de « témoignage ». Cela suffit pour écarter l’argument fondé sur l’alinéa 11c) de la Charte.

[74]      Aussi, la Déclaration n’est aucunement incriminante au sens de l’article 13 de la Charte[60]. Même l’appelant admet cette réalité :

372.     Le poursuivant a déposé en preuve une déclaration vidéo qui, somme toute est disculpante et confirme son innocence à l’égard des infractions qui lui sont rapprochées.[61]

[75]      Bien plus, l’appelant a lui-même recours à sa Déclaration pour s’en prendre à la crédibilité des plaignantes dans les dossiers 186 et 183[62].

[76]      Dans son mémoire d’appel, l’appelant ajoute :

[35]      Lorsque le premier juge a entendu la requête pour procès séparés, la matérialisation du risque qu’engendrait la tenue d’un procès conjoint n’avait rien d’abstrait puisqu’il venait de conclure à l’admissibilité de la déclaration qui fut par la suite déposée en preuve à la demande de l’intimé. […]

[Renvoi omis]

[77]      En dépit, selon l’appelant, du caractère certain d’une violation à venir, il ne présente de manière préventive aucune requête soulevant une atteinte à l’équité procédurale ou pour revendiquer une protection quelconque. Durant son procès, il ne formule pas davantage d’objection en vertu de la règle de common law sur les confessions. Pourtant, le juge avait gardé la porte ouverte en mentionnant que sa décision d’admettre la Déclaration valait pour les trois dossiers « à moins d’une autre procédure ultérieurement ».

[78]      Finalement, comme je le mentionne au commencement de mes motifs, la Déclaration a joué un rôle secondaire dans l’appréciation globale de la crédibilité de l’appelant. Son seul témoignage permettait déjà au juge de tirer des conclusions déterminantes sur cette question, sans besoin de recourir à d’autres facteurs d’appréciation.

[79]      C’est pourquoi je partage l’opinion suivante du poursuivant :

[64]      D’ailleurs, même si le juge avait commis une erreur à cet égard, il est clair que cette erreur n’aurait eu aucun impact sur le verdict. Le juge en serait venu à la même conclusion quant à l’agression qu’a subi A.D. S’il n’avait pas considéré ces éléments à l’égard de l’ensemble des chefs d’accusation, nul douter qu’il aurait tout de même rejeté la version de l’appelant. En effet, le juge explique dans le menu détail pourquoi il ne croit pas celui-ci et cet élément n’est qu’un infime ruisseau abreuvant la liste fleuve des contradictions, invraisemblances et mensonges relevés par le juge.[63]

[Renvoi omis]

[80]      Pour conclure sur ce moyen d’appel, dès l’instant où les conditions étaient présentes pour réunir les dossiers de l’appelant et, parallèlement, pour rejeter sa requête en séparation des procès, sa Déclaration jugée libre et volontaire pouvait légalement servir à le contre-interroger aux fins d’apprécier globalement sa crédibilité[64].

[81]      Et si, pour une raison qui m’échappe, l’appelant voyait dans cette conséquence inéluctable une possible atteinte à un droit protégé ou encore une entorse aux règles de common law en matière de déclaration extrajudiciaire, voire une transgression à la Loi sur la preuve au Canada[65], il devait alors se manifester lors du procès en ayant recours au véhicule juridique approprié pour soutenir le bien-fondé de son opposition tout en assumant le fardeau associé à cette démonstration.

[82]      En somme, le déroulement du procès fait voir trois choses : 1) la Déclaration a servi uniquement, et dans les limites du droit applicable, à ce pour quoi le poursuivant s’était engagé avant le procès, c’est-à-dire à tester la crédibilité de son auteur; 2) l’appelant ne s’est pas opposé aux questions du poursuivant portant sur cet aspect de la preuve; et 3) il n’est pas revenu sur cette question lors de ses plaidoiries écrites soumises en première instance. J’en déduis que l’appelant n’a subi aucun préjudice et que le Tribunal de première instance est demeuré compétent pour trancher les infractions dont il était saisi[66].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...